B. UNE IMPLICATION JUDICIAIRE TARDIVE RÉVÉLATRICE DE BLOCAGES À SURMONTER

Il faut d'abord s'étonner des délais nécessaires à l'intervention des services judiciaires dans cette affaire.

Il est possible que le dépaysement de Nice vers Paris sur lequel le rapport de notre collègue de l'Assemblée Nationale s'interroge justement, y ait été pour quelque chose.

Mais c'est plutôt le choix d'inscrire l'action judiciaire dans le prolongement du contrôle fiscal qu'il faut envisager en même temps que le manque de moyens disponibles pour réaliser les enquêtes et une circonspection rencontrée dans des affaires analogues (l'affaire UBS) qu'on retrouve moins dans d'autres cas judiciaires.

Sur le plan judiciaire, le faible nombre des affaires transmises doit être mentionné : 50 dossiers pour un nombre théorique de 6 399 personnes (6 313 personnes physiques et 86 personnes morales), soit un taux de judiciarisation de 7,8 %.

On prétend que la menace d'une enquête judiciaire aurait pu exercer un rôle de persuasion envers les contribuables. Il est difficile de le vérifier en l'espèce puisque le nombre des contribuables « en dénégation » ressort comme particulièrement élevé. Selon les chiffres cités il serait de l'ordre de 524 soit un tiers des dossiers traités. On relève que le niveau des « dénégations » est particulièrement élevé dans le cadre des contrôles sur pièces (35 %) mais qu'il est aussi très conséquent dans les ESFP (32 %).

Ces constats conduisent à appeler l'attention sur la nécessité urgente de régler les obstacles juridiques liés au statut des preuves apportées en procédure, pudique de nombreux contribuables paraissent compter sur les fragilités de ce statut pour faire obstacle à la régularisation de leur situation fiscale sur les conseils très déterminés de leurs avocats.

La justice a été saisie dans le cadre de deux procédures distinctes : la procédure ordinaire qui passe par un dépôt de plainte examiné par le CIF ; la procédure d'enquête sans contrôle fiscal préalable.

Cette procédure créée par la loi de finances rectificative pour 2009 mobilise la « police fiscale ». Elle permet à l'administration fiscale de déposer plainte sur le sel fondement de présomptions caractérisées lorsqu'il existe un risque de dépérissement des preuves et pour les cas de fraude complexe avec par exemple des comptes ouverts dans des pays n'ayant pas conclu de conventions d'assistance prévoyant l'échange de renseignements fiscaux . La CIF intervient mais dans le cadre d'une procédure spécifique sans information du contribuable. Une fois la plainte déposée l'enquête peut être confiée à la police fiscale par le Procureur ou par le juge d'instruction. Cette police est constituée de la BNRDF mise en place fin 2010. Elle dispose de moyens renforcés d'enquête par rapport à ceux de l'administration fiscale.

Les 50 enquêtes confiées à la BNRDF porteraient sur des avoirs dissimulés de l'ordre de 310 millions d'euros, soit 6,2 % des avoirs estimés. Ce chiffre n'est pas totalement fiable à l'évidence puisqu'aussi bien les sommes potentiellement en jeu dans des enquêtes judiciaires dépassent sans doute de beaucoup celles qui ont pu être identifiées à partir de la considération des seuls enjeux fiscaux.

En réalité, le croisement des informations laissent présager que les enjeux judiciaires d'ordre monétaire pourraient être considérablement plus élevés que ceux évoqués.

Le choix de trier les saisines à partir de la considération des enjeux fiscaux telle qu'elle se forme dans le sein de l'administration fiscale ressort comme problématique puisqu'aussi bien ce réflexe fiscal conduit à mésestimer l'hypothèse, que la réalité semble confirmer de son côté, qu'il n'y a pas de correspondance nécessaire entre les perceptions du fisc et la réalité des enjeux, même quand on se limite aux enjeux financiers, des affaires.

Par ailleurs, il est regrettable que la BNRDF doive gérer la rareté : rareté des moyens, champ de ses investigations, compétences fiscales et surtout financières...

Enfin, la répartition des affaires entre les enquêtes préliminaires et les instructions confiées aux juges d'instruction fait ressortir la prédominance des premières ce qui peut poser problème au regard des conceptions respectives sur les implications de leurs statuts par ces magistrats.

Pour finir sur cette dimension, il est regrettable que le Parquet ait mis tant de temps à réagir sur le volet de l'affaire concernant la banque elle-même.

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