N° 212

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 décembre 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur les violences sexuelles faites aux femmes lors des conflits armés ,

Par Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente , M. Roland Courteau, Mmes Christiane Demontès, Joëlle Garriaud-Maylam, M. Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Chantal Jouanno, Françoise Laborde, Gisèle Printz, vice-présidents ; Mmes Caroline Cayeux, Danielle Michel, secrétaires ; Mmes Maryvonne Blondin, Nicole Bonnefoy, Corinne Bouchoux, M. Christian Bourquin, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, Laurence Cohen, MM. Gérard Cornu, Daniel Dubois, Mmes Marie-Annick Duchêne Jacqueline Farreyrol, M. Alain Fouché, Mmes Catherine Genisson, Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-François Husson, Mmes Christiane Kammermann, Claudine Lepage, Valérie Létard, Michelle Meunier, Sophie Primas, Laurence Rossignol, Esther Sittler et Catherine Troendlé.

AVANT-PROPOS

Lors de sa réunion du 3 octobre 2013, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a décidé, dans la perspective de la journée du 25 novembre dédiée aux violences faites aux femmes, d'aborder en 2013 le thème des violences sexuelles - viols, grossesses forcées, stérilisation forcée, mutilations, esclavage sexuel - dont sont victimes les femmes lors des conflits armés .

La délégation a ainsi souhaité donner un signal fort de son implication à toutes les associations qui oeuvrent sur le terrain pour améliorer la situation des femmes dans les territoires en guerre ; elle a aussi voulu montrer sa détermination à faire cesser les violences particulièrement graves dont les femmes sont victimes lors des conflits et des guerres.

Ce n'est donc pas un hasard si ce travail a commencé le 21 novembre 2013, à une date proche de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes .

Ce n'est pas un hasard non plus si le présent rapport est rendu public au moment du vingtième anniversaire de la déclaration de l'ONU sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, adoptée par l'Assemblée générale le 20 décembre 1993 : ce texte constate la particulière vulnérabilité des « femmes dans les zones de conflit armé » et aborde toutes les formes de violence dont les femmes sont victimes, et notamment les violences sexuelles.

C'est au moment du conflit en ex-Yougoslavie qu'a été révélée l'utilisation de « viols de masse » dans le cadre d'une stratégie globale de purification ethnique . Les viols suivis de grossesses forcées, l'internement des victimes dans des « camps de viols », les mutilations et les tortures sexuelles ont eu pour but d'affecter la « capacité de reproduction » de la communauté ennemie 1 ( * ) .

Au Rwanda, l'intégration des viols de masse dans une stratégie d'extermination ethnique a pris une dimension nouvelle avec la contamination des victimes de viols par le virus du SIDA.

Ces violences particulières du temps de guerre faites aux femmes font l'objet - et c'est une source de satisfaction certaine - d'une prise de conscience croissante de la communauté internationale : depuis 2000, plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU leur ont été consacrées ; leur condamnation est sans réserve.

Malgré ces avancées indéniables, ces atrocités continuent toutefois à faire des ravages , en Afrique notamment , et l'impunité des bourreaux semble la règle .

Cette situation conduit à s'interroger sur la fatalité des viols subis par les femmes du fait des conflits armés . De fait, un rapport de l'ONU publié en 1998 2 ( * ) souligne que le viol aurait, à travers les siècles, été considéré comme un des aspects du butin des armées, voire comme un moyen de maintenir le moral des troupes. Peut-on lutter contre ce qui pourrait apparaître comme une loi de la guerre ?

La délégation a consacré à ces interrogations cinq réunions successives, trois de ces réunions ayant pris la forme de tables rondes.

Le 21 novembre 2013, des acteurs de terrain et des témoins ont été réunis pour un état des lieux des violences faites aux femmes dans les territoires en guerre.

Deux réunions, les 28 novembre 2013 et 5 décembre 2013, ont concerné la mise en oeuvre par la France de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU, texte fondateur qui aborde dans leur spécificité les conséquences de la guerre pour les femmes, et appelle au développement de la participation des femmes aux processus de paix. La délégation a reçu des représentants du ministère de la défense puis Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie.

Le 5 décembre 2013, la délégation a entendu le point de vue des historiens et anthropologues sur la question de l'utilisation des violences sexuelles comme armes de guerre.

Le 12 décembre 2013, des représentants d'organisations humanitaires ont exposé les difficultés rencontrées sur le terrain par les soignants qui tentent de porter secours aux femmes victimes de ces violences intolérables.

La délégation a ainsi été en mesure d'entendre des témoignages bouleversants et parfois insoutenables des atrocités vécues par les victimes de ces violences dans de nombreux pays ravagés par des conflits armés.

Elle a acquis la certitude, au cours de ces réunions et tables rondes, que la lutte contre les viols et les violences sexuelles commises lors de conflits armés n'était pas séparable de la lutte contre toutes les violences faites aux femmes et qu'elle est une part essentielle, en temps de guerre comme en temps de paix, du combat pour l'égalité entre hommes et femmes.

Les informations recueillies au cours de ces réunions, dont ce rapport présente la synthèse, montrent que les violences sexuelles commises lors des conflits armés ne sont pas une fatalité contre laquelle la communauté internationale serait sans ressources : le viol et les violences sexuelles peuvent cesser d'être des armes de guerre.


* 1 Véronique Nahoum-Grappe, La purification ethnique et les viols systématiques. Ex-Yougoslavie 1991-1995 , Clio. Histoire, Femmes et société, 5 (1997) ; Le viol comme instrument de guerre et d'extermination , CNRS, Guerre(s) et paix, N°2, 2 ème trimestre 2004.

* 2 Sexual violence and armed conflict : United Nations response , avril 1998.

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