B. LES DEUX PROJETS DE DIRECTIVES

À trois mois d'intervalle, la Commission européenne a publié deux projets de directives :

- la proposition du 17 octobre 2012 modifiant la directive 1998 sur la qualité des carburants et la directive de 2009 relative à la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ;

- la proposition du 24 janvier 2013 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants de substitution, qui fait suite à la seconde communication mentionnée ci-dessus.

Il s'agit de textes formellement distincts, dont la discussion législative se poursuit en parallèle, mais dont l'objet partiellement commun oblige à considérer l'une dès lors que l'on examine l'autre. D'ailleurs, chacun des deux textes traite des biocarburants, l'un à titre principal, l'autre de manière plus incidente. L'interférence entre les deux démarches est étroite au point que l'avis rendu par la commission de l'agriculture et du développement rural sur le second texte pourrait tout aussi bien s'appliquer au premier, à un détail près : la commission de l'environnement (ENVI) est compétente au fond pour la proposition de directive du 17 octobre 2012, alors que celle du 24 janvier 2013 incombe principalement à la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE).

1. La directive CASI

Le texte du 17 octobre 2012 porte principalement sur le changement dans l'affectation des sols indirect (CASI), dans le prolongement de la communication faite en 2010, où la Commission européenne avait identifié incertitudes et limitations associées aux modèles quantitatifs disponibles.

Tirant les conclusions des travaux scientifiques sur les émissions de gaz à effet de serre générées par les changements dans l'affectation des sols en fonction des matières premières, la Commission propose de limiter la contribution des biocarburants conventionnels à la réalisation des objectifs de la directive sur les énergies renouvelables : tout en conservant les objectifs globaux en matière d'énergie renouvelable et de réduction des émissions de gaz carbonique, la Commission propose de limiter à 5 %, jusqu'en 2020, le volume des biocarburants conventionnels comptabilisés dans l'objectif d'énergies renouvelables à pour le secteur des transports, lui-même fixé à 10 % à horizon 2020.

En outre, les installations de biocarburants construites à compter du 1 er juillet 2014 devront réduire d'au moins 60 % les émissions de gaz à effet de serre.

Parallèlement, les États membres devront notifier les émissions estimées découlant des changements dans l'affectation des sols indirect, afin d'en préciser l'ampleur et les conséquences pour une prise en compte après 2020.

Un mécanisme d'incitation fondée sur des comptages doubles ou quadruples est proposé pour encourager une utilisation accrue des biocarburants avancés qui ne créent pas de demande supplémentaire de terre. Enfin, la Commission propose de simplifier le calcul de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les producteurs européens de biocarburants, afin d'éviter une distorsion de concurrence avec les producteurs des pays tiers.

Enfin, les investissements déjà réalisés seraient protégés jusqu'en 2020, toute subvention ultérieure devant disparaître sauf en cas de réduction importante des émissions des gaz à effet de serre, effet CASI inclus.

2. La directive sur les infrastructures

La proposition de directive du 24 janvier 2013 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants de substitution a un objet complémentaire de la précédente, puisqu'elle concerne non la production, mais la distribution de carburants propres, avec un accent mis sur toutes les sources d'énergies autres que les biocarburants, dont il est tout de même noté qu'il importe d'assurer leur « caractère durable ». Les carburants de substitution mentionnés à titre principal dans ce texte peuvent être classés en deux catégories :

- ceux dépourvus de liens inévitables avec les hydrocarbures ;

- les hydrocarbures rarement utilisés.

L'hydrogène et l'électricité sont dépourvus de liens inévitables avec les hydrocarbures.

À propos de l'électricité, la Commission a proposé que les prises dites « de type 2 » servent de standard commun dans toute l'Europe.

L'hydrogène reste peu utilisé comme carburant dans les automobiles, l'Allemagne, le Danemark et l'Italie étant les principaux utilisateurs de cette ressource, utilisée à plus faible échelle dans 11 autres États membres. La Commission propose de relier les stations existantes pour former un réseau doté de normes communes.

Produit par électrolyse de l'eau, l'hydrogène permet d'utiliser l'énergie intermittente produite par la filière éolienne ou photovoltaïque afin d'obtenir un carburant automobile utilisable à la demande. D'autre part, lorsque la production d'hydrogène, de formule chimique H 2 , est située près d'une source importante de CO 2 , il est possible d'obtenir les conditions de la réaction chimique :

CO 2 + 2 H 2 --> CH 4 + O 2,

permettant d'obtenir du méthane et de l'oxygène en captant le gaz carbonique. L'oxygène peut être valorisé, par exemple à des fins médicales, alors que le méthane est une autre source d'énergie utilisable notamment par des centrales électriques à gaz. On produit ainsi de l'électricité à la demande en partant d'une ressource intermittente. Lorsque cette électricité recharge des batteries de véhicules électriques, éoliennes et cellules photovoltaïques combinent leurs effets avec la captation de CO 2 pour faire rouler des voitures ! Bien sûr, la combustion du méthane produit à son tour du gaz carbonique, mais pratiquement sans émission de gaz à effet de serre dans l'obtention du méthane. Le bilan carbone de l'électricité produite est nul, puisque le gaz carbonique rejeté par la centrale est identique à celui capté antérieurement.

Les autres carburants alternatifs dont la disponibilité est traitée par le projet de directive sont le gaz naturel liquéfié ou comprimé, ainsi que le gaz de pétrole liquéfié. Il s'agit exclusivement d'hydrocarbures.

Le gaz naturel liquéfié ou comprimé est employé dans les transports maritimes ou fluviaux, mais la Suède est le seul État membre disposant d'une installation destinée aux navires de mer. La Commission propose que les stations de ravitaillement soient installées dans les 139 ports du réseau central transeuropéen de transport, d'ici 2020 dans les ports maritimes et d'ici 2025 dans les ports fluviaux.

Ne disposant que de 38 stations de ravitaillement au sein de l'Union européenne, le gaz naturel liquéfié pour poids-lourds ne joue actuellement qu'un rôle marginal. La Commission propose d'installer des stations de ravitaillement tous les 400 kilomètres, le long des routes du réseau central transeuropéen de transport.

Pour décupler d'ici 2020 l'usage par les voitures du gaz naturel comprimé, soit un passage de 0,5 % à 5 % de la flotte, la Commission propose que des points de ravitaillement répondant à des normes communes soient disponibles dans toute l'Europe à des intervalles ne dépassant pas 150 kilomètres. Aucune disposition n'est prévue pour le gaz de pétrole liquéfié (GPL), son infrastructure de base paraissant suffisante à la Commission.

La proposition du 24 janvier 2013 tend ainsi à compléter celle du 17 octobre 2012 en précisant comment il peut être possible d'obtenir 10 % d'énergie renouvelable dans les transports tout en plafonnant à 5 % la part du seul biocarburant véritablement disponible à cette échéance.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page