QUATRIÈME TABLE RONDE :
QUELS REGARDS DES PATIENTS ET DES ASSOCIATIONS DE MALADES ?

M. Alain Claeys, député. Nous abordons cette quatrième table ronde. Le regard des patients et des associations de malades est un élément important par rapport à tous les sujets que nous avons pu aborder. Avant d'en débattre, nous avons cinq interventions.

Mme Martine Bungener, directrice de recherche au CNRS, économiste, présidente du GRAM, groupe de réflexion avec les associations de malades de l'INSERM . Je voudrais remercier l'Office parlementaire d'avoir demandé au GRAM et à l'INSERM de l'aider à monter cette table ronde.

C'est absolument essentiel d'avoir du temps pour donner la parole aux patients et à leurs associations, d'autant que même si depuis ce matin j'ai entendu, et nous avons entendu, plusieurs fois et avec une grande compétence évoquer les patients et leurs besoins, il me semble que c'était avec le filtre de chacun des intervenants et de sa propre position. On constate des décalages sur lesquels il est important de revenir.

Je suis moi-même chercheur en sciences sociales, et très contente de présider le GRAM, lieu de débats. Je veux que ce temps de parole soit d'abord pour les associations, et je me permets juste d'introduire cinq thématiques très rapidement. Elles sont importantes non seulement pour les patients, mais aussi plus largement pour l'ensemble de la société, et elles réclament une certaine vigilance sociale. On a beaucoup évoqué ce matin des transformations, des changements de paradigme, de modèle économique, et il est donc absolument important que l'ensemble des citoyens soit partie-prenante de ces changements. Une des fonctions des associations de patients sur ce type de thème est de pouvoir exercer cette vigilance sociale dont elles sont en partie les garantes, mais aussi de les associer pour imaginer et mettre en place les formes nécessaires de régulation et de transparence dont nous allons avoir besoin.

Juste avant de revenir très rapidement sur ces cinq thèmes, je vais me permettre cette fois en tant que chercheur, à titre personnel, d'évoquer deux points concernant les propos que j'ai écoutés ce matin.

Un premier point concerne cet appel à la nouveauté que je viens moi-même de reprendre. Il me semble que sur un certain nombre d'éléments comme la protection des données, les transformations des pratiques ou de l'organisation des soins, il faut se garder d'être dans un modèle de "tout est nouveau", de rupture totale. Nous ne sommes pas vraiment dans un modèle de rupture, mais au contraire on observe des permanences à propos des questions posées, des enseignements à tirer et des éléments, certes exacerbés, mais sur lesquels il existe déjà des réflexions. Il ne faudrait pas faire table rase de tout cela, tout recommencer, mais regarder un peu en arrière. Il y a des choses qui existent et doivent être améliorées, des choses qui ont déjà été mises en place, sur lesquelles il faudrait sans doute faire un bilan critique. Prenons quand même le temps de le faire, et je ne vais pas le prendre là, mais il faudra sans doute en rediscuter. En tout cas, des orateurs et des intervenants, d'autres acteurs sociaux disent : « oui, il y a un certain nombre de choses qui existent déjà dans notre pays, et sur lesquelles on peut bâtir cette nouveauté », sans nécessairement repenser, remettre sur le chantier des acquis, en perdant sans doute beaucoup de temps. C'est vrai sur les enjeux économiques notamment, mais aussi sur les enjeux sociaux et politiques.

Le deuxième point était pour évoquer l'histoire que Philippe Amouyel nous a racontée ce matin au sujet des dirigeants, qui eux-mêmes ont eu l'occasion de faire faire le séquençage de leur génome et de se rendre compte qu'ils avaient éventuellement une prédisposition à une maladie. Á un moment il a très précisément évoqué un de ces dirigeants, qui disait "mais moi, je veux savoir". Donc ce dirigeant plaidait pour ce droit au savoir, et le Pr Amouyel nous a expliqué que la personne en question avait entrepris de changer son mode de vie pour tenir compte des prédispositions que son génome lui avait révélées. Mais je voulais demander en tant qu'économiste et sociologue : aujourd'hui face à cette « révolution » médicale qui se dessine, qui parmi nos concitoyens a vraiment la possibilité de changer fondamentalement son mode de vie ? Nous sommes face à des inégalités de positions. Il ne suffit pas simplement de changer un comportement. Cela a été dit plusieurs fois mais je pense qu'il faut le redire, nos concitoyens, dans leur grande majorité, ne sont pas nécessairement en position de changer fondamentalement leur mode de vie, même s'ils apprennent quelque chose sur un risque potentiel. Politiquement, socialement, éthiquement, c'est un point qu'il ne faut absolument pas perdre de vue. Et il faudra penser aussi aux moyens sociaux d'accompagnement de ce changement s'il est nécessaire.

Très rapidement je vais juste repointer les cinq enjeux que j'ai évoqués tout à l'heure, qui je pense vont être repris par l'ensemble des associations.

Le premier enjeu, on l'a évoqué plusieurs fois, est celui qui concerne finalement ces questions de nom ou de mot. On a parlé de médecine personnalisée, aussi de médecine de prévision, de tout ce qui gravite autour de cette notion de médecine personnalisée et de tous les malentendus qu'elle peut générer. Mais à l'inverse, je veux aussi pointer l'enjeu, et cela a aussi été beaucoup discuté, que de toute façon cette médecine va s'exprimer sous forme de probabilité. Qui est apte aujourd'hui pour traiter ce type d'information ? Comment feront les médecins eux-mêmes, quelle capacité auront-ils à traiter cette information ? Les associations de malades ont un rôle à jouer, et on l'a vu dans d'autres situations, pour justement aider à traiter cette information et à la diffuser. On est bien là dans une dimension qui doit mobiliser l'ensemble des associations, qui s'inscrit dans leurs fonctions. Informer les malades, elles en ont les compétences, elles savent le faire.

Le deuxième enjeu est double. Selon les pathologies et leurs formes, il concerne la précision individuelle ou par sous-groupe du diagnostic et du pronostic d'une part, et l'adaptation plus fine des traitements pharmacologiques, des thérapies ciblées notamment pour les cancers, d'autre part. Non seulement les malades ont des choses à dire sur ces aspects, mais également les associations ont véritablement une fonction et des capacités pour socialement répondre à ces questions, qui incluent celle de la cohésion des groupes de malades ou celle de leur division potentielle. Des patients qui, avant, travaillaient ensemble, discutaient ensemble, vont se trouver peut-être dissociés. Certains auront des traitements, d'autres pas, d'autre des pronostics différents. C'est un enjeu important, il faut y réfléchir.

Bien entendu, il est important de reprendre aussi l'enjeu des coûts et de ces nouveaux marchés de recherche de médicaments. Il ne faut pas oublier que les associations sont des groupes de pression, et elles se feront entendre. On l'a redit tout à l'heure à la fin de la table ronde précédente, oui, le modèle d'aujourd'hui n'est sûrement pas le modèle de demain, et il va bouger, parce que les citoyens auront aussi des volontés de le faire bouger.

Le quatrième enjeu est celui des nouvelles dispositions et des nouvelles procédures que ces avancées entraînent pour la recherche clinique, et notamment bien sûr pour l'implication des patients dans ces processus de recherche, avec la rédaction de protocoles et de consentements. C'est l'enjeu de l'alimentation de grosses bases de données. Là aussi le nombre de patients à inclure sera différent et là aussi les associations vont avoir une fonction à jouer.

Enfin, dernier enjeu, on l'a beaucoup évoqué, je me permets juste de le reprendre. C'est bien sûr la question de la protection de toutes ces données. Dans le contexte actuel, on le sait tous, la façon de faire confiance à la médecine et à la recherche est déjà assez ébranlée, a subi beaucoup de coups ces dernières décennies. Il y a eu des crises sanitaires, des crises de recherche.

Le GRAM milite depuis sa création pour montrer que le dialogue avec les associations est vraiment une partie prenante de la reconstruction de ces mécanismes de formation de la confiance collective vis-à-vis de la recherche et de la médecine, et nous sommes aujourd'hui face à un enjeu majeur avec les nouveaux traitements et ces nouvelles formes de médecine.

Mme Catherine Vergely, secrétaire générale de l'Union des parents d'enfants atteints de cancer et de leucémie (UNAPECLE). Merci de nous permettre à nous association de parents de prendre la parole aujourd'hui. Comme je suis la première à parler en tant qu'association de patients, je souhaite à ce titre tenter de vous faire part de la perception sociétale de tous les propos très savants et des quelques erreurs que nous avons entendus depuis ce matin, et je me permettrai de faire des recommandations très pratico-pratiques, ce qui changera un peu.

Tout d'abord l'Union nationale des parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie se préoccupe depuis plus de vingt ans de l'amélioration des traitements, et notre évolution à nous a eu lieu, puisque nous sommes passés de 25 % de guérison à plus de 80 % pour nos enfants, ce qui pour nous a été, parents et associations impliquées, quelque chose de très important. Nous avions anticipé en tant que parents, puisque nous sollicitions le plus souvent les médecins, non seulement sur les avancées, mais aussi la qualité de vie de nos enfants pendant et après les traitements, ce que nous retrouvons aujourd'hui probablement dans la médecine personnalisée.

Une étude récente de l'INSERM montre que ces enfants vivant aujourd'hui, guéris depuis plus de vingt ans quelquefois, rencontrent des difficultés importantes dans leur vie sociale et dans l'acceptation de leur guérison par la société. C'est par ce biais que je vais entrer dans la médecine personnalisée.

En effet depuis de nombreuses années nous connaissons l'impact de l'information, traitée mal ou bien, sur la vie de nos enfants. Dans le carnet de santé il suffit d'avoir quelques indications de maladies, pour s'apercevoir que ces enfants ne sont pas intégrés dans certains systèmes collectifs, qu'ils ne sont pas pris en charge par certaines écoles, même si les lois existent, et que certains postes professionnels ne leurs sont pas accordés. De plus, Il y a encore des surtaxes dans les assurances, malgré toutes les lois et les procédures mises en place par nos élus.

Comment se présente aujourd'hui la médecine personnalisée pour ces enfants atteints de cancer, et surtout quelles sont ses spécificités par rapport à ce que l'on a entendu sur le cancer de l'adulte ?

Pour les enfants atteints de cancer et pour leurs parents, la médecine personnalisée est un grand espoir, comme pour tous les parents dont les enfants sont malades, et qui n'ont pas forcément un traitement qui marche à 100 %. Cet espoir ne se situe pas du tout sur l'avancée ou l'efficacité des traitements, que nous avons déjà en partie résolues, mais surtout sur la qualité de vie durant la maladie et après la maladie. C'est cela qui est essentiel pour nous. Lorsque les parents évoquent cette efficacité, c'est toujours pour les 15 ou 20 % d'enfants qui n'ont pas encore de traitement. Là, nous rejoignons d'autres parties de la pédiatrie où il n'y a pas de traitement efficace.

Dans le cancer de l'enfant, la médecine personnalisée est déjà en place. Comme on vous l'a rabâché depuis ce matin, les tumeurs sont maintenant typées. Mais il faut considérer également la protection et la qualité de vie. Il faut que vous sachiez qu'un garçon et une fille avec la même maladie ne sont pas traités de la même façon tout simplement parce qu'ils sont un garçon et une fille, et je n'ai pas besoin d'un test génétique pour le savoir. La qualité de vie de ce garçon ou de cette fille va être modifiée par le traitement, notamment dans sa stérilité, ou au contraire sa possibilité de procréer. C'est important déjà de penser que la médecine personnalisée est en place, qu'elle est essentielle, car elle va déterminer tout l'avenir de nos enfants.

Si l'on pousse un peu plus loin la médecine personnalisée dans ce qui reste toujours le cancer de l'enfant, avec une étude plus précise du génome, alors les grandes inquiétudes pour les familles apparaissent.

Inquiétude immédiate, d'abord, sur les répercussions directes sur les parents et la fratrie, avec une culpabilité exacerbée pour les familles. Les parents ont peur de ce qui va se passer, car malgré tout ce que vous pensez, ils sont suffisamment pertinents pour penser que le gène n'est pas seul en cause et que peut-être des comportements, voire de l'épigénétique, sont importants dans l'arrivée de la maladie. Ils sont tout à fait conscients que le génome en lui-même ne suffit pas. Il existe ensuite une inquiétude à long terme, sur l'utilisation des données et leur protection. Les parents ont une expérience négative dans ce domaine, mais surtout, et je ne l'ai pas beaucoup entendu aujourd'hui, ils n'ont pas systématiquement confiance dans les institutions de recherche, qui sont très avides de données et d'accumulation de résultats, ni dans les institutions de contrôle dont ils ont déjà perçu les failles à différents niveaux, et où le citoyen n'a pas l'opportunité de jouer toujours un contre-pouvoir. Nous avons vu tout à l'heure l'assurance maladie conditionnelle. C'est un élément essentiel. L'on sait très bien que des enfants ayant été malades, ou des enfants de fratrie dont une soeur ou un frère ont déjà été malades, ont une épée de Damoclès sur leur vie sociale puisqu'on les met dans des catégories à risque.

J'en viens à mes quatre recommandations pratico-pratiques, comme je l'ai déjà dit.

D'abord nous ne réinventons pas la roue. Il existe des modèles adaptables. Utilisons par exemple les avancées des sciences humaines et sociales concernant certaines maladies, et aussi la médecine personnalisée existante destinée à des patients qui ne sont pas malades génétiquement, et appliquons-les dans les maladies génétiques.

Ensuite utilisons les Plans maladies rares dans l'application de la médecine personnalisée, ce qui permettrait peut-être d'inventer des modèles économiques pertinents où l'ensemble des acteurs seraient mis autour d'une table en tant que citoyens et professionnels, pour en discuter.

Il ne faut pas informer le malade, il faut former le citoyen, et pas seulement dans la connaissance scientifique, mais aussi dans son esprit critique afin qu'il soit inclus dans les différentes étapes de décision, et qu'il ait une vision pertinente de son acceptation en tant que malade dans une société et dans des choix qu'on lui offre. Il faut respecter le citoyen et ses décisions. Il est absolument indispensable de l'intégrer dans l'ensemble des instances de stratégie et de décision de médecine et de recherche d'une façon globale, et de la médecine personnalisée plus particulièrement. J'ai entendu parler des bonnes pratiques depuis ce matin. Je n'ai pas perçu la présence de patients, bien qu'ils aient des représentants, dans l'acceptation de ces bonnes pratiques, alors que toutes les institutions se sont cependant concertées.

Enfin, il faut sûrement repenser plus précisément les conséquences sociétales des données acquises dans la médecine personnalisée, notamment pour les enfants. Il ne faut pas multiplier les risques de perturber leur futur, leur vie sociale. Nous demandons donc que dans ce cadre, les enfants devenus adultes soient consultés sur l'utilisation des données accumulées pendant leur enfance, qui leur reviennent. Ce n'est pas parce que des parents ont pris à un moment des décisions pour eux, que ces enfants n'ont pas le droit à l'oubli dans un certain nombre d'éléments, qui sont finalement leur vie personnelle.

Je vous rappelle que la loi Huriet-Sérusclat, mais également la déclaration d'Helsinki, précisent que l'intérêt général ne doit jamais dans la recherche prendre le pas sur l'intérêt individuel.

Mme Laurence Tiennot-Herment, présidente de l'AFM-Téléthon (Association Française contre les Myopathies). Je suis présidente de l'AFM-Téléthon. De par le rôle atypique que notre association a joué dans le domaine de la recherche, et aussi sur la partie médicale et sociale, j'apporterai sans doute une vision particulière. En effet, nous avons pu avec les moyens du Téléthon engager un milliard d'euros dans la recherche depuis sa première édition, donc en 27 ans, et 660 millions d'euros dans l'aide aux malades. Cela nous a fait jouer un rôle important notamment à travers les laboratoires que nous avons pu créer, Généthon, I-Stem, Atlantic Gene Therapies, Institut de myologie, laboratoires dans lesquels la gouvernance majoritaire est donnée aux malades et aux parents de malades.

Les maladies rares rentrent complètement dans la thématique de la thérapie ciblée. Elles sont des maladies modèles à différents niveaux :

car les malades et les parents sont des experts d'expérience de ces maladies. Puisqu'il y avait assez peu de connaissances dans le domaine, ils sont allés les chercher. L'expérience est venue de leurs propres enfants et de leurs propres malades ;

car elles ont nécessité un décloisonnement, un changement de paradigme et un changement de modèle. II a fallu innover. Comme il y a 27 ans on disposait de très peu de connaissances dans le domaine des maladies rares, il a fallu construire des solutions. Nous ne pouvions pas mettre nos pas dans ceux de quelqu'un d'autre.

Les maladies rares sont au nombre de 6 à 8 000, et concernent trois millions de personnes en France, je le rappelle. Elles sont modèles sur plusieurs axes : la génétique, le diagnostic, l'organisation des soins, une prise en charge médicale adaptée, un accompagnement personnalisé, le développement clinique et les premières thérapies ciblées. Elles sont à plus de 80 % d'origine génétique et cela a donné lieu à des découvertes nombreuses. En 1986 on connaissait six gènes à l'origine de maladies rares, et aujourd'hui plus de 3 800. Un vrai bouleversement s'est opéré en ce domaine. Au cours de cette période sont apparus le séquençage à grande échelle, à haut débit et les bio-banques. On voit par ailleurs émerger depuis ces dernières années des bases de données cliniques/génétiques, extrêmement importantes, notamment pour identifier les bonnes cohortes de patients pour les thérapies ciblées qui commencent à naître aujourd'hui.

Sur l'aspect génétique, je donnerai juste une alerte. Il est important que la France retrouve son leadership dans le domaine du séquençage à haut débit. Cela a été largement évoqué par les experts pendant cette journée.

J'évoquais le diagnostic, car pour les maladies génétiques il est important d'avoir un bon diagnostic, et qu'il y ait transfert du diagnostic recherche vers le diagnostic hospitalier. C'est crucial, indispensable. Il faut connaître la maladie très précisément pour avoir une prise en charge médicale adaptée et une médecine préventive adaptée dans certaines maladies.

Par exemple, il y a 25 ans on connaissait environ 20 myopathies. Maintenant on sait qu'il existe 250 formes différentes, autant de gènes différents en cause, et alors qu'on parlait à l'époque d'une myopathie des ceintures, on a identifié aujourd'hui près de 30 sortes de myopathies des ceintures. Dans ces dernières, certaines nécessitent une surveillance cardiaque particulière, et il faut connaître le gène très exactement en cause pour l'assurer. Le diagnostic est donc crucial. Mais pour bénéficier des thérapies ciblées, il faut non seulement savoir quel type de maladie est en cause, mais il faut aussi connaître le type de mutation ou de délétion dans la maladie. Même dans une maladie rare il y a des sous-groupes de maladies. Par exemple dans la myopathie de Duchenne, on sait qu'on trouve des patients candidats au saut de codon stop ou au saut d'exon, etc. Dans ces maladies on doit connaître la bonne mutation. L'alerte sur la partie diagnostic concerne l'accès au diagnostic pour que les actes soient correctement codifiés et les patients bien remboursés. C'est un problème que nous rencontrons.

Une meilleure organisation des soins a permis d'augmenter l'espérance de vie de 15 à 20 ans dans certains cas chez les patients atteints de maladies rares. Dans les consultations pluridisciplinaires, le patient est au centre, et les professionnels exerçant différentes compétences médicales sont autour. Il ne faut pas que le patient aille voir d'un côté l'orthopédiste, de l'autre le neurologue, le cardiologue, etc. Cela a nécessité forcément une nouvelle organisation des soins, la mise en place de consultations pluridisciplinaires, qui ont été reconnues. Ces consultations pluridisciplinaires ont donné lieu à la naissance des premiers centres de référence et des centres de compétences maladies rares. Dans ces centres de référence, coexistent les trois axes indispensables que sont le diagnostic, la prise en charge et la recherche. Après les centres de références on espère demain, dans le cadre du Plan national maladies rares n° 2, la création des premières filières de santé maladies rares par grands groupes de maladies. Cette organisation des soins qui place le malade au centre avec les compétences autour implique une organisation des soins particulière. Et dans l'alerte que je donne, au-delà des filières de santé qui doivent se mettre en place, des guides de bonnes pratiques sont nécessaires.

Un autre point concerne l'accompagnement personnalisé et l'approche globale de la personne. À plusieurs reprises j'entendais cet après-midi l'évocation du parcours de soins. Je dis qu'il ne faut pas que ce soit seulement un parcours de soins, mais un parcours de santé avec une approche globale de la personne, du médical au social, avec des référents parcours de santé pour qu'il n'y ait jamais d'exclusion du patient de son parcours de santé. Cela peut avoir bien sûr un intérêt au-delà des seules maladies rares. Á l'heure des déserts médicaux, si l'on est dans cette logique de réorganisation du parcours de santé avec un accompagnement personnalisé et un référent parcours de santé, c'est aussi une solution pour bon nombre de maladies chroniques.

L'alerte que je donne concerne un nouveau modèle fondé sur l'organisation des soins, un meilleur accompagnement personnalisé, avec une approche globale, d'autant plus, comme le disait Catherine Vergely tout à l'heure, que l'on voit certains patients exclus de ces thérapies ciblées, ou victimes de la problématique de l'annonce du diagnostic. Il faut vraiment qu'il y ait cet accompagnement personnalisé.

Le développement clinique pour les maladies rares montre l'exemple, car leurs thérapies ciblées doivent être efficaces. Je reprends ce que disait le Professeur Thomas Tursz tout à l'heure, quand il évoquait le fait que pour les maladies fréquentes, le ratio de succès des essais clinique est de seulement 10 %. C'est une réalité. Pour les maladies rares, 10 % seulement de ratio de succès est impossible car nous n'avons pas assez de patients. Dans certaines de ces maladies, si dix essais sont lancés et qu'un seul débouche sur un traitement, ce ne sera pas possible. Donc il faut vraiment que ce développement clinique soit particulier, spécifique, adapté, efficace ce qu'il commence à être dans le cadre des maladies rares. Cela nécessite un développement préclinique adapté de la qualité du développement clinique « traditionnel », c'est-à-dire intégrant l'objectif d'efficacité dès le début de l'essai clinique.

Les maladies rares donnent naissance, avec ces premières thérapies ciblées, à de vraies innovations de rupture, à partir de thérapies géniques, de l'ARN, cellulaires. Á chaque fois on le constate, ces innovations de rupture, bien sûr sont efficaces pour des petites populations dans des maladies rares, mais peuvent également s'appliquer à différentes maladies rares, et aussi être des innovations pour des maladies fréquentes.

Je prends un exemple. Le saut de codon stop est une stratégie thérapeutique qui va permettre de sauter une mutation stop dans un gène et rétablir ainsi le cadre de lecture. Je ne suis pas scientifique et les scientifiques me contrediront éventuellement. En tout cas, cette approche thérapeutique est intéressante pour tous les patients qui ont une myopathie de Duchenne avec un codon stop. Mais elle peut l'être parfois aussi dans la mucoviscidose où certains patients ont également une mutation à codon stop. On y voit aussi un intérêt en oncologie, et dans les maladies infectieuses. Ces innovations de rupture sont intéressantes pour des petites catégories de patients dans les maladies rares mais elles auront un intérêt pour plusieurs maladies rares, voire pour des maladies fréquentes, et l'on assiste à l'émergence d'une nouvelle génération de médicaments à partir de ces thérapies ciblées, innovantes nécessitant aussi la construction d'un nouveau modèle économique pour ces médicaments innovants.

Le prix du médicament a été beaucoup évoqué tout à l'heure, avec parfois une confusion entre la règlementation autour du médicament orphelin et le prix du médicament. Le prix du médicament orphelin n'a rien à voir avec la règlementation européenne sur ce type de médicament. Il est fixé, comme pour tout médicament, après discussion entre l'industrie pharmaceutique et les autorités compétentes.

En tant qu'association participant à la gouvernance d'un laboratoire associatif, Généthon, pour lequel nous pensons que, dans les jours qui viennent, nous allons pouvoir annoncer publiquement son statut d'établissement pharmaceutique, car maintenant la loi le permet, nous pensons construire le prix du médicament innovant sur son coût : le coût de développement, de production.... C'est sans doute différent des pratiques actuelles. Cela doit être envisagé, un prix juste et maîtrisé du médicament, davantage basé sur le coût, et en toute transparence, plutôt que sur les seuls critères sur lesquels il est basé actuellement.

En tant que représentante des malades et des familles, je souhaite qu'à tous les niveaux dans cette chaîne de santé, du diagnostic jusqu'au prix du médicament, les patients soient présents en tant que « partenaires ».

M. Yann Le Cam, directeur général d'EURORDIS (Organisation européenne des maladies rares), vice-président du Comité d'experts sur les maladies rares (EUCERD). J'ai le plaisir de présenter la perspective des associations et des patients au niveau européen. EURORDIS représente 585 associations et considère représenter 25 millions de personnes atteintes par une des 4 000 maladies rares, parmi les 6 000 qu'évoquait Laurence Tiennot-Herment tout à l'heure. J'essaierai aussi de partager avec vous la perspective des comités experts européens et notamment de l'Agence Européenne des Médicaments et du Comité Experts sur les Maladies Rares en charge de l'organisation des soins européens, auquel j'ai le plaisir d'appartenir.

Mon exposé contiendra trois parties. J'aimerais contribuer à la clarification des concepts, qui ne se révèlent pas si clairs au cours de cette audition, entre médecine personnalisée, médecine stratifiée, et médicaments orphelins, car nous intervenons souvent dans le cadre de débats comme celui-ci, mais au niveau européen. Il existe même une plate-forme européenne sur les thérapies personnalisées dont EURORDIS fait partie.

De notre point de vue, la médecine personnalisée est prise au sens d'un produit de santé spécifique à une personne. Nous serons dans cette situation extrêmement rarement, dans le cadre d'une thérapie génique ou cellulaire dans un avenir proche, mais cela concernera peu de situations scientifiques et médicales et ne suppose pas une grande adaptation du système de soins en général. Généralement, ces traitements seront curatifs. Cette médecine personnalisée n'aura pas un grand impact budgétaire sur les budgets de santé. Elle en a un, mais généralement en situation curative.

En revanche dans la médecine stratifiée, nous sommes dans une tendance lourde, issue des progrès de la génomique et des thérapies ciblées sur des sous-populations de patients, avec une fragmentation de certaines maladies fréquentes, à commencer par les cancers, mais pas seulement. En font partie également les troubles de comportement et de l'apprentissage. La médecine stratifiée peut concerner autant les maladies fréquentes que rares.

C'est cette contre vérité que je voudrais aborder et aimerais que l'on ne mélange pas les deux. Dans les maladies rares, Laurence Tiennot-Herment l'a dit, si l'on prend la mucoviscidose, un médicament comme le Kalydeco concerne une mutation spécifique (ESSID) dans cette maladie qui comprend 1 800 mutations. On est déjà dans le cadre d'un traitement stratifié de la mucoviscidose, qui ne s'applique pas à une autre maladie pour l'instant, en l'état de la connaissance.

La médecine stratifiée peut concerner un nombre de patients parfois élevé. Pour prendre un autre exemple, pour les mutations non-sens, des médicaments sont en cours de développement. Si je prends l'exemple de l'Ateluren, si la preuve de concept est faite dans la myopathie de Duchenne et dans la mucoviscidose, il est vraisemblable qu'il s'appliquera sur 50 ou 60 maladies, car cette petite molécule agit selon le même mécanisme d'action dans ces différentes maladies. Il n'y aura pas besoin vraisemblablement d'aller jusqu'à l'AMM pour chaque nouvelle maladie, mais plutôt de procéder à la démonstration par des essais cliniques progressifs transversalement pour chacune de ces 60 indications. Il est actuellement discuté au sein de la Food and Drug Administration américaine (FDA) et de l'Agence européenne de pouvoir le faire en abordant globalement cette population sur une mutation non-sens, concernant différentes maladies. Nous sommes sur des concepts vraiment nouveaux, et nous ne parlons plus de populations rares, mais de l'agrégat de populations rares qui devient alors plus large, presque fréquent.

Dans le binôme produit de santé-population cible qu'évoquait tout à l'heure Laurent Degos, le lien est le mécanisme d'action plutôt que la maladie ciblée. Il faut bien faire ces différences.

Dans le médicament orphelin en revanche, le point de départ est une maladie, que l'on appelle une condition dans les textes européens, c'est-à-dire un ensemble de symptômes avec une histoire naturelle de cette maladie, en se plaçant du point de vue du patient et de la clinique. Ce n'est vraiment pas la même chose que de considérer le mécanisme d'action comme dans la situation précédente du stratifié. Nous sommes là sur des prévalences bien définies, 5 sur 10 000 au niveau européen, c'est-à-dire 1 sur 2 000, ou moins de 30 000 personnes en France.

La conclusion sur ces trois concepts est qu'ils ne sont pas équivalents, et je voudrais insister sur le fait qu'ils ne se superposent pas, mais qu'en revanche ils ont des intersections.

Je voudrais aussi apporter une précision supplémentaire, c'est qu'aux États-Unis l'an dernier, en 2012, 39 médicaments ont eu une autorisation de mise sur le marché. Deux-tiers de ces médicaments étaient soit orphelins, soit stratifiés, en cancérologie. On n'est donc pas dans la science-fiction ni dans des problèmes de demain, mais dans des situations que l'on sait traiter aujourd'hui, et sur lesquels existent des concepts assez aiguisés.

Le deuxième aspect de ma présentation est de parler de l'impact sur le règlement européen des médicaments orphelins, puisqu'on a tendance à dire que l'arrivée de ces médecines personnalisées ou stratifiées va le faire exploser. Nous ne le pensons absolument pas, d'abord grâce aux clarifications de concepts que j'espère vous avoir apportées précédemment, mais aussi parce que l'enjeu n'est pas l'existence de ce règlement, mais la façon dont on l'applique. Et le fait d'être bien centré sur la façon dont on définit une condition, et de ne pas partir uniquement sur des mécanismes d'action, peut être travaillé dans le cadre du règlement actuel.

J'ai déjà dit tout à l'heure dans le débat que nous ne sommes pas non plus face au tsunami de médicaments orphelins que certains annoncent. Des éléments chiffrés et validés le montrent à partir de l'analyse des désignations orphelines et des AMM depuis le début des législations américaines et européennes ; cette analyse a été réalisée par EURORDIS avec la FDA et l'Agence européenne des médicaments (EMA). Depuis huit ans, ce modèle mathématique fonctionne aux États-Unis comme en Europe, nous sommes sur un schéma prédictif pour les cinq à dix ans qui viennent, de 8 à 12 médicaments orphelins par an, puis sur le marché si les conditions restent constantes.

Pour conclure sur cet aspect-là, nous pouvons considérer qu'il faut ajuster la politique des médicaments orphelins en fonction de l'évolution de la connaissance scientifique, dans la pratique notamment du Comité des médicaments orphelins. Mais cela ne justifie pas de remettre en cause le règlement lui-même.

Les vrais enjeux sont plutôt en amont et en aval de ce règlement, et ce sera ma dernière partie. J'insisterai sur trois principaux enjeux.

Le premier, en amont, est celui de concrétiser pour les personnes malades l'espoir issu des progrès scientifiques. Nous ne refusons pas d'avancer, nous ne pensons pas à toutes les raisons de ne pas développer ces médecines personnalisées ou stratifiées, par peur de leur énorme coût, mais nous cherchons plutôt les conditions d'une translation de la connaissance scientifique vers les applications thérapeutiques, c'est-à-dire que nous créons les conditions d'une accélération de la durée de la recherche scientifique. Cela peut être fait notamment grâce aux outils informatiques, mais aussi avec les nouveaux design dits adaptifs d'essais cliniques, des approches statistiques différentes, adaptives elles aussi avec les méthodes séquentielles, bayésiennes, etc., qui sont encouragées par l'Agence Européenne des Médicaments, et encore sous-utilisés. Il est également possible de réduire les coûts du développement clinique, notamment en faisant appel à des alternatives de modèles animaux ou aux biomarqueurs.

Dans une conférence récente qui s'est tenue à Dublin sous la présidence de l'Union européenne, première conférence du Consortium international de recherche sur les maladies rares, plusieurs interventions ont démontré que les coûts de développement, en utilisant ces différentes méthodologies existantes, sont 10 à 30 fois inférieurs à ce qu'ils étaient ces dix dernières années, et que l'on entre dans une toute autre économie de ces médicaments.

L'idée est d'offrir au malade et à la société une autre perspective que celle proposée aujourd'hui. Cette dernière soutient que chaque nouveau médicament coûte de plus en plus cher à cause des règlementations qui rendent plus coûteux son développement, mais aussi implique un nombre décroissant entre les candidats au moment de la preuve de concept et le nombre de produits atteignant la mise sur le marché. Il faut plutôt envisager de faire différemment dans les vingt prochaines années que dans les 40 dernières, et plein d'opportunités existent pour offrir un espoir aux malades.

Le deuxième enjeu principal, qui va au-delà du règlement sur les médicaments orphelins, concerne les modalités d'autorisation de ces nouveaux traitements.

Je voudrais insister sur une notion, celle de la prise de risque. Nous considérons que la façon dont les agences réglementaires de médicaments fonctionnent, au niveau européen comme au niveau national, tend à protéger leurs responsabilités ainsi que les élus politiques, plutôt que de servir les patients et la santé publique. Bien sûr, on me l'opposera, cela dépend de quel médicament l'on parle, dans quelle maladie. Effectivement, si l'on est au dixième produit pour l'hypertension, certainement les risques pour la population doivent être regardés de très près, la prise de risque doit tendre vers zéro. En revanche, dans le cas de maladies rares ou non rares, mais sévères, débilitantes, avec une menace pour la survie, l'appréciation n'est pas la même, et les patients sont prêts à prendre plus de risques que ces agences. Et c'est leur droit à la vie. Ce n'est pas iconoclaste de le dire, c'est une tendance lourde des discussions au niveau européen, et c'est le sens de mon propos.

Notamment, une nouvelle perspective s'ouvre, celle de la mise sur le marché progressive « l'accès progressif aux patients », à la fin de phases 2, à partir d'essais cliniques sur un petit nombre de patients. Elle ferait l'objet d'un encadrement très strict de la prescription, en milieu hospitalier, où progressivement serait augmenté le nombre de patients recevant ce traitement. Les conditions économiques de remboursement par les systèmes de santé nationaux s'appliquent dans ce cas dès cette mise sur le marché précoce, ce qui décroît tout de même le coût de développement, et la prise de risque pour l'industriel. Cela génère en échange une collecte de données beaucoup plus importante sur la sécurité et l'efficacité de ces traitements en situations de vie réelle et permet de définir leur véritable valeur ajoutée et leur place dans les stratégies thérapeutiques. Nous plaidons vraiment en faveur de cette approche qui nous semble être parfaitement adaptée non seulement à la problématique des médicaments orphelins actuels mais plus globalement à celle des médecines stratifiées ou personnalisées.

J'ajoute que c'est un domaine au niveau européen très actif actuellement. Il y a des réunions pratiquement chaque mois à l'Agence européenne des médicaments ou ailleurs pour mettre en place ces nouveaux dispositifs. Et EURORDIS est très engagé sur ce dossier.

Sur cette question de l'AMM, je voudrais ajouter qu'il existe trois enjeux.

L'un concerne l'appréciation du bénéfice-risque au stade de l'AMM. Nous sommes en faveur de la participation des patients à cette évaluation, car ils sont les premiers concernés, notamment dans les maladies sévères. Elle doit être rigoureusement encadrée, en pensant d'abord à l'intérêt des personnes malades.

Aux États-Unis les lois ont complètement changé, on n'en a pas encore pris suffisamment conscience en Europe et notamment en France. Les lois adoptées en 2012 changent complètement le paradigme de la prise de risque à la FDA, et l'on attend d'en voir l'impact en Europe.

Un autre enjeu concerne la continuité de collecte des données de sécurité et d'efficacité avant et après l'AMM. Nous sommes à présent dans un continuum. On ne peut plus continuer à opposer avant et après l'AMM. Il faut collecter les données en situation de vie réelle, et avoir une approche plus globale du cycle de vie d'un médicament. Enfin, de manière à mieux répondre aux besoins de santé non satisfaits et à réduire les incertitudes sur ces traitements, le dialogue continu est nécessaire entre les agences réglementaires du médicament, la Haute autorité de santé (HAS) et les payeurs, tout au long du développement du produit.

Le troisième et dernier enjeu que l'on identifie est celui de l'accès au traitement. Aujourd'hui la question n'est pas celle de la valeur du médicament, mais plutôt celle de la capacité à financer, pour le système de santé, ces nouveaux traitements ciblés, qu'ils soient personnalisés ou stratifiés. Pour cela, notre réponse est de promouvoir une nouvelle approche : plutôt plus d'Europe que moins d'Europe. Pas de repli national pour réfléchir sur de toutes petites populations, très souvent sans avoir l'expertise sur ces maladies ou sur la valeur de ces produits, mais plutôt de travailler au niveau européen, où l'on trouve une masse critique de patients pour avoir des données suffisantes, et une mutualisation des expertises pour réaliser les évaluations collectives.

La suite logique de cette coordination au niveau européen est d'avoir des discussions entre la valeur du médicament, le nombre de patients à traiter dans une indication précise - certainement plus restreintes que les indications thérapeutiques actuelles - de parler de volumes, et de lier le prix à la collecte des données post-AMM, c'est-à-dire à la création de connaissances et de niveau de preuves pour réduire les incertitudes. À ce moment-là nous aurons un nouveau modèle économique qui permettra de baisser le prix du médicament, et donc de le rendre plus finançable par les systèmes de santé. Ce que l'on veut offrir c'est le bon traitement, au bon patient, au bon moment, et à un prix plus juste et durablement finançable par la société

Mme Christine Pezel, secrétaire générale de l'association Vaincre la mucoviscidose. Mon intervention va être assez courte car au fur et à mesure des heures, elle a été un peu vidée de son contenu. Beaucoup de choses ont été dites, et surtout au moment des dernières interventions. J'ai une réflexion toute personnelle sur la place qui est accordée à cette table ronde, en fin de journée, intitulée : « quel regard des patients et des associations de malades sur la médecine personnalisée ? »

Une première audition avait eu lieu en mars, qui a réuni des scientifiques autour des pathologies, des technologies, etc . Et depuis ce matin, beaucoup de scientifiques se sont exprimés, laissant peu de place pour les patients, et en l'occurrence pour les associations.

Ce que j'exprime présente beaucoup de similitudes avec ce qui a été dit par Laurence Tiennot-Herment sur les maladies rares. Comme les myopathies, la mucoviscidose est un modèle pour l'expérimentation de la médecine ciblée. C'est une maladie génétique avec un dysfonctionnement de la protéine CFTR, où le génotype du malade permet de prévoir ce que sera le dysfonctionnement de la cellule. Il existe un registre national de la mucoviscidose qui existe depuis 20 ans aujourd'hui et recense 95 % des patients atteints de cette maladie, ce qui était un atout majeur pour une thérapie ciblée. La preuve en a été faite tout récemment.

L'organisation de soins spécifiques est nécessaire. Les centres de compétence avec leur caractère multidisciplinaire permettent une prise en charge globale et un parcours de soins facilité pour le patient. Sans aucun doute, cela a été dit par Didier Tabuteau tout à l'heure, des évolutions des structures de soins seront nécessaires. Il a parlé d'évolution technique, mais également de nouveaux métiers. Il faudra augmenter la formation des médecins, veiller à ce qu'il y ait une place réelle pour les sciences humaines et sociales et également une prise en compte de l'aspect psychologique.

En ce qui concerne la recherche j'adhère à ce qui vient d'être dit. C'est ce qui est réalisé par l'association « Vaincre la mucoviscidose » : à savoir être partie prenante d'une recherche tant au niveau français qu'européen et international. L'intérêt d'une telle démarche est une évidence aujourd'hui.

Pour notre part, nous préférons le terme de médecine adaptée à celui de médecine personnalisée, adaptée au patient, avec un traitement ciblé, même si l'individu est inclus dans un groupe.

Bien sûr pour les patients et les familles concernés par la mucoviscidose, cette médecine personnalisée représente un espoir : cela a été indiqué par l'orateur précédent, tout récemment en 2012 une molécule appelée Kalydeco a été mise sur le marché et profite à des patients atteints de mucoviscidose pour une mutation bien précise, qui concerne assez peu de malades, mais constitue un espoir important, d'autant plus que des essais cliniques vont démarrer pour une autre mutation beaucoup plus répandue.

Une remarque sur le petit nombre de patients et la petite population : c'est parfois difficile à entendre, et les deux orateurs précédents l'on dit, parfois des pathologies peu répandues peuvent profiter à d'autres qui sont plus importantes. Il ne faut pas cloisonner des objectifs communs.

Ces nouvelles molécules coûtent cher, la médecine personnalisée va peut-être coûter plus cher dans un premier temps. Mais il faut savoir dépenser davantage pour, à terme, réaliser des économies.

Page mise à jour le

Partager cette page