II. DES OUTILS DE PROTECTION DU PATRIMOINE NATUREL MONTAGNARD MULTIPLES ET EFFICACES

A. LES DISPOSITIFS GÉNÉRAUX

1. L'insertion des zones de montagne dans la Trame verte et bleue
a) Les objectifs de la Trame verte et bleue

La Trame verte et bleue est l'une des mesures phares du « Grenelle de l'environnement » qui s'est déroulé en 2007. Elle a pour ambition d'enrayer le déclin de la biodiversité en reconstituant un réseau écologique cohérent afin de permettre aux espèces animales et végétales de circuler, de s'alimenter, de se reproduire, de se reposer... En d'autres termes, d'assurer leur survie.

Concrètement, elle vise à la préservation et à la restauration des « continuités écologiques » qu'elle répertorie pour constituer un réseau, à l'échelle du territoire national, composé à la fois d'espaces terrestres et de cours d'eau (d'où l'appellation de « Trame verte et bleue »), qui comprend des « réservoirs de biodiversité » reliés entre eux par des « corridors écologiques » :

- les réservoirs de biodiversité sont des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche, ou la mieux représentée, où les espèces peuvent accomplir leur cycle de vie et où les habitats naturels peuvent remplir leurs fonctions en ayant une taille suffisante. Ainsi définis, les réservoirs de biodiversité abritent des noyaux de populations d'espèces à partir desquels les individus se dispersent, ou sont susceptibles de permettre l'accueil de nouvelles populations d'espèces. De manière prioritaire, ils comprennent tous les espaces protégés, mais aussi tous les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité ;

- les corridors écologiques sont des espaces linéaires ou discontinus qui assurent des connexions entre les réservoirs de biodiversité, en offrant aux espèces des conditions favorables à leurs déplacements et à l'accomplissement de leur cycle de vie.

b) Une articulation en trois niveaux

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle II », précise l'organisation de la Trame verte et bleue, qui s'articule en trois niveaux successivement emboités :

- au niveau national, les « orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques » ont été élaborées et viennent d'être approuvées par le décret en Conseil d'État n° 2014-45 du 20 janvier 2014. Les documents de planification et les projets relevant de ce niveau, notamment les grandes infrastructures linéaires de l'État et de ses établissements publics, doivent être compatibles avec ces orientations nationales ;

- au niveau régional, l'État et les régions sont engagés dans la co-élaboration des « schémas régionaux de cohérence écologique » (SRCE), qui doivent tenir compte des orientations nationales et devraient tous aboutir d'ici 2015 ;

- au niveau local, les documents de planification et les projets des collectivités territoriales, comme ceux de l'État, doivent prendre en compte les SRCE. En application de cette obligation, les initiatives locales se multiplient et les SCoT ou PLU sont de plus en plus nombreux à intégrer l'enjeu des continuités écologiques lors de leur adoption ou révision.

c) Une insertion de la montagne essentielle mais parfois délicate

En principe, les zones de montagne apparaissent comme un élément essentiel de la Trame verte et bleue, dans la mesure où elles abritent une richesse en biodiversité supérieure à celle de la plupart des autres zones du territoire et où elles sont en général moins peuplées, donc moins soumises à la « pression anthropique ». Elles sont ainsi de nature à abriter en grand nombre des réservoirs de biodiversité, à la fois vastes et très diversifiés, riches d'espèces menacées ou endémiques.

Mais, en pratique, les territoires de montagne ne s'insèrent pas si facilement dans la Trame verte et bleue. En effet, celle-ci a été conçue pour préserver la biodiversité dans des territoires urbains ou ruraux très fortement marqués par la présence de l'homme. Or la logique de continuité écologique, qui relie des réservoirs de biodiversité par des corridors de biodiversité, n'est pas vraiment adaptée aux zones de montagne.

La question des corridors se pose essentiellement pour ceux qui relient les sous massifs, en traversée de certaines vallées fortement urbanisées et aménagées. Par exemple, entre les massifs de la Chartreuse et des Bauges, qui constituent des réservoirs de biodiversité, il est essentiel de créer un corridor qui puisse les relier entre eux, en passant dans la cluse de Chambéry, fortement anthropisée. Cependant, à l'échelle supérieure de l'ensemble du massif alpin, ces deux sous-massifs de la Chartreuse et du Vercors, plus faiblement urbanisés, peuvent constituer également des corridors pour certaines espèces, comme le tétras lyre, par exemple. Ils jouent ainsi un double rôle, à la fois de réservoirs et de corridors. La logique de la Trame verte et bleue doit donc revêtir, en montagne, des aspects différents selon l'échelle territoriale et les espèces prises en compte.

Proposition n° 7 : au sein de la Trame verte et bleue, identifier dans les territoires de montagne des zones « mixtes », susceptibles d'être considérées à la fois comme réservoirs de biodiversité et comme corridors de circulation.

2. La mise en oeuvre du réseau Natura 2000 en montagne
a) Une forme d'espaces protégés plus fréquente en montagne

La directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 sur la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats », a pour objectif de contribuer à la préservation de la diversité biologique du continent européen, principalement par la constitution d'un réseau écologique intitulé « Natura 2000 » de sites constituant les habitats naturels d'espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire.

Alors que la mise en oeuvre de la directive « Habitats » semblait mal engagée à l'époque de la rédaction du rapport d'information sénatorial de 2002 sur le bilan de la loi Montagne, et que la France avait déjà fait l'objet à deux reprises d'actions en manquement de la part de la Commission européenne, la situation s'est depuis bien détendue. Aujourd'hui, le réseau Natura 2000 français, dont le zonage a certes duré très longtemps, est considéré comme complet par la Commission, pour sa part terrestre. La priorité est désormais de réussir la gestion de ce réseau : c'est-à-dire la restauration des habitats dégradés, d'une part, leur valorisation, d'autre part.

Les surfaces classées Natura 2000 sont, proportionnellement, plus fréquentes et plus étendues en zones de montagne qu'ailleurs. Les parcs naturels régionaux constituent, d'ailleurs, un bon support pour l'animation du réseau Natura 2000, dans la mesure où leurs deux principaux objectifs sont de valoriser le patrimoine naturel et de concilier sa préservation avec le développement économique.

b) Une difficulté de financement

Actuellement, la difficulté est de trouver les fonds nécessaires aux actions de restauration, de sensibilisation et de mise en valeur des sites Natura 2000. Faute de financement, certains sites se trouvent « orphelins », parce qu'il n'est plus possible de rémunérer le personnel qui devrait en assurer la gestion. Au niveau national, les dotations budgétaires disponibles sont de l'ordre de 60 millions d'euros chaque année, imputables à parts égales sur les budgets du ministère de l'écologie et du ministère de l'agriculture.

En effet, près de 40 % des sites Natura 2000 se trouvent en zone agricole. Les risques afférents sont ceux d'une dégradation du site par une intensification de sa mise en valeur agricole ou, au contraire, de l'abandon de l'exploitation du fait d'un excès de protection.

Vos rapporteurs considèrent, néanmoins, que la nature agricole d'un site Natura 2000 représente une opportunité de solliciter des financements communautaires complémentaires pour sa mise en valeur, dans le cadre des « mesures agroenvironnementales territorialisées » (MAET) prévues par la politique agricole commune. Il leur semble donc très opportun de mettre en place ce type de mesure financée sur fonds communautaire, chaque fois que possible. Sur la période 2007-2013, les montants engagés au titre des mesures agro-environnementales (FEADER et Ministère de l'agriculture) représentaient en moyenne un peu moins de 100 millions d'euros par an, et il est prévu, pour la période 2014-2020, de doubler ces engagements financiers.

Proposition n° 8 : recourir aux financements communautaires complémentaires prévus dans le cadre de la politique agricole commune, en généralisant dans les sites Natura 2000 les « mesures agroenvironnementales territorialisées ».

Toutefois, ces compléments de financement communautaires ne constituent qu'une partie de la solution et ne sont pas disponibles hors des zones agricoles. Compte tenu de la modestie des crédits budgétaires au niveau national, ce sont les collectivités territoriales qui supportent l'essentiel de la charge financière des sites Natura 2000. Or, celle-ci peut être lourde pour une commune petite par sa population, mais au territoire étendu et de grand intérêt au regard de la directive « Habitats », ce qui est le cas de beaucoup de communes de montagne.

Afin de faire mieux prendre conscience, par les élus et par les populations, de l'intérêt de la faune et de la flore protégées dans le cadre du réseau Natura 2000, vos rapporteurs estiment que la réalisation, par les communes, d'atlas de la biodiversité répertoriant les richesses présentes sur leur territoire constitue une première étape à forte valeur pédagogique, au-delà de sa valeur scientifique propre.

Proposition n° 9 : inciter les structures intercommunales à réaliser des atlas communaux de la biodiversité, afin de faire connaître la richesse de la faune et la flore à protéger.

Mais cette première étape ne saurait suffire. Il conviendrait de régler également le problème que pose aux communes le fait que les terrains classés Natura 2000 sont exonérés de taxe sur le foncier non bâti (TFNB). Le taux du remboursement par l'État aux communes des exonérations de TFNB existantes ayant été progressivement réduit, jusqu'à atteindre 51 % seulement en 2013, les communes de montagne qui ont à la fois beaucoup de terrains classés Natura 2000 et une TFNB importante se trouvent en difficulté financière. Cette érosion des recettes fiscales concerne, notamment, les communes dotées d'importantes forêts domaniales.

Une solution simple consisterait à supprimer l'exonération de TFNB pour les terrains situés en zone Natura 2000. Toutefois, vos rapporteurs estiment préférable de rétablir, dès que possible, la compensation intégrale par l'État, qui n'est pas contestée dans son principe, mais n'a été rognée qu'en raison de pures considérations d'économies budgétaires.

Proposition n° 10 : rétablir la compensation intégrale par l'État des pertes de recettes de taxe sur le foncier non bâti subies par les communes au titre de l'exonération des terrains situés en zone Natura 2000.

De manière générale, vos rapporteurs estiment nécessaire de renforcer la péréquation financière et fiscale au bénéfice des communes ayant des territoires à haute valeur environnementale, qui sont souvent relativement démunies. Ce serait une manière de donner un contenu très concret au principe, souvent affirmé, mais plus rarement mis en oeuvre, de  rémunération des « aménités naturelles » apportées gratuitement par un environnement préservé aux populations urbaines qui le fréquentent.

Cette logique est déjà celle qui inspire la dotation « coeur de parc », qui vient majorer la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes qui se trouvent en tout ou partie incluses dans le coeur d'un parc national. L'attribution de cette dotation est fonction de la part du territoire de la commune comprise dans le coeur de parc, cette part étant doublée pour le calcul de la dotation lorsque la superficie du parc dépasse 5 000 kilomètres carrés. Vos rapporteurs estiment que cette modulation positive de la DGF devrait ne pas être réservée au seul cas des parcs nationaux, mais s'appliquer aux autres formes d'espaces protégés de nature réglementaire, tels que les sites Natura 2000 ou les réserves naturelles nationales.

Proposition n° 11 : étendre la majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en fonction des surfaces de la commune situées dans un parc national, à toutes les autres formes réglementaires d'espaces protégés.

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