(Mardi 4 février 2014)

Audition de M. Michel Aymeric, Secrétaire général de la mer

M. Serge Larcher , président

Monsieur le Secrétaire général de la mer, mes chers collègues, nous voilà aujourd'hui réunis pour procéder à une série d'auditions conclusives sur notre sujet d'étude relatif aux ZEE ultramarines et aux enjeux qu'elles représentent.

Je vous rappelle que nos trois rapporteurs sur cette étude sont M. Jean-Étienne Antoinette, sénateur de la Guyane, M. Joël Guerriau, sénateur de Loire-Atlantique, et M. Richard Tuheiava, sénateur de la Polynésie française.

Les derniers mois ont été riches en rebondissements sur les questions maritimes liées aux outre-mer, qu'il s'agisse du Livre blanc sur la défense, du récent travail du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'extension du plateau continental ou encore du Comité interministériel de la mer et des Assises de l'économie maritime des 3 et 4 décembre au cours desquelles le Premier ministre a annoncé la « remise à plat du droit relatif à l'espace maritime ».

Cette actualité, dont il nous faut intégrer la substance dans notre rapport, nous a conduits à organiser les auditions d'aujourd'hui et en premier lieu celle de M. Michel Aymeric, Secrétaire général de la mer, que nous avions entendu au début de nos travaux, avant la publication du Livre blanc.

Monsieur le Secrétaire général de la mer, nous souhaiterions que vous fassiez le point sur les moyens qui seront en définitive disponibles pour garantir la souveraineté française sur les vastes ZEE ultramarines et, plus précisément, sur les moyens et les actions concrètes envisagées pour la mise en oeuvre des orientations stratégiques tracées au mois de décembre par le Premier ministre. Nous souhaitons nous assurer que ces annonces ne se limiteront pas, une fois encore, au discours. Le temps est venu de ne pas seulement « glorifier » les potentiels des outre-mer mais d'en concevoir la valorisation concrète !

Notre secrétariat vous a fait parvenir une trame destinée à servir de fil conducteur à votre propos et à nos échanges ; ce document vient de vous être remis, mes chers collègues.

Monsieur le Secrétaire général de la mer, je vous cède la parole.

M. Michel Aymeric, Secrétaire général de la mer

Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation. Je vous propose, dans un premier temps, de vous resituer le contexte de l'action du CIMER et de la politique maritime.

En Europe, se met progressivement en place une politique maritime intégrée (PMI), avec la volonté de ne plus se borner à mettre en oeuvre des politiques sectorielles, par exemple une politique de la pêche, une politique du milieu naturel, une politique des transports, de la protection du littoral, mais de faire en sorte que ces politiques soient appréhendées dans une vision globale. M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux transports et à l'économie maritime, a indiqué à plusieurs reprises que la France s'inscrit tout à fait dans le cadre de cette politique intégrée.

Cette politique maritime intégrée est mise en oeuvre à travers plusieurs volets. On parlera d'énergie marine renouvelable, de protection de la pêche, des ressources halieutiques, de la recherche dans les grands fonds marins, de délimitation maritime et de souveraineté. C'est là que le rôle du secrétariat général de la mer, placé directement auprès du Premier ministre, est important, car il est chargé de coordonner l'ensemble de ces politiques maritimes, et notamment les sujets régaliens que je vais évoquer.

Le CIMER du 2 décembre 2013, puis le Premier ministre dès le lendemain lors des Assises de l'économie maritime et du littoral, ont insisté sur l'action indispensable de l'État, non seulement pour faire appliquer les lois, mais surtout pour favoriser le développement économique. La sécurisation des espaces, que ce soit sur le plan juridique - avoir des délimitations bien fondées -, sur le plan de la souveraineté - avoir des frégates, des vedettes ou des patrouilleurs là où cela est nécessaire -, doit être au service du développement économique, de la métropole comme des outre-mer. Je rappelle que 97 % des onze millions de km 2 de notre ZEE se situent outre-mer.

Le CIMER du 2 décembre a pris un certain nombre d'orientations, certaines dans la continuité du précédent qui s'était tenu en juin 2011 à Guérande, et d'autres, nouvelles.

Je précise que le Premier ministre nous a fait part de son intention d'organiser à l'avenir un CIMER au moins tous les deux ans, permettant ainsi de mieux faire avancer les dossiers.

La trame que vous m'avez proposée me suggère d'évoquer les espaces maritimes.

Plusieurs sujets sont inclus dans cette notion. Il y a d'abord un sujet général de définition. La convention de Montego Bay de 1982, ratifiée par la France en 1996, prévoit un certain nombre d'espaces. Or, en droit positif français, ces espaces sont définis dans des textes épars. Nous souhaiterions que l'ensemble des dispositions soient regroupées dans un même texte qui serait une loi sur les espaces maritimes. Le principe en a été acté lors du CIMER. Compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour législatif, il a été décidé de profiter du dépôt du projet de loi sur la biodiversité pour inclure dans celui-ci un article d'habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances sur les espaces maritimes. Le texte qui en résultera définira précisément la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental.

Le second sujet porte sur la délimitation qui a pour objectif de connaître précisément les espaces de chaque pays. C'est un sujet à la fois juridique, diplomatique et physique.

Il faut d'abord définir les lignes de base pour en déduire les différentes zones (mer territoriale, zone contiguë, ZEE). Dans le cas d'une mer ouverte, le travail est relativement aisé. Par contre, si nous prenons le cas de la métropole ou de certains outre-mer, la limite des 200 milles marins peut devenir source de controverses. À titre d'exemples, je vous citerai les débats entre la France et la Grande-Bretagne, l'Italie ou l'Espagne concernant ces délimitations dans le golfe de Gascogne ou le golfe du Lion. Il faut se livrer à un travail diplomatique mais aussi à un travail physique de recherche, notamment dans le cadre de l'extension du plateau continental.

Une fois ces étapes franchies, un premier décret définissant les lignes de base doit être pris et notifié aux Nations-Unies. Il est alors opposable aux pays tiers. Ensuite, il faut de nouveaux décrets pour définir les autres limites. Je vous ferai parvenir un tableau détaillant précisément, par zone, l'état d'avancement des différentes procédures.

Lors d'une récente réunion en présence de tous les ministères concernés, nous avons procédé à un recensement. Force est de constater que beaucoup de travail reste à faire. Nous nous sommes aperçus que parfois des cartes avaient été notifiées sans que les lignes de base aient été préalablement définies.

Pour la métropole, les délimitations physiques sont établies mais les décrets ne sont pas publiés. Pour la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, les décrets sont sortis et les lignes de base définies et notifiées. Pour la Guyane, les lignes de base sont connues mais n'ont pas été notifiées. Nous avons beaucoup de retard pour toute la zone du sud de l'Océan indien (La Réunion, les Îles Éparses de Tromelin, Europa,...), alors même que c'est une zone où il y a des enjeux importants et des conflits de souveraineté. Pour les Îles Kerguelen, Saint-Paul, Amsterdam, c'est en cours. Nous sommes à jour pour la Nouvelle-Calédonie. Pour Wallis-et-Futuna, les lignes de base sont définies mais le décret n'a pas été notifié. Contrairement à Clipperton, tout est réglé pour la Polynésie. Je vous ferai parvenir un tableau détaillé de l'avancement des procédures.

Je voudrais illustrer les difficultés en prenant l'exemple du canal du Mozambique, entre Madagascar et la côte du sud-est de l'Afrique. C'est une zone où vont s'effectuer de nombreuses recherches gazières et pétrolières, qui est également une zone de pêche. Lorsque l'on surprend un bateau, soit en position de pêche, soit en position de recherche sismique, il nous faut être certain d'être dans une zone française. L'an passé, un procès-verbal a été dressé lors du contrôle d'un chalutier dans les mers australes. Le bateau a été dérouté vers La Réunion. Depuis, les armateurs nous disent que nous étions hors ZEE française. Ce cas concret vous montre la nécessité d'avoir des limites bien définies.

Vous me demandez ce que recouvrent précisément les mesures annoncées, relatives au régime d'autorisation préalable des activités menées dans la ZEE. La réglementation applicable aux activités entreprises dans la ZEE est quasi inexistante. Le Gouvernement a la volonté de créer un régime d'autorisation, par exemple dans le cas de pose de pipe-line, de câbles, de création de plates-formes pour les énergies renouvelables, qui sera inclus dans le projet d'ordonnances.

Cette volonté de régulation a également pour but de mieux organiser la recherche scientifique marine et de s'assurer que les données collectées sont bien transmises à l'État ou à ses opérateurs, notamment le Service hydrographique et de la marine (SHOM), l'IFREMER ou Météo-France.

Le Gouvernement a préparé un projet de décret relatif à la recherche scientifique marine mais il y a un chaînage avec une disposition prévue dans la loi « biodiversité ». Une fois la loi « biodiversité » promulguée et l'ordonnance prise, le décret pourra être publié.

Votre question suivante porte sur le programme national de recherche et d'accès aux ressources minérales des fonds marins. Nous constatons l'empressement, l'appétit, de certains pays pour avancer dans la recherche des fonds marins. Des pays comme la Chine, l'Australie, le Royaume-Uni et l'Allemagne en Europe, ou le Brésil, ont des programmes de recherche dans les grands fonds. Vous connaissez l'argumentation traditionnelle : « les ressources à terre sont de plus en plus rares, leur exploitation de plus en plus difficile, il faut se tourner vers les fonds marins ». Toutefois, il faut être prudent. C'est techniquement compliqué et coûteux. Il faut que le prix des ressources devienne très élevé pour que la recherche sous-marine soit rentable. Il faut également ne pas avoir une vision égoïste et aveugle par rapport à l'environnement. Ces recherches devront se faire dans le respect des procédures et du milieu.

Nous devons garder présente à l'esprit l'existence d'un double régime juridique. Lorsque nous sommes dans la ZEE française, nous sommes libres de mener des recherches. Lorsque nous sommes dans la zone internationale, il faut saisir l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) qui siège en Jamaïque à Kingston.

La semaine dernière, avec tous les ministères concernés, nous avons mis en place une taskforce qui se réunira tous les six mois et s'occupera des fonds marins.

Nous sommes sur trois théâtres d'opération : Wallis-et-Futuna correspond au projet le plus avancé ; Clarion-Clipperton en mer internationale (nodules polymétalliques) pour lequel nous avons obtenu un permis en 2011, valable jusqu'en 2016 et éventuellement prolongeable ; et plus récemment au milieu de l'Atlantique, sur la ride médio-atlantique, nous avons obtenu un permis pour lequel il nous appartient de lancer une campagne de recherche afin de valider celui-ci. Demain, je rencontrerai M. Francis Vallat, le président du Cluster maritime français (CMF) et les représentants de plusieurs entreprises pour évoquer Wallis-et-Futuna. C'est l'IFREMER qui va signer une convention pour le compte de l'État avec l'AIFM. Nous travaillons à l'horizon 2020, 2025, voire 2040. L'évolution du prix des matières premières jouera un rôle important. C'est compliqué techniquement, mais l'intérêt pour la France est triple : disposant de la deuxième ZEE du monde, nous aurons des réserves chez nous ; nous avons des entreprises très pointues capables d'exploiter pour elles-mêmes ou pour d'autres ; ces entreprises peuvent exporter leur savoir-faire.

Monsieur le président, vous m'avez posé la question de l'extension du plateau continental. La convention de Montego Bay prévoit que, sous certaines conditions, il peut être étendu - de mémoire - de 150 nautiques supplémentaires à partir du droit de la ZEE s'il y a une continuité du fond géologique, sous réserve de l'accord d'un organisme onusien. Cette procédure peut prendre des années car une demande peut être contestée par un pays voisin qui établit un contre-dossier. Il faut alors un arbitrage. Nous vous enverrons la liste des projets d'extension du plateau continental.

Notre actualité, le Président de la République l'a rappelée, c'est Saint-Pierre-et-Miquelon. La France fera une demande d'extension. Le Canada a fait la même demande. Il y aura donc un sujet diplomatique entre nos deux pays.

Par ailleurs, l'extension de la ZEE française représenterait 1 500 000 km 2 supplémentaires. Il faut savoir qu'en faire...

Vous m'interrogez sur la sécurisation et la souveraineté des espaces maritimes. En France, la situation est compliquée car plusieurs administrations sont chargées de la police en mer. La France se caractérise par une mosaïque administrative : la gendarmerie, la police, les affaires maritimes, les douanes, la marine nationale. Toutes ces administrations concourent à des degrés divers à l'action de l'État en mer. À défaut d'autorité garde-côtes, une fonction garde-côtes a été créée en 2009 pour faire travailler ensemble ces divers services. Compte tenu de la tradition française, nous n'avons pas entrepris de les fusionner dans une seule administration. Nous avons mis en place une mutualisation des moyens, défini des pratiques similaires, créé un logo commun, le tout avec un exécutif commun qui est le comité directeur de la fonction garde-côte que je préside. Ce comité se réunit plusieurs fois par an avec le chef d'État-major de la marine, la directrice générale des affaires maritimes, et la directrice générale des douanes.

En tant que président du comité directeur, je n'ai pas de pouvoir budgétaire. Chaque administration est maîtresse de ses moyens - c'est l'esprit de la LOLF -, a ses propres objectifs et ses propres contraintes. Nous constatons qu'en période de contrainte budgétaire, nous avons plutôt du mal à renouveler les moyens et à les moderniser. Par ailleurs, le Livre blanc ne concerne que les moyens de la défense nationale ; il ne concerne pas ceux des Douanes.

Face à cela, nous avons des besoins immenses pour assurer notre souveraineté et l'application du droit dans notre ZEE. Toutefois, nous essayons d'avancer. Nous avons préparé le format global de la fonction garde-côtes qui est un genre de schéma directeur des moyens et fait en sorte que les capacités dont nous avons besoin soient présentes. Vous dire qu'à un instant « T », on y arrive toujours serait inexact. Mais les P400 vont être remplacés ; en Guyane, où l'on a d'énormes problèmes de contrôle des pêches, il y aura une barge remonte-filets supplémentaire ; dans l'Océan indien, le dispositif conventionnel du patrouilleur des affaires maritimes Osiris, exploité selon un partenariat public-privé, vient d'être renouvelé pour trois ans.

Le CIMER a décidé d'acquérir trois B2M qui sont des bâtiments multi-missions robustes, disposant d'une plate-forme pour l'accueil des hélicoptères, susceptibles d'assurer le contrôle des pêches, le secours aux populations et la logistique. L'un est destiné à la Polynésie, l'autre à la Nouvelle-Calédonie, le troisième aux Antilles. Une tranche conditionnelle d'un bâtiment supplémentaire est prévue.

Il est possible de réaliser des efforts de productivité. Il y a aussi des moyens aériens, notamment ceux de la Douane qui est en train de les renouveler dans leur quasi-totalité. Il est par ailleurs possible de faire appel à la sécurité civile, l'armée de terre ou de l'air dans le cadre de la mutualisation.

Nous disposons d'une vaste ZEE, la deuxième du monde. Elle crée des droits, des atouts, mais aussi des vulnérabilités. Nous devons être présents face à des États de plus en plus actifs. Au large de l'Afrique, dans la zone du canal du Mozambique, la Chine et l'Inde sont de plus en plus présentes.

Volontairement, je n'ai pas abordé le problème de la piraterie qui n'est pas le sujet de notre réunion.

M. Serge Larcher , président

Monsieur le Secrétaire général de la mer, nous vous remercions pour cet exposé très complet.

Mme Catherine Tasca

Vous nous avez dit que sur tel ou tel territoire le dossier de délimitation était bouclé et notifié. En quoi consiste cette notification ?

M. Michel Aymeric

La notification, déposée à l'ONU, a pour effet de rendre la délimitation opposable. Si quelqu'un est surpris à faire de la pêche clandestine au large de Crozet, la délimitation notifiée, et donc opposable, nous permet d'intervenir.

Mme Catherine Tasca

Les contestations sont-elles nombreuses ?

M. Michel Aymeric

Elles ne sont pas rares. Les cas où l'on prend un bateau en flagrant délit ne sont pas extrêmement nombreux. C'est aussi le jeu du « pas vu, pas pris ». Il y a de la pêche illégale qui n'est pas repérée.

M. Joël Guerriau , co-rapporteur

Votre intervention, synthétique, nous a éclairés sur un certain nombre de points. La ZEE française représente 11 000 000 millions de km 2 . Sur quelles bases ce chiffre a-t-il été déterminé ?

Nous avons reçu, dans le cadre de la commission des affaires étrangères et de la défense, le chef de l'État-major de la marine qui considère que, pour être efficace en termes de sécurisation et de protection, le contrôle supposerait l'utilisation de la totalité des moyens militaires français. Si vous confirmez cette analyse, sur quelles zones faut-il focaliser les moyens ?

La myriade d'intervenants comporte le risque d'une présence excessive ou insuffisante selon les zones. Une politique intégrée est nécessaire pour optimiser nos faibles ressources, financières et humaines.

M. Michel Aymeric

Il faut distinguer le travail de délimitation physique - les cartes marines existent - du travail juridique en amont de la procédure qui n'a pas été fait ou doit être précisé.

En ce qui concerne les moyens, il y a le souhaitable et le possible. Nous essayons de faire en sorte que ce qui est souhaitable soit possible. S'il a des défauts, le système français offre les avantages de la mutualisation. La même frégate peut se livrer au contrôle des pêches, participer à la lutte contre la pollution, mener des actions guerrières ou porter secours à un chalutier ou aux populations.

La redondance des moyens doit être relativisée car la coordination est organisée. En métropole, nous avons des préfets maritimes. Chacun d'entre eux est responsable d'une zone précise : celui de Cherbourg couvre une zone qui s'étend de la frontière belge au Mont-Saint-Michel ; celui de Brest couvre une zone du Mont-Saint-Michel à la frontière espagnole ; celui de Toulon contrôle de la frontière espagnole à la frontière italienne. Il y a un patron de tout l'opérationnel par zone. En outre-mer, le préfet est également « préfet, délégué du Gouvernement pour l'action en mer ». Il coordonne l'ensemble des moyens nautiques et aériens. L'ensemble est coordonné au niveau central par le Secrétaire général de la mer.

M. Jean-Étienne Antoinette , co-rapporteur

J'ai deux questions. L'une est dans le prolongement de la question de mon collègue : pourriez-vous nous préciser sur quelles bases vous décidez de mettre l'accent sur telle ou telle zone ? Quelles sont vos priorités : l'Atlantique, le Pacifique ?

Un rapport constatait en 2006 que les territoires d'outre-mer étaient peu tournés vers la mer alors que nous avons des taux de chômage relativement élevés. Les choses ont-elles évolué depuis ce rapport ? Quelles sont les politiques qui permettraient à nos territoires de profiter de leurs atouts ?

M. Michel Aymeric

Nous travaillons à partir des rapports des préfets et des préfets maritimes. Tous les deux ans, se tient une conférence maritime régionale. À cette occasion, nous examinons les sujets sur lesquels nous devons porter plus particulièrement notre attention. Pour la Guyane, la priorité est l'organisation de la filière pêche et la lutte contre la pêche clandestine. Le deuxième sujet important concerne les recherches pétrolières. Le troisième sujet concerne la réforme du port. Pour Mayotte, notre principal sujet de préoccupation concerne l'immigration clandestine. Il nous faut analyser, zone par zone, les besoins spécifiques.

En ce qui concerne l'emploi, vous avez raison, les populations sont souvent d'origine rurale, agricole, même si cela est moins vrai en Polynésie. À La Réunion ou en Guyane la population n'est pas systématiquement tournée vers la mer. Il faut donc faire de la formation, développer l'aquaculture. Il faut structurer la filière pêche, qu'elle soit artisanale ou de plaisance. Il y a un projet de port de plaisance écologique à la Martinique. Il y a également des projets de valorisation à La Réunion. Chaque collectivité, chaque département, par le biais des conférences maritimes régionales et des Assises de la mer et du littoral, peut regarder quelles sont ses forces et ses faiblesses, voir où porter ses efforts. Effectivement, il y a un gisement d'emplois, de développement économique qu'il faut développer. En Martinique, il y a une école maritime où l'on apprend la pêche. À La Réunion, il faut développer la pêche dans les mers australes, l'aquaculture et, éventuellement, à l'avenir, la recherche pétrolière ou dans les grands fonds.

M. Richard Tuheiava , co-rapporteur

Ma première question porte sur l'évaluation de la ressource et notamment en termes de financement de la recherche. Y-a-t-il du nouveau depuis le précédent CIMER ?

Ma deuxième question est en relation avec le rapport du Sénat de juillet 2012 sur la maritimisation des espaces maritimes. La dimension politique du lien entre la métropole et les outre-mer y était évoquée. Deux des trois collectivités d'outre-mer dans le Pacifique disposent de ministères locaux chargés de la mer et des ressources maritimes. Il y a des superpositions de politiques maritimes et des risques de contradictions. Comment cela s'articule-t-il avec votre dispositif ?

J'ai participé à la conférence maritime régionale de 2010 et, depuis, je n'ai pas eu de nouvelles. C'est un sujet d'autant plus sensible lorsque les territoires, comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, figurent sur la liste des territoires non autonomes des Nations-Unies.

M. Michel Aymeric

Les nouveautés du dernier CIMER s'insèrent dans le projet de loi sur les espaces maritimes, les mesures d'autorisation et de régulation des ZEE dont il faudra vérifier qu'elles s'appliquent dans les collectivités d'outre-mer, les projets de décret sur la recherche scientifique marine. Tout ceci constitue un bloc de préparation et de sécurisation juridique des espaces.

Les crédits alloués à la recherche sont ouverts au cas par cas, programme par programme. Quelques millions d'euros seront versés à l'IFREMER dans le cadre de la convention sur la ride médio-Atlantique. Demain, comme je vous l'ai indiqué précédemment, je rencontrerai le secteur privé pour Wallis. Chaque plan de financement est un peu compliqué à boucler. Cependant, le rapport de Mme Anne Lauvergeon sur les grands projets d'innovation fait figurer la recherche dans les grands fonds au nombre des dix premières priorités.

Je n'ai pas été saisi et je n'ai pas mandat pour m'exprimer sur le sujet de la souveraineté des pays par rapport à l'État. C'est une question qui doit être traitée au niveau politique. Cette question se posera également pour les grands fonds.

M. Robert Laufoaulu

Je remercie le ministère de la mer et le Secrétaire général de la mer pour l'organisation des Assises de la mer. Wallis-et-Futuna a pu se démarquer de la Nouvelle-Calédonie et faire remonter ses propres préoccupations et analyses. Il a été tenu compte de notre travail, de nos réflexions. Cette considération pour le travail de notre collectivité est une avancée assez importante pour nous.

Les conférences maritimes de Nouvelle-Calédonie ne s'intéressent pas beaucoup aux préoccupations de Wallis-et-Futuna. J'en ai parlé ce matin encore à M. Frédéric Cuvillier. Il faudrait trouver une solution qui permette de mieux les prendre en compte.

Pensant que nous étions les seuls à avoir des problèmes de délimitation des zones économiques, j'envisageais de poser une question à ce sujet. Le tableau que vous nous avez présenté montre que de nombreuses zones restent à définir et à notifier. Sur les cinq États qui entourent Wallis-et-Futuna, il y en a deux avec lesquels nous n'avons pas encore défini de limites propres. Quelles sont les raisons de ce retard ?

Concernant l'extension du plateau continental, nous sommes en retard dans les démarches vis-à-vis des Nations unies. Les difficultés diplomatiques pour les négociations concernant l'hexagone sont-elles les mêmes que dans le Pacifique, par exemple pour Wallis avec les Îles Tokelau ou Tuvalu ?

M. Michel Aymeric

Sur Wallis-et-Futuna, le décret portant ligne de base vient d'être publié. C'est le décret n° 2013-1176 du 17 décembre 2013. Il est en cours de notification. La première partie du travail est faite.

C'est le ministère des affaires étrangères qui est compétent lorsque des difficultés diplomatiques surgissent en matière de délimitation des ZEE.

Sur le plateau continental, je vous confirme que la demande de Wallis-et-Futuna est en instance devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC). Mais il y a un énorme retard. Le dernier dossier définitivement traité a été déposé le 4 mai 2009. Tous les dépôts postérieurs à cette date n'ont pas été traités. Pour un dossier déposé aujourd'hui, il faut attendre au moins cinq ou six ans, et encore s'il n'y a pas de difficultés...

M. Charles Revet

Je vous prie d'excuser mon retard, en raison de l'audition M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, par la commission à laquelle j'appartiens.

La France dispose, presque à l'équivalent des États-Unis et pour l'essentiel en outre-mer, de la zone économique exclusive la plus importante du monde. A-t-on les moyens d'assurer sa sécurité et de préserver nos intérêts ?

Je suis un élu de Seine-Maritime. Il y a cinquante ans, de nombreux chalutiers partaient vers Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans le passé, n'a-t-on pas été trop laxistes avec le Canada lors des négociations sur le partage des zones ?

Par ailleurs, l'aquaculture est un secteur d'avenir, et particulièrement pour l'outre-mer. Or, on a fait de plus en plus de classements de sites. Cela ne risque-t-il pas d'entraîner des retards dans l'implantation des zones aquacoles ?

M. Michel Aymeric

Nous disposons d'un format global des moyens d'action de l'État en mer. Nous avons quelques difficultés de financement mais un programme de renouvellement des moyens est en cours qui permettra notamment l'acquisition de trois B2M. Nous favorisons la mutualisation des moyens et l'optimisation de leur utilisation.

Les limites de la ZEE au niveau de Saint-Pierre-et-Miquelon sont fixées. La demande actuelle porte sur l'extension du plateau continental, sachant qu'il semble qu'il y ait du pétrole dans ces zones. Cette demande doit être faite au niveau de la CLPC. Le Président de la République a confirmé à votre collègue Karine Claireaux et à la députée Annick Girardin qu'une demande serait faite en 2014. Le Canada a également déposé une demande. Nous savons que lorsque deux demandeurs ne sont pas d'accord, la procédure peut être longue.

En ce qui concerne l'aquaculture, cette question n'étant pas de mon ressort, je vous invite à prendre contact avec le ministère de l'agriculture.

M. Serge Larcher , président

Mes chers collègues, il ne nous reste plus qu'à remercier monsieur le Secrétaire général de la mer pour son excellente contribution. Peut-être serons-nous amenés à nous revoir. L'outre-mer est un vaste domaine, complexe, et nous voyons à travers la problématique des ZEE que l'enjeu est extraordinaire et les outre-mer un atout pour notre pays. C'est la raison qui nous a amenés à conduire cette étude.

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