DEUXIÈME PARTIE - LA TRAJECTOIRE DES FINANCES PUBLIQUES : REDRESSER LES COMPTES PUBLICS TOUT EN DIMINUANT LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

La trajectoire pluriannuelle des finances publiques présentée dans le cadre du projet de programme de stabilité 2014-2017 retranscrit la double stratégie du Gouvernement, consistant à soutenir la croissance et l'emploi à travers les baisses de prélèvements obligatoires prévues dans le Pacte de responsabilité et de solidarité et à redresser les comptes publics, conformément aux engagements européens de la France - à savoir ramener le déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2015 et rejoindre l'équilibre structurel à la fin de la période de programmation -, et ce grâce à un ambitieux plan d'économies de 50 milliards d'euros portant sur les années 2015 à 2017.

Ainsi, dans la continuité de ce qui a été réalisé jusqu'à présent, le Gouvernement s'inscrit dans une démarche permettant de concilier pérennisation de la reprise de l'activité économique et consolidation des finances publiques.

À cet égard, votre rapporteur général insiste sur la nécessité de suivre rigoureusement cette trajectoire . Parce qu'il est défini de manière à ne pas hypothéquer le retour de la croissance, le scénario de finances publiques retenu ne laisse que peu de marges de manoeuvre et impose, par conséquent, un strict respect des objectifs d'effort en dépenses qui ont été définis .

I. LE RESPECT DES OBJECTIFS DE RÉTABLISSEMENT DES COMPTES PUBLICS

Plusieurs remarques doivent être préalablement formulées à l'égard de la trajectoire proposée dans le projet de programme de stabilité 2014-2017 par rapport aux orientations qui avaient été fixées par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 19 ( * ) puis par le programme de stabilité de l'année passée.

Tout d'abord, la trajectoire demeure résolument tournée vers l'atteinte des objectifs de déficits sur la base desquels la France s'est engagée auprès de ses partenaires européens et, en particulier, de l'objectif de moyen terme (OMT), qui correspond à l'équilibre structurel en vertu de la LPFP précitée, arrêté en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) - sachant que le solde structurel constitue dorénavant la nouvelle « norme » des politiques budgétaires.

Toutefois, en raison de la conjoncture économique dégradée, la France a été autorisée par le Conseil de l'Union européenne, en juin 2013, à reporter le retour de son déficit effectif en deçà de 3 % du PIB de 2013 à 2015 (cf. encadré ci-après). Afin de ne pas compromettre la reprise de l'activité, il a donc été décidé de modifier la chronique de réduction du déficit effectif par rapport à la trajectoire qui était initialement prévue dans la LPFP et le programme de stabilité 2013-2017.

La France et la procédure de déficit excessif (PDE)

Depuis 2009, la France fait l'objet, sur décision du Conseil de l'Union européenne, d'une procédure de déficit excessif (PDE) . Au titre de cette dernière, il était prévu qu'elle ramène son déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2013. Toutefois, compte tenu de la « forte détérioration de la position budgétaire due à une position globale de l'économie moins favorable que celle sur laquelle se fonde la recommandation du Conseil de 2009 », la Commission a proposé le 29 mai 2013 d'accorder à la France une prolongation jusqu'à 2015 du délai pour corriger son déficit excessif 20 ( * ) . Cette position a été validée par le Conseil de l'Union européenne le 21 juin 2013.

Ce report de deux années de la procédure de déficit excessif s'est accompagné de recommandations du Conseil portant sur la trajectoire de solde public de la France jusqu'à 2015 . Elles comprennent des cibles de déficit effectif ainsi que des objectifs d'ajustement du solde structurel.

Tableau n° 8 : Recommandations du Conseil concernant la trajectoire des finances publiques de la France dans le cadre de la procédure de déficit excessif

(en % du PIB)

Source : Conseil de l'Union européenne (2013)

La situation économique a également eu une incidence sur l'évolution du solde structurel , qui s'est écarté de la trajectoire définie par la LPFP. Aussi les efforts programmés en 2014 puis en 2015-2017 ont-ils pour finalité, au-delà du retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015, de corriger le retard pris dans le suivi de la trajectoire pluriannuelle et, ainsi, permettre au solde structurel de rejoindre un niveau proche de l'équilibre, soit - ¼ de PIB en 2017 21 ( * ) (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 9 : La trajectoire pluriannuelle des finances publiques

(en % du PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde public

LPFP 2012-2017

- 4,5

- 3,0

- 2,2

- 1,3

- 0,6

- 0,3

PStab. 2013-2017

-4,8

-3,7

-2,9

-2,0

-1,2

-0,7

RESF 2014

- 4,8

- 4,1

- 3,6

- 2,8

- 1,7

- 1,2

PStab. 2014-2017

- 4,9

- 4,3

- 3,8

- 3,0

- 2,2

- 1,3

Solde structurel

LPFP 2012-2017

- 3,6

- 1,6

- 1,1

- 0,5

0,0

0,0

PStab. 2013-2017

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

RESF 2014

- 3,9

- 2,6

- 1,7

- 0,9

- 0,2

0,0

PStab. 2014-2017

- 4,0

- 2,9

- 2,1

- 1,2

- 0,8

- ¼

Dette publique

LPFP 2012-2017

89,9

91,3

90,5

88,5

85,8

82,9

PStab. 2013-2017

90,2

93,6

94,3

92,9

90,7

88,2

RESF 2014

90,2

93,4

95,1

94,7

93,1

91,0

PStab. 2014-2017

90,6

93,5

95,6

95,6

94,2

91,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

A. UNE TRAJECTOIRE « DÉCALÉE » EN RAISON DE LA DÉGRADATION DE LA CONJONCTURE

À titre de rappel, l'écart de 0,3 point de PIB constaté lors de l'exercice 2012 entre le solde structurel et l'objectif de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 22 ( * ) a principalement résulté (pour 0,2 point de PIB environ), d' une révision du déficit structurel pour 2011 . En effet, l'ajustement structurel réalisé avait atteint 1,1 point de PIB, soit un niveau très proche de la prévision de la loi de programmation (1,2 point de PIB) 23 ( * ) .

L'écart a continué à se creuser en 2013, mais principalement en raison du fort ralentissement de l'activité économique . Un examen attentif de l'exercice permet de mettre en évidence le fait que le Gouvernement a, pour l'essentiel, accompli les efforts sur lesquels il s'était engagé .

1. Ajustement structurel et effort structurel

Avant tout, il est nécessaire de préciser la notion d'ajustement structurel afin d'appréhender ses déterminants. L'ajustement structurel correspond à la variation du solde structurel et se décompose en une composante discrétionnaire , également appelée effort structurel , et une composante non discrétionnaire (cf. graphique ci-après).

Graphique n° 10 : L'ajustement structurel

Source : commission des finances du Sénat

L'effort structurel est défini comme la somme d'un effort en dépenses et d'un effort en recettes . Il y a effort en dépenses si les dépenses structurelles 24 ( * ) en volume - c'est-à-dire déflatées par le prix du PIB - augmentent moins vite que la croissance potentielle. L'effort en recettes - ou mesures nouvelles en prélèvements obligatoires -, quant à lui, est égal à l'impact estimé des mesures fiscales et sociales décidées et mises en oeuvre par les pouvoirs publics. Ainsi, l'effort structurel correspond, en quelque sorte, à la part de la variation structurelle sur laquelle le Gouvernement exerce la plus grande maîtrise .

S'agissant de la composante non discrétionnaire de la variation du solde structurel, elle recouvre tout à la fois la contribution des recettes hors prélèvements obligatoires et les effets d'élasticités fiscales qui mesurent l'impact de l'écart entre les élasticités effectives et les élasticités conventionnelles des prélèvements obligatoires au taux de croissance 25 ( * ) .

2. Un ajustement structurel inférieur à l'effort consenti en 2013

L'effort structurel consenti en 2013 s'élèverait à 1,6 point de PIB - soit un niveau proche de la cible retenue en LPFP (1,9 point de PIB) ; pour autant, le solde structurel ne devrait être amélioré que de 1,1 point de PIB 26 ( * ) . Cet écart résulte principalement d'élasticités des prélèvements obligatoires plus faibles que prévu.

a) Un effort en recettes diminué par la faiblesse des élasticités fiscales

L'effort structurel en recettes atteindrait 1,4 point de PIB en 2013 , contre un objectif de 1,6 point de PIB retenu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013 27 ( * ) et de 1,5 point dans celui du projet de loi de finances pour 2014 28 ( * ) .

Toutefois, l'accroissement des recettes serait limité par une évolution spontanée des prélèvements obligatoires sensiblement plus faible que celle du PIB en valeur : l'élasticité des prélèvements obligatoire serait seulement de 0,2, contre une moyenne de long terme proche de l'unité 29 ( * ) . Aussi, les prélèvements obligatoires seraient inférieurs en 2013 de 7 milliards d'euros par rapport aux prévisions retenues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 - qui anticipaient une élasticité fiscale de 0,4.

L'effet de l'effort en recettes sur l'ajustement structurel a donc été réduit par une élasticité des prélèvements obligatoires plus faible que prévu, en raison d'une conjoncture économique dégradée.

Ce phénomène résulterait principalement du faible rendement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'au moindre dynamisme de la masse salariale, sur laquelle est assise la majeure partie des prélèvements sociaux.

Dans ces conditions, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 45 % du PIB en 2012 à 45,9 % du PIB en 2013 , en dépit d'un effort structurel en recettes de 1,4 point de PIB.

b) Un dépassement de la cible d'évolution des dépenses en volume principalement lié à des dépenses non maîtrisables

L'effort structurel qui était prévu au titre de l'année 2013 reposait également sur un effort en dépenses de 0,2 point de PIB - contre une cible de 0,3 point de PIB retenue dans le cadre de la loi de finances pour 2013.

Si l'effort initialement prévu dans la LPFP et le programme de stabilité 2013-2017 était fondé sur un objectif de croissance de la dépense publique en volume de 0,9 %, cette dernière devrait atteindre 1,3 % . Pour autant, la croissance en volume de la dépense publique serait inférieure de 0,4 point à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2014, notamment du fait de la sous-consommation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) (cf. infra ).

Tableau n° 11 : La croissance des dépenses publiques en 2013

Valeur

Volume

LPFP 2012-2017

2,7 %

0,9 %

PStab. 2013-2017

2,1 %

0,9 %

RESF 2014

2,5 %

1,7 %

PStab. 2014-2017 (exécution provisoire)

2,0 %

1,3 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

La progression plus rapide qu'anticipée de la dépense publique en volume serait, néanmoins, essentiellement liée à des facteurs non maîtrisables .

Tout d'abord, les données les plus récentes ont fait apparaître que l'inflation n'aurait progressé que de 0,9 % en 2013 , alors que les dépenses indexées - à l'instar d'un certain nombre de prestations sociales - ont été revalorisées sur la base d'un taux de 1,3 % 30 ( * ) en avril dernier. Cela a conduit, mécaniquement, à accroître l'augmentation des dépenses concernées en volume .

Par ailleurs, plusieurs dépenses imprévues sont survenues au cours de l'exercice , et notamment la majoration du prélèvement au bénéfice de l'Union européenne de 1,8 milliard d'euros, ainsi que la reconnaissance des intérêts passés de la dette de Contribution au service public de l'électricité (CSPE) à l'égard d'EDF (0,6 milliard d'euros).

Les dépenses des collectivités territoriales auraient été, enfin, relativement soutenues en raison du cycle électoral - à cet égard, l'investissement local aurait cru de 5,2 %, contre une moyenne de + 1,3 % entre 2008 et 2013.

En tout état de cause, il apparaît que les dépenses maîtrisables seraient bien tenues , limitant par conséquent la croissance des dépenses publiques en volume. Ainsi, la norme « zéro valeur » , qui s'applique aux dépenses de l'État hors dette et pensions, a été respectée ; l'exécution a même été inférieure à 0,1 milliard d'euros à l'objectif. En outre, les dépenses relevant de l'ONDAM ont été inférieures de 1,4 milliard d'euros au niveau prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 et de 0,75 milliard d'euros à celui de la LFSS 2014. La maîtrise de ces dépenses a, par suite, permis de compenser en partie les dépassements imputables aux dépenses imprévues ou non maîtrisables .

3. Un « creusement » de l'écart à la trajectoire de solde public

Dans ces conditions, le déficit structurel s'établirait à 2,9 % du PIB en 2013 , soit un niveau supérieur de 1,3 point de PIB à l'objectif retenu par la loi de programmation des finances publiques. Aussi l'écart à la trajectoire pluriannuelle de solde structurel se creuserait-il substantiellement en 2013 - sachant que celui-ci était déjà de 0,3 point de PIB en 2012 (cf. supra ).

Il apparaît donc clairement que le décalage entre le solde structurel et la programmation est lié, en majeure partie, à une situation économique moins favorable que prévu en 2013 - à titre de rappel, la LPFP anticipait une croissance du PIB de 0,8 % pour cette année.

Tableau n° 12 : Capacité ou besoin de financement par sous-secteurs d'administrations publiques

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

État

- 121,1

- 89,1

- 80,5

- 67,8

Organismes divers d'administration centrale (ODAC)

10,3

- 0,5

- 1,9

1,6

Administrations publiques locales (APUL)

- 1,7

- 0,7

- 3,7

- 9,2

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

- 23,7

- 13,3

- 13,3

- 12,9

Source : Insee (31 mars 2014)

Il en va de même du déficit effectif qui atteindrait, selon les données publiées par l'Insee le 31 mars 2014 31 ( * ) , 4,3 % du PIB , alors que la prévision associée au projet de loi de finances pour 2014 s'élevait à 4,1 % du PIB et que la LPFP prévoyait un retour du déficit effectif à 3 % du PIB. Cette situation s'explique par le ralentissement des recettes publiques, ainsi que par le « creusement » du déficit des administrations publiques locales (APUL), qui a été multiplié par 2,5 entre 2012 et 2013 (cf. tableau ci-avant).


* 19 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 20 Recommandation de la Commission du 29 mai 2013 de recommandation du Conseil pour qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, COM(2013) 384 .

* 21 À titre de rappel, lors de son audition du 9 octobre 2013 par la commission des finances du Sénat, président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), Didier Migaud, avait indiqué qu'un solde structurel proche de - 0,2 % du PIB entrait « dans la fourchette de ce que la Commission européenne juge comme étant l'équilibre structurel ».

* 22 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 23 Cf. rapport n° 711 (2012-2013) sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2012 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat .

* 24 Seules les dépenses de chômage sont supposées cycliques. Les autres dépenses sont supposées structurelles.

* 25 L'élasticité des prélèvements obligatoires correspond au rapport entre la croissance des prélèvements à législation de l'année n-1 et la croissance du PIB de l'année n. Par conséquent, une élasticité égale à l'unité signifie qu'une hausse de 2,5 % du PIB en valeur s'accompagnera d'une augmentation spontanée - soit hors mesures nouvelles - des recettes fiscales de 2,5 %. Aussi, si l'élasticité est inférieure à l'unité, les recettes progressent spontanément moins vite que le PIB en valeur.

* 26 En comparaison avec un objectif de diminution du solde structurel de 2 points de PIB arrêté dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 27 Cf. tome I du rapport n° 148 (2012-2013) sur le projet de loi de finances pour 2013 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat .

* 28 Cf. tome I du rapport n° 156 (2013-2014) sur le projet de loi de finances pour 2014 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat .

* 29 Cf. OCDE, « Measuring cyclically-adjusted budget balances for OECD countries », OECD Economics Department Working Papers , n° 434, juillet 2005 .

* 30 Ce taux de 1,3 % correspond à la prévision d'inflation en avril 2013, soit 1,2 %, plus 0,1 point du fait du rattrapage au titre de l'année passée de l'écart entre l'inflation constatée et la prévision d'inflation pour 2012.

* 31 Insee, « En 2013, le déficit public s'élève à 4,3 % du PIB, la dette notifiée à 93,5 % du PIB » , Informations Rapides , n° 72, 31 mars 2014.

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