B. DES ENGAGEMENTS FINANCIERS MAL ASSURÉS

1. Une recette sous-calibrée

Le coût de la réforme devait être en principe couvert par la perception, jusqu'au 31 décembre 2018 de la taxe d'appel de 150 euros, précédemment évoquée. Toutefois, afin de permettre le versement rapide des indemnisations, la caisse des dépôts et consignation (CDC) devait consentir des avances, qui auraient été progressivement remboursées ensuite, grâce à la taxe affectée.

Le fonds d'indemnisation des avoués a ainsi procédé à trois versements à ce jour d'un montant de presque 400 millions d'euros (respectivement, au début, 142 millions d'euros, 140 millions d'euros et, en décembre 2012, 115 millions d'euros).

La quasi-totalité du coût de la réforme a donc été acquittée.

Une difficulté subsiste toutefois : la recette de la taxe d'appel n'est pas à la hauteur de prévision. En effet, comme l'ont indiqué les représentants du ministère de la justice lors de leur audition, il en était attendu un rapport de 41 millions d'euros par an. Or, celui-ci est moitié moindre (23 millions d'euros en 2013).

Selon les représentants de la chancellerie, plusieurs phénomènes expliqueraient la faiblesse de cette recette :

- les contentieux sans représentation obligatoire n'entrent pas dans son assiette. Or certains contentieux numériquement important, comme le contentieux de l'autorité parentale, sont dans ce cas :

- la taxe est versée par l'avocat et non par la partie qu'il représente. Or, certains requérants choisissent le même avocat pour les représenter. Dans ce cas, la taxe n'est acquittée qu'une seule fois, même s'il y a un plus grand nombre de parties ;

- le nombre de procédure d'appel engagée serait aussi en baisse.

La conséquence de ce sous-calibrage de la recette est grave : l'État a donné sa garantie sur les emprunts et avances consenties par la caisse des dépôts et consignations. Si le rythme des remboursements initialement prévus n'est pas tenu, la CDC pourrait faire jouer cette garantie, ce qui reviendrait à faire financer la réforme par subvention budgétaire .

Résoudre rapidement cette difficulté est d'autant plus important, que le fonds d'indemnisation pourrait être conduit à verser prochainement des compléments d'indemnisation si les premières décisions du juge de l'expropriation sont confirmées en appel.

2. Un risque contentieux non négligeable

Saisis d'une quinzaine de recours déposés par des avoués contre l'offre d'indemnisation qui leur avait été présentée, le juge de l'expropriation a partiellement fait droit à leur demande. S'appuyant notamment sur l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme 9 ( * ) , il a estimé que les intéressés subissaient bien un préjudice économique supplémentaire qu'il convenait de compenser par le versement d'une indemnité de remploi, d'un montant forfaitaire de 150 000 euros par office (calculé pour trois ans, sur une base annuelle de 50 000 euros par an).

Or, cette décision, rendue en première instance et qui doit encore être confirmée en appel, est susceptible d'alimenter d'autres recours qui, s'ils prospéraient eux-aussi, renchériraient le coût de la réforme.

3. Un désaccord persistant entre les caisses de retraite

Comme on l'a vu précédemment 10 ( * ) , le législateur a fait le choix de conserver les anciens avoués retraités à la charge de leurs caisses de retraites d'origine (principalement la CAVOM) et d'inscrire les avoués devenus avocats auprès de la caisse nationale des barreaux français (CNBF).

Ce faisant, il a laissé aux premières la charge des pensions, en transférant à la seconde la ressource que constituent les cotisations versés par les avoués, devenus avocats, en activité. Ce transfert devait être compensé par le versement d'une soulte de la CNBF aux autres caisses.

Toutefois, il semble que la prédiction de votre rapporteur à l'époque, soit en passe d'être vérifiée : « compte tenu des relations entre la CAVOM et la CNBF et de leurs divergences d'appréciation, il est probable que le décret devra pallier l'absence de convention ».

Lors de leur audition commune, les représentants des deux caisses ont présenté leur analyse de la situation. Le président de la CAVOM, M. Roland Bayard a ainsi rappelé que les retraites des anciens avoués représentaient un engagement financier d'un montant compris entre 80 et 120 millions d'euros, alors que les réserves de cette caisse, pour tous les officiers publics ou ministériels (avoués, mais aussi notaires, huissiers etc. ) s'élèvent environ à 600  millions d'euros. Le directeur de la CNBF, M. Gilles Not a quant à lui estimé que le revenu des avoués devenus avocats diminuant très sensiblement, le montant de leur cotisation s'amoindrissait. Ce faisant, la contribution des anciens avoués à l'équilibre de la CNBF, risque d'être bien inférieure à ce qu'elle était anciennement pour la CAVOM. Interrogé par votre rapporteur sur la progression de chiffre d'affaires des avocats qui devait résulter de la disparition des avoués et de la perception d'honoraires relatifs à la postulation en appel, il a toutefois indiqué ne pas avoir pris en compte cet élément dans ses calculs.

En tout état de cause, il paraît aujourd'hui urgent que l'État intervienne pour décider par décret, à défaut de convention, du montant de la soulte qui doit être versée.


* 9 Aux termes duquel : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

* 10 Cf. paragraphe liminaire.

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