B. UN TROP GRAND NOMBRE DE SALARIÉS LAISSÉS DE CÔTÉ

1. À peine un tiers des salariés licenciés pris en charge

D'après les chiffres fournis à votre rapporteur par les représentants de la sous-direction des mutations économiques et de la sécurisation de l'emploi du ministère du travail, seul un tiers (525) des 1530 salariés licenciés auraient adhéré à la cellule de reclassement.

Au 31 décembre 2013, 402 salariés seraient parvenus à définir, avec l'aide de cette cellule, une solution de reclassement 12 ( * ) : pour un peu plus de la moitié (241), il s'agirait d'un emploi plus ou moins pérenne (contrat à durée indéterminée ou création d'une entreprise pour 161 d'entre eux, contrat à durée déterminée de plus de six mois ou de moins de six mois, pour respectivement 42 et 38 anciens salariés). Le reste (158 anciens salariés) bénéficierait d'une formation plus ou moins longue 13 ( * ) .

47 adhérents à cette cellule de reclassement étaient toujours à cette date dans la phase de recherche d'un projet de reclassement ; 76 (ce qui représente 15 % du total des adhérents) n'étaient parvenus à aucune solution de reclassement.

Dans le même temps, seuls 173 anciens salariés d'avoués auraient demandé à bénéficier de la convention temporaire d'allocation dégressive. Il est vraisemblable que nombre d'entre eux sont les mêmes que ceux qui ont trouvé un emploi grâce à la cellule de reclassement.

Interrogés par votre rapporteur sur le devenir des 2/3 de salariés licenciés qui n'ont pas bénéficié de ces dispositifs, les services du ministère du travail comme ceux de la chancellerie ont reconnu ne disposer d'aucune information.

M. Franck Nunes, ancien président de l'association nationale du personnel des avoués non syndiqué (ANPANS), a pour sa part estimé que les licenciements quasi-systématiques de l'ensemble des salariés a pu perturber la prise en charge des intéressés, lorsqu'ils ont été immédiatement après réembauchés par l'avoué devenu avocat, dans le cadre de contrats à durée déterminée (CDD) : ces salariés sortaient alors des dispositifs de reclassement et ne pouvaient y revenir au terme de leur CDD.

Les représentants de la chambre nationale des avoués ont quant à eux estimé qu'une centaine d'anciens salariés avaient pris leur retraite.

Le constat demeure alarmant : les pouvoirs publics ignorent totalement le sort de près de 60 % des salariés d'avoués licenciés . Or, lors de l'examen du projet de loi, nombreuses furent les personnes entendues qui se sont inquiétées de la possibilité pour les salariés d'avoués de retrouver facilement un emploi. En effet, la grande majorité était des femmes, entrées tôt dans cette carrière et donc peu diplômées, plus âgées que la moyenne des actifs : elles relevaient d'une catégorie que toutes les études économiques présentent comme défavorisée pour l'accès à l'emploi.

Sans reprendre l'expression de « carnage social » employée par les représentants de la chambre nationale des avoués, il est tout à fait justifié de s'inquiéter du sort des salariés licenciés et d'insister sur le coût social de cette réforme . Ceux qui ont conservé leur emploi ne sont d'ailleurs pas forcément à l'abri non plus : la contraction d'activité des avoués devenus avocats, qui doivent constituer à partir de rien, une clientèle propre, les menace de licenciement futur si leur nouveau cabinet ne parvient pas à se développer suffisamment vite.

2. De faibles recrutement dans les services judiciaires

Beaucoup d'espoirs avaient été placés dans l'engagement du Gouvernement d'offrir aux salariés d'avoués l'opportunité d'intégrer les services judiciaires.

Toutefois, ces engagements ont été contrariés par l'impossibilité, au regard du principe d'égal accès aux emplois publics 14 ( * ) , de réserver des postes aux concours pour les seuls salariés d'avoués. Ces derniers n'ont pu bénéficier, pour les concours de greffiers, que d'une épreuve de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle 15 ( * ) , lors des oraux d'admission. Finalement, d'après les informations fournies par le ministère de la justice, un seul salarié d'avoué a été recruté comme greffier.

Le ministère de la justice a aussi organisé plusieurs recrutements d'adjoints administratifs sans concours en 2010 et 2011. La première année, 164 postes étaient ouverts : 46 salariés d'avoués ont été déclarés aptes au recrutement, mais seulement 16 ont rejoint leur poste d'affectation. La seconde année, 162 postes étaient ouverts, 102 salariés se sont inscrits, 30 ont pris leur poste.

Enfin, 19 emplois contractuels de catégorie A, placés auprès des cours d'appel ont été proposés aux salariés d'avoués, qui ont permis le recrutement de 12 d'entre eux (un treizième a été licencié pendant la période d'essai). Leur contrat, d'une durée de trois ans pourra être renouvelé une fois, et devrait être converti en contrat à durée indéterminée au-delà.

Par ailleurs seuls quatre avoués ont été admis dans la magistrature.

La conclusion s'impose : l'intégration dans les services judiciaires n'a pas été la voie de reclassement que l'on espérait lors de l'examen de la réforme.


* 12 Les principaux métiers vers lesquels les anciens salariés d'avoués se sont tournés pour leur reclassement sont ceux du secrétariat et de la comptabilité ainsi que, pour certains, les emplois de clerc de notaire.

* 13 Par ailleurs trois salariés étaient en phase de finalisation de leur projet de création d'une entreprise.

* 14 Conseil d'État, 10 janvier 1986, n° 62161.

* 15 Ce dispositif est prévu à l'article 19 de la loi n0 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.

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