PREMIÈRE PARTIE : APPRÉHENDER LES BESOINS FUTURS DE MAIN-D'OEUVRE

« Choisis un travail que tu aimes et tu n'auras
pas à travailler un seul jour de ta vie. »

Confucius

Si l'on se pose la question de savoir qui, en France, se préoccupe d'anticiper les besoins futurs de main-d'oeuvre, on constatera qu'un grand nombre d'acteurs s'attellent à cette tâche complexe, sous cette réserve qu'ils ne partagent pas la même vision temporelle de ce futur.

I. QUAND COMMENCE LE FUTUR ?

A. DE NOMBREUX INTERVENANTS AU CHEVET DE L'EMPLOI

1. Le futur commence demain
a) Pôle emploi : l'acteur principal du court terme

Service public dédié à la recherche d'emploi et à la gestion des demandeurs d'emploi, Pôle emploi est, par nature, directement impliqué dans le court terme, c'est-à-dire l'orientation des chômeurs vers les offres d'emploi et la réponse aux demandes formulées par les entreprises 4 ( * ) . Ce coeur de métier le prédispose à anticiper de quelques mois, voire deux ou trois années, les besoins en émergence mais pas à un horizon plus lointain.

Pôle emploi

Établissement public à caractère administratif, Pôle emploi a été créé le 19 décembre 2008, par la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi. Il résulte de la fusion des activités de gestion des demandeurs d'emploi (anciennement assurée par l'ANPE) et d'indemnisation des chômeurs (précédemment versée par les Assedic) dans l'objectif - non atteint - de dédier à chaque demandeur d'emploi un conseiller unique pour son placement et le paiement de ses allocations.

Ses missions sont :

- l'accueil et l'inscription des demandeurs d'emploi ;

- le versement des allocations ;

- l'accompagnement personnel dans la recherche d'emploi ;

- la prospection du marché du travail en liaison avec les entreprises ;

- l'aide aux entreprises dans les recrutements.

Les personnels de Pôle emploi relèvent du statut privé (à l'exception de ceux provenant d'organismes publics qui ont choisi de conserver leurs anciens statuts).

Depuis le 1 er avril 2010, en application de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation tout au long de la vie, neuf cents personnels de l'Afpa, l'association pour la formation professionnelle des adultes, ont intégré Pôle emploi pour renforcer son efficacité en faveur de la formation 5 ( * ) .

Dans le même souci de mieux assister les demandeurs d'emploi en matière d'orientation professionnelle, Pôle emploi met actuellement en oeuvre un programme de formation pour 30 000 de ses conseillers.

La recherche de l'adéquation entre l'offre et la demande

Pôle emploi dispose d'une capacité d'expertise, consistant à analyser le marché du travail via l'enquête annuelle « Besoins en Main-d'OEuvre » (BMO) utilisée pour identifier les intentions de recrutements au niveau régional. Le recensement est effectué notamment lors de rencontres avec les responsables des services de ressources humaines et de formation des entreprises.

Chaque année, Pôle emploi adresse un questionnaire à plus de 1,6 million d'établissements afin de connaître leurs besoins en recrutement par secteur d'activité et par bassin d'emploi. Cette enquête permet notamment d'anticiper les difficultés de recrutement, d'améliorer l'orientation des demandeurs d'emploi vers des formations ou des métiers en adéquation avec les besoins du marché du travail et de les informer sur l'évolution des offres et les métiers porteurs. L'enquête BMO permet aussi d'affiner la stratégie de financement de formations correspondant à la demande des chefs d'entreprise sur les métiers qui recrutent et dans les branches en tension, où les postes ont du mal à être pourvus.

Les principaux résultats de l'enquête BMO pour 2014

Les projets de recrutement

Les prévisions d'embauche exprimées par les employeurs ne progressent que de 5,4 % en 2014 pour s'établir à 1 700 500 projets, répartis dans les 388 bassins d'emplois français (métropole, Dom et Mayotte), soit 87 500 projets d'embauche supplémentaires comptabilisés cette année. En revanche, la part des établissements qui envisagent de recruter passe de 19,5 % à 18 % sur la même période.

Les types de contrats et les motifs de recrutement

Un peu moins de la moitié des postes proposés sont des emplois durables (45,9 % des recrutements sont envisagés en CDI ou en CDD et missions d'intérim de six mois ou plus).

35,7 % des recrutements annoncés découlent d'une anticipation de surcroît ponctuel d'activité de la part des établissements, essentiellement au cours du premier semestre. Ceux qui ne recrutent pas cette année estiment, pour la plupart, que la conjoncture économique est défavorable ou que leur situation financière n'est pas assez solide.

Les métiers les plus recherchés

Avec 13 % des intentions d'embauche, l'hôtellerie-restauration et les services aux entreprises constituent toujours les premiers pôles de recrutement national, suivis par les secteurs de la santé et de l'action sociale (11 %).

Le secteur des services concentre, à lui seul, 64 % des projets de recrutement, en hausse de 4 % ; le commerce voit également ses perspectives d'embauche progresser (+ 5,3 %) par rapport à 2013, soit 11,5 % des projets en 2014 ; le secteur de la construction représente quant à lui 5,3 % des besoins en main-d'oeuvre en 2014, en hausse de 11,5 % par rapport à 2013.

Les dix métiers les plus recherchés , hors saisonniers, sont :

- agents d'entretien de locaux (y compris agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) ;

- aides à domicile et aides ménagères ;

- aides, apprentis, employés polyvalents de cuisine ;

- aides-soignants (médico-psychologues, auxiliaires de puériculture, assistants médicaux...)

- ingénieurs, cadres études et recherche-développement informatique, responsables informatiques ;

- attachés commerciaux (techniciens commerciaux en entreprise) ;

- secrétaires bureautiques et assimilés (y compris secrétaires médicales) ;

- professionnels de l'animation socioculturelle (animateurs et directeurs) ;

- serveurs de cafés, de restaurants (y compris commis) ;

- artistes (en musique, danse, spectacles, y compris professeurs d'art).

Les difficultés de recrutement

Les difficultés de recrutement exprimées par les employeurs se réduisent cette année. Elles concernent 34,7 % des projets d'embauche contre 40,4 % en 2013.

49 % des projets sont jugés difficiles dans la construction (55 % en 2013) et 39 % dans l'industrie (42 % en 2013).

Les métiers des services aux particuliers (aides à domicile et aides ménagères, cuisiniers, employés de maison...), mais également de l'industrie (ingénieurs et cadres d'études, recherche et développement en informatique, chefs de projets informatiques) et de la santé (aides-soignants) rassemblent une majorité de projets considérés comme problématiques par les employeurs.

La prise en compte spécifique des besoins des jeunes

Pour ce qui concerne l'emploi des jeunes, dont la situation reste particulièrement problématique, Pôle emploi, comme d'ailleurs bien d'autres, considère qu'une meilleure gestion des postes supposerait de nouer des liens plus étroits entre les écoles et les structures offrant des débouchés professionnels.

Afin de s'adapter aux besoins spécifiques dans cette tranche d'âge des moins de vingt-six ans, Pôle emploi expérimente, dans onze agences réparties sur sept régions, une offre de service par Internet « 100 % web », pour développer des outils d'accès à l'emploi en libre-service particulièrement en phase avec les comportements actuels d'usage du numérique, notamment le recours accru aux réseaux sociaux. Il a constaté, en effet, qu'il était de plus en plus difficile de les faire venir jusque dans ses locaux. Il a par ailleurs recruté, entre 2012 et 2013, quatre mille jeunes, pour leur qualité de bon relais d'opinion et d'organisation à l'égard de ce public spécifique.

La prescription de formations professionnelles

En sa qualité de premier prescripteur de formation des demandeurs d'emploi, le souhait de Pôle emploi est d'être en mesure de prescrire immédiatement aux chômeurs les formations achetées par les conseils régionaux, en application des dispositions de la loi récemment votée sur la formation professionnelle.

Les mesures de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014
relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale

Dans son titre I er , relatif à la formation professionnelle et à l'emploi, il est notamment prévu :

- la mise en place d'un compte personnel de formation, qui suivra chaque travailleur pendant toute sa vie professionnelle ;

- l'évolution du financement de la formation et la simplification des versements des entreprises ;

- un meilleur accès à la qualification via les contrats en alternance et la période de professionnalisation ;

- la création d'un conseil en évolution professionnelle ;

- le développement de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ;

- le renforcement des compétences des régions en matière d'apprentissage.

Il est à noter que Pôle emploi n'achète plus de marchés nationaux de formation, en raison du risque élevé d'erreur de cadrage inhérent à une prise en compte trop éloignée des attentes des recruteurs sur le terrain. Il s'appuie désormais sur les régions et demande aux branches d'indiquer, région par région, voire bassin d'emploi par bassin d'emploi, leurs besoins.

Les difficultés d'accès à la formation sont renforcées par la faible capacité de mobilité des demandeurs d'emploi en recherche de qualification ou de requalification : il observe des résistances lorsqu'une formation, pourtant adaptée, se déroule dans un lieu qui n'est pas tout à fait proche du domicile, pour des raisons liées notamment au coût et aux modalités de déplacement 6 ( * ) .

Les grandes tendances qui s'appliquent au marché du travail ont évidemment un impact sur le service public de l'emploi. Or, si le rythme des mutations sectorielles s'accélère, l'ajustement du marché du travail ne s'opère pas à la même vitesse. Les anticipations pour 2020 laissent apparaître qu'on aura, simultanément à cette échéance, un manque de formations répondant aux offres d'emplois et des formations surnuméraires dont on n'aura pas besoin . Il en résultera des tensions sur les compétences.

Le diagnostic de Pôle emploi : une tendance récente à la dualisation du marché du travail

- Les extrêmes se creusent

La situation économique actuelle, dont les tensions sont accrues par la crise, a conduit à une fracture sur le marché du travail. Ne sont pas dans la même position celui qui dispose d'une formation, d'un réseau et de la maîtrise des moyens informatiques et celui qui subit une précarité professionnelle, est exposé au temps partiel contraint ou est durablement éloigné de l'emploi. Dès lors, si l'on pose la question de savoir vers qui Pôle emploi doit concentrer ses efforts, on répondra que l'accent doit évidemment porter sur les personnes les plus fragilisées, en différenciant l'offre de services au profit de ceux qui en ont le plus besoin. Mais il en résultera une rupture dans l'égalité de traitement des citoyens en recherche d'emploi.

- De plus en plus de demandeurs d'emploi sont aussi en activité

On constate depuis quelques années que la frontière entre travail et emploi devient de plus en plus poreuse. Un nombre sans cesse croissant de demandeurs d'emploi sont aussi en activité, qu'ils soient parallèlement auto-entrepreneurs, travailleurs saisonniers, employés à temps très partiel...

Cette évolution accroît les difficultés pour la gestion de leur dossier et l'organisation du traitement de leur situation professionnelle.

b) Le ministère du redressement productif : un analyste transversal

La DGCIS, direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services, au sein désormais du ministère en charge du redressement productif, est chargée de la coordination des études et de l'animation du pôle interministériel de prospective et d'anticipation des mutations économiques (Pipame) 7 ( * ) . Cette structure créée en 2006 à la suite de la mission interministérielle sur les mutations économiques (Mime) de 2003, comprend des représentants des services de dix ministères (écologie-développement durable ; Datar ; agriculture ; défense ; santé ; DGEFP emploi-travail ; CAS 8 ( * ) ; culture-communication ; enseignement supérieur et recherche).

Le Pipame a pour objectif de faire face aux mutations et restructurations économiques auxquelles est soumise l'économie française, entraînant des « créations et destructions d'emplois, avec des conséquences difficiles pour les salariés et les territoires ». Il établit à cet effet, depuis 2008, des études, des travaux, des analyses par secteur industriel. Si les questions d'emploi et de compétences ne sont pas son coeur de métier, il peut être amené à en traiter. Il a ainsi notamment étudié les filières agro-alimentaires à l'horizon 2020, l'aéronautique, l'automobile, les biens de consommation et d'équipement de la maison 9 ( * ) , la chimie 10 ( * ) , le bois, le tourisme, la robotique personnelle et de services 11 ( * ) , la santé 12 ( * ) .

D'une manière plus transversale, il conduit une analyse sur la relocalisation de l'activité industrielle en France, en liaison avec la Datar.

2. Les projections de moyen terme du secteur privé
a) La situation de l'emploi dans l'encadrement

L'Apec, Association pour l'emploi des cadres, a pour rôle de veiller sur l'emploi des cadres 13 ( * ) . Elle est titulaire d'un mandat de service public qui lui reconnaît quatre missions :

- accompagner les jeunes diplômés vers leur premier emploi ;

- aider les entreprises à recruter leurs cadres ;

- diffuser les offres d'emploi destinées aux cadres ;

- réaliser une veille et des études auprès de ses partenaires et clients (cadres, quel que soit leur âge ; entreprises).

En application de cette dernière mission, l'Apec publie chaque année, vers le mois d'avril, une étude sur les jeunes diplômés (licence, master ou au-delà) pour connaître l'état de leur recrutement, à partir d'un échantillon représentatif de 4 500 personnes.

Quelques données issues de l'enquête de l'Apec

Pour les diplômés de niveau licence, seuls 8 % sont employés comme cadres ; au niveau master, ce taux s'élève à 60 %.

Vers 2007, la période était très favorable pour les jeunes cadres ; avec la crise, la situation s'est retournée. Actuellement, le profil idéal recherché par les employeurs est le trentenaire disposant de un à dix ans d'expérience.

Les titulaires de licences pro (1) affichent de meilleurs résultats : ils sont en emploi à 74 % moins d'un an après leur sortie du système de formation, tandis que pour les diplômés master ou au-delà, ce taux n'est que de 64 %. À échéance de deux ans, le taux d'emploi passe à environ 82 %. Actuellement, les signaux laissent espérer une amélioration de la situation économique : les intentions d'embauche des entreprises ont augmenté de dix points, pour atteindre environ 60 %.

L'Apec note qu'il n'y a pas de destruction d'emplois d'encadrement depuis 1993. La progression est lente mais régulière chaque année.

Enfin, 75 % des recrutements de cadres ont lieu en Île-de-France.

(1) Formation en un an permettant aux diplômés à Bac + 2 d'affiner leur spécialisation ou d'acquérir une nouvelle compétence.

Les métiers en émergence

L'Apec reste très prudente dans ses projections : elle considère dangereux de laisser croire que certaines filières sont forcément porteuses d'emploi et cite les contre-exemples des webmasters , le secteur du photovoltaïque dont l'essor s'est brutalement interrompu lorsqu'on s'est aperçu qu'il profitait surtout à la production chinoise ou l'économie verte qui n'a pas produit les débouchés escomptés, la dimension « développement durable » étant davantage intégrée aux emplois existants qu'elle n'a conduit à créer des emplois supplémentaires spécifiques. Ces faux espoirs ont pour inconvénient de susciter la création de formations qui se développent mais ne mènent pas à des postes opérationnels.

Elle considère par ailleurs qu'il est urgent d'arrêter d'opposer industrie et services et va développer un projet pour favoriser les vocations scientifiques et technologiques.

En gros, les trois secteurs qui, selon elle, recruteront des cadres sont déjà connus : le commercial, l'informatique et la recherche . Ce n'est pas nouveau et cela ne changera pas. En revanche, ce qui va changer, ce sont les méthodes, le contenu des compétences : les employeurs attendent de plus en plus de capacités et cette situation va perdurer car le niveau d'exigence des compétences est toujours plus élevé.

Enfin, le problème de la pénurie des ingénieurs dont on parle beaucoup n'existe pas selon elle. Certes, la demande est en extension mais on forme aujourd'hui deux fois plus d'ingénieurs qu'il y a quinze ans, ce qui montre que l'appareil de formation a su s'adapter à la demande.

b) Le diagnostic des employeurs

L'association Coe-Rexecode, institut d'études économiques indépendant des pouvoirs publics dont les adhérents employeurs sont issus du monde de l'entreprise, a deux missions : un travail de veille et de diagnostic conjoncturel, d'une part ; un rôle de participation aux débats de politique économique qui remontent à la fin des années soixante-dix, avec alors l'objectif de renforcer l'information économique en France, d'autre part.

Son analyse 14 ( * ) repose sur l'observation selon laquelle l'emploi est conditionné par la croissance, laquelle découle de la compétitivité . Il n'est pas un point d'entrée dans le dispositif, il en est une conséquence.

Il existe des tensions actuelles sur certains métiers. Le problème est celui de l'appariement entre l'offre et la demande : c'est le cas par exemple, pour 40 % des employeurs dans le bâtiment qui rencontrent des difficultés de recrutement.

On constate aussi un manque de compétences industrielles, lié à la désindustrialisation observée en France depuis dix ou vingt ans. Même si l'on peut espérer avoir interrompu ce processus, il n'est pas certain que les lycéens d'aujourd'hui fassent le choix de s'orienter dans les filières professionnelles de l'industrie. Cette perte de compétences est grave, d'autant qu'on peut craindre qu'elle soit irréversible. Dans l'objectif d'une réindustrialisation de la France, il est impératif de réactiver ce corpus de compétences. Les secteurs susceptibles de mieux résister à l'avenir sont, à son sens, la pharmacie, l'aéronautique, le luxe, la grande distribution, le nucléaire .

c) Les initiatives du Medef

• En avril 2013, le Medef a lancé un observatoire TEC (tendance-emploi-compétence) pour rechercher « une meilleure efficience du marché du travail » selon sa présidente d'alors, Laurence Parisot. Cet outil se veut le complément de l'enquête annuelle BMO de Pôle emploi en fournissant une photographie des postes les plus recherchés par les entreprises accompagnée d'une mesure, en pourcentage, des difficultés rencontrées pour y pourvoir. Il présente ainsi une analyse des postes non pourvus, exposant, pour chaque métier, les raisons du non aboutissement de la demande et les solutions mises en oeuvre par les entreprises pour y répondre.

L'objectif est double :

- permettre une meilleure connaissance réciproque des besoins des entreprises et des attentes des jeunes, des demandeurs d'emploi et des salariés en mobilité ;

- fournir, au niveau régional, des informations sur les secteurs qui recrutent, les métiers d'avenir et les formations qui y préparent.

À fin 2012, par exemple, parmi les dix métiers les plus recherchés, venaient en tête des postes non pourvus : les employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie et de la restauration (19 %), les cadres commerciaux et technico-commerciaux (13 %) et les ingénieurs et cadres techniques de l'industrie (12 %). En regard, les postes considérés comme les plus difficiles à pourvoir étaient les aides à domicile et aides ménagères (39 %) et les ingénieurs et cadres techniques de l'industrie (34 %).

• Plus récemment, en février 2014, le Medef a fait l'annonce, assez spectaculaire, de la possibilité de créer, en cinq ans, et sous certaines conditions, un million d'emplois. Pour étudier la faisabilité de cet objectif, un rapport récent 15 ( * ) vient d'être consacré aux gisements d'emplois qui pourraient être exploités à l'horizon 2018, et qui pourraient l'être plus encore sous réserve de mener certaines réformes.

Ses conclusions les plus marquantes sont les suivantes :

- le secteur le plus prometteur est celui qui rassemble les métiers de la recherche, du conseil et des nouvelles technologies (Internet mobile, e-learning , Big Data...) : entre 153 000 16 ( * ) et 222 000 emplois 17 ( * ) ;

- vient ensuite le secteur de la distribution , qui emploie déjà plus de quatre millions d'actifs et dont le potentiel d'embauche varie de 60 000 à 215 000 postes, sous les mêmes réserves ;

- puis celui de la construction , qui pourrait créer entre 57 000 et 203 000 emplois, dans les mêmes conditions ;

- enfin le secteur de la maintenance et celui des services aux particuliers sont susceptibles de gagner respectivement entre 137 000 et 184 000 emplois et entre 88 000 et 147 000 emplois.

L'étude parvient ainsi à anticiper la création totale de plus d'un million d'emplois 18 ( * ) couvrant tous les niveaux de qualification. Elle tient compte simultanément des destructions de postes prévisibles dans certains secteurs d'activité comme les services manufacturiers (entre 135 000 et 191 000 suppressions de postes exposés à la concurrence des pays émergents) ou la finance et les assurances (pour 87 000 à 93 000 emplois non remplacés en raison des évolutions technologiques et numériques).

3. Les acteurs prospectifs
a) Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective : un organe prospectif généraliste

Créé par le décret n° 2013-333 du 22 avril 2013, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) s'est substitué au Centre d'analyse stratégique (CAS), lui-même lointain successeur du Commissariat général du Plan supprimé en 2006.

Rattaché au Premier ministre, qui arrête son programme de travail annuel, il apporte son concours à la détermination des grandes orientations pour l'avenir de la Nation et des objectifs à moyen et long terme de son développement économique, social, culturel et environnemental ainsi que pour la préparation des réformes décidées par les pouvoirs publics.

À ce titre, il suscite et favorise la définition de stratégies d'action à moyen et long terme et le développement des études prospectives, des pratiques d'évaluation des politiques publiques, des bonnes pratiques de concertation et des comparaisons internationales et territoriales.

Il travaille en réseau avec huit organismes à compétences sectorielles dont il coordonne les travaux : le Conseil d'analyse économique ; le Conseil d'orientation des retraites ; le Conseil d'orientation pour l'emploi ; le Haut Conseil de la famille ; le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ; le Haut Conseil du financement de la protection sociale ; le Conseil national de l'industrie ; le Centre d'études prospectives et d'informations internationales.

Quelle France dans dix ans ?

À la demande du Président de la République, le CGSP, à peine créé, a publié en août 2013 un document de prospective intitulé « Quelle France dans dix ans ? », destiné au séminaire gouvernemental du 19 août, puis a poursuivi ses travaux sur ce thème avec le mandat de produire un second rapport approfondi à la fin de l'année 2013.

À l'initiative de son président, Jean-Pierre Bel, le Sénat a souhaité contribuer activement à la réflexion et a constitué un groupe de travail interne de quarante-huit sénatrices et sénateurs issus de toutes les commissions et délégations. Deux ateliers ont été mis en place à cet effet : le premier était consacré au modèle de croissance, au modèle productif et au modèle social ; le second, au projet républicain et à l'avenir de l'Europe. Sa contribution a fait l'objet du rapport d'information n° 246 (2013-2014), publié le 18 décembre 2013.

b) Le Conseil d'orientation pour l'emploi : un organe prospectif dédié

Placé auprès du Premier ministre, le COE, Conseil d'orientation pour l'emploi, est une instance pluraliste d'expertise et de concertation sur l'ensemble des questions d'emploi. Il constitue un lieu permanent de débat entre les principaux acteurs du marché du travail.

Créé par le décret n° 2005-326 du 7 avril 2005, il remplit une triple mission :

- formuler, à partir des études et des analyses disponibles, un diagnostic sur les causes du chômage et établir un bilan du fonctionnement du marché du travail, ainsi que des perspectives à moyen et long terme pour l'emploi ;

- évaluer les dispositifs existants d'aide à l'emploi, aux parcours professionnels et à la formation, en s'appuyant en particulier sur les expériences locales et les réformes menées à l'étranger, notamment dans les différents États de l'Union européenne ;

- formuler des propositions afin de lever les obstacles de toute nature à la création d'emplois, d'améliorer le fonctionnement du marché du travail et d'accroître l'efficacité des différents dispositifs d'incitation au retour à l'emploi.

Le Conseil peut en outre être saisi de toute question par le Premier ministre et par les ministres chargés du travail et de l'économie. Ses rapports et recommandations sont communiqués au Parlement et rendus publics.

Qui siège au Conseil d'orientation pour l'emploi ?

Composé de cinquante et un membres, le COE rassemble, outre sa présidente et son vice-président, des représentants des partenaires sociaux, des parlementaires, des représentants des collectivités territoriales, les directeurs des administrations et organismes publics concernés, des experts des questions du travail et de l'emploi. Les deux sénateurs désignés par le Président du Sénat pour en faire partie sont actuellement Jean-Marie Vanlerenberghe et Claude Jeannerot.

c) La Dares : la structure statistique du ministère du travail

Au sein du ministère du travail, de l'emploi et du dialogue social, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) exerce une double fonction :

- d'une part, elle éclaire le débat économique et social en produisant une information statistique régulière, en réalisant des études, en promouvant et en organisant des travaux d'évaluation des politiques publiques, et en suscitant les recherches dans les domaines de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle ;

- d'autre part, dans les domaines précités, elle établit des analyses prospectives de suivi d'évaluation des résultats des politiques menées.

Elle est ainsi l'un des principaux producteurs de données statistiques sur le travail, l'emploi et la formation professionnelle , utiles aux ministères, aux décideurs publics, aux acteurs économiques et sociaux.

Par ailleurs, la Dares assure une fonction de veille prospective et d'animation de la recherche. Elle exerce de plus la cotutelle du Centre d'études de l'emploi (CEE) et du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) ; elle participe à ce titre à la définition de leurs orientations scientifiques.

Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la Dares mène, conjointement avec le CAS - auquel s'est substitué en 2013, on l'a vu, le CGSP - des exercices réguliers de prospective sur les métiers et les qualifications (PMQ), afin d'examiner les perspectives possibles en matière d'évolution des ressources en main-d'oeuvre et de l'emploi par métiers .

L'enquête PMQ, qui regroupe les travaux menés simultanément en matière d'emploi par un grand nombre d'organismes différents, consiste en un exercice lourd conduit tous les cinq ans et qui débouche sur la publication d'un rapport volumineux, complexe et d'utilisation mal commode, il faut bien l'avouer, notamment pour les parents soucieux d'accompagner les choix professionnels de leurs enfants. Le COE lui-même reconnaît les difficultés d'opérationnalité de ce type de document et a recommandé l'élaboration d'un bilan plus simple et plus accessible 19 ( * ) .

d) Le Céreq : au croisement des questions de l'emploi et de la formation

Le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) est un établissement public administratif créé en 1970 - sous l'ère planificatrice, donc - au sein de l'Onisep (Office national d'information sur les enseignements et les professions) dont il a été détaché en 1985 pour devenir une structure autonome.

Placé sous la double tutelle du ministère chargé de l'éducation et de celui chargé de l'emploi, il a pour missions :

- de procéder aux études et recherches sur la qualification de la population et les conditions de son acquisition par la formation initiale et continue et l'exercice d'une activité professionnelle, sur l'évolution des qualifications liée aux transformations des technologies, de l'organisation du travail et de l'emploi ainsi que sur les conditions d'accès aux emplois et les conditions de la mobilité professionnelle et sociale, en fonction de la formation reçue et de la gestion de la main-d'oeuvre par les entreprises ;

- de formuler des avis et des propositions sur les conséquences susceptibles d'être tirées des études et recherches précédentes dans la détermination des choix en matière de politique de formation et d'enseignement.

Le Céreq se situe donc dans une démarche prospective afin de veiller à la cohérence entre la situation de l'emploi et le niveau de formation .

Il apporte notamment son appui aux branches professionnelles par des analyses sectorielles comportant trois modules de projections 20 ( * ) :

• la prospective de la demande de travail

En s'appuyant sur des experts et des professionnels, elle consiste à identifier les facteurs - économiques, sociaux, démographiques, technologiques... - susceptibles d'influer sur l'évolution du secteur puis à en mesurer l'impact à moyen terme afin d'élaborer des scénarios et des hypothèses de croissance pour réaliser des projections d'emplois.

• la prospective des départs en fin de carrière

Elle repose sur la projection de la pyramide des âges en tenant compte des réglementations applicables aux départs en retraite.

• la prospective des besoins en recrutement et qualifications

Elle suppose une analyse fine des transformations du travail et des pratiques de gestion de main-d'oeuvre dans la branche puis l'élaboration d'un modèle des flux de recrutements à venir.

L'objectif est donc d'élaborer différents scénarios de besoins en renouvellement de la main-d'oeuvre, en tenant compte de quatre grandes variables 21 ( * ) :

- les projections d'emploi ;

- les projections de départs en fin de carrière ;

- la mobilité intersectorielle ;

- la promotion interne.

Par ailleurs, le Céreq réalise des analyses d'évolution sur des champs professionnels ou des métiers pour apporter une connaissance fine des situations de travail, du contenu des activités et des savoir-faire qu'elles requièrent, toutes données nécessaires à l'adéquation des formations proposées avec les besoins des entreprises 22 ( * ) .


* 4 Voir en annexe le compte rendu de l'audition, par la délégation, de Thomas Cazenave, directeur général adjoint chargé de la stratégie et des relations extérieures de Pôle emploi, et de Firmine Duro, adjointe chargée des relations extérieures, le 15 janvier 2014.

* 5 Appréciation modérément partagée par l'Afpa... Voir l'audition de son président par la commission des affaires sociales du Sénat, le 10 octobre 2012 : « Résultat ? On n'a fait que compliquer les choses pour les demandeurs d'emploi, qui doivent accomplir un véritable parcours du combattant, semé de guichets et de de conditions kafkaïennes pour parvenir jusqu'à nous : seuls 5 % de nos stagiaires nous arrivent par Pôle emploi ! ».

* 6 L'Afpa déplore également ce manque de mobilité géographique en constatant que le nombre de stagiaires qui se forment dans une région différente de celle où ils résident a baissé, en deux ans, de 40 %.

* 7 Audition du 26 février 2013.

* 8 Remplacé depuis lors par le CGSP.

* 9 Sous l'angle notamment du transfert de comportement des consommateurs de l'achat vers la location.

* 10 À la fois chimie durable et chimie verte.

* 11 Qui comprend des données intéressant l'emploi.

* 12 Déclinée en trois thèmes : les bio-marqueurs, les dispositifs médicaux et l'imagerie médicale du futur.

* 13 Audition du 16 octobre 2013.

* 14 Audition du 3 avril 2013.

* 15 Cabinet McKinsey, rapport « Dynamiser le marché du travail en France pour créer massivement des emplois ». Analysé notamment par le journal Les Échos des 7 et 8 mai 2014.

* 16 En créations spontanées, c'est-à-dire sans réforme autre que celles figurant au pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République le 14 janvier 2014.

* 17 Sous réserve de réformes additionnelles spécifiques pour chacun des secteurs d'activité étudiés.

* 18 1 049 000 postes exactement, en retenant les niveaux maximum escomptés des réformes préconisées pour chaque secteur d'activité.

* 19 Audition de Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du COE, 18 février 2014.

* 20 Audition du 21 mars 2013.

* 21 Le Céreq a par exemple contribué à ce type de prospective sectorielle dans le secteur des matériaux pour la construction et l'industrie (2005), de la métallurgie (2007) ou des services à l'automobile (2010).

* 22 Voir, par exemple, ses travaux de prospective sur les métiers de l'accueil, de la batellerie ou du bâtiment.

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