B. LE PRINCIPE DE PARITÉ DE FINANCEMENT ENTRE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC ET L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ COMME FONDEMENT DE LA LOI

1. Les obligations de financement des écoles élémentaires privées pesant sur la commune de résidence

La loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, ci-après désignée « loi Carle », comprend trois articles. Le coeur du dispositif est inséré dans l'article premier, tandis que l'article 2 prévoit une voie de règlement des litiges par le préfet et que l'article 3 abroge les dispositions préexistantes sur le même sujet, à savoir le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code de l'éducation précité et l'article 89 de la loi du 13 août 2004, précédemment évoqués.

Le nouvel article L. 442-5-1 que l'article premier de la loi Carle a inséré dans le code de l'éducation institue un régime juridique propre au financement de la scolarisation des élèves non-résidents dans des écoles privées, distinct mais analogue à celui valable pour l'enseignement public.

Il convient de délimiter précisément son champ d'application :

- ne sont concernées que les classes privées faisant l'objet d'un contrat d'association avec l'État, à l'exclusion des classes sous contrat simple, envers lesquelles les communes n'ont aucune obligation financière, conformément à l'article L. 442-12 du code de l'éducation ;

- ne sont concernées que les classes élémentaires, à l'exclusion des classes maternelles, qui n'appartiennent pas à la scolarité obligatoire et n'ouvrent aucune obligation de financement pour les communes, comme l'a établi la jurisprudence du Conseil d'État (CE assemblée, 31 mai 1985, Association d'éducation populaire de l'école Notre-Dame d'Arc-les-Gray ) ;

- ne sont concernés que les élèves non-résidents, c'est-à-dire le cas où les communes de scolarisation et de résidence sont distinctes, d'autres dispositions du code de l'éducation prévoyant la prise en charge de la scolarisation des élèves résidents sur une base paritaire entre l'enseignement public et l'enseignement privé.

Le principe central régissant le financement à la charge de la commune de résidence est que sa contribution ne constitue une dépense obligatoire que lorsqu'une contribution similaire aurait été due au titre de la scolarisation d'un élève dans une école publique de la commune d'accueil. Il s'agit donc d'un corollaire du principe de parité inscrit dans la loi Debré de 1959.

En conséquence, la contribution de la commune de résidence n'est obligatoire que dans quatre cas limitativement énumérés :

- l'absence de capacités d'accueil suffisantes dans une école publique de la commune de résidence ;

- les contraintes dues aux obligations professionnelles des parents, lorsque la commune de résidence n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;

- l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la commune d'accueil.

- l'existence de raisons médicales.

Il convient de remarquer que lors de l'examen au Sénat de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, plusieurs amendements tendaient à ouvrir un nouveau cas d'obligation de financement, quand l'inscription dans une école privée sous contrat d'association hors de la commune de résidence résulte du souhait de poursuivre une scolarité dans une langue régionale. Ces amendements ont été rejetés.

Pour calculer le montant de la contribution obligatoire, l'article L. 442-5-1 précité demande de tenir compte :

- des ressources de la commune de résidence ;

- du nombre d'élèves de la commune de résidence scolarisés dans la commune d'accueil ;

- du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil.

Est également fixé un plafond de contribution équivalent au coût moyen de l'élève d'une école publique de la commune de résidence. Il est important de noter que ne doivent être prises en compte que les seules dépenses de fonctionnement directement liées aux activités scolaires, les subventions d'investissement aux écoles privées étant interdites aux collectivités territoriales.

En outre, malgré une imprécision rédactionnelle de la loi, il faut considérer que seuls les coûts des élèves inscrits dans des classes élémentaires publiques doivent être utilisés comme référence, en excluant les coûts des écoles maternelles publiques. C'est une restriction significative car les coûts des classes maternelles sont plus élevés. Cette interprétation est la seule cohérente avec l'objet du texte qui vise la garantie d'une parité uniquement entre les écoles élémentaires publiques et privées. Elle est confirmée par une autre disposition de l'article L. 442-5-1, qui précise qu'en l'absence d'école publique permettant de servir de référence au calcul, la contribution est fixée pour chaque commune au coût moyen des classes élémentaires publiques du département.

En dehors des cas de contribution obligatoire, la loi Carle laisse aux communes de résidence la faculté de participer volontairement aux frais de fonctionnement de l'établissement privé d'une autre commune. Comme dans le cas de la contribution obligatoire, le montant de la contribution facultative de la commune de résidence ne peut toutefois excéder le coût de la scolarisation d'un élève dans une de ses propres écoles publiques.

2. Une parité entre les enseignements publics et privés qui demeure nécessairement asymétrique
a) Les conséquences du principe constitutionnel de libre choix de l'école

La jurisprudence constitutionnelle a contribué à préciser la portée du principe de parité de financement entre les enseignements public et privé. S'il est fondé sur le principe du libre choix de l'école, qui participe lui-même de la liberté de l'enseignement au sens large, il n'est pour autant doté d'aucune valeur supérieure à la loi, si bien que l'octroi d'un soutien financier aux établissements privées intervient dans les conditions définies par la loi (CC 23 novembre 1977, Liberté de l'enseignement , n° 77-87 DC).

Dans sa décision sur la loi Carle, le Conseil Constitutionnel a rejeté les griefs avancés par les requérants qui s'appuyaient sur les principes de laïcité, de libre administration des collectivités territoriales et d'égalité devant les charges publiques pour demander la censure du texte. Il a rappelé que le législateur disposait d'un pouvoir d'appréciation en matière de financement public des écoles privées sous contrat d'association, dès lors qu'il se fonde sur des critères objectifs et rationnels et que la participation des collectivités territoriales est adaptée à la nature et l'importance de leur contribution à l'accomplissement des missions d'enseignement (CC 22 octobre 2009, Parité de financement entre écoles publiques et privées, n° 2009-591 DC).

La parité de financement ne peut toutefois être interprétée ni comme une pure identité, ni comme un pur parallélisme. Il existe plusieurs asymétries entre la situation des élèves non-résidents dans les enseignements public et privé.

La première asymétrie qu'il convient de relever résulte du principe constitutionnel du libre choix de l'école, qui empêche les maires tant de la commune de résidence que de la commune d'accueil de se prononcer sur l'inscription dans une école privée.

Dans les écoles publiques, au contraire, le maire, qui agit comme représentant de l'État, susceptible à ce titre d'engager sa responsabilité (CE 7 décembre 1990, Di Lello ), inscrit les élèves dans les écoles de sa commune. Il est amené à accorder ou à refuser une dérogation lorsque les parents souhaitent échapper à leur école de secteur. Lorsqu'il accorde une dérogation pour une scolarisation dans une école publique d'une autre commune, alors qu'il dispose sur sa propre commune de capacités d'accueil suffisantes, il s'engage par là-même à contribuer financièrement aux dépenses de fonctionnement de la commune d'accueil.

Aux termes de l'article R. 212-22 du code de l'éducation, lorsque le maire de la commune d'accueil inscrit un enfant dans une de ses écoles publiques au titre d'un des cas où la commune de résidence est tenue de participer financièrement à la scolarisation, il doit informer le maire de la commune de résidence, dans un délai de deux semaines, du motif de l'inscription. Les parents ou tuteurs légaux peuvent contester un refus de dérogation ou d'inscription devant le préfet, qui statue après avis du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN), conformément à l'article R. 212-23 du même code.

On peut certes considérer que cette asymétrie est atténuée dans certaines circonstances. Pour inscrire leur enfant dans une école publique d'une autre commune, les parents ne sont pas toujours tenus d'obtenir une dérogation du maire de la commune de résidence, soit que la commune d'accueil accepte de prendre en charge financièrement la scolarisation, soit qu'elle ne possède pas de capacités d'accueil ou qu'une contrainte familiale force la scolarisation dans l'autre commune. En cas de participation obligatoire, prévue par la loi, aux dépenses de fonctionnement générées par la scolarisation dans une autre commune, le maire de la commune de résidence n'a pas plus le choix pour une école publique que pour une école privée. Il n'en demeure pas moins qu'à la différence du cas de l'enseignement privé, le maire de la commune d'accueil peut procéder à un filtrage dans le cas des élèves non-résidents dans une de ses écoles publiques.

Il ne saurait être question de subordonner l'inscription dans une école privée à l'autorisation du maire de la commune d'accueil ou de résidence, sous peine de contrevenir à la Constitution. Néanmoins, les associations de maires ont fait part à vos rapporteurs de leur regret de ne pas être informés en amont des décisions des parents. Le maire de la commune de résidence est informé de l'inscription seulement a posteriori par le chef d'établissement de l'école privée, dans les huit jours suivant la rentrée. La liste des élèves non-résidents transmise ne reprend pas les motifs de l'inscription.

b) Le règlement des litiges financiers

Par ailleurs, l'article 2 de la loi Carle a inséré un nouvel article L. 442-5-2 dans le code de l'éducation qui introduit une nouvelle procédure de règlement des litiges financiers entre les communes et les écoles privés. Cette procédure spécifique porte sur toutes les contributions obligatoires des communes, si bien qu'elle concerne aussi bien les élèves résidents que non-résidents. Le dispositif prévoit qu'en cas de litige, le montant de la contribution obligatoire est fixé par le préfet qui statue dans les trois mois suivant sa saisine par la plus diligente des parties, qu'il s'agisse de la commune ou de l'établissement privé.

En ce qui concerne le cas des élèves non-résidents, seul cas éventuellement susceptible de respecter un parallélisme, cette procédure spécifique ne se retrouve pas à l'identique dans l'enseignement public. Tout d'abord, les différends dans le public ne font pas intervenir l'école qui ne possède pas la personnalité juridique, contrairement à l'établissement privé, mais uniquement les deux communes. Ensuite, en cas de désaccord entre les deux communes, le préfet statue sur la contribution de chacune d'entre elles, alors que dans l'enseignement privé, il ne fixe que la contribution obligatoire de la commune de résidence. Enfin, il n'intervient qu'après avis du conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN), lorsque l'école d'accueil est publique.

Une fois définie la contribution due par la commune de résidence à l'école privée, pour en assurer le paiement effectif, le préfet est invité par la circulaire d'application n° 2012-025 du 15 février 2012 à utiliser les procédures d'inscription d'office et de mandatement d'office, inscrites aux articles L. 1612-15 et L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales, plutôt que le déféré préfectoral.

Le préfet peut saisir la chambre régionale des comptes (CRC) pour qu'elle mette en demeure la commune de résidence d'inscrire la dépense obligatoire à son budget. Si la mise en demeure est restée sans effet pendant un mois, la CRC demande au préfet d'inscrire la dépense au budget de la commune. Le préfet peut ensuite ordonner au comptable public de payer la dépense liquidée qui aura fait l'objet de l'inscription d'office.

c) La prise en compte de l'intercommunalité

Enfin, la prise en compte de l'intercommunalité n'est pas symétrique entre les écoles publiques et les écoles privées. L'article L. 212-8 du code de l'éducation qui règle le financement des élèves non-résidents dans les écoles publiques prévoit que lorsque les compétences scolaires ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), celui-ci se substitue à la commune pour trouver un accord sur le financement et pour apprécier les capacités d'accueil.

En revanche, l'article L. 442-5-1, qui en forme le pendant pour les écoles privées, ne mentionne pas les EPCI mais précise que les capacités d'accueil de la commune de résidence s'apprécient, le cas échéant, au niveau du regroupement pédagogique intercommunal (RPI). La loi Carle renvoie les conditions de prise en compte du RPI à un décret.

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