ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE

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NOTE

sur

Partenariats publics privés :
les équivalents
des « contrats de partenariat »
et leur encadrement

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Espagne - Italie - Royaume-Uni (Angleterre)

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Cette note a été réalisée à la demande
de

MM. Jean-Pierre SUEUR et Hugues PORTELLI, sénateurs

DIRECTION DE L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE

ET DES DÉLÉGATIONS

LC 238

Juillet 2013

AVERTISSEMENT

Les notes de la division de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe.

Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique.

* * *

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note concerne, parmi les partenariats publics privés (PPP), les équivalents des « contrats de partenariat » et les modalités de leur encadrement juridique en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni.

Compte tenu de la variété des objets juridiques auxquels se réfère cette qualification générale de PPP, on croit utile, avant d'en venir au fond du sujet, de préciser les contours de ce concept à géométrie variable.

• Un concept à géométrie variable ?

Selon le Livre vert publié par la Commission européenne en 2004, le terme de partenariats publics privés, qui n'est pas défini au niveau communautaire « se réfère en général à des formes de coopération entre les autorités publiques et le monde des entreprises qui visent à assurer le financement, la construction, la rénovation, la gestion ou l'entretien d'une infrastructure ou la fourniture d'un service » 36 ( * ) . Les opérations de PPP se caractérisent, selon la même source, par :

- la durée relativement longue de la relation, impliquant une coopération entre le partenaire public et le partenaire privé ;

- le mode de financement du projet assuré pour partie par le secteur privé, des montages complexes et parfois des financements publics très importants ;

- le rôle important de l'opérateur économique qui participe à différents stades du projet (conception, réalisation, mise en oeuvre et financement), tandis que l'acteur public se concentre sur la définition des objectifs à atteindre en termes d'intérêt public ;

- et la répartition des risques entre public et privé, qui s'effectue au cas par cas, tous les risques n'étant pas nécessairement assumés par le partenaire privé.

En se référant à la définition « chapeau » donnée par la Commission européenne, le service de la présidence du Conseil des ministres italien qui est chargé de promouvoir les PPP 37 ( * ) , considère que ceux-ci concernent « une vaste gamme de modèles de coopération entre le secteur public et le secteur privé » auquel on peut recourir « dans tous les cas où une administration publique entend confier à un opérateur privé la mise en oeuvre d'un projet pour la réalisation d'ouvrages publics ou d'utilité publique et pour la gestion des services y afférent » 38 ( * ) . Parmi les formes de PPP figurent notamment la concession de travaux, la concession de services, la sponsorisation, le crédit-bail, la promotion de travaux d'urbanisation ou d'équipement touristiques, la concession de biens immobiliers pour leur valorisation à des fins économiques et la création de diverses formes de sociétés (sociétés par action mixte à capital majoritairement public ou majoritairement privé, sociétés de transformation urbaine, notamment).

Bien qu'ils y soient fréquemment associés les PPP sont distincts, selon les autorités italiennes compétentes, du « project financing » ou « financement de projet » défini comme « le financement d'un projet en mesure de susciter, dans la phase de gestion, des flux de caisse suffisants pour rembourser la dette contractée pour sa réalisation et rémunérer le capital-risque » 39 ( * ) auquel le code des contrats publics italien consacre plusieurs dispositions spécifiques.

De son côté, la Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat du Ministère français de l'Économie et des finances rappelle que, selon l'exposé des motifs de l'ordonnance du 17 juin 2004, parmi les relations contractuelles conclues par les collectivités publiques, les contrats de partenariat sont une forme contractuelle nouvelle qui vient s'ajouter aux deux formes traditionnelles que connaissait le droit français avant leur introduction à savoir, d'une part, les marchés publics et, d'autre part, les délégations de service publics .

Les marchés publics s'entendent dans notre pays comme « des contrats qui font entrer les administrations et les entreprises dans des relations de clients à fournisseurs. Le prix versé par l'administration est la contrepartie immédiate de la prestation fournie par l'entreprise et les relations entre les cocontractants sont régies de façon quasi immuable par le contrat pendant toute la durée, en général limitée, de ce dernier. L'entreprise ne court aucun risque autre que celui que connaît normalement tout fournisseur » 40 ( * ) .

Les délégations de service public permettent quant à elles de « confier à un tiers sous le contrôle de l'administration, la gestion et l'exploitation d'un service public. Il s'agit d'un service assuré par l'entreprise, en général avec ses propres moyens, et qui produit une activité économique (distribution de l'eau, concession de plage, autoroute...) dont la rémunération est directement assurée par l'exploitation. Les conventions de délégation de service public sont, à l'instar des marchés publics, des contrats dont les termes évoluent peu, même si leur durée est longue. À la différence des marchés publics, l'entreprise se voit en principe transférer le risque lié à la consommation du service par les usagers . » 41 ( * )

• Champ de l'étude

Le concept de partenariat public privé (PPP) peut être entendu de façon étendue ou limitative. En effet, il est utilisé de façon générique pour viser toute technique contractuelle qui fait intervenir des financements privés, y compris les concessions, ou bien employé dans un sens restreint aux équivalents des « contrats de partenariat » reconnus par le droit français dont on trouvera la définition infra . Cette note s'attache précisément à ces dernières formes « limitées » de PPP, qu'il s'agisse :

- des « contrats de collaboration entre le secteur public et le secteur privé » (contrato de colaboración entre el sector público y el sector privado) espagnols ;

- des dispositions italiennes relatives à la « finance de projet » ( finanza di progetto ) qui concernent des opérations qui sont menées à bien dans le cadre de concessions ;

- et des « Initiatives de Financement privé » (PFI, Private Finance Initiative) remplacées en décembre 2012 par les « Initatives de Financement 2 » (PF2, Private Finance 2) utilisées au Royaume-Uni.

Après avoir rappelé les grands traits du régime applicable en France au plan législatif aux « contrats de partenariat », elle présente les conclusions tirées de la comparaison de ces quatre exemples.

1. Le régime applicable en France aux « contrats de partenariat »

Introduit en droit français par l' ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat modifiée par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel « l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital ».

Ce contrat peut également avoir pour objet « tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée ».

Le contrat de partenariat ne peut être conclu que :

- si « compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet » ;

- ou bien si « le projet présente un caractère d'urgence, lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, quelles que soient les causes de ce retard, ou de faire face à une situation imprévisible » ;

- ou encore si « compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique », étant observé que le critère du paiement différé ne peut constituer à lui seul un avantage.

Le contrat de partenariat est conclu au terme :

- d'une procédure de dialogue compétitif ;

- d'un appel d'offres ;

- ou d'une procédure négociée.

Le cocontractant qui assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser est rémunéré au moyen d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat, compte tenu des objectifs de performance qui lui sont assignés.

Reprenant l'essentiel des dispositions de l'ordonnance n°  2004-559 du 17 juin 2004 modifiée, l'article L. 1414-1 du code général des collectivités locales précise que, pour celles-ci, le financement définitif d'un projet doit être majoritairement assuré par le titulaire du contrat, sauf pour des projets d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret.

Conformément aux dispositions de l'article 29 de la directive 2004/18 du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux de fourniture et de services, le contrat de partenariat, auquel sont applicables les règles relatives aux marchés publics que fixe ce texte 42 ( * ) , peut être conclu selon la procédure du dialogue compétitif dès lors que, le marché étant particulièrement complexe, il ne peut pas être attribué au moyen d'une procédure ouverte ou restreinte.

Le régime du contrat de partenariat est donc distinct de celui de la concession, aussi bien au sens du droit européen puisque la directive 2004/18 précitée consacre à celle-ci un titre spécifique (III) que de l'ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics ou du régime des délégations de service public tel qu'il résulte du chapitre IV du titre II de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifiée, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Enfin un décret n° 2012-1093 du 27 septembre 2012 complétant les dispositions relatives à la passation de certains contrats publics prévoit que tout partenariat dont la conclusion est envisagée par l'État ou par un de ses établissements publics donne lieu à une « étude réalisée par le pouvoir adjudicateur visant à évaluer l'ensemble des conséquences de l'opération sur les finances publiques et la disponibilité des crédits » et qu'il ne peut être signé qu'après accord du ministre chargé de l'Économie et du ministre chargé du budget.

2. Observations sur les législations étudiées

L'analyse comparative conduit à observer que :

- la variété des définitions rend les comparaisons délicates ;

- les motivations du recours au PPP vont au-delà du seul manque de moyens financiers de la personne publique ;

- et enfin que l'encadrement des PPP peut ressortir de dispositifs très divers.

• Asymétrie des définitions - difficultés de comparaison

Le simple rapprochement des législations montre que les divisions retenues par les différents États ne concordent pas en ce qui concerne les PPP.

À côté de la définition large de ces opérations entendues au sens du Livre vert de la Commission européenne, les législateurs concernés ont introduit dans leur droit, à côté de formes juridiques traditionnelles susceptibles de faire l'objet de « financement de projet » (project financing) au sens évoqué supra , des régimes spécifiques différents des contrats de partenariat du droit français, à l'instar des dispositions :

- de la loi espagnole sur le « contrat de collaboration entre le secteur public et le secteur privé » (contrato de colaboración entre el sector público y el sector privado) ;

- et des dispositions de la loi italienne sur la « finance de projet » (finanza di progetto) qui se surajoutent au régime général des concessions .

Le régime applicable en Angleterre doit, quant à lui, davantage aux normes publiées par le Trésor britannique qu'à l'intervention du législateur.

Ces trois exemples confirment l'appréciation d'une publication, selon laquelle « l'existence d'une législation spécifique aux PPP n'est pas une condition nécessaire à leur développement » 43 ( * ) .

Compte tenu du fait que le « financement de projet » est susceptible de se « nicher » dans toutes les formes contractuelles traditionnelles - à commencer par la concession qui semble son « véhicule » d'élection -, il apparaît que c'est l'encadrement juridique propre à ces divers instruments qui tient lieu de « garde fous » à ces opérations. On atteint, par conséquent, ici les limites de l'analyse comparée du fait de l'existence de nomenclatures distinctes reposant sur des principes divers qui distinguent des objets juridiques très variés dans leur contenu.

• Les motivations de l'utilisation des PPP vont au-delà du besoin des personnes physiques de recourir à des financements privés

Deux exemples montrent que c'est tout autant la spécificité des projets à réaliser que le manque de moyens financiers publics qui justifient le recours :

- aux « contrats de collaboration entre le secteur public et le secteur privé » en Espagne, où ceux-ci sont avant tout destinés à réaliser, dans le cadre de la procédure de dialogue compétitif, des opérations si originales que l'on ne pourrait les mettre en oeuvre grâce aux autres procédures en vigueur ;

- aux concessions réalisées dans le cas de la « finance de projet » en Italie où l'administration souhaite pouvoir obtenir des modifications aux projets qui lui sont soumis et peut, de surcroît, recevoir des « projets préliminaires » d'opérateurs privés désireux de réaliser des travaux ou des ouvrages qui pourraient répondre à un intérêt public.

• Les modalités d'encadrement des PPP peuvent ressortir de dispositifs très divers

Outre les clauses contractuelles qui doivent obligatoirement figurer dans les accords relatifs aux PPP et les garanties qui sont exigées de leurs signataires, on retient parmi les mesures prises avant la signature du contrat que :

- l'Italie astreint les candidats à la « finance de projet » à faire avaliser leur plan de financement par un expert-comptable-commissaire aux comptes ;

- la rédaction d'un rapport préalable du ministère de l'Economie sur les conséquences financières de l'opération est nécessaire, en Espagne, dès lors que le montant du projet dépasse 12 millions d'euros et que des aides publiques sont prévues ;

- des contrats-types sont rédigés en Angleterre dans le respect des normes imposées par les directives du Trésor, les dérogations devant être autorisées par ce ministère ;

- en Angleterre également, des analyses de rentabilité du projet sont soumises à l'approbation préalable du Trésor avant l'adoption de la décision de recourir à un tel contrat, avant l'appel d'offres et avant la fin du dialogue compétitif et les contrôles sont renforcés sur les projets majeurs (plus de 1,2 milliard d'euros), ainsi que sur les projets risqués, complexes ou innovants.

Quant aux contrôles a posteriori , ils reposent :

- en Espagne, sur la transmission à la Cour des Comptes ou à l'organe compétent de la communauté autonome, de tous les « contrats de coopération » d'un montant de plus de 600 000 euros hors taxes ;

- en Angleterre sur un accord entre le ministère qui met en oeuvre un PPP et le ministère du Trésor pour le suivi de la réalisation du partenariat.


* 36 Commission des communautés européennes, Livre vert sur les partenariats public privé et le droit communautaire des marchés publics et des concessions , 30 avril 2004, p. 3.

* 37 Cette Unité technique « Finance de projet » (Unità tecnica finanza di progetto) est une des composantes du département pour la Programmation et la Coordination de la politique économique de la Présidence du Conseil des ministres.

* 38 Unità tecnica finanza di progetto, 100 domande e risposte , 2009, p. 15.

* 39 Idem , p. 20.

* 40 Mission d'appui à les réalisation des contrats de partenariat, Les contrats de partenariat : Guide méthodologique version du 25 mars 2011 , p. 7.

* 41 Ibidem .

* 42 Conseil d'État, 27 octobre 2004, n° 269814, Sueur et autres.

* 43 Mission d'appui aux partenariats public privé, European PPP Expertise Center, Le Guide EPEC des PPP. Manuel de bonnes pratiques , Luxembourg, 2012, p. 56.

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