B. VERS LA STABILISATION DU NIVEAU D'EMPLOI

Le graphique ci-dessous illustre notamment les effets de la RGPP de 2008 à 2012, puis l'inflexion constatée à partir de la fin de l'année 2012. En 2012, les emplois consacrés à l'administration territoriale s'élevaient à 27 809 ETPT . D'un point de vue méthodologique, il faut souligner que les effectifs comptabilisés pour 2008 et 2009 totalisent non seulement ceux du programme 108 « Administration territoriale » mais aussi ceux recensés dans le programme 307 « Administration territoriale : expérimentation Chorus ». À partir de 2010 ces deux programmes ont été fusionnés au sein du programme 307 14 ( * ) .

L'évolution des ETPT du programme « Administration territoriale »
depuis 2006

Source : commission des finances d'après les projets annuels de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État »

Depuis 2013, le rythme des suppressions d'emplois a enregistré une inflexion notable et s'est considérablement ralenti : - 46 ETPT en 2013 et - 325 ETPT en 2014.

Ainsi, depuis deux ans, le niveau des effectifs dédiés aux préfectures et aux sous-préfectures tend à atteindre un seuil de stabilisation .

C. LA QUALITÉ DU SERVICE PUBLIC ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL EN QUESTION

1. Les activités de guichet

Les suppressions d'emplois commandées par la RGPP au sein des préfectures et des sous-préfectures n'ont pas été sans poser problème. Elles étaient en effet essentiellement fondées sur un pari : les gains de productivité espérés de la diffusion des nouvelles technologies . Or, dans son rapport « La RGPP dans les préfectures : pour la délivrance des titres, la qualité du service public est-elle en péril ? » 15 ( * ) , votre rapporteure spéciale a démontré que ce pari était hasardeux.

Les difficultés rencontrées tant dans le déploiement du SIV que lors de l'entrée en vigueur du passeport biométrique ont largement illustré ce constat. Un principe de précaution aurait probablement voulu qu'on mette dans un premier temps en place la nouvelle génération de titres sécurisés, qu'on en tire le bilan organisationnel puis qu'on supprime le cas échéant les emplois dégagés grâce aux gains de productivité. Mais c'est la logique inverse qui a été mise en oeuvre. Le résultat en a été une forte pression sur les activités de guichet pour la délivrance des titres.

Cette pression ne s'est que partiellement relâchée aujourd'hui . Grâce à des redéploiements et à la mobilisation de l'ensemble des personnels, les préfectures et les sous-préfectures ont absorbé les suppressions d'emplois. Mais les heurts du passage au nouveau permis de conduire en 2013 avec le projet « FAETON » (cf. infra ) ont à nouveau mis en difficulté les agents de préfecture face à la demande légitime des usagers 16 ( * ) . Le surcroît de travail impliqué par cette transition chaotique est venu se conjuguer à une activité de délivrance des certificats d'immatriculation qui reste plus importante que les prévisions initialement réalisées lors de la mise en place du SIV. En effet, alors que les réseaux de concessionnaires se sont vus confier une mission de délivrance de ces certificats, leurs opérations restent dans les faits aujourd'hui limitées aux véhicules neufs. Pour les véhicules d'occasion, les usagers continuent de se tourner majoritairement vers les services des préfectures. Ce constat n'est pas neutre dans un contexte économique où le marché du neuf traverse une passe difficile et où la majorité des transactions portent sur des voitures d'occasion. Selon les informations recueillies en préfectures par votre rapporteure spéciale, on peut estimer à plus de 50 % la proportion de certificats d'immatriculation encore délivrés aux guichets des préfectures. Par ailleurs, l'activité des concessionnaires automobiles dans le cadre de la délivrance des certificats d'immatriculation impose un contrôle suivi qui vient grever les gains d'emplois espérés au sein de l'administration préfectorale (cf. infra ).

L'effet de ciseaux consistant en la suppression des effectifs et au maintien d'un niveau d'activité de délivrance de titres encore élevé n'est pas sans conséquences sur la charge de travail pesant sur les agents aux guichets des préfectures et des sous-préfectures. Même si la page du très pénible passage au SIV est désormais tournée, le « moral des troupes » reste en berne . La lassitude ici éprouvée vient se mêler au sentiment de perte de sens de la mission et d'anxiété quant au devenir des préfectures et des sous-préfectures.

Eu égard à cette situation, votre rapporteure spéciale souligne le sens du service public et l'engagement des personnels (notamment ceux situés en premier ligne au contact des usagers dans les activités de guichet) dans un contexte tendu. La réussite finale des projets menés à bien dans les préfectures au cours des dernières années (SIV, passeports biométriques, mutualisations de moyens...) leur doit beaucoup.

2. Le contrôle de légalité

Outre les activités de guichet, une autre mission traditionnelle des préfectures a connu une profonde évolution au cours des dernières années : le contrôle de légalité . Dans ce domaine les suppressions de postes ont reposé sur une révision de la stratégie de contrôle.

La stratégie redéfinie du contrôle de légalité

La circulaire NOR IOA/C/091/7418/C du 23 juillet 2009 relative à la réorganisation du contrôle de légalité fixe le principe d' une concentration en préfecture des moyens nécessaires au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire. Ces moyens étaient, jusqu'alors, répartis entre les sous-préfectures.

Toutefois, le rôle et la responsabilité du sous-préfet à l'égard des élus en matière de contrôle de légalité sont préservés. Il s'agit en l'espèce de maintenir le sous-préfet dans le jeu des relations avec les collectivités territoriales, en protégeant l'un de ses principaux moyens d'action.

Le sous-préfet conserve également sa fonction de conseil auprès des collectivités territoriales, cette mission étant indissociable du contrôle.

La nouvelle architecture du contrôle de légalité s'accompagne d' un circuit redéfini de transmission des actes :

- les actes des collectivités territoriales situées dans les arrondissements de la sous-préfecture sont transmis à celle-ci ;

- sur la sous-préfecture repose la charge de procéder à une sélection des actes prioritaires, sur la base de la stratégie de contrôle élaborée par le préfet. Ces actes sont alors transmis pour traitement au service compétent (la direction des relations avec les collectivités territoriales) de la préfecture. Dans ce cadre, ce service est mis pour emploi à la disposition du sous-préfet ;

- en tant que de besoin, ce service soumet à la signature du sous-préfet les lettres d'observation aux élus de son arrondissement.

Au total, le sous-préfet conserve donc sa capacité d'appréciation , dans le respect des directives préfectorales. Son rôle en matière de conseil aux collectivités territoriales se trouve par ailleurs garanti par la mise à disposition, également pour emploi, de la direction des relations avec les collectivités territoriales (DRCT) dans ce cadre.

Dans ce schéma d'organisation d'ensemble quelques exceptions peuvent toutefois exister, du fait de spécificités géographiques . Par exemple, le cas de certaines sous-préfectures très éloignées et / ou peu accessibles du chef-lieu de département peut susciter des adaptations.

Ainsi que le rappelle la circulaire du 23 juillet 2009 précitée « la nouvelle organisation représente une transformation des méthodes de travail. Excluant le cloisonnement géographique, elle implique un travail en réseau entre les sites, et donc des relations souples, rapides, réactives et collaboratives ». Cette capacité à travailler en réseau est d'autant plus sollicitée que certains pôles thématiques peuvent être localisés en fonction d'une sous-préfecture disposant d'une expertise préalable particulière, par exemple.

Dans le cadre du contrôle de légalité, les préfectures ont été incitées à recentrer le contrôle sur les actes les plus sensibles et à fort enjeu .

Initié par la circulaire précitée du 17 janvier 2006 relative à la modernisation du contrôle de légalité, ce recentrage a fait l'objet d'une actualisation par la circulaire NOR IOCK0920444C du 1 er septembre 2009 relative au contrôle de légalité en matière d'urbanisme, par l'ordonnance n° 2009-1401 du 17 novembre 2009 portant simplification de l'exercice du contrôle de légalité et par la circulaire NOR IOC/B/C du 24 février 2010 relative à la mise en oeuvre de l'ordonnance précitée.

Les priorités stratégiques s'articulent autour des domaines de l'urbanisme et de l'environnement, de la commande publique et du respect des compétences des différentes collectivités territoriales.

Concernant l'urbanisme et l'environnement , les décisions de préemption deviennent, par exemple, des actes à contrôler en priorité. Il en va de même notamment pour les arrêtés d'ouverture d'enquêtes publiques et pour les délibérations relatives aux acquisitions foncières et aux périmètres d'intervention foncière. En revanche, les permis portant sur des travaux mineurs et sans enjeu n'entrent pas dans cette catégorie.

Parmi les priorités de ce secteur, le respect des législations afférentes à l'aménagement et à la protection des espaces géographiques sensibles occupe également une bonne place. Il s'agit ici de faire strictement appliquer pour les zones de montagne et le littoral les dispositions issues des articles L. 145-1 et suivants (dispositions particulières aux zones de montagne), ainsi que L. 146-1 et suivants (dispositions particulières au littoral) du code de l'urbanisme.

Par ailleurs, l'exercice du contrôle de légalité doit porter prioritairement sur les aménagements et les travaux situés dans des zones à risques , tout particulièrement lorsque ces zones sont couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches ou les incendies de forêts.

S'agissant de la commande publique , l'attention porte désormais en particulier sur les dossiers à fort enjeu (cette notion pouvant s'apprécier au regard du contexte local), les marchés de maîtrise d'oeuvre, les conventions de mandat ainsi que les marchés complémentaires.

Le contrôle des actes budgétaires et à caractère financier continue de représenter un volet majeur du contrôle de légalité. Ainsi que le rappelle la directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures (2010-2015), « un contrôle budgétaire attentif et réactif est indispensable pour prévenir une dégradation de la situation financière des collectivités territoriales » .

Les limites du contrôle de légalité : les emprunts toxiques

Dans le domaine financier, le contrôle de légalité comporte des limites et il ne peut être assimilé à un contrôle d'opportunité. Cette question se trouve notamment illustrée par la crise des emprunts toxiques qui a concerné certaines collectivités territoriales .

À cette occasion, il a pu être reproché à l'État, et donc à son contrôle, de ne pas avoir rempli son rôle de vigilance. Or, le contrôle de légalité ne pouvait pas se prononcer , ni alerter sur ces emprunts, et ce pour deux raisons. D'une part, le principe de libre administration des collectivités territoriales prévalait. D'autre part, l'expertise financière limitée à disposition de ce contrôle ne lui permettait que très difficilement de détecter les risques encourus sur des produits financiers parfois très complexes.

Peut-être certaines collectivités ont-elles trop attendu de ce contrôle de légalité ? Toujours est-il que, comme l'a rappelé votre rapporteure spéciale lors du débat en séance publique sur le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public 17 ( * ) , le problème posé par les emprunts toxiques relève d' une « responsabilité partagée » entre les banques, l'État et les collectivités territoriales .

Contrairement aux actes cités précédemment, la plupart des actes de personnels relevant du code de la fonction publique ne sont plus considérés comme prioritaires . Seuls demeurent dans cette catégorie quelques actes tels que les contrats des personnels de cabinet, ce secteur devenant particulièrement sensible au lendemain des élections.

Au regard de cette stratégie, votre rapporteure spéciale s'interroge cependant sur ce « rétrécissement » du périmètre de contrôle. Elle rappelle que la diminution du champ prioritaire du contrôle de légalité peut avoir pour conséquence une augmentation de l'insécurité juridique, qui aurait elle-même un coût social élevé .

Votre rapporteure spéciale rappelle en outre qu'à ce recentrage du contrôle viennent se combiner les effets de la récente réforme des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) . Ayant donné lieu à la fusion de certaines de ces chambres, cette réforme a notamment pour conséquence un éloignement supplémentaire du contrôleur et des collectivités territoriales contrôlées 18 ( * ) .


* 14 Cette remarque méthodologique vaudra par la suite pour l'ensemble des graphiques présentant infra les évolutions du programme « Administration territoriale » (structure de l'emploi, crédits de personnel, de fonctionnement et d'investissement).

* 15 Sénat, rapport d'information n° 35 (2010-2011).

* 16 Dans sa décision n° 23, le Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013 a prévu que « les usagers pourront régler en ligne par paiement sécurisé le coût des titres, ou par timbre fiscal, en particulier la carte grise des véhicules, qu'ils font établir en préfecture (...) ».

* 17 Sénat, compte rendu intégral des débats, séance du 13 mai 2014.

* 18 Pour davantage de développements sur cette réforme, votre rapporteure spéciale renvoie au rapport spécial n° 148 (2012-2013), Tome III - Annexe 6, « Conseil et contrôle de l'État » de Charles Guené.

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