XII. SINGAPOUR

Les autorités singapouriennes ne régulent pas les transactions en monnaie virtuelle en elles-mêmes, mais suivent avec intérêt l'évolution des transactions utilisant ce support et le développement des moyens d'échanges. À cet égard, l'administration fiscale (IRAS - Inland Revenue Authority of Singapore ) a fourni en janvier dernier les clarifications nécessaires sur les règles de taxation des opérations impliquant des monnaies virtuelles. L'autorité monétaire de Singapour (MAS) a également annoncé en mars dernier qu'elle allait introduire des régulations sur les transactions en monnaie virtuelle afin de limiter les risques en termes de blanchiment et de financement du terrorisme. Bien que le statut juridique de ces nouveaux produits demeure flou, les autorités singapouriennes adoptent plutôt une attitude de laisser-faire vis-à-vis d'un marché qui pourrait croître rapidement dans la cité-État, tout en mettant en garde les utilisateurs face aux dangers potentiels de l'utilisation des monnaies virtuelles et en les incitant à la prudence.

Q1/- Les monnaies virtuelles ont-elles fait l'objet de débats, de travaux (rapports, auditions publiques, etc.), de prises de position publiques ou politiques ? Avez-vous identifié des réflexions en cours sur le sujet ? Des think-tanks sont-ils actifs sur le sujet ?

Les monnaies virtuelles ont fait l'objet d'une attention mesurée, en témoigne le peu de publications dans la presse singapourienne (à l'exception des récentes mesures annoncées par la MAS, voir Q5). Les évolutions qu'elles connaissent suscitent néanmoins des inquiétudes : ainsi, les parlementaires se sont interrogés sur l'environnement juridique des transactions en monnaie virtuelle et ont interrogé en février dernier l'autorité monétaire sur la nécessité de futures règlementations relatives à l'utilisation des monnaies virtuelles par les consommateurs singapouriens et les entreprises basées dans la cité-État. Ils ont également demandé à l'autorité monétaire de sensibiliser les Singapouriens aux risques liés aux échanges et aux investissements en monnaie virtuelle.

Q2/- Les autorités publiques se sont-elles montrées plutôt favorables ou circonspectes sur les monnaies virtuelles, notamment le bitcoin ?

Les autorités, si elles ne semblent pas particulièrement favorables au développement du bitcoin , hésitent encore entre laisser-faire et volonté de mieux contrôler les risques associés à ce marché par nature mal maitrisé. Si les autorités se sont engagées à ne pas règlementer pour le moment les transactions en monnaies virtuelles, elles envisagent de traiter l'aspect anti-blanchiment afin de préserver la réputation de la place financière de Singapour. La MAS a indiqué en décembre dernier qu'elle n'interdirait pas aux commerçants d'accepter des paiements en monnaie virtuelles, mais elle semble surveiller de près les évolutions du marché. Reflétant cette volonté de laisser-faire, les autorités ne se sont pas opposées à l'installation des deux premiers distributeurs de bitcoins en Asie en février dernier (financées par la plateforme d'échange de Bitcoin Exchange).

Q3/- Certains acteurs des monnaies virtuelles mènent-ils un travail de lobbying auprès des institutions publiques (administrations, Parlement, régulateurs) ? Si oui, quels sont les arguments mis en avant ? Quelles sont leurs demandes ?

Pas à notre connaissance.

Q4/- Les monnaies virtuelles font-elles l'objet d'une définition légale ? Des évolutions légales ou règlementaires sont-elles envisagées ? Si oui, préciser les principales dispositions.

Le statut juridique des monnaies virtuelles demeure flou, même si les décisions récentes des autorités sont venues apporter quelques clarifications. L'autorité monétaire définit les monnaies virtuelles comme « des représentations numériques de la valeur qui peuvent être commercialisées sur internet et fonctionnent comme un moyen d'échange » ; .les monnaies virtuelles n'ont pas cours légal -leur acceptation en tant que moyen de paiement n'est donc pas garantie-, et ne sont pas considérées comme des actifs financiers (et donc ne rentrent pas dans le cadre juridique du Securities and Futures Act ). De son côté, l'administration fiscale assimile les transactions en monnaies virtuelles à un échange de service.

Q5/- Les régulateurs sont-ils intervenus pour encadrer l'utilisation des monnaies virtuelles ? Les plateformes dédiées à l'utilisation de ces monnaies sont-elles soumises à des obligations spécifiques ?

L'autorité monétaire a annoncé en mars dernier son intention de réguler les intermédiaires permettant les transactions en monnaie virtuelle à Singapour, afin de limiter les risques liés au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. Si le détail des règles n'est pas encore connu, l'idée est d'imposer aux intermédiaires de monnaies virtuelles qui achètent, vendent ou facilitent l'échange contre des monnaies légales de vérifier l'identité de leurs clients et de signaler les transactions suspectes, sur le modèles des règles applicables aux bureaux de change. La MAS cite explicitement, parmi ces intermédiaires, les opérateurs de plateformes d'échange et de machines de ventes de bitcoin . En revanche, les points de vente qui acceptent des monnaies virtuelles en paiement de biens ou de services seront exclus du champ de cette régulation.

Q6/- Les administrations fiscales ont-elles pris position sur la nature des monnaies virtuelles et, partant, sur les conséquences fiscales qui y sont attachées ?

L'administration fiscale a clarifié en janvier dernier les règles de taxation des opérations impliquant les monnaies virtuelles. Elle assimile les monnaies virtuelles à une fourniture de service, et non une monnaie, ce qui se traduit notamment par les traitements suivants :

Pour l'application de la TVA ( Goods and Services Tax ) pour les entreprises qui y sont soumises 64 ( * ) : l'utilisation par les entreprises de monnaies virtuelles pour l'achat d'un bien ou d'un service est considérée comme du troc, la transaction pouvant alors être taxée pour les deux biens échangés si les monnaies virtuelles sont utilisées pour payer un fournisseur local. La vente de monnaies virtuelles est considérée comme une vente de service, et est donc soumise à la TVA, sur la totalité de la transaction si l'entreprise vend/achète directement des monnaies virtuelles ou sur la commission uniquement si elle n'agit qu'en tant qu'intermédiaire (comme le font les plateformes d'échange). Les ventes de monnaies virtuelles à destination d'acteurs basés hors de Singapour ne sont pas soumises à la TVA locale.

Concernant l'imposition des sociétés ( Income tax ), les entreprises qui vendent/achètent des monnaies virtuelles sont imposées sur la base des gains réalisés, à l'exception notable des monnaies virtuelles acquises ou vendues à des fins d'investissement 65 ( * ) .

Q7/- Les autorités publiques ont-elles entrepris des actions d'information ou de prévention vis-à-vis des épargnants ou des consommateurs ?

L'organisme gouvernemental MoneySENSE a publié une alerte à destination des consommateurs sur les risques liés à l'utilisation des monnaies virtuelles. Les informations disponibles sur ce site internet s'accordent avec les déclarations de l'autorité monétaire, précisant que :

- les investissements en monnaie virtuelle ne sont pas garantis par les lois Securities and Futures Act et Financial Advisers Act ;

- les avoirs en monnaie virtuelle des consommateurs utilisant des opérateurs de plateforme d'échange (telles que Liberty Reserve , WebMonay , Perfect Money ) ne sont pas protégés en cas de fermeture des plateformes ;

- les consommateurs ne sont pas en mesure d'obtenir un remboursement de leurs avoirs si le régime de monnaie virtuelle cessait de fonctionner.

Les utilisateurs doivent être conscients que la valeur des unités de monnaie virtuelle peut fluctuer de façon imprévisible dans un court laps de temps (par exemple la valeur du bitcoin aurait chuté de plus de 50 % en quelques heures au début du mois d'avril 2013).

Q8/- Constate-t-on une progression des investissements (publics ou privés) en matière de monnaies virtuelles ?

La plateforme d'échange en ligne FYB -SG, première plateforme de la sorte à Singapour, permet d'échanger de la monnaie virtuelle contre des SGD. Plus de 440 000 dollars de bitcoin ont été traités depuis sa mise en service en janvier 2013 et les investissements devraient progresser rapidement avec l'augmentation du nombre de commerçants de biens et services, encore marginaux dans la cité-État, acceptant d'être rémunérés avec ce moyen de paiement. À noter également que les infrastructures de marché se renforcent, avec la création depuis début 2013 de plusieurs plateformes d'échange, et l'installation récente des premiers distributeurs de bitcoins .


* 64 Obligatoire uniquement si le chiffre d'affaires est supérieur à 1 M SGD (environ 575 000 EUR).

* 65 Dans ce cas, le bénéfice de la vente est considéré comme une plus-value et n'est donc pas imposés à Singapour, le pays n'avant pas de taxe sur les plus-values

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