PREMIÈRE PARTIE : UN EXAMEN LIMITÉ, À VALEUR PÉDAGOGIQUE PARFOIS RÉDUITE

I. UN EXERCICE AU « RÉSULTAT PRÉVISIBLE » ?

A titre liminaire, il convient de souligner que seul le pouvoir exécutif a compétence, d'une part, pour négocier les engagements internationaux et, d'autre part, pour les ratifier ou les approuver.

En effet, l'article 52 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que « le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international non soumis à ratification . 1 ( * ) »

En effet, la pratique française identifie deux types d'engagement international :

- les accords en forme solennelle , désignés à l'article 52 de la Constitution par le terme « traités » et conclus au nom du chef de l'État , et

- les accords en forme simplifiée , conclus au niveau du gouvernement 2 ( * ) .

Les premiers sont signés par le Président de la République et doivent être ratifiés, tandis que les seconds sont signés par le ministre des affaires étrangères et font l'objet d'une approbation 3 ( * ) .

Nonobstant la qualité du signataire, l'entrée en vigueur des accords de l'une et l'autre forme est soumise aux mêmes procédures constitutionnelles. Leur portée juridique est identique au regard du droit international comme du droit interne.

L'entrée en vigueur d'un traité ou d'un accord , dès sa signature, n'est prévue que pour les engagements internationaux dont la ratification ou l'approbation ne nécessite pas de recours à la procédure parlementaire.

En effet, l'article 53 de la Constitution précise que « les traités de paix , les traités de commerce , les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale , ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative , ceux qui sont relatifs à l'état des personnes , ceux qui comportent cession , échange ou adjonction de territoire , ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi . »

Le Parlement ne dispose donc que du pouvoir d'autoriser ou de refuser la ratification ou l'approbation, selon le cas, et dans les seuls cas mentionnés à l'article 53.

Le Parlement ne ratifie jamais un traité, pas plus qu'il n'approuve un accord . La loi ainsi votée ne constitue qu'une simple habilitation autorisant cette ratification ou cette approbation. En conséquence, cette autorisation ne lie pas l'exécutif qui est libre de ratifier ou non le traité et d'approuver ou non l'accord.

Cela étant, rien n'empêche le Parlement de s'informer sur une négociation, ni le Gouvernement de donner aux assemblées parlementaires les indications lui permettant un suivi. Ce fut le cas pour le traité de non-prolifération, pour les négociations sur le désarmement ou encore sur les négociations sur le climat en vue de la COP 21.

Compte tenu de ces propos liminaires, votre rapporteur tient à observer que le champ de sa réflexion est strictement circonscrit aux engagements internationaux nécessitant une autorisation du Parlement, préalablement à leur ratification ou approbation, conformément à l'article 53 4 ( * ) précité.

A. ADOPTION OU REJET

1. Un champ d'application de l'article 53 soumis à interprétation
a) Un travail d'interprétation de l'article 53

L'exigence d'une autorisation parlementaire, afin de ratifier un traité ou approuver un accord, dépend non pas de la forme solennelle ou simplifiée du texte, mais de son sujet. Le critère est donc matériel et non formel.

Votre rapporteur relève que la mise en oeuvre de l'article 53 ne constitue pas un exercice mécanique. Ainsi que l'énonce une circulaire de 1997 5 ( * ) , i l n'est, en effet, pas possible de déterminer systématiquement a priori les accords relevant de l'article 53, à l'exception des traités de paix et de commerce, des accords relatifs à l'état des personnes et de ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire.

Le champ d'application de l'article 53 est par nature évolutif car il est précisé au fil du temps par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État . A titre d'illustration, les accords de siège sont généralement soumis à autorisation législative 6 ( * ) .

Les deux catégories pouvant donner lieu à interprétation sont les traités qui engagent les finances de l'Etat, ainsi que ceux qui modifient les dispositions de nature législative.

En ce qui concerne les traités qui engagent les finances de l'Etat, ils sont interprétés comme étant ceux qui édictent « une obligation financière effective, précise, nouvelle et certaine » 7 ( * ) . Ainsi, celle-ci doit être distincte des dépenses courantes des ministères concernés.

Quant aux engagements qui « modifient les dispositions de nature législative », il suffit que l'une au moins de leurs stipulations relève du domaine de la loi , tel qu'il est déterminé par l'article 34 de la Constitution 8 ( * ) , pour que l'autorisation du Parlement pour sa ratification ou son approbation soit requise 9 ( * ) .

Cette apparente simplicité peut, toutefois, donner lieu à des « hésitations », quant aux modalités internes d'approbation. Dans un tel cas, le ministère des affaires étrangères et du développement international (ci-après, ministère des affaires étrangères ou MAE) 10 ( * ) consulte le secrétariat général du Gouvernement (ci-après, SGG) Cette interprétation sera ensuite validée ou non par le Conseil d'Etat.

A titre d'illustration , un décret du 4 juillet 2014 11 ( * ) avait ajouté à l'ordre du jour du Parlement, convoqué en session extraordinaire à partir du 1 er juillet 2014, le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord relatif à l'acquisition d'un système satellitaire optique d'observation 12 ( * ) français par le Pérou .

Le Pérou exigeant que l'acquisition soit formalisée dans un cadre intergouvernemental, un accord a donc été conclu, aux termes duquel la France s'engageait à fournir au Pérou ledit système. La direction des affaires juridiques du MAE avait conclu à la nécessité d'obtenir l'autorisation parlementaire pour approuver cet accord parce qu'il portait sur des matières législatives .

En l'espèce, il pouvait être argumenté que le mécanisme de cession 13 ( * ) à un industriel de l'obligation de fourniture d'un bien par l'État, sans que ce dernier en ait été propriétaire , portait, d'une manière générale, sur les matières législatives 14 ( * ) , telles que mentionnées à l'article 34 de la Constitution, et pouvait constituer de manière plus spécifique, une stipulation pour autrui 15 ( * ) , autre matière législative prévue à l'article 1121 du code civil. Enfin, l'accord, en prévoyant une obligation de fourniture pouvait être regardé comme comportant une garantie de l'État au sens de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances.

En dépit du caractère exorbitant du droit commun de l'engagement international, le Conseil d'Etat a, toutefois, estimé que l'autorisation parlementaire prévue à l'article 53 n'était pas justifiée . En conséquence, le SGG a décidé de retirer le texte de l'ordre du jour. L'entrée en vigueur a été de facto beaucoup plus rapide que prévue 16 ( * ) .

b) La saisine parlementaire, une sécurité juridique

Ces doutes, quant à l'application de l'article 53 à un traité, peuvent conduire à une saisine du Parlement plus fréquente que nécessaire afin de garantir la validité du processus d'approbation.

Ces saisines sont aujourd'hui d'autant plus justifiées qu'un décret d'approbation d'un accord peut être attaqué par voie d'action. En effet, depuis la jurisprudence « Blotzheim » 17 ( * ) de 1998, le Conseil d'Etat accepte de vérifier la bonne application de l'article 53 18 ( * ) . En cas de méconnaissance de l'article 53, le décret d'approbation est déclaré illégal.

En conséquence, l'accord ne saurait produire des effets en droit interne alors que paradoxalement la France est liée sur le plan international. En effet, conformément à l'article 46 de la Convention de Vienne 19 ( * ) , une violation non manifeste de droit interne ne peut défaire le consentement de l'Etat donné lors de la signature 20 ( * ) .

Cette situation fragilise le cadre normatif interne et conduit, ainsi que le souligne Alain Pellet, aux solutions les plus originales. A la suite de la déclaration d'illégalité d'un décret relatif à l'exécution de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies 21 ( * ) , la « régularisation » est intervenue dans la cadre de la loi autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale 22 ( * ) par l'insertion d'un article 2, relatif aux immunités et privilèges des Nations unies. 23 ( * )

D'une manière plus générale, cette insécurité juridique a conduit le Conseil d'Etat, en 2003 24 ( * ) , à permettre la « régularisation » a posteriori par le Parlement d'un accord non soumis à l'autorisation parlementaire 25 ( * ) lors de l'examen d'un avenant audit accord. En cas d'interprétation erronée de l'article 53, le Parlement est réputé avoir approuvé les accords précédents qui n'ont pas été soumis à l'autorisation du Parlement lors de l'examen d'un accord les amendant.

C'est ainsi que le 6 novembre 2014, 26 ( * ) le Parlement, en se prononçant sur le projet de loi visant à autoriser l'approbation d'un cinquième avenant à une convention datant de 1967 sur l'exploitation d'un réacteur à très haut flux, a autorisé implicitement les précédents accords, qui bien qu'ayant une incidence financière sur l'Etat, n'ont pas été examinés par le Parlement.

L'autorisation parlementaire 27 ( * ) de ratifier le cinquième avenant vise donc à permettre de régulariser la procédure des textes précédents, en joignant à l'examen parlementaire la convention initiale et ses avenants successifs.

Cet écueil procédural d'interprétation de l'article 53 devient toutefois beaucoup plus rare en raison de la note de l'article 53 rédigée par la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et contrôlée par le SGG et le Conseil d'Etat.

Enfin, votre rapporteur salue la nomination de M. Henri Plagnol, ancien ministre et conseiller d'Etat en charge de la mission sur les évolutions interprétatives, passées et prévisibles de l'article 53 . Celle-ci a notamment pour objet de « s'intéresser à l'ensemble de la procédure de ratification, y compris au travail en amont de préparation des projets de loi pour ratification, et voir dans quelle mesure il est possible de remédier à l'engorgement de l'ordre du jour des deux chambres, dû à la multiplication des conventions internationales et à la difficulté de faire passer en urgence certains accords importants . » 28 ( * )

c) L'attribution entre les deux chambres

Votre rapporteur déplore que le dépôt des textes, visant à autoriser la ratification ou l'approbation d'un engagement international, n'obéisse pas à une procédure rationalisée, répondant à des critères objectifs.

En raison d'un manque certain de visibilité, force est de constater que le choix de l'assemblée saisie relève plus d'un choix empirique, voire de l'aléa, que d'une programmation visant à garantir la célérité de l'examen. Cela est dommageable au travail parlementaire, sachant que la première assemblée saisie tient un rôle plus important que la seconde, dans la mesure où toutes les questions essentielles y auront été déjà abordées et traitées.

2. Un droit d'initiative parlementaire fortement restreint
a) Adoption v. rejet

En dépit du silence de la Constitution sur l'initiative parlementaire en matière d'autorisation de ratification, une évolution récente tend à en affirmer son existence, tout en l'encadrant de manière stricte .

Rappelons que les projets de loi visant à autoriser la ratification d'un traité ou l'approbation d'un accord sont composés d'un article unique disposant que « Est autorisée la ratification ou l'approbation de l'accord (du traité ou de la convention) signé le ... et dont le texte est annexé à la présente loi ».

Or, conformément à l'article 47 du règlement intérieur du Sénat, « il n'est pas voté sur les articles [du] traité 29 ( * ) , mais seulement sur le projet de loi tendant à autoriser la ratification. ».

Cet article organise une irrecevabilité absolue des amendements aux articles du traité annexé à un projet de loi de ratification. Un amendement portant, directement ou indirectement, sur les articles du traité ne saurait être ni imprimé, ni distribué ; il est de jure irrecevable.

En effet, lorsque les négociateurs 30 ( * ) apposent leur dernier paraphe, ils reconnaissent la rédaction comme étant le résultat définitif de leurs discussions. Dès ce moment, la portée de l'accord ne peut plus être modifiée 31 ( * ) . Le seul pouvoir dévolu au Parlement en matière d'engagements internationaux est donc celui d'en autoriser ou d'en refuser la ratification ou l'approbation, selon le cas.

En l'absence d'amendement du texte conventionnel, il revient aux assemblées d'informer, d'expliquer, voire d'alerter, sur certaines stipulations de l'accord dans le cadre du rapport du rapporteur.

Toutefois, rien n'empêcherait le gouvernement de prendre l'avis du Parlement sur les termes de la négociation d'un accord international, sans qu'il soit tenu pour autant par un mandat explicite. Il pourrait le faire en répondant à l'invitation d'une commission ou d'une assemblée à débattre sur le sujet (il n'est pas rare qu'un ministre soit auditionné sur un traité en cours de négociation, ou qu'un débat soit organisé en séance publique notamment dans le cadre de l'initiative parlementaire permettant à l'ensemble des groupes politiques et, le cas échéant, à une commission d'exprimer leur position). Il pourrait le faire également en prenant en considération les souhaits exprimés par une assemblée parlementaire dans le cadre d'une résolution (sous les réserves posées aux articles 34-1 et 88-4).

On notera d'ailleurs, qu'avant de se prononcer sur un accord international conclu par l'Union européenne, le gouvernement en soumet le projet aux assemblées parlementaires en application de l'article 88-4 de la Constitution et que celui-ci, après examen par leur commission des affaires européennes, peut donner un avis sous la forme d'une résolution. Il serait paradoxal que les assemblées parlementaires soient invitées à donner leur avis sur la position à tenir dans le cadre du processus de conclusion d'un accord international par l'Union européenne et qu'elles ne puissent le faire lorsqu'il s'agit de traité ou d'accord auxquels la France est partie. Le gouvernement conserve néanmoins son entière liberté d'action et sa complète autonomie de décision.

Si l'option de rejeter un projet de loi a été rarement utilisée, elle n'est cependant pas théorique.

Ainsi dans le cadre de l'examen d'un projet de loi visant à autoriser l'approbation d'une convention fiscale conclue avec le Panama, la commission des finances du Sénat a jugé que le système normatif panaméen ne permettait pas à ce pays de se conformer à ses obligations conventionnelles en matière d'échange de renseignements et de lutte contre la fraude fiscale 32 ( * ) . Le texte n'a donc pas été adopté en séance publique. Après la réunion d'une commission mixte paritaire constatant le désaccord entre les deux assemblées suivie d'une nouvelle lecture devant les deux assemblées, le texte a été finalement adopté lors de la lecture définitive devant l'Assemblée nationale, le 21 décembre 2011 33 ( * ) .

Figure n° 1 : Extrait de la discussion en séance publique sur la convention fiscale conclue avec la République de Panama

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances : Nous sommes en effet saisis en urgence et le Gouvernement nous demande d'aller vite. Nous avons accepté, dans des délais très contraints et en pleine période budgétaire, d'examiner ce texte sans tarder. Le ministre chargé des relations avec le Parlement est d'ailleurs au courant de la situation, qui a été évoquée en conférence des présidents voilà quinze jours.

Paraphée le 28 mai 2010, la convention n'a été signée par la France que le 30 juin 2011. Entre-temps, le Forum mondial sur la transparence fiscale avait rendu une évaluation négative.

Les délais ont néanmoins été très serrés : le projet de loi a été déposé le 1 er décembre à l'Assemblée nationale, qui l'a adopté hier.

Y a-t-il vraiment urgence à ratifier et appliquer cette convention ? Je ne le pense pas. Ce n'est non la qualité de la convention qui pose problème, mais l'ordre juridique panaméen. Comment ce pays pourrait-il échanger des informations auxquelles il n'a pas accès lui-même ? La capacité normative est, ne l'oublions pas, un préalable à la ratification qui entraînera la suppression de Panama de la liste française des paradis fiscaux - suppression censée intervenir le 31 décembre 2011 - et donc la levée des sanctions [...].

Notre administration n'avait reçu au 31 août 2011 qu'un tiers des réponses aux demandes d'information qu'elle avait adressées, au cours des huit premiers mois de l'année, à dix-huit États avec lesquels elle est liée conventionnellement. En outre, la plupart des informations communiquées tendaient à valider des éléments qu'elle possédait déjà.

C'est pourquoi le Sénat débat actuellement du durcissement de l'arsenal répressif, afin d'allonger le délai de reprise à trente ans. La vertu de la sanction est de maintenir la pression pour que ce pays s'engage totalement, et non plus seulement très partiellement, dans la voie de la transparence [...].

En s'apprêtant maintenant à le radier de sa propre liste, la France risque de nuire à la crédibilité de sa politique en matière de lutte contre les paradis fiscaux !

Comment expliquer le revirement brusque de position opéré depuis le récent G20 de Cannes ? Le Président de la République y avait pourtant tenu des propos aussi volontaristes que lors du G20 de Londres d'avril 2009, au cours duquel les États étaient décidés à engager une lutte farouche contre les paradis fiscaux.

En conséquence, et à la lumière du travail qu'elle a accompli, comme à son habitude, sur cette convention fiscale, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de rejeter ce projet de loi et de laisser l'Assemblée nationale légiférer. En procédant de la sorte, nous ne nuirons pas aux intérêts de la France.

Source : compte rendu des débats du 15 décembre 2011 http://www.senat.fr/seances/s201112/s20111215/s20111215012.html#Niv1_SOM5

b) Le droit d'amendement

La question s'est alors posée de la compétence du Parlement, et de son éventuelle étendue, pour amender le projet de loi autorisant la ratification.

La portée du silence de l'article 47 du Règlement du Sénat, quant à la possibilité d'amender le texte du projet de loi, a été précisée par une décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 2003 34 ( * ) sur une résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale 35 ( * ) . Le Conseil a consacré l'interprétation selon laquelle les amendements aux projets de loi de ratification de traités ou d'approbation d'accords ne sont pas prohibés a priori .

Toutefois, leur recevabilité demeure strictement encadrée , aux termes de sa réserve d'interprétation 36 ( * ) .

La suppression des mots du Règlement de l'Assemblée nationale sur l'interdiction de présentation d'amendements, « comme l'absence, depuis l'origine 37 ( * ) , de toute référence aux amendements à l'article 47 du Règlement du Sénat , ne sauraient être interprétés comme accordant aux membres du Parlement compétence pour assortir de réserves, de conditions ou de déclarations interprétatives l'autorisation de ratifier un traité ou d'approuver un accord international non soumis à ratification » 38 ( * ) .

En conséquence, est recevable un amendement qui n'émet pas de réserves, de conditions ou de déclarations interprétatives et qui relève du domaine de la loi. Dans le cas contraire, il pourrait être frappé de l'irrecevabilité de l'article 41. A titre d'illustration, la suppression de la mention d'un traité ou d'un accord, lorsque le projet de loi autorise simultanément la ratification ou l'approbation de plusieurs traités et/ou accords est donc admise.

Il pourrait être également admis la possibilité pour le Parlement de demander par la voie d'un article additionnel la communication d'un rapport d'information sur la mise en oeuvre d'un traité ou d'un accord ou d'évaluation ex post ou in itinere de cette mise en oeuvre. Un article additionnel de cette nature ne saurait être regardé que comme le simple exercice du droit à l'information du Parlement.

Le droit d'amendement s'exerce en commission, comme en séance publique, laquelle se prononce toujours sur le texte issu des travaux de la commission. Les projets de loi autorisant la ratification d'un traité ou l'approbation d'un accord ne figure pas parmi les projets de loi dont la discussion porte devant la première assemblée saisie sur le texte présenté par le gouvernement, de l'article 42 (2 e alinéa de la Constitution). Cette liste est limitée aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de lois de financement de la sécurité sociale.

Si le texte issu du Sénat diffère de celui voté par l'Assemblée nationale, il sera procédé à seconde lecture dans chaque assemblée (sauf procédure accélérée) puis à la réunion, si besoin, d'une commission mixte paritaire.

L'initiative parlementaire sénatoriale peut également s'exprimer dans le cadre du dépôt de proposition de loi visant à approuver un accord .

C'est le cas de la proposition de loi déposée en 2006 par M. Richard Yung et le groupe socialiste, autorisant l'approbation de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance des brevets européens 39 ( * ) . Cette proposition de loi est devenue caduque 40 ( * ) .

Une autre proposition de loi de 2013, de MM. Daniel Raoul, Simon Sutour et Richard Yung visait à autoriser l'approbation de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet 41 ( * ) . Son texte a été repris, sous forme d'amendement, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche 42 ( * ) .


* 1 Ces accords internationaux non soumis à ratification, sont négociés et approuvés par le Gouvernement, en application de l'article 20 de la Constitution qui dispose que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Le Chef de l'Etat en est dûment informé aux termes de l'article 52 de la Constitution.

* 2 Ainsi que le précise Alain Pellet, « Cette distinction, inopérante en droit international, repose sur un choix libre de l'Exécutif. Seule la procédure de négociation et d'entrée en vigueur diffère partiellement ; au plan de l'application, un accord non soumis à la ratification et un traité ont exactement la même valeur juridique. Selon toute vraisemblance, cette distinction ne correspond pas aux véritables intentions du Constituant, qui entendait consacrer, dans le droit constitutionnel français, une autre différence, fondamentale en droit international, entre deux catégories de traités : les traités en forme solennelle et les accords en forme simplifiée. Les seconds entrent en vigueur du simple fait de leur signature (procédure courte) ; les premiers font, après leur signature, l'objet d'un réexamen au plan interne, qui, seul, aboutit à l'expression définitive de l'expression par l'État de son consentement à être lié, sous la forme d'une ratification, d'une acceptation, d'une approbation ou d'une adhésion (art. 11 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités). Les traités - qui sont ratifiés - et les accords - qui sont approuvés - envisagés par la Constitution relèvent les uns et les autres de la catégorie internationale des «traités en forme solennelle», ce qui, du reste, n'empêche pas la France de conclure par ailleurs des accords en forme simplifiée; mais il s'agit là d'une pratique para-constitutionnelle et il est très regrettable que l'on n'ait pas saisi l'occasion de l'une des nombreuses révisions constitutionnelles auxquelles on a procédé récemment pour mettre l'énoncé du droit en accord avec les intentions du Constituant ».

* 3 Ces engagements internationaux, soumis à approbation, sont donc qualifiés « d'accords ». Toutefois, le terme de convention « est souvent utilisé pour des accords bilatéraux et multilatéraux qui portent sur des matières techniques. Il est traditionnel pour certaines catégories d'accords : conventions consulaires, fiscales, de coopération culturelle et de coopération administrative » selon le guide légistique du Ministère des affaires étrangères et du développement international.

* 4 N'entrent donc pas dans le champ de cette réflexion les accords négociés et ratifiés par le Président de la République ainsi que les accords en forme simplifiée conclus au niveau du Gouvernement. ( Cf . article 52 de la Constitution).

* 5 Circulaire du 30 mai 1997 relative à l'élaboration et à la conclusion des accords internationaux.

* 6 L'application de l'article 53 à ces accords est fondée sur le fait qu'ils contiennent des dispositions sur les privilèges et immunités.

* 7 Cf. circulaire du 30 mai 1997 relative à l'élaboration et à la conclusion des accords internationaux

* 8 Cf. Décision du Conseil Constitutionnel DC n° 70-39 du 19 juin 1970.

* 9 « Cette exigence s'applique même dans les cas où la législation en vigueur satisfait en l'état à toutes les obligations résultant du traité ou de l'accord en cause, sans qu'il soit besoin de la modifier ou de la compléter ». Cf. Circulaire de 1997 précitée.

* 10 L'analyse de l'article 53 est effectuée par la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères. Elle requiert de connaître le contenu propre de chaque accord, en examinant chacune de ses clauses.

* 11 Décret du 4 juillet 2014 complétant le décret du 17 juin 2014 portant convocation du Parlement en session extraordinaire (JO 5 juillet 2014, p. 11138)

* 12 Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Pérou relatif à l'acquisition d'un système satellitaire optique d'observation de la Terre de résolution submétrique.

* 13 L'obligation conventionnelle pesant sur la France et non le fournisseur, l'accord devait au préalable prévoir que l'ensemble des droits et obligations issus de l'accord devaient être cédés par le Gouvernement français au fournisseur industriel français, choisi par la partie péruvienne.

* 14 I.e : les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales.

* 15 En l'espèce, ont été souscrits des droits et obligations qui sont transférés à un tiers.

* 16 L'entrée en vigueur a eu lieu après transmission de la dernière notification par voie diplomatique de l'accomplissement de l'instrument péruvien.

* 17 Cf. Conseil d'Etat assemblée, 18 décembre 1998, arrêt SARL du parc d'activités de Blotzheim et SCI Haselaecker. Considérant [...] « qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les traités ou accords relevant de l'article 53 de la Constitution et dont la ratification ou l'approbation est intervenue sans avoir été autorisée par la loi, ne peuvent être regardés comme régulièrement ratifiés ou approuvés au sens de l'article 55 précité ; qu'eu égard aux effets qui lui sont attachés en droit interne, la publication d'un traité ou accord relevant de l'article 53 de la Constitution ne peut intervenir légalement que si la ratification ou l'approbation de ce traité ou accord a été autorisée en vertu d'une loi ; qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé d'un moyen soulevé devant lui et tiré de la méconnaissance, par l'acte de publication d'un traité ou accord, des dispositions de l'article 53 de la Constitution ».

* 18 Il vérifie que la ratification a été donnée a bien été autorisée par une loi.

* 19 Cf. Convention de vienne sur le droit des traités du 22 mai 1949.

* 20 L'article 46 stipule que « 1.le fait que le consentement d'un État à être lié par un traité a été exprimé en violation d'une disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure des traités ne peut être invoqué par cet État comme viciant son consentement, à moins que cette violation n'ait été manifeste et ne concerne une règle de son droit interne d'importance fondamentale.

2. Une violation est manifeste si elle est objectivement évidente pour tout État se comportant en la matière conformément à la pratique habituelle et de bonne foi . »

* 21 Cf arrêt du Conseil d'Etat du 16 juin 2003 Cavaciuti.

* 22 Cf . Loi n° 2003-1367 du 31 décembre 2003 autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale

* 23 L'article 2 de la loi dispose que « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ayant statué au fond, est validé le décret du 26 avril 1947 relatif à l'exécution de la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies en tant que sa légalité serait contestée par le moyen tiré de ce que la ratification de ladite convention devait être autorisée par la loi. »

* 24 Conseil d'Etat assemblée, 5 mars 2003, arrêt Aggoun, n°242860

* 25 « Considérant toutefois qu'en adoptant la loi du 29 octobre 2002 autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968, le législateur a nécessairement entendu autoriser l'approbation de l'ensemble des stipulations de l'accord initial et de ses deux premiers avenants dont ce nouvel avenant n'est pas séparable

* 26 Le projet de loi n° 570 (2013-2014) autorisant l'approbation du cinquième avenant à la convention du 19 janvier 1967, modifiée par l'avenant du 6 juillet 1971 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la construction et l'exploitation d'un réacteur à très haut flux et modifiée ultérieurement par la convention du 19 juillet 1974 entre les deux Gouvernements susmentionnés et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative à l'adhésion de ce dernier Gouvernement à la convention et par l'avenant du 27 juillet 1976, le deuxième avenant du 9 décembre 1981, le troisième avenant du 25 mars 1993 et le quatrième avenant du 4 décembre 2002 entre les trois Gouvernements susmentionnés.

* 27 Texte n° 2345 en cours d'examen, transmis à l'Assemblée nationale le 6 novembre 2014.

* 28 Cf. Bulletin quotidien du mardi 18 novembre 2014.

* 29 Le Sénat a confirmé, à plusieurs reprises, l'irrecevabilité des amendements, invoquée par le Gouvernement sur le fondement de l'article 41 de la Constitution qui dispose que « s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement ou le président de l'assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité... .

* 30 Le ministère concerné ou le ministère des affaires étrangères

* 31 Ce principe connait toutefois une exception en cas de réserves émises par le Gouvernement à un accord multilatéral.

* 32 Cf. projet de loi n° 186 (2011-2012), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

* 33 Cf . dossier législatif disponible sur le http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl11-186.html

* 34 Décision n° 2003-470 DC du 9 avril 2003.

* 35 Les mots « et il ne peut être présenté d'amendement » à l'article 128 du Règlement de l'Assemblée nationale » avaient été supprimés de l'article 128 du RAN.

* 36 « Il résultait des travaux parlementaires que la suppression en cause n'avait [...] ne traduisait qu'une réaction des députés aux lacunes de la procédure lorsqu'un projet de loi autorise la ratification ou l'approbation d'un ensemble de traités ou accords internationaux, cas devenu fréquent. En l'état actuel du règlement, ils ne peuvent ni déposer un amendement de suppression de l'article relatif à l'un des accords, ni rétablir un tel article supprimé par le Sénat. Il était donc possible au Conseil constitutionnel, plutôt que de censurer la disposition dont il s'agit, d'en admettre la conformité à la Constitution sous une stricte réserve d'interprétation . » In Commentaire de la décision dans les cahiers constitutionnels. Cahier n°15.

* 37 Cf . résolution du 16 janvier 1959 modifiée par la résolution du 21 novembre 1995.

* 38 Cf. Considérant 18 de la décision de 2003.

* 39 13 décembre 2006 fut enregistré le dépôt, par M. Richard YUNG et le groupe socialiste, de la proposition de loi n° 119 (2006-2007) autorisant l'approbation de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance des brevets européens

* 40 Cf . article 28-2 du Règlement du Sénat

* 41 Proposition de loi n° 610 (2012-2013) déposée le 23 mai 2013.

* 42 Projet de loi n°614, 2012-2013, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche. L'amendement n'a cependant pas été discuté.

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