LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LA PROTECTION JUDICIAIRE DES MINEURS : UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE AYANT CONNU DE PROFONDES ÉVOLUTIONS

A. UN SERVICE PUBLIC ANCIEN IMPLIQUANT AUJOURD'HUI UN ENSEMBLE D'ACTEURS

1. Une volonté ancienne de protéger les mineurs

La mise en place d'une protection judiciaire spécifique à la jeunesse est ancienne : elle a été instituée en 1791. Les premiers établissements pour mineurs (alors appelés « prisons d'amendement ») sont ensuite apparus en 1814. En 1850, la loi sur l'éducation et le patronage des jeunes détenus a créé un ensemble d'établissements pénitentiaires différenciés selon la durée des peines et le sexe des mineurs : les colonies pénitentiaires (accueillant les jeunes condamnés pour des peines d'une durée inférieure à deux ans) et les colonies correctionnelles (pour des peines d'une durée plus longue) sont devenues, en 1927, les maisons d'éducation surveillée.

La loi du 22 juillet 1912 1 ( * ) a créé les tribunaux pour enfants et accordé la primauté aux mesures d'éducation.

Fondement du droit actuel en matière de protection de la jeunesse, l'ordonnance du 2 février 1945 2 ( * ) a consacré la prééminence des mesures éducatives sur les principes répressifs, en instituant un corps de magistrats spécialisés (les juges des enfants), chargés de prescrire des mesures éducatives et d'en assurer le suivi, et en créant des postes de fonctionnaires spécialisés dans les questions de rééducation des mineurs (pédagogues, médecins, psychologues).

L'ordonnance du 23 décembre 1958 3 ( * ) a étendu la compétence du juge des enfants à l'enfance en danger, et la protection judiciaire a dès lors concerné tant l'enfance délinquante que l'enfance en danger . Les premiers foyers d'action éducative ont été créés en 1970 et des services d'orientation éducative (qui deviendront les services éducatifs auprès des tribunaux) ont été institués au sein des tribunaux.

Dans le cadre de la décentralisation de la protection de l'enfance 4 ( * ) , les départements mettent en oeuvre, depuis 1983, les mesures d'assistance éducative , prises en charge directement par les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ou confiées à des associations habilitées.

Restant dans le domaine des compétences de l'État, l'éducation surveillée, devenue en 1990 la protection judiciaire de la jeunesse , a été réorientée vers la prise en charge des mineurs délinquants par la circulaire d'orientation du 24 février 1999 relative à la protection judiciaire de la jeunesse. Ce recentrage sur les actions pénales a été confirmé par la loi du 5 mars 2007 5 ( * ) : seules les mesures d'investigation sont restées dans le champ des mesures civiles incombant à la PJJ 6 ( * ) , qui s'est retirée de la protection des jeunes majeurs.

2. Un double réseau public et associatif confronté à la hausse tendancielle du nombre de mesures pénales

Au sein de la mission « Justice », le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » retrace les crédits relatifs à la justice des mineurs, au sein du double réseau de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse : le secteur public , qui était constitué, en juin 2013, de 220 établissements et services relevant directement du ministère de la justice, et le secteur associatif habilité (SAH), formé de 1 090 établissements et services habilités et contrôlés par le ministère de la justice.

Secteur « exclusif » et secteur « conjoint »

Au sein du secteur associatif, il convient de distinguer :

- le secteur associatif « exclusif » , c'est-à-dire habilité et financé exclusivement par l'État, composé de 220 établissements et services gérés par 165 associations ;

- le secteur associatif « conjoint » , qui recouvre 866 établissements et services gérés par plus de 500 associations et intervenant à la fois pour la justice des mineurs au titre des mineurs en danger, pour la protection administrative de l'enfance, voire d'autres branches du domaine social et médico-social ; ces établissements et services sont habilités conjointement par l'État et les conseils généraux .

Depuis 2006, le nombre de mesures pénales a fortement augmenté : sur 444 589 mesures de protection judiciaire prononcées en 2012, 173 860 mesures (soit 39 %) concernent l'enfance délinquante (contre 135 854 en 2006, soit environ 31 %).

Entre 2006 et 2012, le nombre de mesures civiles a baissé d'environ 10 %, tandis que le nombre de mesures pénales a augmenté de 28 % 7 ( * ) . En 2012, les mineurs ont représenté 17 % des personnes mises en cause, soit une proportion en baisse par rapport à 2002 (21 %).


* 1 Loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée.

* 2 Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

* 3 Ordonnance n° 58-1301 du 23 décembre 1958 relative à la protection de l'enfance et de l'adolescence en danger.

* 4 Un des chantiers en cours de la modernisation de l'action publique (MAP) est consacré à la protection de l'enfance en danger.

* 5 Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

* 6 Les mesures d'investigation sont destinées à éclairer le juge des enfants sur la personnalité du mineur et son entourage, en vue de l'aider à préparer la décision judiciaire et les mesures qu'il peut être amené à ordonner à titre provisoire.

* 7 Selon les données disponibles pour l'année 2013, le nombre de mesures pénales a toutefois diminué entre 2012 (173 860) et 2013 (168 570), soit une augmentation de 24 % entre 2006 et 2013.

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