II. UN SYSTÈME DE GARDE DIVERSIFIÉ DONT LES LIMITES EMPÊCHENT LA MONTÉE EN PUISSANCE DE LA CONVENTION D'OBJECTIFS ET DE GESTION (COG) 2013-2017

Rappelons que les principaux mécanismes existants en matière de politique d'accueil du jeune enfant sont largement incitatifs.

Cette politique, actée par le « contrat crèches » de 1982, a été progressivement amendée et améliorée.

Pour développer l'offre de places de crèches, en l'absence d'obligation, l'État bonifie l'offre financière allouée aux acteurs qui créent des établissements.

À cet égard, Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie, a indiqué que, dans le cadre de l'accélération de la réalisation de l'actuel plan crèche (COG 2013-17), une aide financière de l'État de 2 000 euros était actuellement versée aux collectivités territoriales pour la création de chaque nouvelle place d'accueil .

Ces prestations sont majoritairement portées par la « branche Famille » de la Sécurité sociale. Le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a précisé lors de la table ronde du 5 février 2015 que la « branche Famille » de la Sécurité sociale versait 13 milliards d'euros de prestations annuelles, auxquelles il faut ajouter trois milliards d'euros en 2015 correspondant à 60 % du fonds d'action sociale à la petite enfance.

Or, « les moyens alloués ne sont pas du tout à la hauteur de ce que certains souhaiteraient et la réussite de cette politique est modérée », comme le faisait observer le 5 février 2015 le président du Haut Conseil de la Famille (HCF).

A. UN SYSTÈME REPOSANT SUR UNE FORTE COMPLÉMENTARITÉ ENTRE DES MODES D'ACCUEIL DIVERSIFIÉS

Rappelons que quatre systèmes d'accueil des jeunes enfants existent aujourd'hui en France : les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), les assistants maternels, l'école et la garde au domicile des parents.

1. La typologie des différents modes de garde

Selon les informations fournies par la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie lors de son audition le 19 février, l'accueil par les assistants maternels agréés employés par les parents reste le premier de ces modes d'accueil et offre aux familles près de 760 000 places . Les crèches proposent quant à elles environ 400 000 places d'accueil collectif et 97 200 enfants étaient inscrits en petite/très petite section de classe maternelle à la rentrée 2014. Les gardes à domicile représentent, quant à elles, 50 000 places .

Source : DREES, Enquête Modes de garde et d'accueil des jeunes enfants, 2013

Le graphique ci-dessus montre que l'accueil individuel par les parents reste prépondérant aujourd'hui : il concerne deux enfants sur cinq, sachant qu'un enfant sur deux uniquement bénéficie d'un mode de garde formel 32 ( * ) .

Dans son rapport sur « L'accès à l'emploi des femmes : une question de politiques... », Séverine Lumière détaille la typologie des différents modes d'accueil en France, que nous reproduisons dans le tableau ci-après :

DIVERSITÉ DES MODES DE GARDE POUR LES ENFANTS DE MOINS DE QUATRE ANS

Les modes d'accueil sont particulièrement diversifiés en France. Les enfants âgés de moins de quatre ans peuvent être accueillis par des structures d'accueil de la petite enfance - les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) - par des assistantes maternelles, éventuellement regroupés dans des maisons d'assistantes maternelles ou par des employés à domicile.

1. Les structures d'accueil du jeune enfant (EAJE)

Sont distingués :

L'accueil collectif : les établissements d'accueil collectif regroupent diverses catégories d'établissements qui ont en commun d'être spécialement conçus pour recevoir collectivement.

Les crèches collectives et halte-garderie : il s'agit des structures les plus répandues, qui disposent d'au moins vingt places. La prise en charge des enfants est assurée par une équipe pluridisciplinaire à raison d'une personne pour cinq enfants qui ne marchent pas et d'une pour huit enfants qui marchent.

Les crèches d'entreprises ou inter-entreprises ont pour vocation d'accueillir les enfants du personnel d'un ou de plusieurs employeurs et peuvent également proposer des places aux familles du quartier. La prise en charge des enfants est assurée par une équipe pluridisciplinaire à raison d'une personne pour cinq enfants qui ne marchent pas et d'une pour huit enfants qui marchent.

Les micro-crèches peuvent être gérées soit par une collectivité territoriale, un centre communal ou intercommunal d'action sociale, une association ou une entreprise. Leur fonctionnement est, en grande partie, soumis aux mêmes règles que les établissements d'accueil collectif mais bénéficie cependant de conditions particulières pour la direction et des modalités d'encadrement. Cette structure peut accueillir au maximum dix enfants. Les conditions d'encadrement des enfants sont assouplies.

L'accueil parental (crèche parentale ) : il s'agit d'établissements d'accueil collectif gérés par une association de parents. La prise en charge des enfants est assurée par une équipe pluridisciplinaire et le nombre d'enfants accueillis est limité à vingt (parfois vingt-cinq) à raison d'une personne pour cinq enfants qui ne marchent pas et d'une pour huit enfants qui marchent.

L'accueil familial : la crèche familiale, également appelée « service d'accueil familial » emploie des assistantes maternelles agréées qui accueillent à leur domicile de un à quatre enfants généralement âgés de moins de quatre ans. Le gestionnaire peut être une collectivité territoriale, un centre communal ou intercommunal d'action sociale, une association, une mutuelle ou une entreprise. Elle est placée sous la direction d'une puéricultrice, d'un médecin ou d'une éducatrice de jeunes enfants.

Les jardins d'enfants : il s'agit de structures d'éveil réservées aux enfants âgés de deux à six ans sous la responsabilité d'éducateurs de jeunes enfants qui proposent des activités spécifiques favorisant l'éveil des enfants. Ils offrent un accueil régulier avec une amplitude d'ouverture correspondant aux horaires pratiqués par l'école maternelle ou à ceux d'une crèche collective. Le ministère du travail préconise un taux d'encadrement dans une fourchette de huit à douze enfants pour un adulte selon les moments de la journée et les coopérations possibles avec d'autres structures d'accueil de jeunes enfants.

2. Les assistantes maternelles

En 2010, la France compte 440 600 assistantes maternelles agréées après une formation de 120 heures. Selon l'agrément, le nombre d'enfant accueillis de moins de trois ans peut aller jusqu'à quatre (y compris les propres enfants de moins de trois ans de l'assistante maternelle présents au domicile) dans la limite de six mineurs de tous âges au total. Les assistantes maternelles peuvent exercer dans le cadre de maisons d'assistantes maternelles . Ces structures permettent à quatre assistantes maternelles au plus d'accueillir chacune un maximum de quatre enfants simultanément dans un local garantissant la sécurité et la santé des enfants.

3. La garde à domicile : les parents peuvent faire le choix de faire garder leur(s) enfant(s) par une personne qui intervient à leur domicile. Dans ce cadre, le recours à une formule de garde partagée est aussi possible : il s'agit de partager avec une autre famille l'emploi d'une personne à domicile. Les salarié(e)s à domicile sont recruté(e)s directement par les parents ou par l'intermédiaires d'un mandataire.

4. L'école préélémentaire : dépendant du ministère de l'éducation nationale, l'école préélémentaire peut accueillir les enfants ayant atteint l'âge de deux ans à la rentrée scolaire, « dans la limite des places disponibles (...) à condition qu'ils soient physiquement et psychologiquement prêts à la fréquenter » (guide pratique des parents « Votre enfant à l'école maternelle », 2010-2011).

Source : « L'accès à l'emploi des femmes : une question de politiques... », rapport d'une mission sur l'emploi des femmes réalisée à la demande du ministère des Droits des Femmes entre mars et octobre 2013 et pilotée par Séverine Lemière

Un point sur les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), qui offrent 387 000 places, nous permet de présenter les caractéristiques suivantes :

- c'est le troisième mode de garde le plus adopté après les solutions familiales et les assistants maternels ;

- leur création est soumise à autorisation du président du conseil général pour les structures de droit privé et à son avis pour celles créées par les collectivités publiques ;

- leur gestion relève pour l'essentiel des collectivités territoriales (principalement les communes) ou des associations (loi de 1901) ;

- ils sont financés par la prestation de service unique (PSU) ; subvention versée par la CAF permettant une prise en charge de 66 % du prix de revient horaire réel, dans la limite d'un plafond fixé par la CNAF, déduction faite des participations familiales ;

- de 2002 à 2012, le nombre de places est passé de 299 900 à 387 000 ;

- fin 2012, ils proposaient 15,7 places pour cent enfants de moins de trois ans.

Si l'accueil collectif représente 86 % des places en EAJE (333 900 places fin 2012, soit 13 600 places de plus qu'en 2011), d'autres formules existent (halte-garderie, jardins d'enfants et multi-accueils), dont les capacités d'accueil sont répertoriées dans le tableau ci-après :

• Crèches traditionnelles de quartier (60 places maximum par unité)

• Crèches de personnel (60 places maximum par unité)

• Crèches parentales (20 places maximum par unité)

• Haltes garderies (accueil occasionnel d'enfants de moins de 6 ans) : 60 places maximum ; 20 pour les haltes garderies parentales

• Jardins d'enfants (accueil régulier d'enfants de 2 à 6 ans)

• Établissements multi accueil : plusieurs modes coexistent (accueil régulier ou occasionnel, accueil à temps plein ou partiel)

Parallèlement, le taux de préscolarisation des enfants de moins de trois ans a été divisé par trois en dix ans , alors que les disparités territoriales demeurent très fortes en la matière 33 ( * ) . E n 2012, 94 000 enfants de deux ans étaient préscolarisés (souvent à temps partiel) 34 ( * ) , ce taux étant inférieur à 5 % dans une douzaine de départements, en particulier à Paris, et supérieur à 20 % dans vingt-quatre autres.

Si, comme l'a fait observer le 5 février 2015 Anne-Claire Mialot, secrétaire générale du Laboratoire de l'Égalité, aucune étude d'analyse spécifique a été produite s'agissant de l'impact des différents modes de garde sur l'activité des femmes, pour autant, il convient de tenir compte de différents aspects, qui tiennent notamment aux horaires d'ouverture, à la qualité de l'accueil et à la sécurité des enfants :

« ... l'une de nos pédopsychiatres insiste beaucoup sur l'importance de la qualité des modes d'accueil afin que les parents soient en confiance et puissent retourner travailler sereinement. Cela implique de privilégier des structures collectives ou des structures individuelles dans lesquelles les personnes qui gardent les enfants soient formées et professionnalisées ».

La délégation en convient : l'enjeu du développement des places d'accueil de jeunes enfants tient autant à la qualité de l'accueil qu'au mode d'accueil en lui-même.

2. Une diversité liée à la complémentarité des différents modes de gardes (publics/privés, collectifs/individuels)

Au cours de son intervention du 5 février dernier, le directeur général de la CNAF soulignait la diversité des opérateurs en matière d'offre de services de garde : « Les principaux opérateurs restent les communes, mais on observe certaines évolutions. Ainsi, de plus en plus de communes ont recours à des délégations de service public et des initiatives associatives ou privées se développent. »

Votre rapporteur considère qu'il convient de favoriser cette diversité d'acteurs , au regard, notamment, des difficultés budgétaires auxquelles font face certaines communes, qui peuvent rendre difficile l'investissement dans la petite enfance, mais également dans le but de favoriser les initiatives innovantes et adaptées aux nouvelles contraintes des familles.

À cet égard, Laurence Rossignol a insisté, le 19 février 2015, sur le fait que « les crèches privées n'étaient pas aux crèches publiques ce que sont les écoles privées à l'école publique ».

Autrement dit, privé ou public, les modalités d'accueil des jeunes enfants forment un tout, et il faut encourager leur maillage territorial et leur complémentarité .

La délégation estime qu'il est important d'accompagner le développement de l'accueil par les assistants maternels.

Aujourd'hui, plus de 3 700 réseaux d'assistants maternels (RAM) accompagnent sur le terrain l'emploi entre particuliers. Ces emplois concernent environ 500 000 salariés, dont un quart sont des gardes d'enfants à domicile et trois quarts des assistants maternels.

Pour Jean Rémy Acar, directeur général de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM), « les enjeux de formation et de renouvellement de ces professionnels sont considérables. Pour y répondre, il faudra travailler en coopération avec l'ensemble des acteurs et notamment les entreprises (entreprises de crèches, mais également employeurs qui promeuvent des solutions d'accueil individuelles), les collectivités, la CNAF et la puissance publique ».

Rappelons que l'accueil de l'enfant chez un assistant maternel (71 % des places d'accueil disponibles) représente une offre en hausse : de 2002 à 2012, le nombre de place est passé de 654 000 à 944 000 en France métropolitaine. Aujourd'hui les assistants maternels offrent 41 places pour cent enfants de moins de trois ans, soit une capacité d'accueil deux fois et demi supérieure à celle de l'accueil collectif et familial .

3. L'objectif fixé par la Convention d'objectif et de gestion (COG) 2013-2017 de 275 000 nouvelles solutions d'accueil d'ici 2017

La Convention d'objectif et de gestion (COG) 2013-2017, signée par l'État et la CNAF, en juillet 2013, visait la création de 275 000 nouvelles solutions d'accueil, réparties de la manière suivante :

- 100 000 nouvelles places d'accueil collectif ;

- 100 000 nouvelles places d'accueil individuel auprès d'assistants maternels ou à domicile ;

- 75 000 nouvelles places en école maternelle pour les 2-3 ans.

L'évaluation de la première année de réalisation de la COG a permis de constater un déficit important de réalisations par rapport aux objectifs fixés.

Le maintien, malgré un contexte budgétaire très contraint, au même niveau que celui qui a prévalu pour la COG 2009-2012, soit 7,5 %, du taux d'augmentation annuel du Fonds national d'action sociale de la CNAF, est le signe d'un engagement très fort du Gouvernement , comme l'a souligné Laurence Rossignol le 19 février 2015.

En dépit de la réalité de l'effort engagé, celui-ci n'aura toutefois pas permis de remplir la totalité des objectifs à mi-parcours.

Le déficit observé porte principalement sur la création de places de crèche , qui atteint en 2013 à peine plus de 50 % de l'objectif fixé, comme l'a relevé le Haut Conseil à la Famille en octobre 2014.

Ce déficit signifie-t-il que l'objectif était trop ambitieux ou reflète-t-il un mouvement structurel de désaffection des collectivités locales pour la création de places de crèche ?

Pour Laurence Rossignol, si les explications peuvent être multiples, deux principaux motifs peuvent être avancés :

- d'une part, la crise économique, qui éloigne du marché du travail, ou qui rend difficile financièrement l'accès aux différents modes de garde, induirait une baisse de la demande ;

- d'autre part, le contexte électoral, marqué par les élections municipales de 2014 et qui revient à figer les investissements nouveaux avant l'élection et à amener les nouvelles équipes en place à gérer, la première année, un budget qu'elles n'ont pas élaboré.

La secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé a, par ailleurs, insisté sur l'augmentation considérable des coûts d'investissements, indiquant à cet égard que, dans la COG 2009-2012, les places en accueil collectifs avaient été optimisées, ce qui signifiait que le nombre d'enfants par crèche avait augmenté. Aussi « la diminution des coûts de fonctionnement a-t-elle atteint ses limites. On ne peut pas aller plus loin sur ce point ».

En partenariat avec la CNAF, l'accélération du « Plan crèche » repose essentiellement :

- d'une part, sur une aide exceptionnelle de 2 000 euros pour chaque nouvelle place de crèche, à compter de 2015 35 ( * ) . Effective depuis le 1 er janvier, il est aujourd'hui trop tôt pour en connaître les effets ;

- d'autre part, sur un travail de simplification, par l'allègement des normes qui encadrent la construction de places de crèche , en collaboration avec le ministère du logement et l'Association des maires de France (AMF).

Lors de la table ronde du 5 février 2015, le directeur général de la CNAF s'est montré plutôt optimiste. Il a annoncé, d'après les premiers chiffres disponibles pour l'année 2014 (en année pleine), un redémarrage des créations de places de crèche : ainsi, 12 800 places auraient été ouvertes en 2014, contre 11 700 en 2013. En outre, la création de 10 000 places a été décidée (contre 5 700 places en 2013), alors que la COG fixe un objectif de 8 000 places. « En 2014, nous avons probablement rattrapé une partie de notre retard », a-t-il conclu.

La délégation suivra les résultats de ces mesures et, en particulier, les relaiera auprès des élus locaux, dont le rôle est essentiel pour la mise en oeuvre des mesures projetées.


* 32 Comme le relevait lors de la table ronde du 5 février 2015 Jean-Rémy Acar, directeur général de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM).

* 33 La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République du 9 juillet 2013 relance la préscolarisation des enfants de moins de trois ans.

* 34 Chiffres du ministère de l'éducation nationale.

* 35 Il s'agit d'une recommandation du Haut Conseil de la Famille (HCF), proposée au conseil d'administration de la CNAF, qui l'a alors suivie, a indiqué la ministre.

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