III. LE DOUBLE ENJEU DE L'ÉVALUATION ET DE LA SIMPLIFICATION DES POLITIQUES EUROPÉENNES

A. CONTRÔLE ET ÉVALUATION : LE RÔLE DE LA COUR DES COMPTES EUROPÉENNE

La Cour des comptes européenne, instituée par le Traité de Bruxelles de juillet 1975, a pour mission de contrôler la gestion financière de l'Union européenne. Elle est garante de la qualité d'exécution du budget de l'Union et présente chaque année au Parlement européen et au Conseil de l'Union européenne un rapport sur l'exercice financier écoulé.

Les échanges entre la délégation de la Commission des affaires européennes et Mme Lamarque, membre française de la Cour des comptes européenne, ont permis d'aborder les différents aspects du fonctionnement, des attributions et des travaux de la Cour des comptes européennes. Cette institution européenne est relativement jeune et souffre encore, selon Mme Lamarque, membre française de la Cour, d'une certaine faiblesse de reconnaissance notamment auprès des médias et des citoyens européens.

1. Un recrutement diversifié dans le cadre d'une collégialité très opérationnelle

Dans un rapport de notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond 38 ( * ) , nous nous étions interrogés sur le cadre actuel dans lequel la Cour exerce ses missions.

Une composition à 28 membres ne semble pas constituer un facteur d'efficacité. Une composition plus réduite serait probablement un gage de plus rationalité.

Des compétences reconnues et plus homogènes entre les membres faciliteraient aussi un travail en commun et un engagement plus affirmé dans des actions d'évaluation assorties de recommandations. On peut donc se demander s'il ne faudrait pas envisager une procédure de recrutement de ses membres sur le modèle de de ce qui a été prévu pour le recrutement des juges et des avocats généraux à la Cour de justice et du tribunal.

La Cour des comptes européenne, auditeur externe du budget de l'Union, est composée de 28 membres désignés pour un mandat renouvelable de six ans par les gouvernements de chaque État membre selon un mode de nomination fixé par les traités. Chaque état peut ainsi choisir son représentant soit au sein de l'Institution nationale de contrôle soit parmi des personnalités qui ont des compétences reconnues en termes de finances publiques. Actuellement environ la moitié des membres de la Cour des comptes européenne a eu préalablement une carrière politique, un quart une carrière dans le secteur économique et financier et seulement un quart provient des institutions nationales de contrôles. Les expériences professionnelles, l'approche des techniques de contrôle, sont donc extrêmement différentes selon les personnes. Interrogée par la délégation, Mme Lamarque souligne que ce recrutement spécifique conduit à une grande diversité et richesse dans les débats.

Le fonctionnement effectif de la Cour privilégie de plus le travail en formation restreinte autour de quatre chambres sectorielles qui se répartissent les grands domaines d'intervention de l'Union. Le recours à la formation plénière est en réalité assez limité. Ainsi que l'a souligné Mme Lamarque le fonctionnement de la Cour ne souffre pas particulièrement de lourdeur liée à la formation collégiale européenne.

2. Les missions de contrôle de l'exécution du budget et de la régularité des opérations

La Cour des comptes européenne a pour mission de contrôler l'exécution du budget européen mais avec la particularité d'assortir son opinion d'une analyse de la régularité et de la réalité des opérations sous-jacentes qui sont financées. Ainsi les équipes de la Cour réalisent directement au sein des États membres des revues des transactions concrètes sélectionnées sur des bases statistiques. À titre d'exemple, en 2014, 5 000 jours de visite ont été réalisés dans les différents États membres.

La Cour des comptes européenne mène des audits de conformité portant sur la fiabilité des comptes et la régularité des opérations. Ces travaux, qui constituent la base du rapport annuel, résultent de contrôles effectués sur une base statistique. L'extrapolation de ces travaux permet d'établir un taux d'erreur probable qui est donc une estimation statistique du montant des erreurs identifiés. Le taux d'erreur estimé par la Cour dans son dernier rapport annuel s'élève à 4,7 % avec une certaine hétérogénéité en fonction des secteurs. Les secteurs fragiles sont par exemple la politique régionale avec un taux d'erreur de 6,9 % et le développement rural avec 6,7 %. Mme Lamarque souligne toutefois qu'il convient de ne pas faire d'amalgame entre irrégularité et fraude. Le taux d'erreur n'est pas nécessairement un taux de fraude mais plutôt être lié à des erreurs de gestion. D'ailleurs une grande partie des irrégularités semble provenir de la complexité des règles.

3. L'importance croissante du contrôle de la performance

Le travail de la Cour reste encore mal connu. Elle n'a pas fait entendre sa voix pendant la phase aigüe de la crise des dettes souveraines. Elle devrait s'affirmer davantage face à la Commission européenne et au Parlement européen. Elle pourrait, par ailleurs, utiliser davantage son pouvoir de s'autosaisir pour rendre des avis afin de faire des observations sur la qualité de la gestion et des recommandations.

La Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen a exprimé ces dernières années le souhait de voir les travaux de la Cour s'orienter vers une analyse de la performance. La Cour des comptes européenne réalise ainsi de plus en plus fréquemment des audits de performance afin de mesurer l'écart entre les objectifs fixés par les programmes européens et les résultats obtenus dans leur mise en oeuvre. Cette démarche relativement nouvelle doit permettre de nourrir quantitativement les réflexions sur la valeur ajoutée européenne et les effets d'aubaine. C'est d'ailleurs aussi de l'intérêt bien compris des États membres car, ainsi que le rappelle Mme Lamarque, l'argent de l'Union européenne provient des budgets nationaux.

En 2014, la Cour des comptes a ainsi réalisé 24 rapports spéciaux dont les thèmes ont été déterminés en toute indépendance par la Cour et présentés préalablement dans le programme de travail annuel. La Cour dispose d'une capacité d'auto-saisine pour ces travaux mais peut aussi recevoir des demandes explicites émanant de la Commission ou d'une autre Institution comme cela fut le cas sur les travaux concernant le coût du siège du Parlement européen à Strasbourg.

La Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen a aussi souhaité disposer d'informations spécifiques au niveau de chaque État membre. Ce souci croissant est lié au fonctionnement en gestion partagée où chaque État membre devrait être en mesure de détecter les anomalies de fonctionnement. La Cour qui, traditionnellement, n'établissait pas de bilan par État membre et privilégiait une approche statistique globale, initie une évolution notable et a pour la première fois l'année dernière publié des éléments chiffrés nationaux. La Cour des comptes européenne ne s'appuie toutefois pas sur les institutions de contrôle nationales qui sont autonomes et indépendantes et n'adresse pas ses recommandations aux États membres mais uniquement à la Commission dans le cadre d'un processus contradictoire.


* 38 Rapport n° 407 (2013-2014) du 26 février 2014 de M. Pierre Bernard-Reymond : « L'Union européenne : du crépuscule au nouvel élan »

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