B. L'ASSISTANCE AUX ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS EN QUESTION

1. Le refinancement des banques

Les établissements financiers peuvent se refinancer directement auprès de la BCE, dans le cadre des opérations hebdomadaires d'open market. Les banques disposent depuis septembre 2014 d'un taux d'intérêt relativement avantageux : 0,05 %. Elles doivent néanmoins apporter en contrepartie une garantie ( colllateral ) d'un montant équivalent. Il s'agit généralement d'obligations, publiques ou privées. Certains actifs non-négociables comme des prêts bancaires sont également acceptés.

Les titres de dette souveraine sont acceptés à condition que la notation de la dette souveraine concernée soit comprise entre AAA et BBB. Ils représentaient, fin 2014, 342 milliards d'euros sur les 1 840 milliards d'euros de titres utilisés en garantie. Ce critère d'éligibilité a été suspendu en mai 2010, au moment du déclenchement de la crise grecque. Rétabli en février 2012, il a de nouveau été suspendu en décembre 2012, les titres souverains apportés en garantie étant néanmoins décotés de 30 %. Cette dérogation était conditionnée par une évaluation positive de l'exécution des programmes d'assistance financière.

De façon générale, l'application d'un seuil minimal de notation pour les garanties a été révisée en novembre 2011, notamment celle visant les titres adossés à des actifs (ABS). L'éventail des actifs a, dans le même temps, été élargi : la BCE accepte depuis des titres libellés en dollars, en yen et en livre sterling, des créances privées (généralement des prêts bancaires) mais aussi des ABS dont les actifs sous-jacents comprennent des prêts hypothécaires ou des prêts aux petites et moyennes entreprises, dès lors qu'ils sont notés au moins A. La liste des garanties acceptées dans le cadre de ces opérations devrait être réduite au 1 er mars 2015, date de l'entrée en vigueur d'une décision adoptée en ce sens le 20 mars 2013 (décision ECB/2013/6). Sont désormais exclus les actifs titrisés émis par les banques avec une garantie de l'État.

Garanties acceptées par la Banque centrale européenne et montants déposés au quatrième trimestre 2014 (en milliards d'euros)

Obligations souveraines

372,6

Créances

362,1

Obligation sécurisées

334,4

Valeurs mobilières titrisées (ABS)

309,2

Obligations bancaires non sécurisées

180,9

Autres actifs négociables

117,2

Obligations des collectivités locales

98,9

Obligations d'entreprises

74,2

Total

1 850,5

(Source : Banque centrale européenne)

Les banques établies au sein de la zone euro peuvent également avoir accès à mécanisme d'aide à la liquidité d'urgence (ELA). Il permet à ces établissements de recevoir indirectement des fonds de la BCE en cas de crise de liquidités, sous forme de prêts, via leur Banque centrale nationale. L'établissement financier doit, être solvable. Le taux d'intérêt de ces prêts s'élève à 1,55 %.

Le prêt étant accordé par la banque centrale nationale, c'est elle qui assume à la fois les coûts et les risques de la fourniture de liquidités. Les banques centrales nationales doivent, à ce titre, informer la BCE des détails de toute opération ELA dans les deux jours ouvrables suivant son exécution. Si le montant du prêt dépasse 500 millions d'euros, la BCE doit être informée avant que l'assistance ne soit accordée. Le Conseil des gouverneurs peut également limiter une opération ELA, si celle-ci dépasse le seuil de 2 milliards d'euros et qu'elle interfère avec ses missions et ses objectifs. Cette décision est prise à la majorité des deux tiers. Elle est précédée d'un examen de la situation de l'établissement financier demandeur, destiné à vérifier la solvabilité de celui-ci.

La Banque centrale européenne et les banques grecques

La BCE n'accepte plus les titres publics grecs en garantie depuis le 4 février 2015. Elle estime, en effet, que les nouvelles autorités grecques remettaient en cause le programme négocié avec ses créanciers internationaux, dont la BCE. Elle pourra de nouveau être utilisée dès lors que la Grèce aura obtenu un nouvel accord avec ses créanciers. Il convient cependant de ne pas surévaluer la portée de la suppression de cette dérogation : les banques grecques ne disposent plus dans leur bilan que de 12,4 milliards de titres grecs, soit 2,5 % du montant total des actifs qu'ils détiennent. Cette somme se décompose de la façon suivante : 4,8 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme et 7,6 milliards d'euros de bons du Trésor. La BCE limitait à 3,5 milliards d'euros l'encours des bons du Trésor éligibles à ces opérations. Compte-tenu de ce seuil, les titres souverains détenus par les banques grecques éligibles aux opérations de refinancement s'élève à 8,3 milliards d'euros, soit 1,66 % de leurs actifs.

L'impact de la révision de la liste des garanties éligibles au 1 er mars 2015 est plus important pour les banques grecques qui disposent de 21,2 milliards d'euros de titres concernés (4,2 % de leurs actifs).

Pour faire face au risque de liquidités, les banques de Grèce peuvent utiliser le mécanisme ELA. La Banque centrale de Grèce a ainsi accès à une enveloppe de prêts de 84,1 milliards d'euros.

2. L'efficacité contestée des prêts à long terme

La BCE a lancé trois opérations de refinancement à long terme en décembre 2011, février 2012 et juin 2014. Ce faisant, la BCE s'est substitué au marché interbancaire.

Les deux premiers - Long term refinancing operation (LTRO) - ont permis aux établissements financiers d'emprunter de l'argent auprès de la Banque centrale européenne (BCE) à long terme (entre un et trois ans) et à un taux avantageux : 1 %, là où une banque bien notée pouvait espérer sur les marchés un taux de 3,5 % à trois ans. Cette pratique diffère des prêts à court terme ( Main refinancing operation - MRO) généralement octroyés par le BCE (entre une semaine et un mois). Le principe des LTRO ne constitue pas, pour autant une nouveauté, leur durée était néanmoins jusqu'alors limitée à un an. Une opération de refinancement d'une durée de six mois avait ainsi été lancée le 10 août 2011, permettant l'octroi de 50 milliards d'euros aux établissements financiers. Elle a été suivie d'un prêt sur douze mois, le 26 octobre 2011, permettant un refinancement de 57 milliards d'euros. Les opérations mises en place en décembre 2011 et février 2012 constituent cependant un changement de dimension. 523 banques ont ainsi levé 489 milliards d'euros en décembre 2011, 800 banques utilisant le même levier en février 2012 pour emprunter 529 milliards d'euros. Au final, les sommes levées - plus de 1 000 milliards d'euros - ont représenté 72 % du montant total des obligations bancaires arrivant à échéance en 2012 et 2013.

L'utilisation des LTRO a permis de décorréler le taux d'emprunt des banques de celui des États, jusque-là associés par les marchés, et éviter ainsi leur éviction des marchés financiers. Elle a pu également contribuer à une baisse des taux d'emprunt des États. Les banques réinvestissent, en effet, les sommes obtenues via les LTRO dans l'achat d'obligations d'État à maturité moyenne. Les banques espagnoles et italiennes ont ainsi acheté pour respectivement 23 et 21 milliards d'euros de dette souveraine en janvier 2012, suite à la première LTRO. L'opération visait également à faciliter l'octroi, par les banques, de crédits. Le résultat semble, à cet égard, plus mitigé. Ces LTRO ont été remboursés fin février 2015.

La BCE a néanmoins annoncé en juin 2014, la mise en place de nouvelles opérations du même type, mieux ciblées (T-LTRO). Les établissements financiers ont, ainsi, pu obtenir des financements en septembre et décembre 2014 correspondant à 7 % du montant de leur stock de prêts au secteur privé (hors prêts immobiliers) en zone euro (montant arrêté à la date du 30 avril 2014). De mars 2015 à juin 2016, les banques doivent pouvoir également obtenir des liquidités au cours de T-LTRO supplémentaires, menés chaque trimestre. Ces montants additionnels ne pourront pas dépasser, pour chaque établissement de crédit trois fois ses prêts au secteur privé distribués entre le 30 avril 2014 et la date de l'adjudication.

La maturité des T-LTRO est fixée à septembre 2018. Le taux d'intérêt de ces opérations correspond au taux de refinancement, majoré de 10 points de base (soit 0,25 % au moment de leur lancement). Les intérêts sont payés au moment du remboursement. Les banques pourront rembourser par anticipation les T-LTRO tous les six mois, deux ans après l'octroi du prêt. Celles qui se trouveront sous le benchmark (mai 2014-avril 2016) en termes de distribution de prêts au secteur privé devront rembourser les montants empruntés à la BCE en septembre 2016.

Un montant de 400 milliards d'euros était initialement envisagé pour les opérations de septembre et décembre 2014. Ce seuil est loin d'avoir été atteint, les banques empruntant 82,6 milliards d'euros lors de la première adjudication et 129,8 milliards d'euros à l'occasion de la deuxième, soit au total 212,4 milliards d'euros. Compte tenu des remboursements à la BCE en cours des LTRO de décembre 2011 et février 2012, l'apport net en liquidité est même négatif : - 155,1 milliards d'euros. L'objectif affiché par la BCE d'une augmentation du bilan de la BCE pour revenir, via les T-LTRO - à la taille de mars 2012 - 3 000 milliards d'euros contre 2 000 aujourd'hui - n'a donc pas été atteint. Cette extension devait permettre de lutter contre la déflation. A l'inverse, une contraction du bilan devrait avoir l'effet inverse. Les nouvelles opérations trimestrielles de T-LTRO à lancées en mars 2015 devraient être également insuffisantes, compte tenu de la faible progression du crédit. C'est dans ce contexte qu'il faut analyser l'annonce par la BCE, le 22 janvier dernier, d'un plan d'assouplissement quantitatif dépassant 1 100 milliards d'euros.

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