II. L'ÉCHEC DES NÉGOCIATIONS

En dépit de son hostilité au mémorandum d'accord de 2012, le nouveau gouvernement grec s'est très rapidement tourné vers les bailleurs de fonds internationaux pour demander le versement de la dernière tranche de l'aide européenne (1,8 milliard d'euros), d'une tranche du prêt FMI (3,5 milliards d'euros) et de rétrocéder le versement des intérêts des prêts de la BCE (1,9 milliard d'euros), soit au total 7,2 milliards d'euros. Cette demande constitue une première rupture par rapport aux premières déclarations du nouveau gouvernement. Celui-ci estimait, lors de son intronisation qu'il pouvait se passer du plan d'aide international.

La Grèce souhaitait en outre récupérer 1,2 milliard d'euros reversé indûment au FESF, le 20 février dernier. Cette somme provient du Fonds hellénique de stabilité financière (HFSF). Le HFSF était initialement abondé à hauteur de 49,7 milliards. Seuls 40 milliards ont été in fine utilisés. Au lieu de rendre les 9,7 milliards restants, les autorités grecques ont reversé 10,9 milliards d'euros. Cette erreur serait due à un manque de coordination entre le gouvernement Tsipras et son prédécesseur. Le reversement de ces fonds dépendra cependant d'un engagement fort sur les réformes structurelles. Cette somme n'est disponible qu'en obligations et utilisables aux seules fins de répondre aux besoins éventuels des banques. Dans l'hypothèse d'une rétrocession, la solution pourrait consister en ce que le gouvernement propose d'échanger ces obligations contre les liquidités fournies par la précédente équipe gouvernementale.

Le déblocage de ces fonds devait permettre aux autorités de faire face aux échéances de paiement étalées tout au long de l'année 2015. Il passait néanmoins par un accord avec les représentants des créanciers. Le compromis trouvé entre la Grèce et ses créanciers le 20 février prévoyait un décaissement possible jusqu'au 30 juin 2015.

L'absence de résultats dans les négociations et le choix du gouvernement de soumettre par référendum, le 5 juillet, les propositions des bailleurs de fonds ont néanmoins remis en cause ce délai, accentuant le double risque de défaut de paiement et d'effondrement du système bancaire. Il a également rendu encore plus possible une hypothèse pourtant non prévue par les traités : celle d'une sortie de la Grèce de la zone euro.

A. LE DOUBLE COMPTE À REBOURS

Le choix de solliciter le versement d'une nouvelle tranche de l'aide internationale était motivé par deux raisons : honorer ses échéances de remboursement et rétablir ainsi une forme de confiance, afin de juguler la perspective d'une crise de liquidités dans le secteur bancaire, compte tenu de l'augmentation des retraits des dépôts depuis décembre 2014.

1. Des échéances de paiement tout aussi lourdes que régulières

La question des recettes est essentielle alors que la Grèce doit en principe rembourser plus de 29 milliards d'euros de titres en 2015.

Échéances de paiement de la dette grecque entre juin et décembre 2015 (en milliards d'euros)

Banque centrale européenne

Fonds monétaire international

Obligations détenues par les banques centrales

Obligations à court terme

Total

Juin

1,531

2

3.531

Juillet

2,096

0,448

1,361

2

5,905

Août

3,02

0,168

1

4,188

Septembre

1,531

1,531

Octobre

0,448

0,448

Novembre

Décembre

1,191

1,19

Total 2015

5,116

7,7

1,529

14,8

29,145

En ce qui concerne les obligations à court terme, la majorité de ces titres sont détenus par des établissements financiers grecs. Dans ces conditions, la plupart de ces emprunts ne devraient pas être remboursés mais reconduits.

2. Le risque d'une impasse financière

Pour faire face à ces besoins de financement, la Grèce a, en premier lieu, émis de nouveaux bons du Trésor. 1,138 milliard d'euros, 1,3 milliard d'euros puis 1,14 milliard d'euros ont ainsi été levés les 4 et 11 mars et le 8 avril. Les taux de ces bons à six mois atteignaient 2,97 % le 4 mars contre 2,75 % un mois plus tôt. Le montant levé le 11 mars équivalait approximativement aux salaires et pensions de retraite à verser à la fin du mois. Afin de financer ces remboursements de mai, les autorités grecques ont emprunté 1,137 milliard d'euros sur les marchés, via des bons à 6 mois. Le taux obtenu, 2,97 %, reste inchangé par rapport aux précédentes émissions. Le taux de couverture, soit la demande par rapport à l'offre, est restée stable : 1,30.

Le gouvernement a également utilisé la position de réserve dont elle dispose au sein du FMI, soit 650 millions d'euros.

Le gouvernement grec a, par ailleurs, pu collecter 2 milliards d'euros auprès des collectivités locales et des organismes publics. Un décret adopté le 24 avril 2015 rend obligatoire le transfert des réserves de fonds des organismes publics et autorités locales à la Banque centrale de Grèce, soit 1 500 entités au total. Il s'agissait pour le gouvernement grec de couvrir ses besoins d'urgence, estimés à 3 milliards d'euros d'ici au 12 mai (1,1 milliard au titre des salaires, 850 millions pour les caisses d'assurance sociale, 200 millions d'euros d'intérêts sur emprunts et 750 millions d'euros à rembourser au Fonds monétaire international). Les fonds restent cependant à la disposition de leurs détenteurs. Ils sont garantis en cas de perte en capital et mieux rémunérés que s'ils avaient déposés sur le compte d'une banque commerciale (2,5 % contre 1 %). Pour l'heure, 7 municipalités sur 325 avaient, au 16 juin dernier, transféré leurs fonds.

Le fonds de pension et le fonds spécial d'assistance avaient déjà été mis à contribution en avril. Près de 2 milliards d'euros ont été transférés vers le Fonds commun de liquidité de la banque centrale grecque (FC-BCG). 130 millions d'euros provenant de l'Agence nationale pour l'emploi ont également été déplacés vers ce Fonds, conduisant à la démission du gouverneur de l'Agence, opposé à cette mesure. Ce transfert s'effectue sous la forme d'un prêt à 2 %, des titres d'une validité comprise entre cinq et dix-sept mois étant ainsi émis. Les réserves de liquidités de la compagnie hellénique des postes et télécommunications (ETTT), soit 144 millions d'euros, et les fonds de l'Autorité grecque de paiement de la politique agricole commune (OPEKEPE), soit 250 millions d'euros auraient également été utilisés pour permettre le paiement des salaires et pensions fin mars 2015.

Les autorités grecques ont, début mars 2015, été autorisées par le Mécanisme européen de stabilité à prélever 555 millions d'euros sur le Fonds hellénique de stabilité financière, théoriquement dédié à une éventuelle recapitalisation des banques. La Commission européenne a annoncé, de son côté, le 19 mars dernier le prochain décaissement de 2 milliards d'euros de fonds structurels destinés à prendre en compte la situation humanitaire dans le pays. Cette somme correspond à un reliquat du budget 2007-2013. Le gouvernement grec a annoncé, dans le même temps, la mise en place d'une task force visant à l'absorption des fonds de cohésion de l'Union européenne. Elle devait travailler à cet effet avec la structure équivalente mise en place à Athènes par la Commission européenne en 2010. 183 millions d'euros ont ainsi été débloqués en mai. Au final, la Commission européenne entendait verser 35 milliards de fonds structurels d'ici à 2020 pour soutenir la croissance.

Les autorités grecques ont, en outre, obtenu du FMI, le 4 juin 2015, la possibilité de reporter les quatre échéances de remboursement étalées tout au long du mois de juin à la fin du mois. 300 millions d'euros devaient être remboursés le 5 juin, 336 le 12 juin, 560 millions d'euros le 16 puis 336 le 19. Cette disposition est autorisée par le règlement du FMI. Seule la Zambie, en 1984, avait utilisé jusqu'alors cette option.

Faute d'accord avec ses bailleurs de fonds, le gouvernement grec pourrait, comme l'a rappelé l'agence Standard & Poor's le 10 juin 2015, également avoir recours à l'émission d'IOU ( I owe you ), soit des reconnaissances de dette, afin de régler ses fournisseurs. Ce système a déjà été utilisé par la Province de Buenos Aires en 2001 ( Patacones ) et l'État de Californie en 2009. Les Patacones de Buenos Aires et ses avatars régionaux ( Bocade à Tucuman, Lecor à Cordoba, CeCaCor à Corrientes) ont pu représenter jusqu'à 37 % des moyens de paiement en 2002 en Argentine, les Patacones pouvant servir au paiement des impôts. Des obligations pharmaceutiques avaient déjà été utilisées par les autorités grecques pour leur permettre de régler des arriérés de paiement, contractés auprès de l'industrie pharmaceutique. Leur montant atteignait 5,5 milliards d'euros. Les IOU prennent la forme de coupon zéro, équivalent à de l'argent liquide, perpétuels et transmissibles. Cette solution ne peut cependant être utilisée qu'à court terme comme le montre l'exemple californien, et vise surtout à régler des problèmes de liquidité limités. Ce qui n'est pas le cas de la Grèce. Reste un problème de compatibilité entre l'euro et cette monnaie parallèle si elle venait à être généralisée comme en Argentine. L'introduction de celle-ci pourrait être assimilée à une sortie de la zone euro, une partie de la Grèce ne reconnaissant plus l'autorité de la Banque centrale européenne.

La raréfaction des liquidités se traduit par des difficultés particulièrement criantes dans le secteur de la santé, où l'État n'assure plus le remboursement des tiers payants depuis le mois de février dernier. La santé faisait pourtant partie des priorités du nouveau gouvernement. Dans ces conditions, les pharmacies financent la santé privée. De façon générale le montant des impayés dus par l'État au secteur privé s'élève à 16 milliards d'euros.

3. Le spectre d'une crise bancaire et l'aide de la Banque centrale européenne
a) Le spectre d'une crise bancaire

Le niveau des dépôts des particuliers et des entreprises atteint aujourd'hui son plus faible niveau depuis 2004, Plus de 40 milliards d'euros ayant été retirés des banques depuis novembre 2014.

Retraits effectués entre janvier et avril 2015 (en milliards d'euros)

Janvier

Février

Mars

Avril

12,25

7,57

1,91

4,89

Cette course au retrait étalée dans le temps ( bank walk plutôt que bank run ) n'est pas sans incidence sur l'économie réelle. La plupart des secteurs rencontrent de véritables problèmes de liquidités. Certaines entreprises sont, ainsi, dans l'impossibilité d'acquérir, faute de crédits, des appareils électriques ou des matières premières pour la production d'engrais. Il n'est pas étonnant, dans ce contexte, que le montant des crédits accordés aux entreprises soit en recul de 2 % sur un an et celui des ménages de 3 % sur un an. Ces retraits ont profité à l'économie grise, comme en témoigne une recrudescence des petits travaux, mais aussi au secteur automobile. L'achat d'une voiture est considéré comme un investissement. Les nouvelles immatriculations ont ainsi progressé de 42 % en mars 2015 et de 28 % le mois suivant.

Il convient de rappeler que le secteur bancaire est déjà fragilisé par la crise. La restructuration de la dette privée en 2012 a conduit à une redéfinition de ses contours : 15 établissements ont ainsi fait l'objet d'une opération de résolution. Il reste à l'heure actuelle quatre établissements systémiques ( Alpha Bank , Eurobank , Banque nationale de Grèce et Banque du Pirée ) et un d'importance moindre ( Attica bank ). Trois des quatre banques systémiques - Banque nationale de Grèce , Eurobank et Banque du Pirée - ont raté les tests de résistance menés par la Banque centrale européenne en octobre 2014 en raison d'une insuffisance de capitaux disponibles. Les banques grecques sont par ailleurs grevées par un taux de prêts non performants - les échéances n'étant pas honorées depuis plus de trois mois - plus de trois fois supérieur à la moyenne européenne. Il atteignait 37 % en mai 2015 contre 34,1 % en septembre 2014 et 31,9 % en décembre 2013. Une large partie d'entre eux concerne les prêts aux petites et moyennes entreprises.

La perspective d'un échec des négociations a contribué à accélérer la diminution des dépôts. Un milliard d'euros aurait été retiré quotidiennement les 18, 19 et 20 juin, ce montant atteignant 700 millions d'euros le 22 juin. Ce phénomène s'est, bien évidemment, accentué avec l'annonce, le 26 juin, par le gouvernement du référendum sur les propositions des créanciers. Le montant global des dépôts s'établit aujourd'hui à moins de 120 milliards d'euros (235 milliards d'euros en 2009).

Afin d'anticiper le risque d'une panique bancaire, le président de l'eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, avait proposé en avril la mise en place d'un contrôle des capitaux, à l'instar de ce qui avait été réalisé à Chypre en mars 2013. Les retraits y ont été limités à moins de 300 euros par semaine. Les dépôts supérieurs à 100 000 euros ont été, de leur côté, taxés. Ce dispositif, progressivement aménagé a été levé en juin 2015. Cette solution n'avait pas été retenue. Le paysage financier n'est, cela étant, pas identique à celui de Chypre. 99 % des dépôts sont, en effet, inférieurs à 100 000 euros, 28 millions de comptes étant ouverts Ce qui ne correspond pas à la situation chypriote marquée par la présence d'importants dépôts en provenance de Russie ou d'Ukraine.

Le contrôle des capitaux a finalement été retenu le 28 juin dernier par le gouvernement, deux jours après l'annonce du référendum. Une limite journalière de 60 euros a ainsi été imposée, celle-ci ne visant pas les titulaires d'une carte de crédit émise à l'étranger. À titre de comparaison, les retraits quotidiens étaient plafonnés à 300 euros à Chypre. Les retraités grecs ne disposant pas de carte bancaire peuvent retirer 120 euros. Les banques sont, par ailleurs, fermées jusqu'à nouvel ordre. Une des inconnues tient à leur capacité à disposer de suffisamment de monnaie pour satisfaire la demande. Un éventuel assèchement ne serait, bien évidemment, pas sans incidence sociale. Une limitation des retraits à 20 euros par jour est envisagée.

Compte tenu du grand nombre de succursales de banques grecques présentes sur leurs territoires, Chypre, comme la Bulgarie ou la Roumanie, pourrait être fragilisée par ces fermetures et l'accès restreint aux liquidités.

Le contrôle prévoit également une suspension des paiements des importations, des fournisseurs à l'étranger et des achats de matières premières à l'étranger. Les seules exceptions tiennent au transfert de fonds pour des raisons d'intérêt public ou social à l'instar des frais de santé ou des dépenses d'éducation. Ces transactions sont néanmoins subordonnées à une autorisation administrative préalable. Le maintien d'un tel dispositif n'est pas sans faire peser, à terme, un risque social assez fort, surtout en ce qui concerne les importations. Des phénomènes de pénurie pourraient être observés, notamment dans le domaine énergétique. Il convient, à ce stade, de rappeler que, dans le cas chypriote, les paiements d'importation allant de 2 000 à 200 000 euros étaient autorisés par la Banque centrale sur présentation de justificatifs. Une autorisation au cas par cas visant les paiements d'un montant supérieur. Le gouvernement n'a, pour l'heure, pas mis en place ce système.

Le secteur touristique pourrait être la victime collatérale du contrôle, alors qu'il restait sur une dynamique exceptionnelle début 2015 (96 % des hôtels remplis en juin). Le mois de juillet est déjà marqué par des annulations et un ralentissement des réservations lié aux inquiétudes sur la raréfaction de la monnaie et de certains produits.

b) L'accès limité aux fonds de la BCE

Les établissements financiers grecs peuvent, en principe, se refinancer directement auprès de la BCE, dans le cadre des opérations hebdomadaires d' open market . Les banques européennes disposent depuis septembre 2014 d'un taux d'intérêt relativement avantageux : 0,05 %. Elles doivent néanmoins apporter en contrepartie une garantie ( collateral ) d'un montant équivalent. Il s'agit généralement d'obligations, publiques ou privées. Certains actifs non-négociables comme des prêts bancaires sont également acceptés.

Les titres de dette souveraine sont acceptés à condition que la notation de la dette souveraine concernée soit comprise entre AAA et BBB-. Ce critère d'éligibilité a été suspendu en mai 2010, au moment du déclenchement de la crise grecque. Rétabli en février 2012, il a de nouveau été suspendu en décembre 2012, les titres souverains apportés en garantie étant néanmoins décotés de 30 %. Cette dérogation était conditionnée par une évaluation positive de l'exécution des programmes d'assistance financière.

La BCE n'accepte cependant plus les titres publics grecs en garantie depuis le 4 février 2015. Elle estime, en effet, que les nouvelles autorités grecques ont remis en cause le programme négocié avec ses créanciers internationaux, dont la BCE. Ils pourront de nouveau être utilisés dès lors que la Grèce aura obtenu un nouvel accord avec ses créanciers. Il convient cependant de ne pas surévaluer la portée de la suppression de cette dérogation : les banques grecques ne disposent plus dans leur bilan que de 12,4 milliards de titres grecs, soit 2,5 % du montant total des actifs qu'elles détiennent. Cette somme se décompose de la façon suivante : 4,8 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme et 7,6 milliards d'euros de bons du Trésor. La BCE limitait à 3,5 milliards d'euros l'encours des bons du Trésor éligibles à ces opérations. Compte-tenu de ce seuil, les titres souverains détenus par les banques grecques éligibles aux opérations de refinancement s'élèvent à 8,3 milliards d'euros, soit 1,66 % de leurs actifs.

L'impact de la révision de la liste des garanties éligibles au 1 er mars 2015 est plus important pour les banques grecques. Les actifs titrisés émis par les banques avec une garantie de l'État sont désormais exclus du mécanisme. Les banques grecques disposent de 21,2 milliards d'euros de titres concernés (4,2 % de leurs actifs).

La BCE a par ailleurs invité les banques grecques, le 25 mars dernier, à ne pas augmenter leur risque en s'exposant davantage à la dette hellénique.

Pour faire face au risque de liquidités, les banques de Grèce peuvent utiliser le mécanisme ELA. Celui-ci permet à ces établissements de recevoir indirectement des fonds de la BCE en cas de crise de liquidités, sous forme de prêts, via leur Banque centrale nationale. L'établissement financier doit, être solvable. Le taux d'intérêt de ces prêts s'élève à 1,55 %. Des titres doivent être apportés en garantie.

Le prêt étant accordé par la banque centrale nationale, c'est elle qui assume à la fois les coûts et les risques de la fourniture de liquidités. Les banques centrales nationales doivent, à ce titre, informer la BCE des détails de toute opération ELA dans les deux jours ouvrables suivant son exécution. Si le montant du prêt dépasse 500 millions d'euros, la BCE doit être informée avant que l'assistance ne soit accordée. Le Conseil des gouverneurs peut également limiter une opération ELA, si celle-ci dépasse le seuil de 2 milliards d'euros et qu'elle interfère avec ses missions et ses objectifs. Cette décision est prise à la majorité des deux tiers. Elle est précédée d'un examen de la situation de l'établissement financier demandeur, destiné à vérifier la solvabilité de celui-ci.

La Banque centrale de Grèce a ainsi accès à une enveloppe de prêts de 89 milliards d'euros, ce montant ayant été régulièrement réévalué jusqu'au 26 juin. Si elle a été maintenue, comme l'annoncé la BCE le 28 juin, cette enveloppe n'a plus été augmentée depuis, compte tenu du référendum. Ce maintien reste néanmoins un signal politique, la BCE ne remettant pas en cause le principe d'une aide, contrairement à ce que craignaient certains observateurs. Ce faisant, elle invalide la position du Premier ministre grec estimant que le banquier central européen tentait d'« étouffer la volonté du peuple grec ». Le montant serait néanmoins insuffisant à court terme pour parer à une crise de liquidités.

4. Une révision à la baisse des prévisions économiques et budgétaires

Il n'est pas étonnant, dans ce contexte, que la plupart des indicateurs budgétaires et économiques aient été revus à la baisse. L'excédent primaire pour 2014, c'est-à-dire avant la charge des intérêts de la dette, est inférieur aux prévisions retenues par le précédent gouvernement dans le cadre du mémorandum d'accord : 0,3 % du PIB contre 1,5 % attendu. Il était de 0,8 % du PIB en 2013. L'endettement atteint 180,2 % du PIB.

Selon le gouvernement, le budget primaire était excédentaire au mois de janvier avec 419 millions d'euros. Cet excédent atteignait 1,8 milliard d'euros un an plus tôt. Cette diminution est principalement imputable à la baisse des rentrées fiscales, 1 milliard d'euros sur le seul mois de janvier. Le gouvernement grec a par ailleurs indiqué avoir économisé entre janvier et avril 2015 1,6 milliard d'euros de dépenses de fonctionnement et 409 millions d'euros de dépenses d'investissements. Les dépenses de l'État sur cette période s'élèvent à 16 milliards d'euros. Reste que les recettes fiscales sont en baisse, 18,6 milliards d'euros ont été collectés entre janvier et mai, soit 546 millions d'euros de moins qu'espérés initialement. Pour le seul mois de mai, l'écart entre les revenus attendus et ceux effectivement perçus s'élèvent à 984 millions d'euros.

La Commission européenne a, de son côté, amendé, en mai, ses prévisions initiales. La croissance n'atteindrait plus que 0,5 % en 2015 puis 2,9 % en 2016. Elle envisageait auparavant une croissance de 2,5 % en 2015 puis 3,6 % l'année suivant. Le FMI table, de son côté, sur une croissance nulle pour 2015 dans ses prévisions présentées le 26 juin. Le PIB a reculé de 0,2 % au premier trimestre 2015, après une baisse de 0,4% sur la période octobre-décembre. La paralysie financière du pays depuis le 28 juin devrait confirmer cette tendance.

Paradoxalement, le taux de chômage global s'établit à 25,6 %, soit son niveau le plus bas depuis 2012. Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est, notamment, passé de 60,5 % en février 2013 à 50,1 % en 2015. La baisse du chômage des 24-34 ans semble également enclenchée, le taux atteint aujourd'hui 31,3 % de cette classe d'âge contre 34,9 % il y a deux ans. Le gouvernement estime que cette baisse est imputable à trois facteurs : l'émigration (34 000 jeunes ont quitté le pays pour l'Australie et le Canada en 2014), l'importance du travail saisonnier dans le tourisme et l'intensification de la lutte contre le travail non déclaré. Il convient de relever que seuls 14,4 % des chômeurs perçoivent une allocation mensuelle de 359 euros, limitée dans le temps.

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