III. L'ACTIVITÉ DE « REFINANCEMENT EXPORT » : UNE NOUVELLE RESSOURCE ET DE NOUVEAUX RISQUES

La SFIL vit une situation paradoxale : d'une part, la production de prêts au secteur public local est plus faible qu'attendu, ce qui pèse sur sa rentabilité ; d'autre part, la crédibilité de sa signature en tant qu'émetteur d'obligations foncières est particulièrement élevée (sa capacité d'émission serait de l'ordre de 6 à 7 milliards d'euros par an). Autrement dit, elle serait susceptible de lever plus de financements à un coût réduit, ce qu'elle ne fait pas faute de marché .

Dans ce contexte, les réflexions engagées par la direction et les actionnaires pour rehausser la rentabilité de l'établissement ont naturellement porté sur la possibilité d'élargir son périmètre d'intervention. Or celui-ci est contraint par la décision de la Commission européenne qui limite son champ d'action aux collectivités territoriales françaises - mais ne concerne pas les sociétés d'économie mixte par exemple - et aux établissements publics de santé français. En outre, les obligations foncières ne peuvent refinancer que des actifs reposant sur une contrepartie publique.

Le développement d'une activité de refinancement export répond à ces deux critères. En effet, l'inspection générale des finances relevait, à l'issue d'une mission conduite en 2013 et 2014 24 ( * ) , que les exportateurs français sont pénalisés car les banques commerciales qui leur accordent des crédits export ne sont pas en mesure de céder ces créances, ce qui rend l'activité de financement des exportations peu attractive. En effet, pour les banques commerciales, il est peu intéressant de conserver dans leur bilan ce type de crédit compte tenu des réglementations applicables en matière de solvabilité et, surtout, de liquidité. Ces engagements étant « consommateurs » de liquidités, ce qui est évidemment coûteux pour les banques, elles préfèreraient pouvoir les refinancer, c'est-à-dire les sortir de leur bilan.

La France, contrairement à un certain nombre de ses partenaires européens et aux États-Unis, ne dispose pas d'un dispositif public de refinancement des crédits export. La Coface - qui intervient au nom et pour le compte de l'État - peut les assurer mais ils sont toujours portés par les banques.

Dès lors, à la demande de son actionnaire l'État, la SFIL a proposé de mettre sur pied un dispositif public de refinancement export, financé par la capacité d'émission non utilisée de la CAFFIL. Ce dispositif serait ouvert aux grands contrats d'exportation (d'un montant supérieur à 70 millions d'euros 25 ( * ) ), qui, étant assurés à 100 % par la Coface, elle-même garantie de manière inconditionnelle et irrévocable par l'État 26 ( * ) , constitueront bien une contrepartie publique.

Par une décision du 5 mai 2015, la Commission européenne a autorisé cette nouvelle activité, constatant qu'il existe une défaillance de marché qui peut être comblée par la SFIL, conformément à son statut de banque publique de développement.

Lors de la réunion du conseil d'administration, le 12 novembre 2014, Philippe Mills expliquait qu'il s'agit « d'un domaine qui n'est pas lié, d'un point de vue du cycle économique ou financier, avec le financement du secteur public local, ce qui peut avoir des effets de stabilisation et de diversification du risque sans pour autant modifier la stratégie de banque publique de développement qui refinance des actifs publics (actifs garantis par l'État) ni le profil de risque associé. Par ailleurs, cela permettrait de soutenir la chronique de résultats en développant une activité nouvelle qui, elle-même, a un coût marginal faible (peu de moyens supplémentaires [...] ) et une rentabilité probablement légèrement supérieure à celle du financement du secteur public local ».

À terme, la SFIL vise le refinancement d'un volume de crédits export d'environ 2 milliards d'euros par an.

Cette activité, totalement nouvelle et très spécifique, s'accompagne cependant de risques nouveaux pour l'établissement. Le risque crédit, du fait de l'assurance Coface 27 ( * ) , semble maîtrisé. En revanche, la SFIL s'expose notamment à :

- un risque de liquidité lié au délai d'indemnisation après « sinistre » sur le crédit refinancé ;

- un risque de change puisque 50 % des crédits export sont libellés en dollars. La SFIL devra procéder soit à l'émission d'obligations foncières en dollars, soit couvrir le risque par l'achat de dérivés, ce qui aura un coût ;

- un risque de réputation, certains marchés export étant sensibles qu'il s'agisse des produits vendus (armement, par exemple) ou des pays acheteurs.

Lors de son audition par votre rapporteur, Franck Silvent, directeur du pôle « Finances, stratégies et participations » de la Caisse des dépôts, a insisté sur le fait que chaque opération de refinancement « fait l'objet d'une structuration spécifique (client, activité, pays, ...) : c'est vraiment un nouveau métier ! Le plan d'affaires n'est ni standard, ni régulier ». Dès lors, il convient, selon lui, de veiller particulièrement à « l'alignement des intérêts » entre les banques commerciales qui structurent le crédit et la SFIL qui le refinance. Il est d'ailleurs prévu que la SFIL soit associée à la structuration de chaque opération de crédit export.

L'ensemble de ces risques semblent être à la fois bien identifiés et non sous-estimés par l'établissement, la directrice des risques ayant fait une présentation détaillée sur ce point devant le conseil d'administration. Une équipe d'une dizaine de personnes, dont trois affectée à la direction des risques, a été constituée, pour l'essentiel recrutée en externe compte tenu des profils spécifiques recherchés (besoin d'une expérience dans le domaine du financement export).

Au total, la nouvelle activité pourrait permettre de dégager 10 à 20 millions d'euros de résultats supplémentaires 28 ( * ) . Au regard du résultat net actuel de la société, il s'agit d'un élément déterminant de son retour à l'équilibre financier . Par ailleurs, les agences de notation considèrent positivement que la SFIL renforce son lien avec l'État - puisque l'assurance gérée par la Coface bénéficie d'une garantie étatique - ce qui devrait améliorer la signature de la CAFFIL.

Outre les effets positifs pour la SFIL, la nouvelle activité est socialement utile car elle devrait permettre de réduire le coût des crédits export. Elle comble un manque dans notre pays qui pénalise nos exportations . La SFIL devrait d'ailleurs signer un premier contrat de refinancement avant la fin de l'année 2015.

Il faut enfin relever que le changement du périmètre d'intervention a conduit à modifier les statuts et la dénomination de l'entreprise. Il ne s'agit plus désormais de la Société de financement local (Sfil) mais de SFIL - ce n'est plus un acronyme mais une marque en tant que telle -, dont le slogan est « Au service des territoires et des exportations ».


* 24 Ce rapport n'a pas été rendu public.

* 25 Bpifrance proposera des crédits export aux PME.

* 26 Ce mécanisme de « financement rehaussé » est prévu à l'article L. 432-2 du code des assurances.

* 27 La gestion des garanties publiques par Coface devra être prochainement transférée à Bpifrance.

* 28 En tout état de cause, le marché des grands contrats export est fluctuant selon les années.

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