C. DES PRATIQUES D'ÉVOLUTION DIVERSES

Les méthodes empruntées pour réviser les schémas diffèrent d'un département à l'autre.

Le plus souvent, les projets prévoient des fusions par blocs, c'est-à-dire par l'absorption d'une communauté dans sa totalité. Il en est ainsi en Gironde, dans l'Indre, la Meuse et le Morbihan.

Parfois, la technique utilisée est plus fine et procède aussi par extension ou fusion-extension du périmètre des intercommunalités existantes en démembrant certaines d'entre elles comme en Corrèze, en Dordogne ou en Meurthe-et-Moselle. C'est aussi le cas dans le Doubs où le préfet, M. Raphaël Bartolt, a indiqué à vos rapporteurs que les élus avaient refusé la fusion bloc par bloc.

D. LA CONSTITUTION D'INTERCOMMUNALITÉS « XXL »

Certes, les EPCI à fiscalité propre, qualifiées d'intercommunalités « XXL » par l'Assemblée des communautés de France (AdCF), à compter d'un effectif de 50 communes, existent déjà aujourd'hui.

Mais si les projets préfectoraux n'étaient pas modifiés par les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) qui en sont actuellement saisies, le nombre de ces vastes regroupements croîtrait demain de manière significative.

Une lecture des projets préfectoraux permet d'identifier un grand nombre de départements concernés mais de façon différente selon le territoire, que ce soit en effectif de la catégorie ou de la composition des établissements eux-mêmes.

Quelques exemples d'intercommunalités « XXL »
prévues dans les projets préfectoraux

Ain : 2 de 54 et 75 communes ; Aisne : 2 à 51 et 101 communes ; Ardèche : 2 à 72 et 73 communes ; Ardennes : 1 à 59 communes ; Ariège : 4 à 56 (2 fois), 95 et 98 communes ; Aveyron : 1 à 79 communes ; Calvados : 5 à 56, 68, 74, 106 et 108 communes ; Charente : 4 à 56 (deux fois), 63 et 82 communes ; Corrèze : 3 à 57, 65 et 69 communes ; Côtes-d'Armor : 2 à 51 et 60 communes ; Creuse : 2 à 73 et 93 communes ; Drôme : 2 à 65 et 67 communes ; Eure-et-Loir : 2 à 57 et 58 communes ; Gard : 1 à 75 communes ; Haute-Garonne : 4 à 55, 58, 77 et 105 communes ; Gers : 1 à 76 communes ; Gironde : 2 à 50 et 65 communes ; Jura : 1 à 141 communes ; Manche : 4 à 85, 110, 163 et 210 communes ; Marne : 5 à 61, 67 (2 fois), 71 et 79 communes ; Meurthe-et-Moselle : 1 à 55 communes ; Meuse : 2 à 101 et 107 communes ; Oise : 1 à 61 communes ; Pas-de-Calais : 3 à 55, 104 et 205 communes ; Puy-de-Dôme : 2 à 58 et 92 communes ; Pyrénées-Atlantiques : 1 à 158 communes ; Hautes-Pyrénées : 5 à 50, 54, 58, 70 et 72 communes ; Seine-Maritime : 6 à 54, 61, 62, 65, 77 et 81 communes.

Cette liste, loin d'être exhaustive, souligne que la création projetée de très vastes intercommunalités s'inscrit dans l'ensemble des départements, quelle que soit leur situation démographique : certains territoires très peu densément peuplés pourraient les accueillir prochainement tels le Gers (densité moyenne : 30,3 habitants/km 2 ), la Meuse (densité moyenne : 31) ou encore la Creuse (densité moyenne : 21,8).

Les difficultés de gestion liées à la taille de ces établissements devraient être d'autant plus grandes que leur superficie sera très étendue.

Certes, déjà aujourd'hui 46 communautés regroupant 50 communes et plus ont été créées d'après le recensement effectué par l'AdCF 17 ( * ) . Celle-ci a consacré une étude aux pratiques développées par les élus pour permettre d'associer l'ensemble des communes à la conduite de l'EPCI : conférence des maires, élargissement du bureau de la communauté à l'ensemble des maires... Les instances aujourd'hui mises en place diffèrent selon la composition du conseil communautaire.

Les très grandes intercommunalités « XXL » de 100 communes et plus renouvellent la question, d'abord en ce qui concerne la composition de l'organe délibérant, nécessairement pléthorique, d'une collectivité dotée de compétences de proximité.

La mise en place proposée de communautés de plus de 200 communes provoquera des difficultés multiples à caractère pratique d'abord, avec la nécessité de disposer d'une salle des séances adaptée. Cependant, la question la plus préoccupante concerne la place de l'assemblée délibérante dans la gestion de ces communautés : comment assurer une réelle démocratie locale dans de si grands ensembles et éviter que le conseil communautaire ne soit qu'une chambre d'enregistrement des décisions prises par l'exécutif ? Quelle sera la place des conseillers communautaires et donc, dans quelle mesure pourront-ils défendre les particularismes, les besoins de leur commune et permettre leur prise en compte par l'intercommunalité désormais compétente dans de nombreux domaines pour les régler ?

À Besançon, des élus ont relayé, auprès de vos rapporteurs, la « voix des communes » qui, pour reprendre les mots du maire de Les Auxons, M. Serge Rutkowski, « ont le sentiment de perdre leur identité ». L'élargissement des périmètres n'est pas seul en cause. Ce malaise diffus résulte d'un ensemble d'évolutions qui se cumulent : les nouveaux transferts de compétence opérés, certes progressivement, par la loi NOTRe y participent.

Il reste à trouver les voies pour assurer la pleine association de toutes les communes membres aux décisions de l'exécutif communautaire et à la conduite de l'institution.

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Ces quelques observations qui résultent de la revue des propositions préfectorales ne traduisent pas une frilosité des territoires, les élus étant aujourd'hui convaincus que les intercommunalités doivent atteindre un périmètre pertinent et cohérent.

Elles mettent cependant en évidence les risques de blocages qui pourraient résulter de fusions forcées dans un calendrier très contraint. C'est d'ailleurs pour disposer du temps nécessaire à l'indispensable dialogue sur la construction des nouveaux périmètres que le Sénat avait souhaité, en vain, desserrer d'une année supplémentaire le calendrier proposé par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale. De son côté, l'AdCF avait réclamé que les CDCI puissent disposer d'une année supplémentaire pour les fusions complexes.

Cependant, la procédure de révision des schémas s'achève. Ceux-ci seront nécessairement arrêtés le 31 mars prochain, avant leur mise en oeuvre au cours des 9 mois suivants. Ainsi, les nouveaux EPCI à fiscalité propre seront mis en place au 1 er janvier 2017. À Dijon, les élus rencontrés par vos rapporteurs ont regretté ce délai.

Or seuls les projets préparés et acceptés localement en facilitent la réussite.

Peut-être est-il plus raisonnable de procéder par étapes pour donner tout son sens à ce mouvement intercommunal qui n'est plus aujourd'hui contesté ni dans son essence, ni dans son évolution.


* 17 Cf. communautés XXL : s'adapter au changement d'échelle (janvier 2016).

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