II. LE RÔLE-CLEF DU SÉNAT DANS L'ASSOCIATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AUX DÉCISIONS DE L'ÉTAT QUI LES CONCERNENT

Votre délégation déplore l'actuel manque de lisibilité dans le dialogue entre l'État et les collectivités. Elle estime que cette situation est préjudiciable à long terme car elle risque d'accentuer la défiance des élus locaux envers le pouvoir central.

Elle considère que le Sénat peut légitimement être l'instance privilégiée pour renouveler le pacte de confiance entre l'État et les collectivités territoriales et permettre de mieux associer celles-ci aux décisions qui les concernent . La Haute Assemblée est en effet, par essence, le lieu de prise en compte des intérêts des collectivités dans la définition des politiques publiques nationales. Elle l'a prouvé et elle le prouve tous les jours. En outre, son rôle d'ambassadeur des territoires est la conséquence logique, dans une France décentralisée, de sa mission constitutionnelle. Au sein des institutions, le Sénat exerce précisément ses prérogatives de législateur et ses compétences de contrôle pour le compte des collectivités comme aucune autre institution .

C'est pourquoi votre délégation entend conforter son rôle dans la structuration du dialogue entre l'État et les collectivités territoriales.

A. LE SÉNAT, DÉFENSEUR RECONNU DES INTÉRÊTS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Le Sénat a pleinement joué son rôle dans le cadre de la réforme territoriale

À l'occasion des différentes lois de réforme des collectivités territoriales, le Sénat a fait entendre sa voix pour faire respecter celle des territoires et a su jouer un rôle clef dans la concertation avec l'État . Comme le confirmait notre collègue René Vandierendonck, rapporteur de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), lors de son audition devant votre délégation : « La réforme territoriale et les différentes lois qui la traduisent ont fait l'objet d'une large concertation en amont du dépôt des textes, puis pendant les phases d'examen des trois textes. À cette occasion, on peut dire que le Sénat "a fait le job" ».

Il faut en effet rappeler que c'est sous l'égide du Sénat qu'ont été organisés, à partir de décembre 2011, les « États généraux de la démocratie territoriale ». L'objectif était d'engager une vaste réflexion avec les élus locaux sur l'organisation décentralisée de la République et la démocratie locale. Lors des conclusions, en octobre 2012, le Président de la République a annoncé un projet de loi sur l'organisation territoriale de la République décentralisée reposant sur quatre principes essentiels, reflétant la volonté politique de répondre aux attentes soulevées par les élus : la clarté, la confiance, la cohérence et la démocratie locale.

René Vandierendonck rappelait : « Sans les territoires, une large consultation des élus a pu être organisée grâce à la mobilisation des associations d'élus, et ce, dans le cadre de la préparation du projet de loi ». Notre collègue a surtout fait valoir qu'« initialement intégrés dans un texte unique, les éléments de la réforme de l'administration locale ont été scindés en trois projets de loi 31 ( * ) pour répondre notamment à la préoccupation du Sénat , soucieux d'assurer la lisibilité de l'architecture de la réforme, et déposés sur son Bureau en avril 2013 ».

Il faut aussi souligner qu'un grand nombre de dispositions des trois projets de lois sont issues de rapports sénatoriaux . Le 17 avril 2013, c'est à la demande du groupe UMP qu'a été créée la mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République , présidée par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, et dont le rapporteur était Yves Krattinger. Le rapport de la mission, approuvé à l'unanimité, a constitué une véritable feuille de route pour définir à l'horizon 2020-2025 une vision partagée sur l'avenir de la décentralisation. À ce titre, il proposait de redessiner la carte des régions, dont « le nombre serait réduit entre huit et dix », tout en préconisant de « renforcer largement leurs compétences de collectivités stratèges » dans les domaines de l'aménagement du territoire, du développement économique, de la formation professionnelle et de l'accès à l'emploi.

À l'occasion de son audition, notre collègue René Vandierendonck s'exprimait toutefois ainsi : « Le texte sur lequel l'association des élus locaux a été la plus faible a été celui sur le découpage des régions ». La « cartographie » s'étant faite, selon lui, « sur un coin de table et sans grande concertation », ce que regrette également votre délégation.

2. La Haute Assemblée entend poursuivre son rôle de gardien attentif

Lors de son discours de rentrée, le président Gérard Larcher a acté que le Sénat entendrait bien contrôler l'action du Gouvernement sur de nombreux fronts : la stabilisation de la réforme territoriale, l'évaluation de la réforme des rythmes scolaires, l'allégement des normes et la lutte contre l'inflation normative, le contrôle de la réorganisation des services locaux de l'État, etc.

Depuis un an, la vigilance de la Haute chambre s'est effectivement manifestée sur tous ces sujets majeurs pour les collectivités territoriales. C'est d'ailleurs l'offensive du Sénat qui a permis de réaffirmer le rôle essentiel de la commune, de préserver l'existence du département et de mettre fin à la clause de compétence générale dans le cadre de la réforme territoriale.

Toutes les instances du Sénat se sont mobilisées pour s'assurer d'un « droit de suite » afin de ne pas relâcher la pression tant sur la mise en oeuvre de la réforme territoriale, que sur celle de l'État dans les territoires.

Désormais, le Sénat doit travailler à la stabilité car, ainsi que l'a souligné le président Gérard Larcher « Les élus locaux sont épuisés par la succession des réformes de structures, d'organigrammes et de périmètres dans notre pays. Ils demandent, pour pouvoir agir, de la stabilité » .

C'est dans cette perspective que la commission des Lois, présidée par notre collègue Philippe Bas, a mis en place dès le 4 novembre 2015 une mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale . Les 21 et 22 janvier 2016, la mission effectuait son premier déplacement dans la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté, à Besançon et à Dijon, témoignant de cette volonté des instances du Sénat d' aller à la rencontre des élus sur le terrain : préfets de région et de département, élus locaux, représentants des services déconcentrés de l'État et des administrations du conseil régional, etc.

Votre délégation souscrit vivement à cette démarche d'évaluation . Elle est convaincue de l'utilité d'aller recueillir des éléments concrets sur la fusion des régions et sur la réorganisation des services ainsi que, parallèlement, celle des services territoriaux de l'État, sans compter la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale et la création de communes nouvelles. Sur tous ces sujets, les élus locaux doivent être entendus, écoutés et surtout associés à la décision.

3. Le rôle de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales : relayer les doléances des territoires

Créée en avril 2009, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales est chargée d'informer le Sénat sur l'état de la décentralisation et sur toute question relative aux collectivités territoriales. Depuis sa création, elle n'a eu de cesse, à travers ses travaux, de veiller au respect de la libre administration et de l'autonomie financière des collectivités ainsi qu'à la compensation financière des transferts de compétences et de personnel. Régulièrement, elle évalue les conditions de l'application locale des politiques publiques intéressant les collectivités territoriales.

Sur les normes , par exemple, sujet sensible dans les territoires, la délégation a permis au Sénat de jouer pleinement son rôle de défenseur des collectivités territoriales. C'est ainsi que les 12 et 13 janvier 2016, le Sénat a adopté deux textes issus des travaux de simplification normative de la délégation aux collectivités territoriales :

- la proposition de loi constitutionnelle tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales et à encadrer la transposition des directives européennes, présentée par notre collègue Rémy Pointereau. Le texte interdit la sur-transposition des directives et inscrit dans la Constitution : d'une part, le principe d'une norme supprimée contre une norme nouvelle ; et d'autre part, une compensation financière en cas de création de charges nouvelles pour les collectivités, répondant ainsi aux demandes concrètes des élus locaux ;

- la proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction, présentée par notre collègue Jean-Marie Bockel. Là encore votre Haute Assemblée a entendu répondre concrètement aux sollicitations des élus locaux, qui se disent écrasés par le poids des normes.

À travers cette instance, le Sénat fait donc la démonstration de son écoute des doléances des élus et de sa capacité d'action. Enfin, la délégation aux collectivités territoriales profite du rendez-vous annuel du congrès des maires, à Paris, pour recevoir les maires et les conseillers municipaux et se saisir des sujets qui les préoccupent.


* 31 Loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (janvier 2014) ; loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales (janvier 2015) ; loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (août 2015).

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