C. FORCER LA TECHNOSTRUCTURE À INTÉGRER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LES PROCESSUS DE DÉCISION : L'INITIATIVE NOVATRICE DE L'ASSOCIATION DES RÉGIONS DE FRANCE

Pourquoi faut-il attendre la grogne, la fronde ou la colère des élus locaux avant que les Gouvernements, quels qu'ils soient, révisent enfin leur copie ? Ce fut le cas pour le report de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui devait initialement entrer en vigueur au 1 er janvier 2016. Ce fut aussi le cas du nouveau mode de calcul de l'allocation adulte handicapé (AAH), après que les élus locaux ont fait part des risques au regard de l'impact de la mesure sur les ressources des personnes concernées. Ces deux exemples démontrent le manque de concertation avec les collectivités territoriales, alors que les élus sont au plus près des réalités de terrain. Reprenant la formule de nos collègues Jacqueline Gourault et Yves Krattinger, votre délégation est convaincue qu'il faut « faire confiance à l'intelligence territoriale ».

L'exécutif lui-même est conscient du caractère incontournable du dialogue avec les élus. L'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault reconnaissait, à propos de la réforme de la décentralisation : « Si vous voulez passer sans écouter, vous allez à l'échec ». La relation de confiance entre l'État et les collectivités territoriales est en effet primordiale, car si les élus locaux ont besoin de l'État, celui-ci peut difficilement mener à bien les grandes réformes dont la France a besoin sans l'appui des collectivités concernées. L'actualité s'en fait l'écho avec le sujet de la formation des chômeurs : sans les régions, l'engagement du Gouvernement à inverser la courbe du chômage restera lettre morte.

L'association des collectivités territoriales aux décisions qui les concernent est dans l'intérêt même de l'État, étant entendu que « l'association » n'est pas seulement le fait d'« être consultés » ; c'est aussi et surtout le fait de « prendre part » aux décisions.

Aussi votre délégation se félicite que la co-construction des politiques publiques tende à devenir un référent vers lequel l'État s'oriente. Lors de son discours à l'occasion du 10 e congrès de l'Association des régions de France (ARF), en octobre 2014, le Premier ministre Manuel Valls promettait « des politiques publiques partagées » et « des conférences régulières entre l'État et les régions pour convenir d'objectifs communs [...] sur les grands enjeux de notre pays ». Le 7 janvier dernier, à l'issue d'un entretien bilatéral avec le Premier ministre portant essentiellement sur la coopération avec l'État sur l'emploi, notre ancien collègue Philippe Richert avait déclaré que le Gouvernement souhaitait « entretenir de véritables relations de partenariat avec les régions, dans une démarche de co-construction des politiques territoriales » .

Votre délégation ne peut que souscrire à ces objectifs . S'agissant de la conception des politiques publiques, elle est d'avis de privilégier une approche ascendante (« bottom-up ») plutôt que descendante (« top-down »). Cette approche, récemment mise en oeuvre avec succès par l'ARF, montre qu'une révolution copernicienne dans un État de tradition jacobine est possible. Philippe Richert partait du constat suivant : « les relations avec l'État doivent changer », avant de présenter la plateforme commune État-région « Ensemble pour l'emploi », cosignée par Manuel Valls le 30 mars dernier : « J'ai souhaité qu'on puisse ouvrir le dialogue État-régions, et je dois dire que le Premier ministre a compris le message. Il est l'un de ceux qui ont bien saisi l'enjeu, faisant acter ce nouveau modèle par tous les ministres concernés ». Pour notre ancien collègue : « cette plate-forme s'inspire du Bundesrat allemand, sans vocation législative. Il s'agit tout simplement de faire en sorte que l'État ne légifère plus sur les sujets intéressant les régions sans que celles-ci aient donné leur aval » .

Concrètement, la plateforme décline les lignes de partage et les complémentarités entre l'État et les régions, et favorise le droit aux expérimentations locales pour plus d'efficacité en matière de lutte contre le chômage. Dans la perspective du projet de loi de finances 2017, le principe de redonner davantage d'autonomie fiscale aux régions a également été acté. La plateforme comporte trois volets : « emploi », « apprentissage et enseignement professionnel » et « économie ». L'objectif pour les régions est de voir se concrétiser un dialogue permanent et plus équilibré avec l'État, avant toute prise de décision impactant leurs politiques publiques ou leurs ressources.

Votre délégation se félicite de cette avancée, inédite dans la relation État-région. C'est un dispositif pragmatique , de nature à offrir des solutions concrètes pour relancer l'emploi dans notre pays. Plus globalement, c'est un exemple de dialogue réussi et d'association des collectivités aux décisions qui les concernent, qui doit servir de modèle pour bâtir un nouveau mode de relation basé sur la confiance réciproque et une coresponsabilité entre les collectivités territoriales et l'État.

Recommandation 9 : S'inspirer du modèle de « plateforme commune État-région » déployé par l'ARF dans le cadre des politiques de l'emploi et de la formation, pour construire une relation partenariale de co-production des politiques publiques entre l'État et les collectivités territoriales.

Votre délégation reste toutefois bien consciente que ce pragmatisme, absolument nécessaire, tient beaucoup à la personnalité et la bonne volonté des acteurs concernés.

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