C. APPRENTISSAGE : RAPPEL DES RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION

La délégation aux entreprises a confié en décembre 2015 un rapport à M. Michel Forissier pour traiter la question de l'apprentissage. Au terme de ses travaux, M. Forissier a déposé avec Mme Elisabeth Lamure, présidente de la Délégation, une proposition de loi 25 ( * ) visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite. Ce sujet est toujours d'actualité : l'article 32 du projet de loi « Travail » introduit plusieurs dispositions en matière d'apprentissage, mais ne propose pas de réforme de fond sur ce sujet pourtant crucial. En effet, la version initiale du texte ne prévoit qu'une modification de l'organisation de la collecte et de la répartition de la taxe d'apprentissage, ainsi qu'une extension de la liste des établissements habilités à recevoir des dépenses libératoires au titre de la fraction « hors quota ». Les enjeux en matière d'apprentissage sont trop importants pour que la réforme se limite à de telles modifications.

Votre Délégation souhaite que les préconisations de la proposition de loi sur l'apprentissage soient reprises (proposition n° 12).

En effet, le développement de l'apprentissage doit permettre de lutter contre le chômage des jeunes, de développer les compétences et de maintenir les métiers, au-delà de la simple obtention d'un diplôme. La mise en oeuvre d'un pacte national pour l'apprentissage, dont le suivi serait assuré par le Conseil National de l'Emploi, de la Formation et de l'Orientation Professionnelles (CNEFOP), a pour but de définir les objectifs et les engagements de chacun des acteurs volontaires au bénéfice de cette formation.

La transparence du financement est un élément primordial dans le développement de l'apprentissage, ce qui inviterait chaque Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP) à transmettre chaque année au CNEFOP un bilan des dépenses régionales attribuées à ce type de formation.

L'apprentissage souffre d'une image parfois négative au sein du corps enseignant, des familles ou des potentiels apprentis. Or, cette image erronée est le fruit d'une méconnaissance du monde de l'entreprise ou des débouchés obtenus à l'issue de cette formation. D'une part, la formation du corps enseignant au monde de l'entreprise doit être développée. D'autre part, la présentation de l'apprentissage par les différents acteurs concernés doit être renforcée dans le cadre de l'orientation des élèves, notamment au lycée.

Les entreprises, piliers de la formation en apprentissage, doivent être davantage impliquées à la réussite de celle-ci et ce, à tous les niveaux. La co-construction des diplômes où la partie générale relève de l'État et où la partie professionnelle relève des branches professionnelles paraît fondamentale pour la Délégation. La validation des diplômes doit associer les maîtres d'apprentissage aux différents jurys. La Délégation souhaite également que le président du Conseil d'administration des lycées professionnels ne soit pas le chef d'établissement mais une personne extérieure afin de donner une nouvelle impulsion en faveur de la dimension professionnelle. Les maîtres d'apprentissage doivent aussi recevoir une formation permettant un bon déroulement de la mission qui leur est donnée.

Mme Lamure et M. Forissier ont également proposé une évolution du statut de l'apprenti. Ainsi, la Délégation juge que le temps de travail de l'apprenti doit être aligné sur celui du maître d'apprentissage. L'exemple récurrent est celui de l'apprenti boulanger mineur qui ne peut travailler la nuit, même après déclaration auprès de l'inspection du travail. Dans le même temps, l'apprenti doit voir ses droits renforcés. L'accès au Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) des apprentis titulaires de la carte d'étudiant des métiers, quinze jours de congés annuels en cours d'année scolaire, la représentation des apprentis dans les CNEFOP et aux CREFOP, la signature d'un contrat d'apprentissage par des jeunes atteignant 15 ans au cours de l'année civile, la suppression de l'âge pour fixer la rémunération de l'apprenti, la médiation consulaire préalable à la rupture du contrat d'apprentissage ou la modulation de la durée du contrat d'apprentissage en fonction de la formation initiale de l'apprenti... sont autant de pistes soutenues par la Délégation, qui estime en outre que l'on pourrait utilement abroger les dispositions relatives au contrat de génération.

Votre rapporteure rappelle que le Bureau du Sénat, dans sa décision 26 ( * ) du 29 octobre 2015, a choisi d'accueillir des apprentis en son sein, montrant ainsi la diversité des profils et des débouchés offerts par cette voie de formation.

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La Délégation démontre, avec ce rapport, que les remontées de terrain qu'elle a collectées en allant à la rencontre des entreprises sont précieuses pour nourrir la réflexion alors que la réforme du droit du travail apparaît enfin comme une priorité en France, dans un contexte européen où bien des pays ont déjà mené des réformes d'envergure pour lutter contre le chômage.

L'architecture des réformes souhaitées par les entreprises rejoint parfaitement la logique de la flexisécurité : d'une part, la sécurité juridique et économique des entreprises d'une part, et, d'autre part, la flexibilité à travers des outils et des instances de dialogue leur permettant de s'adapter et de se développer, pour contribuer à la croissance du pays.


* 25 Proposition de loi visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite, n° 394 (2015-2016) de Mme Élisabeth LAMURE, M. Michel FORISSIER et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 10 février 2016.

* 26 http://www.senat.fr/emploi/apprentissage_au_senat.html

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