B. UNE COMMUNAUTÉ JEUNE ET MAJORITAIREMENT ISSUE DE L'IMMIGRATION

La communauté musulmane a pour autre trait caractéristique, commun avec la communauté juive, la jeunesse de ses membres. Pour l'Ined, à la suite de l'enquête TeO, « l'opposition principale ressort entre les Catholiques d'un côté, dont la religiosité varie peu avec l'âge et tend plutôt à baisser pour les jeunes générations, et les Musulmans et les Juifs pour qui la religiosité, déjà élevée par rapport aux autres dénominations, gagne plus de 10 points dans la classe d'âge des 18-25 ans par rapport aux plus de 35 ans. » Ce trait se mesure particulièrement chez les descendants d'immigrés pour lesquels se fait sentir un renforcement du sentiment religieux.

Outre la jeunesse de la communauté musulmane, l'Ined met également en lumière, avec l'enquête TeO, que « l'Islam constitue la principale religion déclarée par les immigrés, loin devant le catholicisme ».

Si une part, parfois majoritaire, de la population était de confession musulmane dans les colonies françaises, le territoire hexagonal n'est pas historiquement une terre d'Islam. Il paraît difficile d'occulter le fait que l'arrivée de musulmans en France métropolitaine correspond aux suites de la décolonisation et à l'immigration de pays ayant entretenu un lien colonial avec notre pays (Maghreb, Afrique occidentale, etc.).

Lors de son audition, M. Ahmet Ogras, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France, le résumait en ces termes : « L'Islam, dans un premier temps, a été la religion des colonisés et des administrés dans le continent africain et dans les DOM-TOM. Dans un deuxième temps, elle a été la religion des harkis. Ensuite elle a été la religion des immigrés, dernière étape du statut de religion de l'étranger. Depuis les années 2000, elle est devenue tout simplement la religion des concitoyens français - petits-enfants immigrés et convertis » .

1. En métropole, une communauté constituée au fil des vagues d'immigration

La communauté musulmane s'est numériquement renforcée, sur le territoire métropolitain, au cours du XX ème siècle, au gré de vagues d'immigration.

Deux phénomènes y ont contribué : la décolonisation, notamment l'arrivée de Harkis à partir de 1962 après l'indépendance algérienne, et la nécessité d'une main d'oeuvre étrangère incitant à une immigration économique, en provenance principalement du Maghreb. S'y sont ajoutés, à partir des années 1970 et 1980, les réfugiés politiques d'autres pays musulmans (Turquie, Iran, Afrique subsaharienne).

Or, « les immigrés venant du Maghreb, de Turquie et d'Afrique sahélienne sont dans plus de 90 % des cas musulmans lorsqu'ils déclarent une religion » selon l'Ined. L'origine de l'immigration des musulmans explique également qu'en son sein, la communauté musulmane soit composée essentiellement de sunnites.

La présence d'immigrés parmi la communauté musulmane française n'est pas neutre du point de vue de la place de la religion comme élément identitaire. Comme l'a mis en évidence l'enquête TeO de l'Ined, la place de la religion, quelle qu'elle soit, comme trait identitaire est plus forte pour les immigrés (21 %), en particulier ceux en provenance du Maghreb (28 %) ou de Turquie (26 %).

La religion comme identité selon la dénomination, le sexe et la religiosité
(en %)

Catholique

Orthodoxe

Protestant

Musulman

Juif

Bouddhiste

Total

7

16

18

33

45

20

Homme

7

27

19

29

47

40

Femme

8

9

18

37

43

9

Religiosité faible

3

3

1

11

11

26

Religiosité forte

22

30

41

39

55

15

Source : Trajectoire et origines, Ined-Insee, 2008
Champ : personnes de 18 à 50 ans ayant déclaré une religion

Toujours selon l'Ined, « la prédominance de l'Islam se retrouve pour les descendants de deux parents immigrés ». De surcroît, les personnes déclarant une religion se démarquent, pour les cultes autres que celui majoritaire, par une religiosité plus forte : « Il est ainsi plus fréquent aujourd'hui de se définir comme « catholiques culturels » (25 %), c'est-à-dire de se déclarer catholique mais ne pas y accorder d'importance, que comme « musulman culturel » (4 %). » En effet, « l'intensité de la religiosité apparaît particulièrement forte pour les Musulmans et les Juifs, deux dénominations où la transmission des parents aux enfants est également élevée ». Les études semblent indiquer que la pratique religieuse musulmane persiste au fil des générations, contrairement aux autres religions.

2. Des situations plus contrastées outre-mer

La communauté musulmane est également implantée, de manière variée, dans plusieurs collectivités ultramarines. Récente dans les Antilles, en Guyane ou en Polynésie française, l'installation de musulmans remonte dans d'autres collectivités françaises, comme à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie, à la seconde moitié du XIX ème siècle.

À La Réunion, la communauté musulmane est davantage liée à la diaspora indienne, même si son origine s'est progressivement diversifiée. Ce département compte ainsi le plus ancien lieu de culte musulman en France avec la mosquée Noor-al-Islam à Saint-Denis-de-La-Réunion, inaugurée en 1905 après sept ans de chantier financé, comme le terrain qui l'accueille, par des commerçants à partir d'un prélèvement sur les bénéfices commerciaux réalisés.

En Nouvelle-Calédonie, la communauté musulmane est essentiellement composée d'Indonésiens et de descendants d'Indonésiens à 80 % ainsi que des descendants des déportés algériens de l'insurrection kabyle de 1871. Deux mosquées y sont implantées : l'une, depuis 1978, à Nouméa et l'autre, vingt ans plus tard, à Bourail.

Mayotte constitue un cas particulier puisque la religion musulmane occupe une place majeure dans l'organisation sociale de l'île et imprègne profondément la société mahoraise, depuis le XV ème siècle. Aujourd'hui, les musulmans sont estimés à près de 95 % de la population de Mayotte. L'Islam a profondément inspiré les institutions sociales et juridiques locales. Il en est, au premier chef, pour le statut civil personnel, dérogatoire au droit civil et fondé sur le droit « musulman » sous réserve de principes d'ordre public (égalité des hommes et des femmes, absence de distinction entre les enfants, etc.). L'application de ce statut repose sur un critère religieux puisqu'il régit les musulmans mahorais, et non ceux extérieurs à l'île, sauf s'ils y renoncent expressément comme le permet l'article 75 de la Constitution. De même, la justice cadiale, même si les Cadis ont désormais perdu leurs attributions notariales et juridictionnelles, conserve un rôle de médiation sociale.

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