DEUXIÈME PARTIE
LE TRAITEMENT CONTESTABLE DE L'ANNÉE DE TRANSITION

En ce qu'elle vient modifier la chronique du recouvrement de l'impôt sur le revenu, l'institution du prélèvement à la source expose les contribuables, au cours de l'année où la réforme entre en vigueur, au risque d'être imposés deux fois simultanément. À titre d'illustration, si la présente réforme trouvait à s'appliquer aux revenus perçus ou réalisés en 2018, lors de l'année 2018, les contribuables devraient acquitter l'impôt dû au titre des revenus de 2017 - en vertu du système actuel - tout en faisant l'objet d'un prélèvement sur la base des revenus de 2018.

Aussi, en vue d'éviter ce phénomène de double imposition, le projet gouvernemental prévoit-il la création d'un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) venant « effacer » l'impôt dû au titre des revenus perçus en 2017 ; toutefois, afin de prévenir les abus éventuels, ne seraient concernés que les revenus « non exceptionnels » des contribuables, les autres revenus ayant vocation à être imposés. Cependant, force est de constater que la définition retenue des revenus « non exceptionnels » dans le cadre du projet gouvernemental reste très imprécise et laisse présager des contestations et contentieux nombreux au cours des années suivant la réforme. Dans la même logique, il est proposé d'instituer une clause générale anti-optimisation. Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité prévoir, au titre de l'année de transition, un ensemble de mesure en vue d'éviter que les contribuables bénéficiaires de revenus fonciers ne reportent à après 2017, à des fins fiscales, les opérations de travaux immobiliers.

I. LA CRÉATION D'UN CRÉDIT D'IMPÔT VISANT À ÉVITER UNE DOUBLE CONTRIBUTION FISCALE EN 2018

A. LE CRÉDIT D'IMPÔT DE MODERNISATION DU RECOUVREMENT

De manière à ce que les contribuables ne soient conduits à acquitter, en 2018, tout à la fois l'impôt dû au titre des revenus perçus en 2017 et les prélèvements portant sur les revenus appréhendés au cours de l'année 2018, le projet de réforme prévoit, d'une part, la suppression des acomptes provisionnels et des mensualités devant être versés au titre des revenus à compter du 1 er janvier 2017 ( alinéa 272 ) et, d'autre part, l'instauration d'un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) . Ce dernier bénéficierait aux contribuables uniquement à raison des revenus « non exceptionnels » entrant dans le champ du prélèvement à la source ( alinéa 275 ).

Le CIMR serait « égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2017 [...] multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels [concernés par le prélèvement à la source], les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficit, charges et abattements déductibles du revenu global » ( alinéa 276 ). Le montant obtenu serait diminué des crédits d'impôt prévus par les conventions fiscales internationales.

Ainsi, les modalités de calcul du CIMR seraient, dans leur esprit, assez proches de celles présidant à la détermination du taux du prélèvement à la source (voir supra ). En effet, ici encore, est retenue la méthode dite du « prorata » ; selon l'évaluation préalable, « celle-ci permettra notamment de ne pas remettre en cause la progressivité de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2017 pour les revenus perçus en 2017 qui resteront imposés au titre de cette même année en 2018, à savoir les revenus non concernés par la mise en oeuvre du prélèvement à la source prévu par le projet de réforme du Gouvernement ainsi que les revenus exceptionnels par nature » 120 ( * ) .

Au-delà du faible degré d'intelligibilité des règles de calcul du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) pour la large majorité des contribuables, la conception de ce dernier pourrait se révéler problématique dans la mesure où il ne bénéficierait aux contribuables qu'au titre de leurs revenus « non exceptionnels », alors même que le périmètre de ces derniers semble très imprécis , comme cela est mis en évidence infra dans la présente partie.

Quoi qu'il en soit, le CIMR viendrait s'imputer sur l'impôt dû au titre des revenus perçus en 2017 , après prise en compte des réductions et crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires ( alinéa 323 ). Dans l'hypothèse où le montant du CIMR serait supérieur à l'impôt dû
- calculé à partir de la déclaration transmise par les contribuables à la fin du premier semestre 2018 -, l'excédent serait restitué par l'administration fiscale en 2018 ( alinéa 324 ) ; à cet égard, il est précisé que le CIMR n'est pas pris en compte dans le calcul du plafonnement des avantages fiscaux prévu par l'article 200-0 A du CGI ( alinéa 325 ). Dans le cas contraire, si le CIMR était inférieur à l'impôt - en particulier en raison de la perception de revenus « exceptionnels » -, le solde restant devrait être acquitté par le contribuable concerné en 2018.


* 120 Évaluation préalable de l'article 38, op. cit., 2012, p. 222.

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