B. EXAMEN DU RAPPORT : DEUX RÉUNIONS

La délégation a examiné le présent rapport au cours de deux réunions.

Le jeudi 20 octobre 2016, le rapport d'information et ses conclusions ont été présentés par Chantal Jouanno à la délégation. Les conclusions ont alors été validées.

Le rapport a été adopté le jeudi 3 novembre 2016.

Réunion du jeudi 20 octobre 2016

Présidence de Chantal Jouanno, présidente

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Nous allons ce matin commencer l'examen du rapport, et plus particulièrement des conclusions, dans une version qui tient compte de nos précédents échanges. Nous procédons aujourd'hui en effet à notre quatrième échange de vues sur ce rapport, après nos réunions des 30 juin, 29 septembre et 6 octobre 2016. Nous nous prononcerons définitivement le jeudi 3 novembre. Je propose également que nous présentions publiquement nos travaux à l'issue de cette prochaine réunion, à une heure qui vous sera indiquée dès que possible.

Je vous propose donc, dans le document qui vous est soumis, une version remaniée du rapport, avec une longue introduction présentant les enseignements que l'on peut tirer de la table ronde du 14 janvier 2016, dont les analyses plus complètes figurent, en annexe, sous le titre « Les religions ont-elles un problème avec les femmes ? ». Je rappelle que les développements relatifs à la remise en cause des droits sexuels et reproductifs sont exposés dans cette introduction, car ce sujet nous tient particulièrement à coeur au sein de la délégation.

Corinne Bouchoux . - Je soutiens votre démarche et la méthodologie adoptée.

Maryvonne Blondin . - Lorsque vous évoquez la question des droits sexuels et reproductifs dans l'introduction, il me semblerait important de mentionner la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, ratifiée par la France et 22 pays d'Europe. Il s'agit d'un outil juridique international contraignant d'une portée majeure dans le domaine des droits des femmes.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Je suis d'accord.

Corinne Bouchoux . - Toute proportion gardée, cette convention est au niveau international ce qu'est la loi Veil pour la France...

Maryvonne Blondin . - Cela me paraît d'autant plus pertinent que nos recommandations vont tout à fait dans le sens de la Convention d'Istanbul.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Je tiendrai compte de votre remarque.

Françoise Laborde . - Je porte à votre attention que j'ai adressé une demande auprès du service compétent pour disposer d'une étude de droit comparé en matière d'accès à l'IVG. En tant que présidente du groupe d'amitié France-Irlande, la situation en Irlande m'intéresse tout particulièrement, mais il faudra probablement prochainement préciser le champ des pays sur lesquels portera l'étude. J'ai d'ores et déjà mentionné la Pologne, l'Irlande, l'Espagne, et je pensais aussi à l'Inde... Vos suggestions sont les bienvenues.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - En effet, je confirme l'intérêt d'une telle étude.

Je rappelle que notre rapport précise qu'il ne nous appartient pas d'interférer avec le fonctionnement interne des cultes, mais que la délégation prend acte du souhait, exprimé devant nous par certaines femmes, que les femmes puissent exercer davantage de responsabilités au sein de leur religion.

Passons maintenant aux conclusions. Les dernières modifications que je vous soumets sont surlignées pour faciliter votre lecture. J'ai notamment modifié l'observation relative aux tenues vestimentaires, pour tenir compte de nos échanges de la semaine dernière. Que pensez-vous de la nouvelle formulation ?

Corinne Bouchoux . - La nouvelle rédaction me convient. Je voudrais à cette occasion ouvrir une parenthèse pour attirer votre attention sur la question des contraintes vestimentaires imposées aux hommes, qui est aussi une vraie problématique... Nous avons reçu récemment au Sénat l'association Hommes en jupe (HEJ) qui, comme son nom l'indique, milite pour le port de la jupe par les hommes. Les membres de cette association se heurtent à des préjugés tenaces, tant les traditions sont ancrées dans les moeurs... Et il y a derrière tout cela un réel enjeu économique, notamment pour le monde de la haute couture...

Laurence Cohen . - J'apprends quelque chose !

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Nous ne disons pas que les hommes ne sont pas soumis, eux aussi, à des interdits vestimentaires. Nous mettons en avant le fait que la crispation du débat et le souhait de faire intervenir le législateur se focalisent systématiquement sur la tenue vestimentaire des femmes. J'avais déjà constaté ce travers dans le cadre de mon rapport sur l'hypersexualisation des petites filles. Il y avait à l'époque un débat portant sur le string qui dépassait des pantalons des adolescentes, avec des demandes extrêmement fortes pour qu'on légifère sur ce point. On me demandait de faire intervenir la loi pour que les jupes ne soient pas trop courtes. Aujourd'hui, on voudrait faire une loi pour qu'elles ne soient pas trop longues ! Ce n'est pas le rôle du législateur...

Maryvonne Blondin . - Je ne comprends pas bien l'observation sur les constats dressés en France depuis le début des années 2000, dans le cadre de réflexions successives sur le principe de laïcité. Pourriez-vous m'éclairer sur ce point ?

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Cette observation fait référence aux divers travaux et rapports officiels, cités dans le rapport, qui ont alerté sur une remise en cause de la laïcité et de la mixité dans différents domaines, depuis le début des années 2000, à commencer par le rapport de la commission Stasi 282 ( * ) ou le rapport Obin 283 ( * ) . La situation ne s'est pas franchement améliorée, malgré les alertes contenues dans ces documents...

Maryvonne Blondin . - Pour autant, on ne peut pas dire que les pouvoirs publics ne soient pas intervenus pour enrayer cette situation. Je pense par exemple aux nombreux plans en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, dans différents secteurs et plus particulièrement dans l'éducation.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Notre observation se concentre sur la problématique de la laïcité et notre propos n'est pas de dire que rien n'a été tenté par les pouvoirs publics pour remédier aux problèmes identifiés, mais que les difficultés pointées par ces rapports il y a déjà plusieurs années continuent à se manifester. Si vous le souhaitez, nous préciserons la rédaction en ce sens pour lever l'ambiguïté.

Laurence Cohen . - Dans le contexte actuel, il me semble souhaitable que le début de l'observation n° 3 soit ainsi formulée : La délégation « considère que les droits des femmes, l'égalité entre femmes et hommes et la mixité sont au coeur de nos valeurs et de notre projet de société », etc.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Je suis d'accord. La rédaction sera revue en conséquence.

Venons-en maintenant aux propositions à l'attention du législateur.

Corinne Féret . - Comme je l'ai déjà indiqué la semaine dernière, ayant présidé la mission d'information sur l'organisation, la place et le financement de l'Islam en France et de ses lieux de culte, qui a pris le parti de ne pas toucher une virgule à la loi de 1905, je ne peux m'associer à une proposition qui viserait à modifier cette loi, même pour y inscrire le principe d'égalité entre femmes et hommes.

En revanche, je souscris à la proposition qui tend à inscrire explicitement le principe d'égalité entre femmes et hommes dans la Constitution. D'ailleurs, à travers une telle modification, le principe d'égalité serait de facto réaffirmé dans toutes les lois !

Corinne Bouchoux . - Le groupe écologiste préfère également ne pas proposer une modification de la loi de 1905 : nous considérons que cela ouvrirait la boîte de Pandore...

Françoise Laborde . - C'est également la position retenue dans mon groupe du RDSE.

Laurence Cohen . - Le groupe CRC n'a pas de problème sur le fond avec cette proposition. La contribution que nous avons rédigée avec Brigitte Gonthier-Maurin insiste d'ailleurs sur le fait que, au moment où cette loi a été votée, en 1905, cette problématique de l'égalité entre les femmes et les hommes ne constituait pas une préoccupation du législateur, comme le rapport le rappelle très justement.

Néanmoins, peut-être pourrait-on formuler cette conclusion en faisant état d'un débat sur l'opportunité d'inscrire le principe d'égalité dans la loi de 1905 ?

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - La loi de 1905 est au coeur de ce rapport. On ne peut pas esquiver le débat : je rappelle que nous avons à l'origine commencé nos travaux sur le thème « Femmes et laïcité ». Par ailleurs, vous savez comme moi qu'une telle proposition a peu de chance d'être suivie d'effet... Nous pouvons douter qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour !

Catherine Génisson . - Nous constatons que les avis sont partagés sur cette proposition : cela doit être mentionné dans le rapport.

Chantal Deseyne . - À partir du moment où l'on propose d'inscrire explicitement le principe d'égalité dans la Constitution, on peut considérer qu'il est inutile de proposer, en plus, de modifier la loi de 1905.

Didier Mandelli . - Pour ma part, je trouve que cette proposition est au coeur de notre sujet. Au-delà de sa portée symbolique, le monde a évolué depuis l'adoption de la loi de 1905. C'est important de le dire.

Brigitte Gonthier-Maurin . - Nous pourrions mentionner dans les conclusions notre questionnement sur l'opportunité d'inscrire dans la loi de 1905 le principe d'égalité. Cette interrogation découle de notre première proposition qui consiste à inscrire le principe d'égalité dans la Constitution.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Nous allons devoir trancher...

Françoise Laborde . - La Constitution devrait être au coeur de nos réflexions, puisqu'elle prime sur les lois. Si nous mentionnons dans nos conclusions nos interrogations sur l'opportunité d'une modification de la loi de 1905, chacun d'entre nous pourra toujours, dans sa contribution personnelle, faire part de son point de vue spécifique.

Éliane Giraud . - Nous pourrions lier cette interrogation sur la loi de 1905 à notre proposition de modification constitutionnelle. Il s'agirait en quelque sorte de fusionner la proposition concernant la Constitution et celle relative à la loi de 1905.

Corinne Féret . - En effet, pourquoi ne pas faire le lien avec la proposition de modification de la Constitution, en indiquant que, bien que la Constitution prime sur la loi en vertu de la hiérarchie des normes, la délégation s'est interrogée sur l'opportunité de faire évoluer la loi de 1905 pour y inscrire le principe d'égalité entre les femmes et les hommes ?

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - J'ai bien saisi la teneur de notre débat. Je suggère en effet d'indiquer que la délégation s'est interrogée sur l'opportunité d'une modification de la loi de 1905, au terme d'un débat qui a fait apparaître des divergences non pas sur le principe de la proposition, mais sur son opportunité. Je vous propose de le traduire ainsi : « La délégation estime que l'égalité entre femmes et hommes doit figurer dans le texte même de notre Constitution, dès l'article premier, dont le premier alinéa doit mentionner explicitement l'égalité devant la loi de tous les citoyens « sans distinction de sexe, d'origine, de race ou de religion ». La modification proposée à l'article premier de la Constitution pour qu'il se réfère explicitement à l'égalité entre femmes et hommes devrait suffire à soumettre toutes les lois au respect de ce principe. La délégation, convaincue que l'égalité est une dimension essentielle de la laïcité aujourd'hui en France, s'est toutefois interrogée sur l'inscription du principe d'égalité entre femmes et hommes dans la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, de manière à préciser, dès son article premier, que « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes dans le respect de l'égalité entre femmes et hommes, sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. »

Enfin, pour conclure sur ce point, souhaitez-vous que, dans le corps du rapport, notre débat soit mentionné, ou bien vous suffit-il que le compte rendu de notre réunion en fasse état ?

Maryvonne Blondin . - Il me semble important que nos échanges figurent également dans le corps du rapport.

Laurence Cohen . - Je suis d'accord.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - S'agissant des autres conclusions, je ne reviens pas sur tous les points débattus au cours de nos précédentes réunions.

La création d'un délit autonome d'agissement sexiste me paraît très importante.

Maryvonne Blondin . - Une telle mesure ne vient-elle pas d'être adoptée dans le cadre du projet de loi « Égalité et Citoyenneté » (PLEC) ?

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - La mesure votée n'a pas créé de délit autonome, mais une circonstance aggravante. J'ajoute que seuls deux des amendements que j'ai déposés sur le PLEC ont été adoptés par le Sénat...

Par ailleurs, nous avons également ajouté une précision dans le rapport, s'agissant de la proposition relative à la neutralité des élus, pour tenir compte de vos remarques.

Corinne Féret . - Sur la question de l'extension de l'obligation de neutralité à de nouvelles catégories, j'ai un peu évolué dans ma réflexion depuis la semaine dernière. Pourquoi ne pas étendre la distinction entre la période de stage et la période de cours que nous voulons appliquer aux étudiants des ÉSPÉ à tous les étudiants dont les cursus sont susceptibles de les amener à exercer dans le service public ? Je pense aux formations d'infirmières, d'assistantes sociales, ou d'aides-soignantes par exemple.

Françoise Laborde . - Je ne suis pas d'accord, ce n'est pas comme les ÉSPÉ. En effet, les infirmières peuvent travailler en libéral et ne feront pas forcément leur carrière dans le service public hospitalier. Dès lors, il n'y a pas de raison de les soumettre à l'obligation de neutralité dès leurs études. Cela me paraît excessif.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Je rappelle que tous les points de désaccord peuvent être formulés par écrit dans vos contributions personnelles, qui seront annexées au rapport.

Maryvonne Blondin . - Je voudrais revenir sur les recommandations concernant l'enseignement primaire et secondaire. Il y a tout un travail réalisé par l'enseignement public pour sensibiliser les élèves à la laïcité et à la mixité. Je pense aux plans égalité entre les filles et les garçons dans les établissements, aux chartes de la laïcité, à l'enseignement moral et civique qui comprend un volet sur l'égalité. Dès lors, il faudrait atténuer la rédaction où figure le mot « obscurantisme » à propos de l'école.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Si le terme vous paraît trop fort, nous atténuerons la rédaction.

Françoise Laborde . - Le terme « obscurantisme » ne me choque pas. C'était déjà celui qu'utilisait le rapport Obin. Qu'est-ce que la suppression des ABCD de l'égalité ou la polémique sur la soi-disant théorie du genre, sinon une attitude obscurantiste ?

Maryvonne Blondin . - Vous mentionnez l'enseignement public...

Catherine Génisson . - Il ne faut pas stigmatiser l'enseignement public...

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Le paragraphe relatif à l'enseignement public concerne seulement l'idée de mettre un place un système de remontée directe des incidents jusqu'au ministère, qui reprend une recommandation très pertinente de la commission d'enquête sur le service public de l'éducation.

S'agissant de la lutte contre les dérives, nous visons tous les systèmes, et pas que le public.

Brigitte Gonthier-Maurin . - Pour revenir sur ce que disait Maryvonne Blondin, plutôt que d'appeler à « l'élaboration » d'une stratégie de lutte, il me paraîtrait plus juste de parler « d'intensification » des stratégies déjà en place, afin de mettre en avant ce qui est fait dans l'enseignement public pour remédier à ces dysfonctionnements et afin de déconstruire les mécanismes qui conduisent à l'obscurantisme.

Chantal Deseyne . - La stratégie de lutte contre les dérives doit évidemment être élargie à tous les établissements scolaires, y compris au privé. Je rappelle que l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans, et de plus en plus d'enfants sont scolarisés dans des écoles confessionnelles. Nous devrions indiquer que cela s'appliquerait à tous les établissements scolaires à partir du moment où l'école est obligatoire.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Peut-être devrions-nous hiérarchiser les propositions au sein de ce bloc, en mettant d'abord celle relative à la lutte contre les dérives portant atteinte à la mixité et à l'égalité entre filles et garçons, qui concerne tous les établissements scolaires et pas uniquement le public. Puis nous inscririons celle sur les remontées d'incidents qui concerne le public.

Une autre modification des conclusions concerne la rédaction de l'appel aux organismes représentant les cultes en France, à la lumière des explications de Corinne Féret. Nos suggestions concernent les instances dont la gouvernance relève des pouvoirs publics.

Corinne Féret . - La nouvelle formulation me convient.

Catherine Génisson . - La réflexion relative à la formation de cadres religieux dans le cadre des diplômes universitaires (DU) sur la laïcité commence par « La délégation considérerait comme une évolution positive que etc. ». Nous marchons sur des oeufs...

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Ce n'est pas une impression, c'est la réalité !

Corinne Féret . - Cette formation sera obligatoire pour tous les aumôniers, qu'ils exercent à l'hôpital, dans les armées ou les prisons, et de toutes les confessions. La prudence de la formulation me paraît avisée... Dans l'appel aux établissements d'enseignement supérieur pour favoriser le respect de la mixité, vous proposez l'adoption d'une charte des examens. Mais elles existent déjà.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Nous visons tous les établissements publics, et si les chartes d'examen sont en effet très répandues, elles ne sont pas toutes formulées de manière aussi explicite que les exemples cités par le rapport.

Françoise Laborde . - L'idée est de prendre en compte le port de signes qui pourraient être gênants pour le contrôle de l'identification des candidats et d'inciter chaque établissement, dans le respect de son autonomie, à rester vigilant sur ce point en se dotant de chartes des examens aussi claires que possible.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Si vous préférez, nous pouvons reformuler la phrase pour les inviter à « intégrer dans leur charte des examens » les exigences liées au contrôle de l'identification des candidats en vue de la prévention des fraudes éventuelles.

Maryvonne Blondin . - Il me semble qu'un article du code de l'éducation mentionne ces chartes des examens, qui ont été mises en place partout en France.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure . - Nous insistons sur le contenu de la charte, pas sur le fait d'en avoir une. Il s'agit de vérifier que ce contenu intègre les préoccupations relatives à l'identification des candidats.

Nous avons donc passé les conclusions en revue. En l'absence d'opposition, je constate qu'elles sont validées dans le texte issu des amendements que nous avons adoptés ce matin. C'était notre quatrième échange sur le rapport, et je pense que celui-ci tient compte de l'ensemble de vos remarques.

Nous voterons donc en principe le 3 novembre sur l'ensemble du rapport. D'ici là, je vous invite à me faire part de vos propositions s'agissant de son titre.

Corinne Féret . - Il était important que l'on prenne le temps de débattre d'un sujet aussi sensible.

Éliane Giraud . - Malgré certaines divergences de position, je voterai pour ma part en faveur de l'adoption de ce rapport.

Réunion du jeudi 3 novembre 2016 - Adoption du rapport

Présidence de Chantal Jouanno, présidente

La délégation a poursuivi, le jeudi 3 novembre 2016, l'examen du rapport d'information de Chantal Jouanno.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Nous poursuivons maintenant l'examen du rapport sur les femmes et la laïcité, qui a commencé lors de notre réunion du 20 octobre 2016.

Je précise que j'ai reçu quatre contributions qui seront annexées au rapport : celles de Françoise Laborde, de Corinne Bouchoux et d'Annick Billon et celle de Laurence Cohen et Brigitte Gonthier Maurin, qui la présentent conjointement.

Avez-vous des observations, des remarques ou des demandes d'information complémentaires par rapport aux dernières modifications effectuées à la fois dans le rapport et dans les conclusions ? Il me semble que le document qui vous est soumis reflète le plus fidèlement possible le résultat de nos échanges. Nous avons réalisé un travail important pour concilier les différents points de vue.

J'observe qu'il n'y a pas de demande particulière ; cet examen global n'est donc pas nécessaire.

Je vous propose de nous pencher sur le titre du rapport. J'ai reçu plusieurs propositions, notamment de Laurence Cohen, dont je vous soumets la liste pour que nous en débattions ensemble :

- « La laïcité est-elle un rempart suffisant pour conquérir l'égalité entre les femmes et les hommes ? » ;

- « Laïcité et égalité femmes-hommes : des actions convergentes » ;

- « Laïcité et égalité femmes-hommes : des combats complémentaires » ;

- « Laïcité : un point d'appui pour l'égalité femmes-hommes » ;

- « Laïcité : un levier vers l'égalité femmes-hommes » ;

- « Laïcité : un outil d'émancipation vers l'égalité entre les femmes et les hommes ».

J'ajoute une suggestion d'Annick Billon : « La laïcité au service des droits des femmes ».

Pour ma part, je propose le titre suivant : « Pas de laïcité sans égalité ».

Laurence Cohen . - Votre proposition est courte et percutante. Mais peut-on dire qu'elle reflète la réalité ? En effet, nous savons que les promoteurs de la loi de 1905 n'avaient pas pour préoccupation l'égalité entre les femmes et les hommes.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - On peut en effet concevoir la laïcité sans l'égalité entre femmes et hommes. C'est d'ailleurs la conception qui a très longtemps prévalu, mais nous n'en voulons pas. Le titre que je propose n'est pas l'affirmation d'un fait, mais l'expression d'un souhait. C'est ce à quoi nous voulons parvenir.

Brigitte Gonthier-Maurin . - Cette proposition me séduit particulièrement. En effet, pour moi, la substance de notre rapport est bien de dire qu'il ne peut y avoir de laïcité si l'on ne se préoccupe pas d'égalité entre les femmes et les hommes.

Annick Billon . - Le titre proposé exprime la laïcité que nous voulons, une laïcité moderne, porteuse d'égalité.

Françoise Laborde . - Peut-être pourrions-nous remplacer le mot « pas » par le mot « plus » pour lever l'ambiguïté. Pourquoi ne pas ajouter également un sous-titre qui contiendrait le mot « émancipation » ? En revanche, je ne souhaite pas que l'on ajoute un adjectif pour qualifier la laïcité.

Claudine Lepage . - Attention aux ambiguïtés : le mot « plus » est ambigu.

Laurence Cohen . - Il faut faire attention à ce que le titre, qui serait un « titre choc », ne soit pas mal interprété. C'est pourquoi il me paraît prudent de l'expliciter.

Chantal Deseyne . - Je propose « Laïcité, facteur d'émancipation et d'égalité ».

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Le problème est que la laïcité n'était pas à l'origine un vecteur d'égalité...

Marie-Pierre Monier . - Et pourquoi pas « Pas de laïcité sans égalité » avec un point d'interrogation ?

Chantal Deseyne . - Le mot émancipation me semble important.

Corinne Bouchoux . - Ne faudrait-il pas que nous précisions dans le titre, ou dans l'avant-propos du rapport, que notre étude porte sur la laïcité en France ?

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Cela ne me semble pas nécessaire car l'avant-propos porte explicitement sur notre territoire.

Le coeur de notre rapport est vraiment l'égalité. Il s'agit de montrer que la laïcité, en soi, n'a pas permis de défendre l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle a permis que les lois votées soient indépendantes de la religion. En ce sens, elle est une condition nécessaire, mais pas suffisante, de cette égalité. Rappelons-nous aussi que les grandes lois de la III e République, dont celle de 1905, ont été portées par des hommes très hostiles aux droits des femmes...

Brigitte Gonthier-Maurin . - Vous avez parfaitement résumé les choses : la laïcité est une « condition nécessaire mais pas suffisante » pour l'égalité femmes-hommes. Cela pourrait suffire comme titre pour résumer tout notre rapport.

Didier Mandelli . - Tout dépend de ce sur quoi on veut insister, mais je pense que si le titre résume le rapport, cela n'incitera pas à le lire... Pour moi, la laïcité est également indissociable de la liberté. Je propose donc le titre suivant : « Laïcité, égalité, fraternité », en ajoutant la dimension liée à l'égalité et à l'émancipation des femmes. Il me semble ainsi qu'on reste au coeur du sujet, sans dévoiler le contenu du rapport.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Il est en effet important d'ouvrir la réflexion et de susciter la curiosité du lecteur...

Brigitte Gonthier-Maurin . - Contrairement à Didier Mandelli, je préconise un titre explicite, car nous sommes dans une posture d'interpellation.

Corinne Bouchoux . - Je rappelle qu'historiquement, la laïcité française a exclu les femmes. Notre rapport n'est-il pas prospectif ? Je propose donc « L'égalité femmes-hommes au coeur de la laïcité ».

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Et que diriez-vous de cette formulation : « La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ? ». Elle me paraît représenter la synthèse de nos approches. Cela vous convient-il ?

Je ne vois pas d'objection. Ce titre est donc adopté.

Maryvonne Blondin . - Je souhaite indiquer que Corinne Féret, qui a plus particulièrement suivi ce travail au sein de notre groupe, ne peut être présente ce matin car elle est retenue dans son département où le Président de la République est accueilli. Comme moi, elle reconnaît et salue la méthode adoptée pour l'élaboration de ce rapport, à travers la modification de ses conclusions pour tenir compte de nos remarques, notamment s'agissant de la loi de 1905. C'est pourquoi nous n'avons pas rédigé de contribution personnelle, même si certains points du rapport ne nous conviennent pas pleinement. Notre groupe ne s'opposera donc pas à la publication du rapport.

Chantal Jouanno, présidente, rapporteure. - Sur la loi de 1905, les conclusions du rapport indiquent bien que la délégation s'est interrogée, mais pas qu'elle recommande d'ouvrir un débat sur cette loi, fruit d'un compromis à préserver.

Corinne Bouchoux . - Pour ma part, je voterai pour le rapport en saluant la méthode de travail qui a été retenue pour son élaboration et son adoption. Si nous prenions autant de temps pour examiner chaque texte, les travaux parlementaires en sortiraient de meilleure qualité.

Je me dois toutefois de mentionner la réserve de mon groupe sur la proposition relative à l'extension de l'obligation de neutralité à de nouvelles catégories. Nous estimons que cela ne va pas dans le sens de l'apaisement, dans le contexte actuel. Notre groupe se désolidarise donc de cette proposition. Ma contribution le mentionne. Mais je n'en suis pas moins favorable au rapport et je salue le travail qu'il représente.

Françoise Laborde . - Le groupe RDSE est également en faveur de la publication du rapport. Je salue le travail de fond qui a été réalisé, ainsi que les nombreux et passionnants échanges qui ont nourri nos réflexions. Il est vrai que les développements relatifs à la loi de 1905 risquent d'ouvrir la boite de Pandore... Je me félicite néanmoins du superbe résultat obtenu.

Laurence Cohen . - Je voudrais à mon tour saluer le très important travail réalisé pour l'élaboration de ce rapport. On parle aujourd'hui à tort et à travers de la laïcité comme d'une contrainte. Mais c'est au contraire une liberté, amputée à l'origine de sa dimension d'égalité.

L'essentiel est bien de nourrir ce débat et de le faire vivre dans un climat apaisé, à travers des échanges constructifs entre nous. Nous sommes d'accord sur ce qu'est la laïcité et sur le besoin de progresser en faveur de l'égalité. Nous avons bien vu quel enjeu représente le corps des femmes, trop souvent instrumentalisé dans ce débat.

J'ai également été ravie de la richesse de nos auditions. Bien sûr, on pourrait toujours améliorer encore le rapport, mais le résultat final est très riche. Nous risquons d'être attendus sur le rapport. Il ne sera pas forcément lu de bout en bout, mais l'important est de montrer nos points de convergence au sein de la délégation sur ces questions ayant trait aux valeurs de notre République. Nous sommes d'accord entre nous sur la nécessité de faire progresser l'égalité et la laïcité dans un but d'émancipation.

Brigitte Gonthier-Maurin . - Je souscris bien évidemment à tout ce que vient de dire Laurence Cohen. Le groupe communiste votera sans réserve ce rapport, qui me paraît constituer une importante avancée intellectuelle car il lie pour la première fois la laïcité à l'exigence d'égalité entre les femmes et les hommes. C'est un message très fort. De plus, nous avons travaillé ensemble dans un esprit remarquable.

Annick Billon . - Je partage tout ce qui a été dit et je voterai également sans réserve ce rapport.

Chantal Deseyne . - À titre personnel, et je pense que Didier Mandelli me rejoint, je salue le travail fourni et la richesse des auditions que nous avons menées, qui nous ont permis de dresser des constats parfois effrayants. Ce qui m'importait était que nous puissions hiérarchiser nos propositions, ce qui est tout à fait le cas dans le rapport final. Je voterai donc moi aussi sans réserve ce rapport.

Le rapport est alors adopté sans opposition, à la majorité des présent-e-s et des représenté-e-s.


* 282 Rapport de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, remis au Président de la République le 11 décembre 2003.

* 283 Les signes d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires , juin 2004.

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