B. DES DÉPENSES DONT L'URGENCE EST MANIFESTE, MAIS PAS L'IMPRÉVISIBILITÉ

Une fois de plus, le Gouvernement utilise l'outil réglementaire pour financer des dépenses qui ne sont devenues urgentes qu'en raison de sous-budgétisations ou de choix de politique budgétaire , détournant la procédure du décret d'avance de son objet.

1. L'urgence : nécessité et imprévisibilité

L'article 13 de la LOLF dispose que les décrets d'avance sont pris « en cas d'urgence ».

Votre rapporteur général considère, à l'instar de la Cour des comptes 2 ( * ) , que le critère d'urgence répond « aux deux conditions que sont la nécessité , constatée au moment où est préparé le décret d'avance, et l' imprévisibilité des dépenses auxquelles ce dernier doit faire face ».

Ces deux composantes ne sont pas précisées explicitement dans la loi organique relative aux lois de finances, mais elles se déduisent du caractère dérogatoire du décret d'avance.

En effet, l'urgence ne saurait s'apprécier au seul regard de la nécessité d'ouvrir les crédits dans un délai contraint : toutes les dépenses du budget de l'État pourraient alors être considérées, à un moment ou à un autre de l'année, « urgentes ». En outre, le décret d'avance est défini comme un dispositif exceptionnel puisqu'il contrevient au principe selon lequel les crédits budgétaires ne peuvent être modifiés que par une loi de finances . Le caractère dérogatoire du décret d'avance implique donc que les dépenses qu'il finance n'auraient pas pu être intégrées à une loi de finances.

2. Des dépenses qui ne paraissent pas imprévisibles

La grande majorité des postes de dépenses concernés par le présent projet de décret d'avance font l'objet d'ouvertures chaque année en fin de gestion : il n'y a là rien d'imprévisible.

En particulier, la sous-budgétisation des opérations extérieures et intérieures du ministère de la défense est manifeste. Elle fragilise la mission : des ouvertures en cours de gestion ne se substituent pas à une budgétisation initiale sincère, lisible pour le Parlement comme pour les services gestionnaires.

La sur-exécution de la dotation allouée à l'hébergement d'urgence est elle aussi systématique , de même que le dépassement de l'enveloppe votée en loi de finances initiale au titre de la masse salariale de l'État .

Au total, les dépenses réellement imprévisibles ne paraissent pas constituer la majorité des ouvertures prévues par le présent projet de décret d'avance.


* 2 Cour des comptes, « Rapport sur les crédits du budget de l'État ouverts par décret d'avance », décembre 2014, p. 12.

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