EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 29 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de décret d'avance notifié le 23 novembre 2016 relatif au financement de dépenses urgentes, transmis pour avis à la commission, en application de l'article 13 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Mme Michèle André , présidente . - Le Gouvernement a transmis à la commission, mercredi dernier, un projet de décret d'avance dont vous avez eu connaissance le même jour.

La loi organique relative aux lois de finances dispose que nous devons émettre un avis dans un délai de sept jours.

Le rapporteur général a préparé un projet d'avis qui vous a été distribué.

Monsieur le rapporteur général, je vous cède la parole pour présenter à la fois vos observations sur ce projet et le projet d'avis.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La commission des finances a été notifiée mardi dernier d'un projet de décret d'avance - ce qui est relativement classique en cette période de fin d'année - portant ouverture et annulation de crédits à hauteur de 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Conformément à l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), notre commission doit faire connaître son avis sur ce projet de décret au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de sa notification.

Le recours au décret d'avance constitue une exception au principe de l'autorisation parlementaire des crédits. C'est pourquoi il est strictement encadré par la loi organique relative aux lois de finances, qui définit quatre conditions de validité du recours au décret d'avance.

Ainsi, les annulations doivent être au moins égales aux ouvertures, afin de ne pas affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. Les montants de crédits ouverts ne doivent pas dépasser 1 % des crédits prévus en loi de finances initiale et les crédits annulés ne peuvent être supérieurs à 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours.

Ces trois premiers critères purement mathématiques sont respectés.

Cependant, une part substantielle des annulations est artificielle : en effet, alors que 672 millions d'euros sont annulés sur la mission « Défense », la réouverture des crédits est d'ores et déjà prévue par le projet de loi de finances rectificative en cours d'examen à l'Assemblée nationale. J'y reviendrai.

Le dernier critère, celui de l'urgence, est plus qualitatif. Je souscris à l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle l'urgence signifie à la fois que l'ouverture des crédits doit être nécessaire et que le besoin budgétaire était imprévisible.

La vérification du caractère urgent des dépenses supplémentaires exige un examen détaillé des ouvertures.

Les ouvertures prévues par le présent projet de décret d'avance concernent douze missions et se répartissent en quatre grands ensembles : 831 millions d'euros, soit près de la moitié des ouvertures, visent à financer les opérations extérieures (Opex) et intérieures du ministère de la défense ; 700 millions d'euros, soit 40 % des ouvertures, concernent la masse salariale de l'État ; 105 millions d'euros sont ouverts au titre de divers dispositifs d'intervention, en particulier les bourses de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur, le service civique et l'aide à la recherche du premier emploi, l'ARPE ; enfin, 100 millions d'euros, soit près de 6 % des ouvertures, sont liés au financement de l'hébergement d'urgence - un phénomène récurrent, comme le rapporteur spécial Philippe Dallier pourra nous le confirmer.

Presque tous ces postes de dépenses ont déjà fait l'objet d'ouvertures par décret d'avance en fin de gestion les années passées. Il est donc difficile de considérer que les besoins sont imprévisibles ! La sous-budgétisation des Opex ou de l'hébergement d'urgence est récurrente et dénoncée ab initio lors de l'examen de chaque projet de loi de finances de l'année.

En outre, les crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance doivent être analysés en tenant compte du projet de loi de finances rectificative, en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Le présent projet de décret d'avance s'inscrit en effet au sein du schéma de fin de gestion pour 2016, c'est-à-dire de l'ajustement en fin d'exercice des crédits alloués afin d'éviter des impasses budgétaires tout en assurant le respect de la norme de dépenses.

Les ouvertures auxquelles procède le décret d'avance sont concentrées sur les besoins les plus urgents, pour lesquels les délais associés au vote du projet de loi de finances rectificative poseraient des problèmes : les

crédits de personnel et d'intervention en forment donc, comme chaque année, la plus large part, dans la mesure où le Gouvernement ne peut différer le paiement du traitement des fonctionnaires ou de certaines allocations.

Si l'ouverture de crédits par décret d'avance en fin d'année constitue une procédure somme toute classique, l'ampleur du schéma de fin de gestion pour 2016 mérite quant à elle d'être relevée. Ce sont ainsi 7 milliards d'euros en crédits de paiement qui doivent être ouverts, dont 1,7 milliard d'euros par décret d'avance et 5,3 milliards d'euros par le projet de loi de finances rectificative, auxquels il faut ajouter 539 millions d'euros de redéploiement des fonds issus du programme d'investissements d'avenir, ou PIA.

L'importance du schéma de fin de gestion pour 2016 confirme le constat fait en 2015 : les redéploiements en fin d'année sont de plus en plus importants, car le Gouvernement peine à tenir le cap qu'il s'est fixé en loi de finances initiale.

C'est la raison pour laquelle 831 millions d'euros de crédits doivent être ouverts au profit des opérations extérieures (Opex) et intérieures (Opint) du ministère de la défense. Sur ce total, 686 millions d'euros financeraient les Opex et 145 millions d'euros les Opint.

La répartition du coût des opérations extérieures est précisée dans le tableau qui figure sur le document vous ayant été distribué ; je pourrai y revenir, si vous le souhaitez.

La sous-budgétisation de ces opérations en loi de finances initiale est manifeste : au total, le besoin de financement des Opex en 2016 est plus de 2,5 fois supérieur aux crédits alloués en budgétisation initiale. Concernant les opérations intérieures, l'exécution devrait être 5,6 fois plus importante que la dotation votée en loi de finances initiale.

L'écart à la prévision en 2016 est le plus important constaté sur la mission depuis plus de quinze ans. L'insincérité de la budgétisation initiale nuit à la lisibilité de la politique budgétaire du Gouvernement et fragilise l'exécution budgétaire de la mission « Défense ».

Si la nécessité d'une ouverture rapide des crédits ne peut être contestée, l'imprévisibilité de la dépense ne paraît pas établie.

Le deuxième grand poste de dépense nécessitant des ouvertures concerne la masse salariale de l'État. Cette dernière a donné lieu à des ouvertures de crédits en fin de gestion chaque année depuis 2012. Près de 700 millions d'euros sont ouverts à ce titre, un dérapage inédit depuis le début du quinquennat et supérieur de 290 millions d'euros à la moyenne du dépassement constaté entre 2012 et 2016 sur ce poste.

Au total, six ministères, en dehors de celui de la défense, sont concernés. Le ministère de l'éducation nationale, pour la mission « Enseignement scolaire », représente plus de 86 % des ouvertures avec 602 millions d'euros. Ces besoins proviennent principalement d'une anticipation erronée du glissement vieillesse technicité (GVT), et de la hausse du point d'indice décidée en mars 2016 par le Gouvernement.

Là encore, l'imprévisibilité de ces dépenses peut être remise en question : une partie des besoins découle d'une décision prise par le Gouvernement et non d'un événement de force majeure. Ces ouvertures de crédits démontrent surtout l'incapacité du Gouvernement à maîtriser la masse salariale de l'État.

De façon désormais classique, des crédits sont aussi ouverts au profit de l'hébergement d'urgence, à hauteur de 100 millions d'euros - 55 millions d'euros sont également prévus par le projet de loi de finances rectificative et 84 millions d'euros avaient déjà été ajoutés par le précédent décret d'avance, que nous avions examiné en septembre dernier.

Au total, 239 millions d'euros devraient être ouverts en cours d'exercice au profit de l'hébergement d'urgence, soit un dépassement de plus de 15 % de la dotation allouée en loi de finances initiale. La budgétisation initiale pour 2017 est donc d'ores et déjà inférieure de 12,5 millions d'euros à l'exécution prévisionnelle pour 2016.

Le Gouvernement explique les besoins d'ouverture de crédits par la crise migratoire et les évacuations de campements parisiens. Le besoin complémentaire lié à la mise à l'abri des personnes évacuées des campements de Calais et Paris s'élève à 12,2 millions d'euros. Le

complément, qui s'élève à 87,8 millions d'euros, concerne les autres dispositifs de droit commun.

Ces ouvertures ne sont pas une surprise. Nous avions déjà souligné, en septembre dernier, que les crédits prévus ne suffiraient sans doute pas à couvrir les besoins jusqu'à la fin de l'année.

Enfin, le reliquat des ouvertures, soit 118 millions d'euros, se répartit entre plusieurs dépenses d'intervention.

En autorisations d'engagement, les deux agrégats les plus importants sont l'aide à la recherche au premier emploi, l'ARPE, pour 30 millions d'euros et, pour un montant de 33 millions d'euros, la contribution française à ITER, un réacteur de recherche en fusion nucléaire, dont le financement associe une trentaine de pays.

Les bourses de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur nécessitent l'ouverture de 20 millions d'euros, 12 millions d'euros sont consacrés aux contrats de service civique et 10 millions d'euros à divers contentieux du ministère de l'intérieur.

Enfin, doit également être signalé le fonds de soutien pour le développement des activités périscolaires qui donne lieu à l'ouverture de 8,5 millions d'euros.

J'évoquerai rapidement les annulations de crédits permettant de gager les ouvertures. Elles portent sur la quasi-totalité des missions.

Le tableau figurant sur le document vous ayant été distribué ne présente que les missions qui sont contributrices nettes, c'est-à-dire celles pour lesquelles les annulations sont supérieures aux ouvertures.

En autorisations d'engagement, les annulations nettes les plus importantes portent sur les missions « Crédits non répartis », pour près de 230 millions d'euros, « Justice », pour 172 millions d'euros et « Engagements financiers de l'État », à hauteur de 133 millions d'euros.

En crédits de paiement, les missions les plus touchées sont les missions « Relations avec les collectivités territoriales » et « Outre-mer ».

Comme à l'accoutumée, une part très importante des annulations porte sur les crédits mis en réserve : c'est le cas de 72 % des annulations en autorisations d'engagement et de 95 % des crédits annulés en crédits de paiement.

Officiellement, la mise en réserve n'est pas ventilée par action ou par dispositif. Il n'est donc pas possible pour la représentation nationale de savoir sur quels dispositifs portent les annulations de crédits « gelés ». Le Parlement ne peut pas identifier les dispositifs touchés par les redéploiements.

Comme je l'indiquais en préambule, l'analyse des crédits annulés montre que l'équilibre entre ouvertures et annulations est artificiel : 290 millions d'euros en autorisation d'engagement et 672 millions d'euros en crédits de paiement sont annulés sur le programme 146 de la mission « Défense », alors que des crédits de même montant devraient être ouverts sur le même programme par le projet de loi de finances rectificative. C'est le sapeur Camember !

En d'autres termes, l'annulation de ces crédits n'est qu'une astuce comptable qui ne correspond aucunement à de réelles économies dans la mesure où les crédits annulés sont rouverts en loi de finances rectificative.

Certes, la préservation des moyens de la défense est nécessaire et je ne considère pas qu'une annulation de près de 700 millions d'euros sur la mission soit soutenable au regard des tensions budgétaires. Toutefois, ce jeu d'écriture témoigne de l'incapacité du Gouvernement à réaliser de réelles économies pour faire jouer la solidarité interministérielle.

Certes, un mouvement de même nature a déjà été mis en oeuvre dans le cadre du schéma de fin de gestion pour 2010. Cependant, dans ce cas, les montants en jeu étaient beaucoup moins significatifs : il ne s'agissait que de 231,4 millions d'euros, soit 17 % des autorisations d'engagement annulées et 20 % des crédits de paiement.

En outre, c'est la seconde fois cette année que nous examinons un décret d'avance financé par des « économies » qui n'en sont pas. En septembre, nous avions déjà relevé que l'annulation de près de 900 millions d'euros en autorisations d'engagement sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ne constituait pas une économie réelle dans la mesure où les montants inscrits sur ce compte sont largement conventionnels.

Pour conclure, je ne conteste pas le caractère urgent des dépenses. Les crédits doivent être engagés rapidement. Toutefois, je ne suis pas convaincu de l'imprévisibilité de bon nombre des dépenses que ce projet de décret d'avance vise à financer. La grande majorité des postes de dépenses font l'objet d'ouvertures chaque année en fin de gestion.

Je pense notamment à la sous-budgétisation de l'hébergement d'urgence ou des opérations extérieures. Les ouvertures en cours de gestion ne sauraient se substituer à une budgétisation initiale sincère, lisible pour le Parlement comme pour les services gestionnaires. L'usage répété de la procédure du décret d'avance, ainsi que la mise en réserve toujours plus importante de crédits, réduisent la portée de l'autorisation parlementaire.

En outre, l'équilibre entre les ouvertures et les annulations est artificiel : 40 % des crédits annulés devraient être ouverts de nouveau par la loi de finances rectificative.

Le projet d'avis qui vous est soumis, et qui vous a été distribué, reprend l'ensemble des réserves que j'ai exprimées.

Je vous propose de rendre un avis défavorable sur ce projet de décret d'avance.

M. Gérard Longuet . - Je voudrais avoir la certitude que les dépenses relatives aux opérations extérieures correspondent à la totalité des dépenses effectivement engagées, au-delà des dépenses salariales et des consommations. Je pense notamment au maintien en condition opérationnelle, ou MCO, et à l'amortissement des matériels engagés sur des théâtres particulièrement difficiles, voire destructeurs pour ce même matériel.

S'agissant de la masse salariale de l'État, pouvez-vous nous préciser si les enseignants et, de manière plus globale, les fonctionnaires ont tendance à repousser leur âge de départ en retraite pour augmenter leur nombre d'années de service ?

M. Dominique de Legge . - Ce quinquennat s'est ouvert sous le signe - sinon le slogan - de la transparence. Que penser aujourd'hui devant autant de manipulations ? La concomitance de ce décret d'avance avec l'examen du projet de loi de finances rectificative ne peut que nous laisser penser qu'on nous cache quelque chose ! Il s'agit d'un problème de fond.

Comme l'a souligné le rapporteur général, cela fait plusieurs années que le financement des Opex fait débat. On nous oppose le même argument depuis quatre ans : le coût global de ces opérations ne peut être connu à l'avance. Pourtant, nous savons tous très bien qu'il se situera entre 1 milliard et 1,2 milliard d'euros ! Dès lors, pourquoi n'inscrire que 450 millions d'euros en budgétisation initiale ?

On nous dit encore qu'il s'agit d'une bonne nouvelle pour le budget du ministère de la défense qui n'aura pas à supporter cette charge en fin d'exercice. Mais la seule question qui importe ici est celle de la sincérité du budget.

Je voudrais dire un mot du programme 146 « Équipement des forces ». Depuis quatre ans, ce programme sert de variable d'ajustement de la trésorerie de l'État. Cela commence à bien faire !

Comme vient de le souligner Gérard Longuet et comme je l'ai démontré dans mon rapport, le mode de calcul relatif aux Opex ne donne pas entière satisfaction. La majorité gouvernementale est en train de vendre les bijoux de famille ! Le maintien en condition opérationnelle et le renouvellement des matériels ne sont pas assurés. Non contente de faire de la cavalerie sur le programme 146, la majorité gouvernementale n'est pas capable d'assumer les conséquences de ses engagements.

M. Claude Raynal . - L'exposé du rapporteur général s'inscrit dans une tradition désormais « trimestrielle » d'exposés extrêmement à charge. C'est sans doute la période qui veut ça.

Peut-on dire d'un budget qu'il est insincère en raison du seul surcoût des Opex ? Dès le projet de loi de finances initiale, nous savons bien que les opérations extérieures entraîneront des dépenses supplémentaires.

Le problème des Opex n'est pas nouveau et remonte à des années en arrière, bien avant ce quinquennat. Nous savons tous comment les choses fonctionnent : une partie du surcoût lié aux Opex est prise en charge par la solidarité interministérielle en fin de gestion. La seule question qui vaille est celle de savoir si cette procédure est pertinente ou non.

Refuser d'appliquer cette méthode reviendrait à faire porter par le budget de la défense le montant total des Opex, ce qui ne serait pas sans conséquence sur d'autres actions au sein de ce même budget.

Ce procédé permet aujourd'hui de répartir en fin d'année le poids des Opex sur l'ensemble des missions de l'État. On peut discuter du fond, de la méthode, mais pas des montants. Je crois savoir que le ministère de la défense ne souhaite pas supporter intégralement la charge des opérations extérieures, ce qui pourrait s'avérer assez douloureux.

Je fais une lecture inverse de la vôtre, monsieur le rapporteur général. Selon moi, ce décret d'avance démontre la volonté du Gouvernement de soutenir et de structurer le budget de la défense.

Nous avons toujours unanimement dénoncé le problème de la sous-budgétisation récurrente de l'hébergement d'urgence. Je m'étonne que vous vous montriez critique sur les montants retenus pour 2017. Un différentiel de 0,7 %, ce n'est vraiment pas grand-chose... Il me semble que le budget prévisionnel retenu en loi de finances initiale pour 2017 est comparable aux crédits consommés en 2016. On ne peut parler ici d'insincérité ! L'exécution peut toujours être différente à la marge, mais l'ordre de grandeur retenu est juste.

Sur les Opex comme sur l'hébergement d'urgence, il n'y a donc pas de sujet.

Enfin, vous parlez d'un équilibre « factice » au motif que l'annulation de crédits serait compensée par l'ouverture d'autres crédits en projet de loi de finances rectificative. Alors là, c'est le pompon ! Il s'agit d'un grand classique du décret d'avance. Vous savez très bien que c'est en loi de finances rectificative que l'on trouve les ressources qui permettent d'équilibrer le système. Rien de nouveau sous le soleil !

M. Philippe Dallier . - Je voudrais saluer les efforts de Claude Raynal pour justifier l'injustifiable. À partir du moment où une dépense est certaine, la règle du jeu voudrait qu'elle soit inscrite en loi de finances initiale.

On ne peut justifier les acrobaties de fin d'année ni les faire perdurer au prétexte qu'il s'agit d'un procédé classique !

M. Claude Raynal . - Nous verrons ce qu'il en sera l'an prochain !

M. Philippe Dallier . - Claude Raynal, votre majorité a atteint des sommets en matière d'acrobatie. S'agissant de l'hébergement d'urgence, la plus étonnante eut peut-être lieu l'an dernier quand, par décret d'avance, des crédits furent inscrits en loi de finances rectificative avant d'être annulés le 20 décembre pour respecter la norme de dépense ! Après avoir tout utilisé en matière d'acrobaties budgétaires, vos leçons sont pour le moins malvenues !

Cela étant dit, je vais aller en partie dans votre sens. Nous avions dit, en examinant le projet de loi de finances pour 2016, qu'il manquait 239 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence. La sous-budgétisation de ces crédits apparaît ici de manière évidente. Or, Claude Raynal, comme je l'ai souligné la semaine dernière lorsque nous avons examiné les crédits de la mission « Logement » en commission, pour la première fois depuis quatre ans, les crédits inscrits en loi de finances pour 2017 devraient être quasi équivalents à ceux consommés l'année précédente. Il s'agit d'une bonne chose, mais c'est une première.

M. Michel Bouvard . - Je voudrais pour ma part revenir sur la problématique des crédits mis en réserve. L'ampleur des « gels » de crédits monte en puissance depuis quelques années, ce qui pousse à s'interroger sur la visée de la mise en réserve. Pourriez-vous nous indiquer le taux d'annulation des crédits mis en réserve ?

Par ailleurs, je m'interroge sur la pertinence de la publication d'un décret d'avance à quelques jours seulement d'un collectif budgétaire. Certaines dispositions de ce décret ne pouvaient-elles trouver leur place dans le projet de loi de finances rectificative ? Il serait instructif de se pencher sur cette question.

Je m'étonne des annulations de crédits sur le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », dont on sait qu'il est déjà insuffisamment doté en début d'année eu égard à l'importance des travaux d'entretien et de maintenance du patrimoine. Lorsqu'on interroge les différents services, ils nous font davantage part d'un retard dans le déblocage des fonds que dans la conduite de leurs travaux. Je suis donc quelque peu dubitatif devant une annulation de crédits d'environ 14 millions d'euros.

Je mentionnerai enfin, bien évidemment, le poids supporté par les collectivités locales avec près de 150 millions d'euros de crédits de paiement annulés sur la mission « Relations collectivités territoriales ».

M. Marc Laménie . - On peut comprendre qu'il soit nécessaire de procéder à des ajustements et d'inscrire de nouveaux crédits.

Malheureusement, ces ajustements se font au détriment de beaucoup de missions. Je pense, par exemple, à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », amputée de 147 millions d'euros, ou à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », qui perd 14,7 millions d'euros. La gendarmerie nationale, dont ne soulignera jamais assez l'importance, perd également 10 millions d'euros. Enfin, alors que nous tentons de défendre - modestement - l'égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes que notre présidente connaît bien, je ne peux que regretter de voir les crédits du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » diminuer de 2,915 millions d'euros.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les questions ont essentiellement porté sur les Opex.

Très concrètement, la difficulté est double : elle provient à la fois d'une annulation de crédits de 672 millions d'euros sur la mission « Défense » et d'une ouverture de 831 millions d'euros pour financer les opérations extérieures et intérieures de l'armée française, alors même - comme l'a souligné Gérard Longuet - que l'usure accélérée des matériels n'est pas comptabilisée, ce qui est paradoxal.

Concernant les ouvertures, la question n'est pas de savoir si les crédits doivent ou non être ouverts rapidement, Claude Raynal. Si le Gouvernement a fait le choix du décret d'avance, c'est justement parce que les personnels doivent être payés sans attendre. Je n'ai donc pas contesté la nécessité d'une ouverture rapide des crédits, mais l'imprévisibilité des dépenses, beaucoup plus sujette à caution.

Une autre disposition présente un caractère inédit : l'annulation de 672 millions d'euros au titre du programme 146 « Équipement des forces » est compensée par une ouverture de crédits exactement identique dans le projet de loi de finances rectificative en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Il s'agit donc bien d'une annulation artificielle.

L'article 13 de la LOLF dispose : « En cas d'urgence, des décrets d'avance pris sur avis du Conseil d'État et après avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances peuvent ouvrir des crédits supplémentaires sans affecter l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances. »

Or, en l'absence d'annulation, l'équilibre budgétaire est évidemment affecté. Le Conseil d'État se penchera sans doute sur cette question.

Michel Bouvard, le taux d'annulation par ce projet de décret d'avance des crédits mis en réserve est de 15 % en autorisations d'engagement et de 20 % en crédits de paiement. Les crédits gelés sont de plus en plus importants, mais la réserve n'est pas consommée en totalité.

Gérard Longuet, je ne dispose pas des éléments nécessaires pour répondre à votre question sur le départ en retraite des fonctionnaires de l'éducation nationale.

Toutes vos observations me conduisent à vous proposer un avis défavorable sur ce décret d'avance.

La commission a donné acte de sa communication au rapporteur général et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information ; elle a adopté l'avis défavorable sur le projet de décret d'avance.

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