B. UNE ASSOCIATION INSUFFISANTE DES ACTEURS DE TERRAIN

1. Le discours des représentants de l'État

D'après les représentants de l'État auditionnés par vos rapporteurs, une attention serait portée à l'association des acteurs de terrain aux réformes en cours des services déconcentrés.

Au total, la MAP et, singulièrement, la revue des missions seraient fondées sur une méthodologie plus ascendante et plus interministérielle.

C'est ainsi que Denis Robin, secrétaire général du ministère de l'Intérieur, a fait observer à vos rapporteurs que la revue des missions s'est nourrie des propositions faites par les personnels des services déconcentrés : « La revue des missions s'est faite à partir des propositions des services déconcentrés de l'État. Des groupes de travail ont été animés par les préfets de région, qui ont fait remonter des propositions dans tous les domaines d'intervention de l'État. Les préfets ont porté l'ensemble de la démarche, en lui donnant une légitimité interministérielle. »

Ces propos rejoignent ceux, plus généraux, de Laure de la Bretèche, secrétaire générale à la modernisation de l'action publique, qui a insisté sur la méthodologie participative du SGMAP , instance de pilotage de la revue des missions : « S'agissant de la méthodologie de travail du SGMAP, nous sommes toujours très attachés à partir du besoin réel. Nous allons établir le diagnostic auprès des citoyens, des entreprises, et des élus locaux. »

Selon les chiffres communiqués par le SGMAP, dans le cadre de la revue des missions, 150 réunions ont été organisées entre novembre 2014 et novembre 2015, dans 14 régions et départements en métropole et en outre-mer, au terme desquelles 560 propositions ont été faites au Gouvernement par les acteurs de terrain (services déconcentrés, collectivités territoriales, entreprises et usagers). Par la suite, un cycle de concertation avec les partenaires sociaux et les associations d'élus locaux a précédé l'adoption des 45 mesures retenues.

Au-delà de la revue des missions, des échanges - plus ou moins réguliers et plus ou moins apaisés - sont également intervenus entre les représentants de l'État et les associations d'élus locaux , pour la mise en oeuvre des autres pans de la réorganisation des services déconcentrés.

Ainsi, selon Jean-Luc Nevache, préfet coordonnateur de la réforme des services déconcentrés de l'État dans le cadre de la nouvelle carte régionale, « un dialogue constant avec Régions de France » a été engagé.

De son côté, Michel Bergue, directeur du Plan préfectures nouvelle génération, a indiqué que « des discussions [sont] conduites depuis quelques mois, notamment avec le Comité des affaires générales de l'Association des maires de France » , sur la réforme des modalités de délivrance de la carte nationale d'identité (CNI).

2. Les retours des acteurs de terrain

La recherche d'une meilleure association des parties prenantes , notamment dans le cadre de la revue des missions, a suscité l'attention de vos rapporteurs, qui y voient un infléchissement encourageant en direction d'une relation partenariale entre l'État et les collectivités territoriales.

Comme évoqué précédemment, vos rapporteurs estiment qu'il est prématuré d'évaluer les aboutissants de cette méthodologie.

Toutefois, ils ne peuvent que rappeler que l'association aux réformes des acteurs de terrain demeure insuffisante aux yeux de la majeure partie des élus locaux et des syndicats qui ont été auditionnés.

a) Le point de vue des associations d'élus locaux

Réunies en une table ronde , les associations d'élus locaux ont très largement déploré la mise à l'écart des collectivités territoriales.

Vanik Berberian, président de l'AMRF, a cité « le manque de concertation » parmi les « facteurs qui expliquent les tensions actuelles », tandis que Rachelle Paillard, membre du comité directeur de l'AMF, a indiqué « notre principale demande est l'amélioration de la concertation entre l'État et les collectivités » .

Partageant ces considérations, Villes de France, dans sa lettre adressée à vos rapporteurs, a distingué l'information, que les services de l'État pratiquent épisodiquement, de la concertation, quant à elle inexistante : « À aucun moment les collectivités territoriales et leurs associations représentatives n'ont été sérieusement associées. Les rares réunions qui ont pu se tenir au ministère de l'Intérieur, ou sous l'égide de Matignon, n'étaient pas des réunions de concertation, mais des réunions d'information. »

Fait notable, Régions de France s'est dite satisfaite du dialogue engagé avec l'État dans le cadre de la réorganisation des services régionaux : « La mission conduite par le préfet Jean-Luc Nevache sur la réorganisation des services de l'État au niveau régional est exemplaire [...] en matière de dialogue avec les régions. »

b) Le point de vue des syndicats

Des observations similaires ont été faites par les syndicats auditionnés par vos rapporteurs.

Tout d'abord, certains syndicats ont critiqué le caractère incomplet du dialogue social, qui demeure trop souvent limité à une logique informative, cantonné au sein de commissions formelles, et oublieux des débats substantiels ou transversaux.

Stéphane Boutorine, représentant de la CFDT au comité technique des directions départementales interministérielles (DDI), a ainsi rappelé la primauté d'une logique d'information : « Nous estimons que la discussion avec les partenaires sociaux n'existe pas ou est très faible. On est plus dans l'information, que sur une véritable discussion sur les orientations, les missions ou les métiers ».

De son côté, Didier Lassauzay, conseiller confédéral à la CGT, a souligné les lacunes des lieux d'échanges, dont le rôle est limité : « Les structures mises en place, par exemple au niveau du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, du Conseil commun de la fonction publique ou du Conseil national des services publics, sont peu réunies et ont un rôle très limité. »

En ce qui concerne la Fédération générale des fonctionnaires Force Ouvrière, elle a regretté, dans les éléments écrits transmis à vos rapporteurs, le manque de débat de fond sur l'évolution des services déconcentrés, en dépit de demandes répétées : « Force Ouvrière avait demandé au Gouvernement de mettre à plat ces problématiques et d'avoir un débat de fond portant sur les questions : quel service public ? Quelle mission ? Pour quels acteurs ? ».

Plus encore, un syndicat a rappelé que ces lacunes dans le dialogue social pourraient impacter les processus de réorganisations .

Ainsi, pour Alain Parisot, secrétaire national de l'UNSA, en charge de la réforme de l'État : « Le déficit de dialogue social a causé de fortes difficultés dans l'organisation des services et dans l'appropriation des changements, notamment par l'encadrement intermédiaire, qui s'est trouvé isolé des lieux de décisions mais responsable de leur mise en oeuvre. Dans tout processus de réorganisation, l'UNSA considère que le dialogue social doit être au centre des réflexions et intervenir en amont des décisions. »

c) Le point de vue des élus locaux consultés

Les élus locaux qui ont pris part à la consultation ont affiché la même perplexité que les associations d'élus locaux et les syndicats quant aux méthodes mobilisées par les réformes successives des services déconcentrés.

Plus précisément, 92,6% des élus locaux ont estimé ne pas avoir été suffisamment associés à ces réformes ; parmi eux, 52,3% ont indiqué ne pas avoir été associés du tout.

Illustration concrète de ce manque de dialogue, il existe chez les élus locaux une réelle méconnaissance des dernières réformes des services déconcentrés.

Pour preuve, 67,6% des répondants ont affirmé ne pas avoir eu connaissance du Plan préfectures nouvelles générations, et 81,9% du nouveau conseil aux territoires.

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