TROISIÈME PARTIE - UNE ÉVOLUTION INDISPENSABLE POUR ASSURER L'EFFICACITÉ ET LA LÉGITIMITÉ DE L'INSTITUTION

I. CIRCONSCRIRE LA SPÉCIFICITÉ DE L'ORGANISATION POLICIÈRE PARISIENNE AUX SEULES CONTRAINTES INHÉRENTES AU STATUT DE CAPITALE

A. RETIRER DES MISSIONS À LA PRÉFECTURE DE POLICE AFIN DE LA RECENTRER SUR SON CoeUR DE MÉTIER

Afin de remédier à ces difficultés, il apparaît aujourd'hui nécessaire d'admettre que la préfecture de police ne peut, ni ne doit, « tout faire » en matière de sécurité publique dans l'agglomération parisienne.

1. Mettre en place des échelons zonaux déconcentrés de la DGSI et des directions centrales spécialisées de la DGPN

À cet égard, la place particulière qu'occupe la préfecture de police au sein de l'organisation policière s'explique par le statut de la ville de Paris , qui justifie l'existence d'un lien direct entre le ministre de l'intérieur et le représentant de l'État chargé de la sécurité et de l'ordre public dans la capitale.

En dehors de ce qui constitue le « coeur » de sa compétence, il pourrait toutefois être envisagé de s'appuyer davantage sur la DGPN et la DGSI , dans la mesure où l'enchevêtrement des compétences et des zones d'intervention est susceptible, comme cela a été précédemment mis en évidence, de se traduire non seulement par une déperdition de moyens mais également par des difficultés de coordination.

À l'occasion d'une précédente mission de contrôle, votre rapporteur spécial avait déjà proposé une telle évolution dans les domaines du renseignement - selon des modalités qui convergent avec les conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 77 ( * ) - et de l'immigration

Le rapport 78 ( * ) recommandait ainsi d'achever l'évolution débutée en 1965 avec le transfert de la mission de contre-espionnage de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) à la direction de la surveillance du territoire (DST), en :

- transférant à la DGSI la mission de lutte contre le terrorisme et les extrémismes violents ;

- confiant à l'unité chargée du renseignement territorial la mission d'information générale ;

- transférant à la DCPAF la mission de lutte contre l'immigration clandestine et le travail illégal.

Afin de renforcer la cohérence de l'action publique en matière de sécurité, la même logique pourrait être appliquée à la police judiciaire , compte tenu de la présence de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) à Versailles et des offices centraux relevant de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) à Nanterre - d'autant que certains incidents semblent suggérer que la police judiciaire n'est pas toujours la direction la plus perméable à l'autorité du préfet de police. Le déménagement du siège de la direction régionale de la police judiciaire dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) Clichy-Batignolles constitue à cet égard une opportunité - y compris en termes d'image, comme en témoigne l'exemple du New Scotland Yard .

À terme, des échelons zonaux déconcentrés de la DGSI et des directions centrales spécialisées de la DGPN (police aux frontières, police judiciaire, renseignement territorial) seraient donc mis en place.

Le préfet de police garderait en revanche sous son autorité la DSPAP et la DOPC, qui sont au coeur de sa compétence et de sa légitimité.

En outre, il jouerait naturellement un rôle majeur dans le dispositif de coordination au niveau de la zone , dont la portée est aujourd'hui fortement amoindrie par l'absence de directeurs zonaux et interrégionaux de la police nationale. À cet égard, il peut être rappelé que le préfet de police préside déjà la conférence de sécurité intérieure de la zone de Paris, en application de l'article R. 122-41-1 du code de la sécurité intérieure. Il pourra à cet effet s'appuyer sur le secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris - actuellement dirigé par un préfet placé sous son autorité -, dont les activités se limitent aujourd'hui essentiellement aux domaines de la sécurité civile, de la sécurité économique et de la défense civile.

Recommandation n° 1 : transférer à la DGPN et à la DGSI les compétences du préfet de police en matière de police judiciaire, de police aux frontières et de renseignement, afin de recentrer la préfecture de police sur son coeur de métier.

2. Revoir la répartition des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris

Afin de faire du bas du spectre de la délinquance et des problématiques de tranquillité publique de véritables priorités opérationnelles, il apparaît nécessaire, en complément, de revoir la répartition des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris .

À cet égard, le projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain actuellement en navette propose un transfert de compétences limité au profit du maire de Paris .

Comme le souligne notre collègue rapporteur Mathieu Darnaud 79 ( * ) , seraient transférées au maire de Paris :

- « une partie de la police de salubrité des bâtiments, la police des funérailles et celle des baignades (article 21) » ;

- « une compétence accrue sur la circulation et le stationnement (articles 21 et 23) » ;

- « la délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports (article 22) ;

- « la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation et une partie de la police des édifices menaçant ruine (article 25) ».

Dans l'étude d'impact, le périmètre des compétences dont le transfert est proposé est évalué à 2 226 ETP . Les agents concernés seront détachés ou transférés vers la ville de Paris.

Agents exerçant les compétences dont le transfert est proposé par le projet de loi

(en ETP)

Domaines

Nombre d'ETP concernés

Verbalisation du stationnement payant

1 162

Verbalisation du stationnement gênant

486

Fourrières

225

Réception et délivrance des titres d'identité et de voyage

184

Fonctions support

111

Bruits de voisinage

27,4

Lutte contre l'habitat indigne

23

Police des funérailles

7,6

Total

2 226

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'étude d'impact et le rapport de Mathieu Darnaud précité)

Sur le plan financier, la mairie de Paris exercerait ces missions nouvelles en contrepartie d'une compensation financière par l'État dont le montant est évalué à 111 millions d'euros 80 ( * ) . L'équilibre actuel des financements croisés n'est donc nullement remis en cause, le transfert se voulant neutre sur le plan budgétaire.

En réalité, le transfert concerne essentiellement la circulation et le stationnement, qui représentent 74 % du volume d'ETP. Si cette évolution se justifie pleinement, dans la mesure où « le contrôle du stationnement et de la circulation ne fait pas partie des priorités opérationnelles de la préfecture de police » 81 ( * ) , le dispositif proposé conserve le régime hérité de la loi du 28 pluviôse an VIII et de l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII. En particulier, la police administrative générale , qui recouvre les actions visant à prévenir les atteintes à l'ordre public, resterait de la compétence du préfet de police.

Ce manque d'ambition est directement lié à la volonté d'écarter la mise en place d'une police municipale à Paris . Comme l'a rappelé Anne Hidalgo, maire de Paris, devant nos collègues députés : l'« objectif a été simple : nous rapprocher le plus possible du droit commun des autres villes, à une exception près - la police municipale » 82 ( * ) .

Si, au terme du transfert, 2 000 personnels devraient s'ajouter aux 1 900 agents municipaux déjà en place au sein de la « brigade de lutte contre les incivilités » chargée de « répondre aux problèmes de voisinage, de stationnement, de propreté et de rassurer Parisiens et touristes » 83 ( * ) , la réforme apparaît donc insuffisante pour que les affaires relevant de la tranquillité publique et du bas du spectre de la délinquance bénéficient désormais de toute l'attention qu'elles méritent dans la capitale .

En comparaison, la proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police, déposée en 2015 par nos collègues Yves Pozzo di Borgo et Pierre Charon ainsi que par votre rapporteur spécial, fait preuve d'une toute autre ambition .

En effet, elle propose de confier au maire de Paris la compétence de police générale inscrite à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. En complément de ses missions de maintien de l'ordre public, le préfet de police conserverait bien évidemment des compétences d'attribution dans les matières présentant un lien direct avec le statut de capitale de la ville de Paris telles que la sécurisation des institutions, des représentations diplomatiques et des grands rassemblements.

Si ces dispositions ont été reprises par le Sénat lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif au statut de Paris - ce dont votre rapporteur spécial ne peut que se féliciter -, l'Assemblée nationale est néanmoins revenue, moyennant quelques aménagements mineurs, au texte initial du projet de loi - rétablissant ainsi la compétence générale du préfet de police.

Aussi, votre rapporteur spécial tient à réaffirmer la nécessité de rapprocher la répartition des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris du régime de droit commun, afin de recentrer la préfecture de police sur son coeur de métier et de permettre la mise en place d'une police municipale de plein exercice.

Recommandation n° 2 : rapprocher la répartition des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris du régime de droit commun, afin de permettre la mise en place d'une police municipale de plein exercice.


* 77 Rapport fait par Georges Fenech et Sébastien Pietrasanta au nom de la commission d'enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 juillet 2016, précité.

* 78 Rapport d'information n° 36 (2015-2016) précité, p. 21.

* 79 Rapport n° 82 (2016-2017) de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois et déposé le 26 octobre 2016, p. 67.

* 80 Étude d'impact, p. 37.

* 81 Rapport n° 433 (2014-2015) de Alain Marc, précité, p. 16.

* 82 Compte rendu n° 21 de l'audition de Mme Anne Hidalgo par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, mercredi 23 novembre 2016.

* 83 Ibid .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page