CONTRIBUTIONS DES MEMBRES DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Contribution du groupe socialiste et républicain

L'espace Schengen est un acquis de la construction européenne. Conçu dès l'origine comme un espace de liberté, il a tout au long de son évolution, de manière pragmatique, garanti la libre circulation des personnes et le bon fonctionnement du marché unique. Garantir cette liberté est essentiel. Elle contribue au développement économique de l'Union européenne et donne corps à la citoyenneté européenne. En favorisant une mobilité intra-européenne sans cesse croissante, Schengen a entraîné le rapprochement et l'émergence de nombreux droits pour ses citoyens que ce soit en matière sociale, éducative ou de justice.

Depuis la fin de l'année 2014, l'espace Schengen est soumis à une très forte tension sous le double effet de la crise migratoire internationale et de la menace terroriste. Ces événements ont souligné que Schengen était inachevé et la question de notre sécurité s'est posée avec acuité. Alors que le dispositif reposait sur la confiance, la rupture de celle-ci a amené certains pays à rétablir des contrôles aux frontières intérieures et à refuser de faire jouer les mécanismes de solidarité proposés par la Commission européenne.

Pour rétablir cette indispensable confiance, il faut renforcer les coopérations, assurer la sécurité des frontières extérieures et de nouveau faire preuve de solidarité.

Schengen n'est pas le problème, mais la solution. Il ne faut pas moins, mais plus d'Europe pour assurer notre protection.

Le Groupe socialiste et républicain tient à souligner l'intérêt des travaux menés par la commission d'enquête qui ont permis de clarifier le fonctionnement du système Schengen, de mesurer les capacités d'actions qu'il peut offrir à l'Union européenne en matière de sécurité, d'identifier les dysfonctionnements et les difficultés persistantes et de valider les avancées mises en oeuvre par la Commission européenne sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne. Ces travaux ont confirmé le caractère incontournable de Schengen dans le fonctionnement de l'Union européenne, et pour garantir notre sécurité. Il constitue un espace unique de coopérations qu'il faut renforcer et intensifier. L'heure est à la résolution des difficultés rencontrées, à l'achèvement du dispositif garantissant l'équilibre entre sécurité et liberté, seul à même de rendre tangible une Europe qui protège.

Selon ce principe, le rapporteur fait un certain nombre de propositions. Même si nous souscrivons à plusieurs d'entre elles, nous regrettons le décalage entre le rapport qui reflète bien les analyses des auditions et déplacements, et les propositions pour certaines très techniques, d'autres soulevant des interrogations, des réserves, voire des oppositions, certaines étant absentes, le tout manquant de hiérarchisation et de cohérence.

Nous partageons l'avis du rapporteur sur son souhait de voir développer au niveau européen un dispositif de visa pour l'asile, d'assurer une plus grande transparence du suivi des différents dispositifs, d'améliorer la gouvernance en informant les parlements nationaux, ou de mettre en place un dispositif de suivi de la transposition de la directive PNR et d'assistance à sa mise en oeuvre, de simplification des instruments de coopération policière transfrontalière (droit de poursuite, patrouilles mixtes...), de continuer de renforcer Frontex. Nous approuvons aussi les propositions techniques permettant d'améliorer les contrôles et le traitement des informations au niveau national, la mise à niveau des infrastructures informatiques, le renforcement de la formation initiale et continue des agents, la généralisation des dispositifs PARAFE et de la biométrie, tout en ajoutant la nécessité que l'ensemble des informations contenues dans les passeports puissent être lisibles par l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Le Groupe socialiste et républicain tient à souligner que les travaux de cette commission d'enquête sont conduits alors qu'un vaste effort de renforcement des conditions de protection et de sécurité en Europe a été engagé depuis janvier 2015, à la demande du gouvernement français afin de retrouver la maîtrise pleine et entière de l'espace Schengen. Celui-ci a été engagé dans une triple direction : le renforcement et la sécurisation des frontières extérieures, l'amélioration des échanges des informations dans l'espace Schengen et une réponse coordonnée pour le contrôle des flux migratoires. Certaines réformes sont déjà adoptées au niveau européen tel le mécanisme de relocalisation, les contrôles systématiques aux frontières, la création d`un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ou le PNR européen et la révision de la directive armes à feu ; d'autres sont en cours (système européen d'asile, SES, amélioration de l'utilisation du SIS, ETIAS, dont les délais de mise en oeuvre devront être tenus). D'autres enfin devront intervenir au second semestre 2017 (interopérabilité des systèmes d'information, révision d'Eurodac afin de compléter le système biométrique, ...). Ainsi les principales réformes nécessaires à la gestion des défis de sécurité en Europe sont-elles déjà adoptées ou en cours d'adoption. Dans cet effort, le gouvernement français a souvent été à l'initiative et a toujours recherché des solutions équilibrées et proportionnées, dans le respect des exigences de sécurité et de liberté pour les citoyens européens et les personnes que l'Europe a dû accueillir. Il faudra veiller, pour chacune de ces décisions, à leur effectivité.

Le Groupe socialiste et républicain souhaite émettre des réserves sur plusieurs propositions :

- Nous ne partageons pas l'idée d'une mise en oeuvre de hotspots dans les pays hors espace Schengen. Cette externalisation n'est, à nos yeux, pas acceptable pour des raisons juridiques et politiques. Sur le plan juridique, rappelons que la jurisprudence du Conseil d'Etat fait une lecture stricte du préambule de la Constitution de 1946 en soulignant que le droit d'asile ne peut être sollicité que sur le territoire de la République, et par extension que sur le territoire européen ; d'autre part, de sérieux doutes pourraient être émis quant à la réalité des garanties en matière de libertés et de droits fondamentaux des personnes concernées si ces hotspots étaient installés dans des pays tiers et/ou de transit loin d'être considérés comme des pays d'origine sûrs. Nous sommes par ailleurs favorables à la mise en place d'une liste européenne de pays d'origine sûrs, qui s'articule avec les listes nationales. Il serait également difficile de dissocier dans un premier temps, avant l'examen de toute demande, les réfugiés des migrants économiques, ce qui dans les faits pourrait rompre l'accès équitable aux procédures d'asile.

- Le Groupe socialiste et républicain considère qu'il n'y a pas lieu d'aligner les articles 25 et 29 du code frontières Schengen, car il considère que les risques et les menaces aux frontières intérieures et extérieures ne relèvent pas du même plan, ni des mêmes problématiques et n'auraient pas les mêmes conséquences sur le fonctionnement de Schengen. Si la France et l'Allemagne ont indiqué récemment leur souhait de moduler de manière ciblée l'article 25, les modalités exactes doivent encore faire l'objet d'une négociation. Nous considérons que le maintien du contrôle aux frontières intérieures de Schengen n'est pas un objectif, mais doit rester une solution transitoire et dérogatoire au code frontières Schengen.

- La création d'une interface européenne unique de consultation des systèmes d'information et des bases de données nationales doit, en tout état de cause, respecter le principe de protection des libertés individuelles tel que l'indique le droit français qui n'autorise l'interconnexion qu'à titre dérogatoire. Si l'interopérabilité des systèmes européens de fichiers de police est aujourd'hui indispensable, elle doit être en priorité réservée à la vérification de l'existence d'une identité déclarée, à la consolidation des données d'identité, l'accroissement de la qualité des données existantes dans les bases nationales et européennes et à la détection des cas d'usurpation d'identité et de fraude documentaire.

- Le Groupe socialiste et républicain estime qu'il n'est pas nécessaire d'étendre la collecte et le traitement des données PNR à l'ensemble des transports internationaux (maritimes, ferroviaires et autocars). Priorité doit être donnée à la mise en oeuvre du PNR aérien et à la mise en oeuvre des conditions de son utilité. La déclaration de Paris du 29 août 2015 portant sur la sécurité dans les transports ferroviaires frontaliers considère, à juste titre, qu'il faut privilégier « le plein usage » des outils de coopération policière et judiciaire déjà existants et l'ensemble des outils et des ressources d'informations disponibles. Elle appelle également à un meilleur partage des informations et de permettre aux agents habilités des polices ferroviaires de consulter les bases de données pertinentes. Sont déjà envisagés la création de billets nominatifs pour les trains internationaux et un contrôle de l'identité des passagers renforcé « lorsque cela est nécessaire ».

Nous estimons enfin qu'il est opportun d'aller plus loin dans les propositions sur les questions suivantes :

- Achever la mise en place du système européen d'asile avec l'adoption de la révision de la directive « accueil » et la transformation des directives « procédures » et « qualifications » en règlements ; en particulier, il faut parvenir à une définition précise de la procédure permettant de déclencher un mécanisme de solidarité garantissant une répartition équitable et proportionnée des demandeurs d'asile et transformer l'EASO en agence dotée de pouvoirs renforcés. À plus long terme, la réflexion sur la communautarisation de la délivrance des visas doit être engagée pour éviter la différenciation du traitement des demandes.

- Réformer le système de Dublin et mettre en oeuvre un mécanisme de solidarité en 3 phases : renforcement des mécanismes du système Dublin en vigueur en cas d'afflux normal, mise en oeuvre d'un mécanisme de solidarité en cas d'afflux plus élevé et de détérioration de la situation dans les Etats membres de première entrée (relocalisation, contribution financière, renforts humains pour EASO et Frontex), et en cas de crise exceptionnelle, la définition par le Conseil européen d'un mécanisme spécifique fondé sur la base du volontariat.

- Etendre et renforcer le Partenariat pour les migrations, notamment en développant les accords de réadmission. Mettre en oeuvre le Plan Juncker d'investissements extérieurs, tout en assurant, parallèlement, l'augmentation de nos contributions européennes et nationales à l'aide au développement à destination des pays d'origine et de transit.

- Insister sur la responsabilité de l'Europe dans les réponses à apporter à celles et ceux qui demandent la protection internationale, ceux qui fuient leurs conditions de vie, à la fois dans sa capacité à peser dans la résolution des conflits et dans l'aide au développement durable des pays d'origine.

- Insister sur le défi humanitaire qui nécessite de garantir et dignité et sécurité aux migrants dès lors qu'ils touchent le sol européen, ainsi que dans les lieux de rassemblement, en portant une attention particulière à la situation des mineurs isolés. Il convient aussi d'évaluer la situation humanitaire et les risques de déstabilisation aux frontières avec les pays tiers.

- Amplifier, enfin, le plan adopté le 29 mai 2015 visant la lutte contre le trafic des migrants.

Le Groupe socialiste et républicain tient à souligner que le gouvernement français, pendant cette période, a fait preuve de solidité. Il souhaite que les futurs responsables s'inscrivent dans les pas de ce gouvernement qui a toujours recherché l'équilibre entre protection, sécurité et préservation d'une des composantes fondamentales de la citoyenneté européenne, la liberté de circulation.

Si la crise migratoire et la menace terroriste ont conduit l'Union européenne à renforcer les contrôles à ses frontières et la sécurité de ses citoyens, cela ne doit pas se faire au détriment d'une approche humaniste des migrations et de la protection des personnes victimes des conflits, telle que l'Europe l'a toujours pratiqué au nom des valeurs qui fondent son identité.

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