CONTRIBUTION DE MME CÉCILE CUKIERMAN
AU NOM DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN

Le constat initial à l'origine de cette mission d'information est sans appel : il est nécessaire et urgent de redresser la justice française. Il va de soi qu'il est absolument nécessaire de sanctuariser et de redresser le budget de l'autorité judiciaire, comme le suggère une des premières propositions du rapport.

Certes les moyens de la justice connaissent une hausse régulière depuis 2002, pour autant, selon nous, le budget de la justice n'échappe pas aux logiques d'austérité et, globalement, les moyens qui sont alloués à cette mission année après année ne suffisent pas à permettre à ses services de fonctionner convenablement.

Certaines propositions relèvent du bon sens, comme l'ensemble des propositions visant à s'appuyer sur les technologies numériques pour moderniser le service public de la justice. Mais attention aux excès en la matière et au risque important d'« appauvrir » la justice autrement : sous couvert de modernisation, on lui retire solennité et humanité avec la proposition de « règlement alternatif des litiges en ligne » par exemple.

Rendre l'institution judiciaire plus proche des citoyens est également une nécessité et un objectif que nous partageons. Nous notons cependant une forte contradiction entre cet objectif et plusieurs propositions pour « accroître la maîtrise des dépenses de justice », notamment le rétablissement du « droit de timbre » pour l'accès à la justice. Instaurée en 2011 et supprimée en 2014, cette taxe présentée comme devant aider au financement de l'aide juridictionnelle aura surtout eu pour conséquence de finir de décourager bien des justiciables aux revenus modestes. Pourquoi vouloir la rétablir, alors qu'en parallèle le rapport plaide pour un meilleur accès à la justice des citoyens.

Mais les mesures les plus préoccupantes que propose le rapport sont celles concernant l'emprisonnement. Nous sommes opposés à l'ensemble des propositions visant à « redonner du sens à la peine d'emprisonnement ».

Introduire dans notre arsenal judiciaire des dispositions sécuritaires visant à incarcérer toujours plus ne participera sûrement pas au redressement de la justice.

Construire plus n'a jamais résolu le problème. Au moment où les chiffres font état d'un nouveau record du nombre de détenus en France (69 430 au 1 er mars 2017), nous pensons qu'il est urgent d'aller plus loin pour en finir avec la surpopulation carcérale. De nombreuses prisons sont délabrées, elles doivent impérativement être repensées, rénovées, reconstruites. Cependant si la France menait une politique ambitieuse de décroissance carcérale, aucune autre nouvelle place de prison ne devrait voir le jour. Pour cela, il est grand temps d'agir sur les mécanismes à l'origine de la surpopulation carcérale, au lieu de traiter les symptômes par les causes.

D'autres solutions (que la construction de nouvelles places de prison) existent pour lutter contre la surpopulation carcérale, comme faire de la détention provisoire une exception et non la règle.

Pour tendre vers une justice pénale efficace et humaine, il faudrait lancer un vaste chantier de réflexion et d'enquête sur les peines : leur sens, leur échelle et leurs modalités.

De nombreux pays européens ont vu les résultats positifs de la décroissance carcérale, telle que les pays du Nord : la Finlande a, par exemple, diminué le nombre de ses prisonniers par trois en cinquante ans grâce à une politique volontariste et ambitieuse.

Mais il n'y a pas de mystère, la Norvège par exemple consacre à la justice 5 fois plus de moyens que la France, rapporté au nombre d'habitants.

Ce qui nous ramène inlassablement à la question des moyens indigents de notre justice. Inutile de multiplier les textes, la justice pénale de notre pays ne sera efficace et humaine que lorsque ses moyens seront revalorisés et les magistrats augmentés.

Finalement, il y a urgence à donner à la justice les moyens de se redresser : il en va de la remise à flot du service public de la justice et de l'accès à un procès équitable pour tous. Mais, des moyens, pour quoi faire ? Du tout-carcéral ? Certainement pas pour nous. Nous déplorons que l'ensemble des propositions visant à « redonner un sens à la peine d'emprisonnement » ne s'attache pas à une véritable lutte contre la récidive, en faisant du temps d'emprisonnement un temps utile et fécond, tourné vers la réinsertion.

Si nous partageons le constat de ce rapport, nous sommes en complet désaccord avec ses orientations et le projet de société anxiogène qu'il véhicule et qui n'est pas le nôtre. La conception de la justice au service des plus forts doit cesser au profit d'une justice progressiste pour tous. Des moyens conséquents doivent être alloués à la justice pour lui permettre d'assurer ses missions de service public : c'est ce redressement de la justice que défendent et réaffirment les sénatrices et sénateurs communistes.

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