E. UNE SITUATION CHRONIQUE DE SURPOPULATION CARCÉRALE

Outre la situation des juridictions judiciaires, votre mission a aussi porté son attention sur celle des établissements pénitentiaires.

Les prisons françaises souffrent depuis de nombreuses années d'une situation chronique de surpopulation carcérale. Au 1 er mars 2017, le nombre de personnes écrouées détenues s'élevait à 69 430 contre 67 580 au 1 er mars 2016, soit une augmentation de 2,7 % en un an.

On distinguait au sein de cette population :

- 20 273 prévenus (18 897 au 1 er mars 2016) ;

- 2 330 femmes ;

- 797 mineurs écroués.

Cette augmentation de la population carcérale s'inscrit dans une tendance constante d'accroissement depuis 2000, qui peut s'expliquer par trois facteurs : la suppression des grâces présidentielles collectives, l'augmentation du nombre de condamnations à des peines de prison ferme et l'allongement de la durée des peines prononcées.

Au 1 er mars 2017, les établissements pénitentiaires disposaient de 58 664 places opérationnelles 47 ( * ) . Le taux d'occupation s'élevait à 118,35 personnes détenues pour 100 places . À titre de comparaison, il s'élevait à 109,4 % en 2011. À la même date, la densité carcérale était supérieure à 200 % dans 4 établissements ou quartiers, supérieure à 150 % dans 45 établissements et supérieure à 120 % dans 97 établissements, sur un total de 255 établissements.

Densité carcérale des établissements pénitentiaires
au 1 er mars 2017

Nombre d'établissements

Effectif cumulé d'établissements concernés par la surpopulation

Densité inférieure à 100 %

127

-

Densité supérieure ou égale à 100 % et inférieure à 120 %

31

31

Densité supérieure ou égale à 120 % et inférieure à 150 %

52

83

Densité supérieure ou égale à 150 % et inférieure à 200 %

41

124

Densité supérieure à 200 %

4

128

Total

255

128

Source : commission des lois du Sénat
à partir des statistiques mensuelles de l'administration pénitentiaire.

Au 1 er février 2017, 56,5 % des détenus étaient exposés à la surpopulation carcérale : 39 050 personnes étaient détenues dans des établissements dont la densité carcérale est supérieure ou égale à 120 %.

Au 1 er mars 2017, 1 822 détenus dormaient sur un matelas posé à même le sol. Ce nombre connaît une forte augmentation depuis quelques années (+ 37,8 % en un an, + 66,73 % depuis le 1 er février 2015). Les maisons d'arrêt sont particulièrement concernées par ce phénomène. À la différence des établissements pour peines 48 ( * ) (c'est-à-dire les centres de détention, les maisons centrales ou les centres de semi-liberté), les maisons d'arrêt ne sont pas soumises à un numerus clausus. Au 1 er mars 2017, le taux d'occupation moyen dans les maisons d'arrêt ou dans les quartiers maison d'arrêt était de 143 personnes détenues pour 100 places.

Cette surpopulation est aggravée par le non-respect des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'affectation des détenus définitivement condamnés. En application des articles 714 et 717 du code de procédure pénale, les personnes mises en examen soumises à la détention provisoire « la subissent dans une maison d'arrêt » tandis que les « condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines ». À titre exceptionnel, l'article 717 permet aux condamnés à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'être maintenus dans une maison d'arrêt dans un quartier distinct et dans des conditions permettant la préparation de leur libération. Or au 1 er juillet 2016, on dénombrait 26 946 détenus en maison d'arrêt ou en quartier maison d'arrêt qui faisaient l'objet d'une condamnation. 21 % de ces personnes, soit 5 741, purgeaient même une peine supérieure à deux ans d'emprisonnement.

Les délais d'affectation et de transfèrement dans des établissements pour peines apparaissent excessifs tant pour les maisons centrales que pour les centres de détention : à la date du 1 er juin 2016, si le délai d'attente moyen pour accéder à la maison centrale de Saint-Martin-en-Ré était de 3 mois, il était de 24 mois pour la maison centrale d'Arles. D'importantes disparités se constatent également dans les centres de détention : alors que 4 mois sont nécessaires entre la notification d'une décision d'affectation au quartier centre de détention de Châteaudun et le transfert effectif, ce délai est porté à 24 mois pour le quartier centre de détention de Rennes-Vézin.

Selon l'administration pénitentiaire, ce phénomène se justifie en raison de la faible disponibilité des places en établissement pour peines. Votre mission constate néanmoins que les taux d'occupation des établissements pour peines restent mesurés : au 1 er mars 2017, si le taux d'occupation des centres de détention était de 91 %, il était de 72 % dans les maisons centrales.

Il faut aussi ajouter que la surpopulation carcérale concerne inégalement le territoire français.

Parmi les établissements pour peines, au 1 er mars 2017, on relève d'importants écarts, par exemple, entre le centre de détention de Casabianda (61,9 %) et le quartier centre de détention de Poitiers-Vivonne (113,3 %), la maison centrale de Clairvaux (34,3 %) et celle d'Ensisheim (96 %).

Si la quasi-totalité des maisons d'arrêts ont une population carcérale supérieure à 100 %, quelques établissements comme le quartier maison d'arrêt de Liancourt (60 %) ou la maison d'arrêt d'Aurillac (58,3 %) sont très peu peuplés.

La surpopulation carcérale est un facteur aggravant des conditions de travail de l'administration pénitentiaire . Exacerbant les tensions et les frustrations dans l'accès aux loisirs ou encore aux soins, elle peut nourrir des actes de violence à l'égard du personnel. En 2015, le personnel pénitentiaire a été victime de 4 070 agressions physiques et de 16 040 agressions verbales. 8 425 agressions physiques entre codétenus et 113 suicides en détention sont également à déplorer la même année. La surpopulation carcérale engendre une concurrence entre codétenus pour l'accès à un travail, à une formation, aux unités de vie familiale et facilite la prolifération de situations insalubres.

Votre mission considère qu'il faut remédier à ce phénomène de la surpopulation carcérale, qui conduit à des conditions de détention contraires à la dignité humaine et à des conditions de travail dégradées pour les agents de l'administration pénitentiaire.


* 47 La capacité opérationnelle correspond au nombre de places, de lits effectivement disponibles indépendamment de la qualité individuelle ou collective de la cellule.

* 48 Au 1 er mars 2017, le taux moyen d'occupation des établissements pour peines est de 87,1 personnes pour 100 places.

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