II. LES OBJECTIFS DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE

Au vu de ce constat concernant l'évolution des crédits du ministère de la justice, les effectifs des services judiciaires comme de l'administration pénitentiaire, ou encore les délais de traitement des affaires civiles et pénales et la surpopulation carcérale, votre mission peut déterminer quels doivent être les objectifs quantitatifs et qualitatifs du redressement de la justice. À cet effet, elle peut également s'appuyer sur la situation concrète des juridictions et des établissements pénitentiaires visités au cours de ses déplacements.

Le redressement de la justice doit conduire in fine à l'amélioration de la qualité du service public rendu, dans l'intérêt des justiciables, en veillant aux conditions dans lesquelles travaillent les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires et pénitentiaires.

A. LES OBJECTIFS QUANTITATIFS ET QUALITATIFS DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE : JUGER PLUS VITE ET JUGER MIEUX

1. Mieux maîtriser les délais de la justice

En premier lieu, d'un point de vue quantitatif, votre mission estime indispensable de permettre aux juridictions de faire face au flux des affaires nouvelles, civiles et pénales, de façon à pouvoir les traiter dans des délais de jugement raisonnables , alors que la situation s'aggrave au vu de l'évolution année après année du stock d'affaires en attente de jugement.

Cet objectif exige de renforcer les moyens humains des juridictions , pour traiter plus rapidement le flux des affaires, mais aussi d'améliorer les outils informatiques pour simplifier et accélérer les procédures. Renforcer les moyens humains des juridictions consiste d'abord à résorber les vacances récurrentes de postes de magistrats et de fonctionnaires, constatées partout lors des déplacements de votre mission.

Cet objectif peut aussi conduire à alléger la charge des juridictions , qui pèse concrètement sur les magistrats et les greffiers, par la voie de la déjudiciarisation ou de la dépénalisation, ainsi que par l'encouragement des modes alternatifs de règlement des litiges , de nature à limiter le nombre des affaires portées devant la justice, mais également par la voie de la simplification et de la dématérialisation des procédures . L'utilisation des technologies devrait permettre de simplifier davantage le travail au sein des juridictions, sans méconnaître pour autant les risques liés plus globalement aux innovations technologiques.

Des facteurs ponctuels, de nature procédurale ou organisationnelle, peuvent aussi peser sur les délais de la justice. Par exemple, la réforme des extractions judiciaires désorganise le travail des juridictions pénales, rend plus difficile leur maîtrise du temps et contribue dès lors à l'allongement des délais de jugement.

En matière pénale, à la question des délais de jugement s'ajoute celle de la longueur des délais d'exécution des peines de prison , laquelle suscite l'incompréhension de nos concitoyens et fait perdre une large partie de son sens à la peine pour la personne condamnée.

La maîtrise des délais apparaît ainsi comme le premier défi à relever pour la justice, afin de juger plus vite .

1. Améliorer la qualité des décisions de justice

En second lieu, d'un point de vue qualitatif, votre mission estime nécessaire de mieux garantir la qualité des décisions de justice en première instance , d'abord dans l'intérêt de nos concitoyens, qui font appel à la justice pour trancher un litige ou qui attendent d'elle la condamnation des auteurs d'infraction, mais aussi pour limiter le volume des appels et des pourvois en cassation. Atteindre un tel objectif suppose que les magistrats disposent de davantage de temps pour examiner chaque affaire, de façon plus collégiale. La qualité des décisions de justice en appel doit, elle aussi, être améliorée.

À la question des effectifs de magistrats s'ajoute, ici, celle du rôle du juge. Permettre au juge de se recentrer sur son office , sur le coeur de sa fonction, c'est-à-dire décider, trancher des litiges, grâce au développement d'une équipe de collaborateurs du juge , doit aussi contribuer à des décisions de meilleure qualité, si le juge peut être déchargé de tâches secondaires qui seraient effectuées par d'autres et de la participation à des commissions administratives où sa présence n'est pas indispensable 49 ( * ) . La question des méthodes de travail au sein des juridictions se pose également, pour les magistrats du siège.

En outre, si la mobilité des magistrats est nécessaire, sa fréquence trop forte peut nuire au traitement qualitatif des dossiers et à l'implication dans certaines fonctions. Les règles de mobilité doivent aussi prendre en compte le défaut d'attractivité de certaines juridictions.

Votre mission estime que les conditions de travail des magistrats et des fonctionnaires de greffe, indépendamment des difficultés résultant des manques d'effectifs, altèrent la qualité du travail des juridictions. En d'autres termes, d'un point de vue matériel, les juridictions doivent avoir la capacité de faire face aux besoins de leur fonctionnement courant et bénéficier de bâtiments en bon état. Trop souvent, en dépit des efforts réalisés en ce sens, l'immobilier judiciaire n'est pas au niveau de la mission de la justice. L'amélioration des conditions de travail exige également de disposer d'outils informatiques performants et adaptés, rapidement mis à jour pour tenir compte des réformes que les juridictions sont tenues d'appliquer.

La maîtrise de la charge et des conditions et méthodes de travail des différentes catégories de personnel des juridictions apparaît donc comme un deuxième défi pour la justice, afin de juger mieux .

2. Renforcer la proximité de la justice

En troisième lieu, d'un point de vue là encore qualitatif, en matière de litiges de la vie courante, le justiciable attend un traitement de proximité , avec une institution judiciaire plus simple d'accès , en première instance, sans quoi saisir le juge devient une démarche trop complexe et dissuasive. Quelques années après la réforme de la carte judiciaire, votre mission estime nécessaire de rendre la justice plus proche et plus accessible.

Outre l'accroissement des moyens de la justice, une amélioration de son organisation territoriale peut permettre de renforcer son accessibilité et sa proximité pour les justiciables, en particulier pour les plus vulnérables. La proximité peut aussi passer par le développement des modes alternatifs de règlement des litiges , plus simples et rapides, à l'instar de la conciliation .

Renforcer l'accès au juge suppose également, pour le justiciable, un effort en faveur de l' accès à l'avocat , dont le ministère est obligatoire dans de nombreux contentieux. Alors que le plafond de ressources ouvrant droit à l'aide juridictionnelle reste faible, la nécessité d'assurer un financement structurel de l' aide juridictionnelle exige pourtant de mobiliser de nouvelles ressources, budgétaires ou extra-budgétaires.

L' amélioration de l'accès à la justice , dans tous ses aspects, apparaît donc comme un troisième défi pour la justice, pour juger mieux également.

3. Assurer l'effectivité de l'exécution des peines

En dernier lieu, du point de vue de l'exécution des peines, l'objectif qualitatif est double : assurer l'effectivité de l'exécution des peines , par une évolution des textes et des capacités pénitentiaires, et diminuer le risque de récidive , par un meilleur accompagnement des personnes incarcérées, en vue de la préparation à la sortie. Il réside aussi dans une réflexion sur les courtes peines, qui ne permettent pas aujourd'hui un tel accompagnement.

Outre la simplification du droit de l'application des peines , un tel objectif suppose ainsi une mise à niveau des capacités pénitentiaires , à la fois du point de vue du nombre de places de prison et du point de vue des effectifs des personnels pénitentiaires, notamment des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

La réaffirmation effective de la double mission de la prison , punir et réinsérer , constitue un quatrième défi pour la justice.


* 49 À cet égard, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, qui a créé les juristes assistants de magistrats, a habilité le Gouvernement à supprimer par ordonnance la participation des magistrats de l'ordre judiciaire et administratif aux commissions administratives lorsque leur présence n'est pas indispensable au regard des droits ou des libertés en cause.

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