C. PARTICIPER À L'ÉLABORATION DES FUTURES NORMES INTERNATIONALES S'APPLIQUANT DANS L'ARCTIQUE

Dans sa résolution du 17 mars, le Parlement européen a formulé deux demandes lourdes de conséquences : l'interdiction de l'utilisation du fioul lourd dans le transport maritime, et l'interdiction de forage de gaz et de pétrole dans l'Arctique européen. Pour légitimes et ambitieuses qu'elles soient, le réalisme impose de prévoir que ces interdictions ont peu de chances de voir le jour. Les intérêts économiques sont trop importants et la portée d'une interdiction au seul Arctique européen sera faible.

Il existe toutefois un autre moyen d'action par lequel l'Union et ses États membres peuvent agir, c'est celui de la normalisation. L'établissement de standards exigeants peut s'avérer plus efficace qu'une interdiction de principe mais peu suivie d'effet. Tout au moins, peut-il y pallier. En outre, la faiblesse politique de l'Union européenne peut être compensée par l'influence normative qu'elle peut exercer, forte du premier marché commercial au monde.

Encore faut-il pour cela que le processus de normalisation fasse l'objet d'un regard attentif du législateur ! Or, comme l'a montré le rapport de la commission des affaires européennes n° 387 (2016-2017) du 9 février 2017 sur la simplification du droit européen, le processus de normalisation en Europe échappe parfois au contrôle démocratique.

L'Arctique est une région qui se transforme et dans laquelle l'activité humaine était peu développée jusqu'à présent en raison des conditions climatiques difficiles. Avec le réchauffement climatique, l'activité va se développer, principalement pour profiter de l'exploitation du formidable potentiel du sous-sol de la région. L'extraction de minerais et d'hydrocarbures, ainsi que l'activité adjacente qui l'accompagne comme le transport maritime, devraient d'autant plus connaître un essor dans les décennies qui viennent que plusieurs États de la région misent dessus pour développer leur économie et assurer leur prospérité.

Dans ce contexte, la normalisation de ces activités économiques s'avère capitale pour assurer une protection durable de l'environnement.

L'utilisation de fioul lourd dans le transport maritime renvoie ainsi aux règles du code de navigation polaire établi au sein de l'Organisation maritime internationale, qui détermine quel type de navires peuvent ou non naviguer dans les eaux polaires et dans quelles conditions.

Le code est composé de deux parties : la première relative à la sécurité des navires, et la seconde consacrée à la prévention des pollutions. Il allie prescriptions normatives obligatoires et recommandations facultatives. Ce code apparait comme un seuil de garantie minimum. Il vise surtout à s'assurer que les nouveaux navires qui viendront naviguer dans les eaux polaires seront aptes à le faire.

On peut regretter, à l'instar du Parlement européen, que ce texte n'ait pas interdit l'utilisation de fioul lourd dans l'Arctique en raison du risque de marée noire sur les eaux glacées. On peut imaginer qu'il s'agit d'une concession aux pays dont la flotte existante, peut-être un peu vieille, utilise du fioul lourd. On peut aussi envisager que la voie d'une interdiction à terme n'est pas définitivement fermée. La France et l'Union européenne doivent défendre cette interdiction dans les négociations continues au sein de l'Organisation maritime internationale. C'est un travail d'influence à inscrire dans le moyen terme.

Un autre exemple se révèle symptomatique, c'est celui de l'initiative surnommée « Barents 2020 ». Lancée en 2007 à l'initiative de la Russie et de la Norvège, elle a pour objectif l'élaboration d'un code de bonnes pratiques relatives aux activités d'exploration, de production et de transport de gaz et de pétrole en mer de Barents. Un rapport contenant 130 recommandations de standards a été publié en 2010 afin de favoriser l'essor de l'activité dans cette région prometteuse. La phase suivante a consisté à étudier la transposition de ces normes prévues pour la mer de Barents à l'ensemble de l'Arctique. En 2012, un sous-comité chargé de la normalisation pour les opérations en environnement arctique a donc été créé au sein du comité technique « normalisation du matériel et des équipements de l'industrie pétrolière et gazière » de l'Organisation internationale de normalisation, l'ISO.

Or, la mer de Barents est une des mers de la zone Arctique les moins englacées. L'activité y est plus facile et moins dangereuse que dans d'autres parties de la zone boréale. Il n'est pas certain que les normes qu'on y appliquerait puissent être transposées dans d'autres parties de l'Arctique. Comme on le voit, il y a ici un combat à mener et il serait bon que l'Union européenne y soit attentive.

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