CONCLUSION

L'Union européenne a besoin d'une politique intégrée pour l'Arctique. Il s'agit à la fois de soutenir le développement du Grand nord européen et de se projeter dans son voisinage immédiat pour participer à la gouvernance d'une région qui connaît des bouleversements durables.

L'Union va cependant devoir rapidement dire de quoi cette politique sera faite et devra, pour cela, surmonter trois difficultés.

En premier lieu, il faudra s'attaquer au manque de cohérence de la communication conjointe. Elle souffre de deux défauts : vouloir ménager tout le monde et un travail en silo perceptible des différents services de la Commission européenne. Il faudra arbitrer, c'est à dire faire des choix politiques.

Cela signifie que l'application des grandes politiques de l'Union doit être mieux hiérarchisée. La protection de l'environnement ne peut pas être la cinquième roue du carrosse, tout particulièrement dans l'Arctique dont la fragilité est reconnue.

En second lieu, l'Union va se heurter à la question des moyens. C'est dès maintenant que le prochain cadre financier pluriannuel se prépare. C'est dès maintenant que des propositions concrètes pour l'Arctique doivent être mises sur la table.

Enfin, l'Union européenne doit compter avec l'action des États membres, qu'ils soient ou non dans l'Arctique. Une politique commune se décide à 28 et l'Union doit tenir compte de l'avis de tous. Et l'action ne doit pas être concurrente. L'Union doit définir ses propres priorités, mais sa politique ne peut non plus se substituer à celle des pays qui, comme la France, ont une légitimité ancienne dans l'Arctique.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le mardi 4 avril 2017 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. André Gattolin, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président . - Merci pour cette présentation passionnée et de grande qualité.

M. François Marc . - Je remercie le rapporteur pour sa passion communicative, en effet, et la pertinence de son exposé. Je l'accompagnais d'ailleurs en Norvège il y a quelque mois : dans toutes les administrations, les cartes affichées aux murs projettent une autre vision du monde, un monde dont la Norvège occupe le centre, entourée de l'Union européenne et des glaciers de l'Arctique en train de fondre... Les opportunités offertes par cette région sont grandes en effet, notamment en matière de croissance économique, ce qui explique les tentations d'exploitation des ressources. Mais c'est aussi une région à risque : nos interlocuteurs scandinaves ont surtout évoqué celui de l'insécurité, car la Russie y est très présente. Comment l'Union européenne aborde-t-elle cet aspect des choses ? A-t-elle seulement conscience des risques encourus dans cette région ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je félicite à mon tour le rapporteur pour sa remarquable présentation, et le remercie d'avoir soulevé la question essentielle du rapprochement - monétaire en l'espèce - de l'Islande et de l'Union européenne. Il y a fort longtemps, avant que j'entre au Sénat, je me souviens avoir participé à des colloques au Royaume-Uni appelant à l'intégration du Conseil nordique. Dans cette période post-Brexit, il y a urgence à répondre aux préoccupations très vives des pays nordiques en matière de sécurité - je le vois bien à la commission parlementaire de l'OTAN dont je suis membre, et qui tiendra un séminaire de travail sur ce sujet le mois prochain. Un rapprochement entre l'Union européenne et l'OTAN dans cette région serait fort opportun ; c'est ce qu'attendent en tout cas les États baltes et les pays nordiques.

M. Louis Nègre . - Je félicite à mon tour le rapporteur pour son exposé passionnant. Il est essentiel de protéger cette zone de la pêche illégale, voire de la pêche tout court : voyez ce rapport très récent dont l'une des plus prestigieuses revues scientifiques américaines s'est fait l'écho, qui alerte sur la quasi-extinction de la biodiversité en Méditerranée. Sauvons l'Arctique avant qu'il ne lui arrive la même chose !

M. André Gattolin . - Je veux remercier Jean Bizet et Simon Sutour de m'avoir donné l'occasion de travailler sur ce dossier passionnant. Nos rapports sont très lus à Bruxelles. J'espère que celui-ci préfigurera en quelque sorte une politique de voisinage au nord de l'Europe, ce qui serait très important.

Depuis quatre ans, les inquiétudes des pays scandinaves, dont je rencontre régulièrement les ambassadeurs en France, n'ont cessé de croître. La Norvège connaît une mini-crise des migrants, car la Russie a laissé passer près de 8 000 personnes, à vélo, en plein hiver, par le nord du pays. L'inquiétude de la Finlande et de la Suède est forte, au point que la première, historiquement neutre, songe à intégrer l'OTAN. Malheureusement, la Commission européenne ou le service européen pour l'action extérieure sont muets sur ces sujets. Ils cherchent à obtenir pour l'Union européenne le statut d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique, statut qu'ont déjà la France, l'Allemagne, la Chine ou Singapour. Mais dans cette hypothèse, quid du rôle des États membres ? Pour appuyer sa requête, l'Union européenne se targue du nombre de chercheurs européens qui travaillent sur l'Arctique, mais ils sont payés par les États membres ! Idem s'agissant de la surveillance de l'espace, où elle se prévaut des efforts consentis en réalité par l'Allemagne et la France pour appuyer la demande de création d'une agence pilotée par ses soins, ou encore au sein du GIEC, où l'Union européenne se verrait bien représenter tous les États membres... Bref la stratégie de l'Union, tentée de ménager une Russie qui s'oppose à son entrée au Conseil de l'Arctique, ainsi qu'une Norvège qui pourrait la soutenir, ne recoupe pas nécessairement celle des États membres.

Dans ce contexte, la question de la sécurité n'est pas abordée. La Finlande, dont la procédure de référendum sur la sortie de l'euro a été interrompue, se tourne plutôt pour sa défense vers l'OTAN que vers l'Union européenne. Et la reprise en main par le Royaume-Uni de sa politique de pêche après le Brexit aura de très lourdes conséquences dans toute la région - le Royaume-Uni est par exemple le deuxième client de l'Islande. Des conflits entre pêcheurs britanniques et français ont d'ailleurs déjà commencé à apparaître.

M. Jean Bizet , président . - C'est un vrai sujet. Le débat relatif aux quotas, clos depuis 1973, devra être rouvert. Mais entre-temps, la flottille de pêche française a décliné par rapport à celle des autres États membres...

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À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

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