B. UNE RÉPARTITION DES COMPÉTENCES À L'ORIGINE DE RIGIDITÉS ET DE DIFFICULTÉS EN TERMES DE LISIBILITÉ

L'organisation de la chaîne « infrastructure » du ministère des armées a permis de répondre à l'exigence de rationalisation de la fonction immobilière dans un contexte budgétaire et en termes de ressources humaines très contraint .

Dans leur rapport précité, nos anciens collègues François Trucy et Didier Boulaud notaient ainsi que « la création d'un service unique d'infrastructure de la défense permet la mise en oeuvre d'une seule et même politique pour le soutien, l'adaptation et l'administration du domaine immobilier de la défense indépendamment de l'armée, de la direction ou du service soutenus. La cohérence de la politique d'infrastructure s'en trouve renforcée. Les bénéfices de cette fusion sont en effet nombreux : mise en place d'une organisation unique et de règles de fonctionnement communes, harmonisation des procédures, optimisation des ressources humaines et financières, répartition plus équilibrée des plans de charge entre les différentes entités du service, mutualisation de la gestion des ressources financières permettant un redéploiement des crédits plus réactif entre les ordonnateurs secondaires, partage des compétences techniques spécifiques provenant des anciens services (pyrotechnie, nucléaire...), recrutement et formation des personnels plus rationnels, mise en place de référentiels communs, instauration de normes communes pour les constructions spécifiques aux armées, rationalisation de l'action du service dans le cadre de la RGPP, pilotage et externalisation de la maintenance, externalisation de la maîtrise d'oeuvre et renforcement de la capacité d'assistance au commandement (maîtrise d'ouvrage), uniformisation de l'application des directives ministérielles dans le domaine de l'infrastructure (plan d'action environnement, plan de relance...) ».

Pour autant, l'ensemble des personnes rencontrées par votre rapporteur spécial ont souligné le manque de clarté et de lisibilité de la chaîne « infrastructure » se traduisant par deux difficultés majeures .

Premièrement, cette situation peut donner lieu à des incertitudes lorsqu'il s'agit de déterminer la nature de telle ou telle opération . Ainsi, la construction d'un atelier de réparation ayant vocation à prendre uniquement en charge des véhicules tactiques sera considérée comme une opération technico-opérationnelle. En revanche, si l'atelier est destiné à la réparation de tout type de véhicule, l'opération sera classée comme non technico-opérationnelle.

Deuxièmement, cette répartition en quatre « tuyaux étanches de bout en bout » , selon l'expression employée par l'une des personnes entendues, ne permet pas toujours à l'échelon décisionnaire de disposer d'une vision d'ensemble .

Le commandant de la base de défense n'a ainsi la main que sur les opérations de maintien en condition, les décisions en matière de maintenance lourde et d'adaptation capacitaire ainsi que leur mise en oeuvre ne relevant pas de sa responsabilité. De même, les armées ne disposent d'un droit de regard que sur les opérations à caractère technico-opérationnel, les opérations non technico-opérationnelles relevant du centre interarmées de coordination du soutien (CICOS) et les opérations de maintenance lourde du service d'infrastructure de la défense.

Afin de contourner ces difficultés, cette répartition rigide des compétences fait l'objet d'adaptations sur le terrain .

Ainsi, une opération de maintien en condition dont le coût ne dépasse pas le seuil de 500 000 euros mais nécessitant une expertise particulière (technique, juridique, etc.) pourra être traitée par le service d'infrastructure de la défense comme une opération de maintenance lourde.

De même, afin d'éviter les lourdeurs et les délais liés à la procédure de validation et de réalisation de certaines opérations - telles que le remplacement d'une ampoule, dont la demande doit être renseignée dans l'application « Sillage » et faire l'objet d'une validation - les unités peuvent solliciter les services des régies, dès lors que cela ne modifie pas le plan de charge du service d'infrastructure de la défense .

L'application « Sillage »

Le système d'information Sillage dématérialise, pour le ministère de la défense, l'appel au soutien de type AGSC (Administration Générale et Soutien Commun). Il constitue un vecteur de communication entre les soutenus et les agents en charge du soutien. Il a été mis en service en 2003 au sein de la direction générale de l'armement (DGA) et étendu à partir de 2011 à l'ensemble des bases de défense (métropole, outre-mer et étranger).

Sillage offre un catalogue de 120 prestations regroupées dans 23 domaines. Un million de demandes Sillage sont émises par an, dont 25 % concernent l'immobilier avec la répartition suivante :

- 82 % : dépannage ou réparation des installations et des équipements du bâtiment ;

- 15 % : améliorations, modifications, aménagements ;

- 3 % : expertise et conseil en infrastructure.

Depuis 2013, Sillage est interfacé au système d'information GTP (Gestion Technique du Patrimoine) du service d'infrastructure de la défense (SID) pour le périmètre des bases de défense de métropole. Cet interfaçage envoie automatiquement les demandes approuvées de Sillage à GTP où elles sont analysées, exécutées et clôturées par les agents des USID locales. Leurs actions et leurs saisies dans GTP donnent lieu à des remontées d'information d'avancement par interface directement vers Sillage et donc vers les créateurs et bénéficiaires des prestations.

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

La base navale de Toulon a quant à elle lancé une expérimentation originale. Baptisée « Do it yourself », elle permet aux usagers de procéder eux-mêmes à certaines opérations du quotidien , dans le respect des règles du droit du travail. Cette expérience, qui a fait ses preuves, pourrait être utilement généralisée à l'ensemble des unités des trois armées sous la forme d'un recueil pratique .

Recommandation : afin de réduire les délais de réalisation des petites opérations de maintenance, généraliser à l'ensemble des unités des trois armées l'expérimentation mise en oeuvre sur la base navale de Toulon visant à recenser les opérations de type « petit entretien locatif », c'est-à-dire ne nécessitant pas le recours aux savoir-faire spécifiques du service d'infrastructure de la défense, sous la forme d'un recueil pratique.

Page mise à jour le

Partager cette page