EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 avril 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022.

M. Vincent Éblé , président . - En vertu de l'article 14 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques, le Gouvernement adresse au Parlement, depuis 2011, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne, le projet de programme de stabilité.

Ce projet, accompagné du programme national de réforme, nous a ainsi été transmis le vendredi 13 avril dernier, après sa présentation en Conseil des ministres qui a eu lieu le 11 avril. L'avis du Haut Conseil des finances publiques a été rendu public ce même vendredi. Compte-tenu des enjeux liés à la présentation du programme de stabilité à la Commission européenne, qui comprend les engagements de la France et la projection de ses finances publiques à moyen terme, j'ai souhaité, avec le rapporteur général, que le Sénat puisse en débattre en séance publique. Le Gouvernement a répondu favorablement à notre demande, et il a donc inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée, ce mercredi 18 avril à 21 heures 30, un débat sans vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution. Le même débat aura lieu à l'Assemblée nationale à 15 heures, et sera suivi d'un vote.

Je laisse la parole à notre rapporteur général pour vous exposer son analyse de ce projet de programme de stabilité.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous examinons ce matin le projet de programme de stabilité 2018-2022.

C'est un document important car il s'agit du support des engagements européens de notre pays en matière budgétaire. Il s'accompagne du programme national de réforme, qui a pour finalité d'exposer les mesures programmées ou déjà mises en oeuvre afin de réaliser les objectifs fixés.

Dans le cadre du semestre européen, ces deux documents doivent être transmis à la Commission européenne avant le 30 avril. Compte tenu de l'importance que revêt ce document, un débat en séance publique aura lieu ce soir, comme le souhaitait notre commission.

Conformément à une tradition établie de la commission des finances du Sénat, qui publie un avis circonstancié sur les projets de programme de stabilité depuis 2011, je me suis attaché à examiner le scénario macroéconomique sous-jacent au projet de programme de stabilité, avant d'apprécier la crédibilité de la trajectoire proposée par le Gouvernement ainsi que sa compatibilité avec les règles budgétaires européennes.

Commençons par le scénario macroéconomique du Gouvernement, qui apparaît dans l'ensemble raisonnable, même s'il reste soumis - l'actualité nous le montre chaque jour - à des aléas importants.

Comme vous le savez, l'économie française s'oriente vers une reprise plus vigoureuse qu'escompté depuis le printemps 2017. Le Fonds monétaire international (FMI) l'a encore rappelé hier.

Déjouant les prévisions, le produit intérieur brut (PIB) a ainsi progressé de 2,0 % l'an dernier, après plusieurs années décevantes. Claude Raynal nous dira que c'est grâce aux réformes du Président François Hollande - j'anticipe.

En tout cas, le constat est là : en ce début d'année, les principaux indicateurs conjoncturels restent bien orientés, tandis que le profil de la croissance française apparaît très favorable. En effet, à l'issue de l'exercice 2017, l'acquis de croissance pour l'année 2018 s'élève à 0,9 %, contre 0,4 % à la fin de l'année 2016.

Dans ce contexte porteur, le présent projet de programme de stabilité est, sans surprise, marqué par une révision à la hausse de la prévision de croissance pour l'année 2018, qui s'établit désormais à 2,0 %, contre 1,7 % initialement.

L'hypothèse retenue par le Gouvernement apparaît raisonnable, à un niveau légèrement inférieur à la moyenne des estimations.

La prévision de croissance pour l'année 2019, fixée à 1,7 % dans le cadre de la loi de programmation, est également revue à la hausse, de 0,2 point.

Contrairement à la prévision de croissance pour l'année 2018, elle se situe dans la fourchette haute des estimations disponibles.

Enfin, sur la période 2020-2022, il est fait l'hypothèse que la croissance française restera stable à 1,7 %.

Il s'agit d'un scénario intermédiaire entre celui du FMI, plus optimiste, et celui de la Commission européenne, plus pessimiste.

Si le débat sur le cadrage macroéconomique du Gouvernement se focalise le plus souvent sur le scénario de croissance retenu, se concentrer sur cette seule variable serait une erreur. En effet, le déficit public est davantage sensible à l'hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB qu'à l'estimation de la croissance. En 2017, c'est d'ailleurs davantage l'élasticité que la croissance qui a permis de ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB.

Ainsi que cela est traditionnellement observé en période de reprise, les prélèvements obligatoires ont spontanément évolué plus rapidement que l'activité tant en 2016 - avec une élasticité de 1,3 - qu'en 2017 - avec une élasticité de 1,5.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement avait toutefois fait preuve de prudence, en retenant pour cette année une hypothèse d'élasticité unitaire. Dans le présent projet de programme de stabilité, l'hypothèse d'élasticité retenue est légèrement révisée à la hausse, de 0,1 point.

Si cette prévision est plausible, il peut être noté que l'élasticité n'est restée supérieure à l'unité pendant trois exercices consécutifs qu'à une seule reprise (1999-2001) au cours des vingt-cinq dernières années. Le scénario pour les années 2019-2022 demeure en revanche inchangé, avec une élasticité unitaire tout au long de la période.

Pour terminer, j'ai souhaité analyser de façon plus approfondie le scénario de remontée des taux d'intérêt sous-jacent à la trajectoire budgétaire gouvernementale.

En effet, si l'amélioration des conditions macroéconomiques et la normalisation progressive de la politique monétaire de la Banque centrale européenne devraient exercer une pression à la hausse sur les taux d'intérêt, la question du rythme de cette remontée est décisive pour les finances publiques.

Pour les années à venir, le Gouvernement retient l'hypothèse d'une remontée des taux d'intérêt au rythme moyen de 75 points de base par an. C'est un scénario qui est prudent. En effet, le rythme de remontée des taux retenu est près de deux fois plus rapide que celui anticipé tant par les organismes privés de conjoncture que par la majorité des pays membres de la zone euro.

Tout cela n'est pas neutre ! Si l'on retenait un scénario de remontée des taux inspiré du consensus des économistes - consensus forecasts -, la charge d'intérêts de l'État serait inférieure de 8 milliards d'euros en 2022. Le Gouvernement disposerait ainsi d'une forme de réserve de précaution lui permettant d'absorber les éventuels dérapages constatés sur les dépenses pilotables.

Donc on peut considérer, globalement, que le cadrage macroéconomique retenu par le Gouvernement constitue « une base raisonnable pour asseoir une programmation des finances publiques à moyen terme » - ce sont les termes retenus par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis.

S'il apparaît aujourd'hui raisonnable, le scénario macroéconomique sur lequel est construit le présent projet de programme de stabilité reste toutefois soumis à des aléas importants - le Gouvernement le reconnaît d'ailleurs.

Au niveau international, c'est l'orientation de la politique commerciale des États-Unis qui constitue la principale incertitude. Elle est susceptible de peser à la baisse sur la croissance mondiale en déclenchant une spirale protectionniste. Une « guerre commerciale » serait extrêmement dangereuse. Les risques financiers liés à une correction sur les marchés actions - voire à un « krach » boursier - et à une remontée non contrôlée des taux d'intérêt, dans un contexte d'excès d'endettement au niveau mondial, demeurent également des motifs de préoccupation. Enfin, la possibilité d'un « atterrissage brutal » de l'économie chinoise reste évoquée. Le pire n'est pas toujours sûr mais les risques sont nombreux.

Au niveau européen, outre les incertitudes sur la position des économies de la zone euro dans le cycle - le rythme d'atterrissage reste très incertain pour de nombreux pays -le risque politique reste élevé, avec le Brexit et le résultat des élections italiennes.

Au niveau national, outre les événements exceptionnels qui pourraient peser sur la croissance - les conflits sociaux, le risque terroriste -, un doute demeure sur la capacité de l'appareil productif français à répondre à la hausse de la demande adressée. Concrètement, si la croissance de la demande mondiale se traduit par l'importation de téléviseurs chinois, cela sera problématique pour la croissance française. Par ailleurs, il existe une inquiétude grandissante sur la dynamique du crédit aux entreprises non financières et aux ménages, qui a d'ores et déjà conduit le Haut Conseil de stabilité financière à limiter les expositions des banques systémiques sur les grandes entreprises françaises les plus endettées.

Aussi, conformément à une tradition établie de la commission des finances du Sénat, deux scénarios macroéconomiques alternatifs ont été construits à partir des prévisions des instituts de conjoncture les plus optimistes et pessimistes, afin d'essayer de circonscrire le champ des possibles.

Le résultat des simulations, dont vous trouverez les hypothèses dans le rapport, confirme la forte sensibilité du solde public au scénario retenu : le déficit atteindrait 1,6 % du PIB en 2019 dans le scénario favorable et s'établirait à un niveau - 3,1 % du PIB - légèrement supérieur au seuil de 3 % du PIB dans le scénario défavorable.

La prévision du Gouvernement se situe pratiquement à égale distance du scénario favorable et du scénario défavorable, venant ainsi confirmer le caractère central des hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au présent projet de programme de stabilité.

Venons-en maintenant à l'analyse de l'exécution budgétaire.

En 2017, le déficit atteint, comme vous le savez, 2,6 % du PIB, soit un résultat supérieur de 0,3 point de PIB à la dernière prévision gouvernementale, ouvrant ainsi la voie à une sortie de la France du volet correctif du pacte de stabilité à l'été. Pour rappel, cela suppose non seulement que le déficit 2017 soit contenu à 3 % du PIB en exécution, mais également que la Commission européenne estime que le déficit ne dépassera pas ce seuil en 2018 et en 2019 dans ses prévisions du printemps 2018.

Lors de l'examen de la loi de programmation des finances publiques, une incertitude demeurait concernant l'exercice 2019, avec la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, qui se traduira pour l'État par un surcoût temporaire d'environ un point de PIB.

Six mois plus tard, il paraît désormais acquis que la France sortira du volet correctif du pacte de stabilité dès cette année. En effet, dans la nouvelle trajectoire gouvernementale, le déficit public anticipé pour 2019 s'élève à 2,4 % du PIB, ce qui laisse une marge de sécurité très significative.

Plus globalement, l'amélioration du contexte macroéconomique devrait permettre un redressement accéléré de la situation des finances publiques au cours du quinquennat, avec un recul plus prononcé de la dette et du déficit publics dans la nouvelle trajectoire gouvernementale.

On peut donc se féliciter de la sortie prochaine de la France de la procédure pour déficit excessif : mieux vaut tard que jamais, après trois échecs successifs. Mais il faut s'interroger sur la pérennité du redressement des comptes publics.

En effet, le retour du déficit nominal sous le seuil de 3 % du PIB en 2017 tient à la reprise économique et au dynamisme des prélèvements obligatoires, et non à un effort structurel en dépense.

En l'absence de « bonne nouvelle » en recettes, liée à la croissance et à l'élasticité des prélèvements obligatoires, il apparaît ainsi que le déficit nominal se serait établi à 3,4 % du PIB en 2017. Disons-le autrement : sans le bénéfice de la conjoncture, les différentes mesures de redressement décidées par le Gouvernement à la suite de la publication des résultats de l'audit des finances publiques par la Cour des Comptes, pour un montant de 0,2 point de PIB, auraient été insuffisantes pour contenir le déficit à 3 % du PIB.

Si le dynamisme des recettes a permis un recul du déficit nominal plus rapide qu'escompté, il a en revanche fait obstacle à la stabilisation de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale.

Alors même que l'effet des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, hors mesures exceptionnelles, est neutre en 2017, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale a progressé de 0,8 point, pour atteindre 45,4 % du PIB.

Le présent projet de programme de stabilité maintient l'objectif initial du Gouvernement consistant modestement à faire baisser d'un point la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale d'ici la fin du quinquennat.

Dans la nouvelle trajectoire, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait ainsi 44,3 % du PIB en 2022, ce qui resterait insuffisant pour revenir sur la hausse observée au cours du précédent quinquennat.

J'en viens maintenant à la situation structurelle de nos finances publiques.

Si la réduction du déficit nominal a été portée par la conjoncture, tel a paradoxalement aussi été le cas de l'évolution du déficit structurel, qui s'est réduit de 0,5 point l'an dernier, pour atteindre 2,0 % du PIB.

En effet, le solde structurel constitue un outil très imparfait - on peut avoir des débats à l'infini - qui ne permet pas d'exclure l'incidence de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires.

La décomposition de l'évolution du solde structurel permet toutefois de faire apparaître que la « composante non discrétionnaire », liée aux fluctuations de l'élasticité, explique la totalité de l'amélioration observée l'an dernier.

Cela risque d'ailleurs de poser une difficulté politique au Gouvernement, car il avait soutenu, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, une règle de « cagnotte » proposée par l'Assemblée nationale, qui permet de dépenser jusqu'à la moitié des « bonnes nouvelles » constatées en exécution sur le solde structurel. Nous avions, vous vous en souvenez, une position différente.

Si la réduction du déficit structurel s'explique entièrement par l'élasticité des prélèvements obligatoires, l'effort structurel en dépense est, pour la première fois depuis 2012, négatif.

Cela s'explique par le fait que les résultats obtenus l'an dernier en matière de maîtrise de la dépense sont décevants : la croissance de la dépense publique en volume s'élève ainsi à 1,5 % en 2017, ce qui correspond à un dépassement de 0,6 point de l'objectif fixé par la loi de programmation.

Ce dépassement s'accompagne en outre de la fixation d'un objectif de maîtrise de la dépense moins ambitieux pour 2018. Alors que le Gouvernement avait prévu une stabilisation en volume de la dépense publique lors du débat d'orientation des finances publiques, il entend désormais contenir sa croissance à 0,7 %, contre 0,6 % dans la loi de programmation. Je me souviens encore du ministre qui nous annonçait dans l'hémicycle que l'on stabiliserait pour la première fois la dépense publique en volume !

Les économies à réaliser en 2018 s'élèvent ainsi à 11 milliards d'euros, contre 20 milliards d'euros dans le scénario du débat d'orientation des finances publiques. Le Gouvernement profite donc de la reprise économique pour renoncer à une partie de ses efforts de maîtrise de la dépense.

J'en viens maintenant à la nouvelle trajectoire 2018-2022, en commençant par examiner sa compatibilité avec nos engagements européens.

Le respect des règles budgétaires apparaît aujourd'hui indispensable, alors que les reports successifs du retour du déficit sous le seuil de 3 % du PIB ont placé la France dans une situation atypique par rapport à ses partenaires européens.

On peut se féliciter de la meilleure tenue de nos comptes mais nous restons dans le bas du tableau européen. Avec l'Espagne, la France est ainsi le seul pays qui se pose encore la question des « 3 % » : dans la zone euro, le déficit moyen est proche de 1 % du PIB ! Vous avez d'ailleurs vu que l'Allemagne a d'ores et déjà annoncé des résultats meilleurs qu'escompté.

De façon préoccupante, ce différentiel nourrit la divergence des taux d'endettement observée depuis 2014, qui atteint désormais 7 points de PIB avec la zone euro et près de 40 points de PIB avec l'Allemagne. Cela a de quoi nous inquiéter, sachant que nous étions en 2010 sur la même ligne de départ.

C'est précisément pour éviter ce type de divergence que les règles européennes en matière budgétaire ont été mises en place.

Malheureusement, comme l'ancienne majorité, la nouvelle majorité semble vouloir s'accommoder des règles : comme je l'avais déjà souligné à l'automne dernier, la réduction annuelle du déficit structurel prévue par le Gouvernement est très inférieure aux prescriptions du pacte de stabilité. Elle pourrait même déboucher à l'issue de l'exercice 2019 sur l'ouverture d'une procédure pour « déviation significative », qui peut conduire à une sanction financière. Une fois encore, la France devra donc compter sur une interprétation particulièrement « constructive » des règles par les institutions européennes pour « passer entre les mailles du filet ».

Non seulement la trajectoire budgétaire présentée par le Gouvernement apparaît difficilement compatible avec nos engagements européens, mais en outre, son respect semble loin d'être assuré.

En effet, dans la mesure où l'effort de redressement repose, à juste titre, exclusivement sur la maîtrise de la dépense, il impliquerait - je parle bien au conditionnel - la mise en oeuvre d'un programme d'économies d'une ampleur inédite.

Si le budget 2018 a engagé un premier effort de réorientation de la dépense publique rompant avec la logique du « rabot », en particulier dans les domaines de l'emploi et du logement - même si l'on peut toujours contester la brutalité de certaines coupes -, la crédibilité de la trajectoire gouvernementale reste difficile à apprécier au-delà, tant les économies demeurent peu documentées.

La mise en oeuvre d'une démarche volontariste d'identification d'économies ciblées dans le cadre du processus « Action publique 2022 » paraît louable mais les précédents échecs de la « modernisation de l'action publique » (MAP) et des revues de dépenses invitent à la plus grande prudence. Je suis un peu échaudé par ces précédents exercices. Quelqu'un est-il capable de nous dire ce qu'a apporté la MAP ? Bonne chance !

Or, un « dérapage » de la dépense publique analogue à celui observé en 2017 compromettrait le redressement des comptes publics programmé, ainsi que l'illustre la simulation présentée à l'écran.

Dans ce scénario, le déficit public manquerait de dépasser le seuil de 3 % du PIB en 2019 et la dette publique resterait pratiquement stable jusqu'en 2020.

Compte tenu de cette forte sensibilité de la trajectoire gouvernementale à l'évolution de la dépense publique, il apparaît indispensable d'adopter sans tarder une stratégie crédible de maîtrise de cette dernière.

À cet égard, je maintiens que le Gouvernement pourra difficilement faire l'économie de réformes visant à maîtriser la masse salariale publique et les dépenses de retraite, qui représentent près de la moitié du total de la dépense publique et demeurent pourtant jusqu'à présent deux « angles morts » de sa politique. L'articulation des missions de l'État et des collectivités territoriales doit également être revue.

Au-delà, le programme de stabilité ne tient aucunement compte de deux annonces récentes du Président de la République - à savoir la suppression totale de la taxe d'habitation et la reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau.

C'est très surprenant car ces deux annonces sont susceptibles de bouleverser la trajectoire budgétaire, dans la mesure où elles pourraient coûter jusqu'à 60 milliards d'euros.

Ainsi, la suppression complète de la taxe d'habitation se traduirait par un montant à compenser très significatif, compris entre 10 milliards d'euros et 14 milliards d'euros selon que l'on prend en compte ou non la dynamique de la taxe d'habitation jusqu'à sa suppression. Le coût de cette mesure pourrait éventuellement être réduit en cas de maintien de la taxe d'habitation au titre des résidences secondaires, dont le rendement s'élève à 2,3 milliards d'euros. Le Président de la République a en revanche exclu la création d'un nouvel impôt.

En parallèle, il a confirmé que l'État reprendra progressivement une partie de la dette du gestionnaire d'infrastructures SNCF Réseau à partir du 1 er janvier 2020.

Une opération de reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau, qui atteint désormais 46,6 milliards d'euros, pourrait peser lourdement sur la situation des finances publiques, par différents canaux :

- la reprise serait analysée comme une dépense et creuserait donc temporairement le solde public à hauteur du montant de l'opération ;

- les intérêts payés par SNCF Réseau, qui s'élevaient à 1,2 milliard d'euros l'an passé, devraient à l'issue de l'opération être pris en charge par le budget de l'État et dégraderaient donc le solde public jusqu'à extinction de la dette ;

- l'opération pourrait également peser sur la dette publique, si le montant repris excède la part de la dette de SNCF Réseau déjà requalifiée en dette publique par l'Insee - soit 10 milliards d'euros.

Le surcoût temporaire lié à l'opération de reprise pourrait être particulièrement complexe à intégrer à la trajectoire budgétaire. En effet, l'impact de l'opération sur le déficit public, quand bien même celle-ci serait réalisée en plusieurs tranches, doit en principe être comptabilisé en une seule fois. Cela promet de beaux débats avec Eurostat. Une solution consisterait peut-être à ce que les opérations de reprise de dette fassent l'objet d'une décision annuelle, à l'image de ce qui est parfois prévu pour les remises de dette en faveur des pays très endettés. Cela permettrait une répartition de l'effort budgétaire sur plusieurs exercices et de conditionner les opérations de reprise à une amélioration effective de la situation financière de l'entreprise.

Une marge de sécurité suffisante devra en tout état de cause être conservée par rapport au seuil de déficit de 3 % du PIB et nous interrogerons le Gouvernement ce soir sur ses intentions.

M. Vincent Éblé , président . - Le FMI vient de rendre publiques ses dernières perspectives pour l'économie mondiale et anticipe une croissance de 3,9 % en 2018 et 2019. La zone euro profiterait aussi de cette dynamique, quoique dans une moindre ampleur. Mais le FMI souligne aussi l'importance des risques dans les mois à venir et notamment la menace d'une correction sur les marchés financiers, qui fragiliserait les économies les plus endettées, dont la France. Le programme de stabilité prend-il en compte correctement ces éléments de risques ?

Par ailleurs, comment se compare le programme de stabilité français à celui que doivent présenter les autres pays de la zone euro au regard de notre niveau de déficit et de dette publics ? Quels sont les pays qui sont encore sous procédure pour déficit excessif ? La zone euro est-elle désormais réellement plus solide du point de vue de ses finances publiques pour faire face à des tensions économiques ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le programme de stabilité souligne les risques sous-jacents. Le Gouvernement a fait le choix d'un scénario médian, ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre, en particulier sur les taux d'intérêt. Le scénario n'est donc pas imprudent. Toutefois, étant donné qu'il repose essentiellement sur le taux de croissance et sur l'élasticité des recettes, un aléa pourrait avoir des conséquences importantes. C'est pourquoi j'estime qu'il est imprudent de ne pas engager de véritables économies.

Les pays de la zone euro qui se désendettent et ont opéré les réformes nécessaires seront plus à même d'absorber d'éventuels chocs. Pour la France, les perspectives présentées sont davantage dépendantes de la conjoncture.

S'agissant de la comparaison avec les autres États membres de la zone euro, il faut bien souligner la spécificité de notre pays : la France est, avec l'Espagne, le seul pays encore en procédure de déficit excessif. Pour les autres pays, le déficit public se situe en moyenne autour de 1 % du PIB. L'examen de leur programme de stabilité pose donc moins de difficultés. Relevons toutefois les récentes annonces de l'Allemagne en vue d'aller encore plus loin dans la réduction de sa dette publique. Les États d'Europe du Sud ont également conduit des efforts considérables de réduction de la dépense publique. C'est ce qui explique la spécificité de la France au sein de la zone euro, en particulier pour le niveau de dette publique. Les autres pays ont conduit des efforts et sont parvenus à réduire leur endettement, alors que la France n'a pas réduit ses dépenses publiques et continue à s'endetter. La France s'expose ainsi à une remontée des taux d'intérêt.

M. Vincent Delahaye . - Je partage l'analyse du rapporteur général. Le constat est malheureusement identique depuis quelques temps.

Le Gouvernement est certes prudent pour les taux d'intérêt. Pour les autres hypothèses, je ne parlerai toutefois pas de prudence : la croissance est bonne aujourd'hui, donc on pense qu'elle le sera jusqu'en 2022. Je considère qu'une telle prévision n'est guère prudente : il y aura des périodes plus difficiles, sans que l'on ne sache quand elles adviendront.

Je m'interroge sur l'ampleur des différences entre les prévisions macroéconomiques du Gouvernement de décembre 2017 et d'avril 2018, soit avec seulement quatre mois d'écart. En décembre dernier, le niveau de la dépense publique était estimé à 54,7 % du PIB pour 2017, contre 55,1 % du PIB retenu aujourd'hui. Il y a donc eu un dérapage : comment l'expliquer ? D'où provient-il ? S'agissant des prélèvements obligatoires, le niveau était prévu, en décembre dernier, à 44,3 % du PIB en 2018, alors que ce niveau est aujourd'hui reporté à 2022. Il n'y a donc pas de véritable effort pour réduire le taux des prélèvements obligatoires.

Compte tenu de la révision à la hausse de l'évolution de la dépense publique, quelles seront les conséquences pour les collectivités territoriales qui s'engageront dans la contractualisation ? Le changement d'objectif devrait être répercuté sur la dépense locale. Que compte faire le Gouvernement à ce sujet ?

Je suis également très surpris que les annonces du Président de la République sur la taxe d'habitation et la reprise de la dette de SNCF Réseau ne soient pas intégrées dans le programme de stabilité. Quelle simulation de l'impact sur le déficit public de ces deux annonces pouvons-nous faire ?

M. Jean-François Rapin . - Je voudrais revenir sur les prévisions des taux d'intérêt à long terme. Il y a un écart de huit milliards d'euros en 2022 entre le scénario du consensus des économistes et celui retenu dans le programme de stabilité. Ce montant est-il calculé sur la base de l'endettement actuel ou sur la base de l'endettement projeté en 2022, et avec quelles hypothèses ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cela prend en compte l'endettement projeté en 2022, sur la base des prévisions du Gouvernement retenues dans le programme de stabilité. Si d'autres éléments devaient advenir, comme une reprise de dette de la SNCF, ce montant serait majoré.

M. Jean-François Rapin . - Nous pouvons donc estimer que ce montant est en partie tronqué, compte tenu des éléments qui devront être pris en compte au cours des prochains exercices.

Mme Fabienne Keller . - Le sujet de la SNCF est important, car dix milliards d'euros de dette sont déjà comptabilisés dans la dette maastrichtienne, mais la charge d'intérêts n'est pas assumée par l'État.

Pourrait-on avoir quelques précisions sur le CICE ? Je me souviens du travail de notre collègue Marie-France Beaufils, qui soulignait l'étalement dans le temps du remboursement de la créance. L'exercice 2019 sera à cet égard marqué par un choc, avec la conjonction du remboursement du CICE constaté au titre des années précédentes et de la baisse des cotisations sociales. Ce choc est-il bien pris en compte dans le programme de stabilité ? Ne peut-on pas imaginer que les entreprises chercheront à anticiper l'imputation de la créance de CICE dès 2019 ?

Il faut certes se féliciter de la sortie de la France de la procédure pour déficit public excessif, mais l'écart avec l'Allemagne doit nous interpeller. Quelle est l'hypothèse d'évolution de la dette des administrations publiques locales retenue dans le programme de stabilité ?

M. Marc Laménie . - La conclusion de l'exposé du rapporteur général est particulièrement sombre, avec le risque que près de soixante milliards d'euros ne soient pas pris en compte dans la trajectoire retenue par le programme de stabilité. La suppression totale de la taxe d'habitation comme la reprise éventuelle de la dette de SNCF Réseau sont autant de points d'interrogation.

Comment expliquer le redressement des comptes publics en Allemagne ? Pourquoi la France ne parvient-elle pas à en faire de même ?

M. Claude Raynal . - Une fois n'est pas coutume, je ne donnerai pas de coup de chapeau au gouvernement précédent, car le rapporteur général l'a déjà fait !

Je voudrais d'abord revenir sur les aléas qui ont été évoqués. C'est vrai qu'ils existent. Mais, le propre de l'économie est précisément d'être très sensible au contexte général. C'est ce qui rend l'exercice de projection en partie artificiel. La trajectoire nécessiterait presque d'être revue tous les six mois pour intégrer les évolutions rapides et brutales qui adviennent.

S'agissant de l'évolution de la dette, j'aimerais bien connaître la moyenne de la zone euro sans l'Allemagne. L'impact de l'Allemagne sur la moyenne de la dette publique au sein de la zone euro doit en effet être considérable et déformer la comparaison. Il faudrait donc pouvoir comparer la France avec les autres pays de la zone euro en neutralisant le cas particulier que constitue l'Allemagne.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - En comptabilisant la France et l'Allemagne dans la moyenne agrégée des pays de la zone euro, cela s'équilibre !

M. Claude Raynal . - S'agissant de la taxe d'habitation, la non comptabilisation du coût de dix milliards d'euros correspondant à sa suppression totale me paraît très claire. Cela signifie que ce coût n'est pas supporté par l'État ! Il y aura évidemment un impact pour les collectivités territoriales.

Par ailleurs, quel est l'impact de la baisse de la dépense publique sur la croissance ? Ce point est rarement regardé. L'avis du Haut Conseil des finances publiques comprend un développement intéressant sur la croissance effective et la croissance potentielle. Il est possible d'enregistrer une croissance effective supérieure à la croissance potentielle. Mais les politiques de baisse de la dépense publique peuvent affecter la croissance potentielle. Le Haut Conseil des finances publiques remet en cause les hypothèses retenues, tablant sur une croissance effective supérieure à la croissance potentielle au cours des cinq prochaines années. Cela veut dire que les hypothèses de croissance effective ne tiennent pas compte de l'impact de la baisse de la dépense publique sur la croissance potentielle. Or il y a évidemment un impact ! Le Haut Conseil des finances publiques souligne ainsi qu'il y a quelque chose dans la trajectoire qui ne fonctionne pas.

C'est pourquoi je vous alerte sur le discours récurrent du rapporteur général à propos de l'insuffisance des efforts structurels - alors même qu'il y en a eu sous le précédent Gouvernement et qu'il y en a encore aujourd'hui. Faisons attention qu'en renforçant les efforts de réduction de la dépense publique trop rapidement, nous n'ayons pas un impact négatif sur la croissance qui contribuerait à rendre le scénario encore moins réaliste !

M. Arnaud Bazin . - Sur la question de la reprise de la dette de la SNCF, je comprends que celle-ci aura un impact sur le déficit et détériorera le ratio d'endettement de la France, je me demandais cependant si les intérêts ne sont pas déjà payés par l'État via sa participation à l'équilibre financier de cette entreprise.

M. Jean-Marc Gabouty . - Sur le même sujet, les 60 milliards d'euros que vous évoquez correspondent à hauteur de plus de 46 milliards d'euros à la reprise de la dette de la SNCF. S'agissant des intérêts, la ministre a indiqué en séance que ceux-ci s'élèvent à 1,3 milliard d'euros par an. Or le taux d'intérêt apparent me semble élevé, puisqu'il est supérieur à 2,5 % par an. De nombreuses entreprises publiques ou collectivités territoriales bénéficient de taux d'intérêt moyens inférieurs à ce niveau. Je suis donc surpris par la gestion de la dette de la SNCF. Obtenir un taux d'intérêt de 2,5 % est aujourd'hui à la portée de n'importe quelle petite et moyenne entreprise (PME).

Les 46 milliards d'euros que vous évoquez ne figurent pas dans le document du Gouvernement. Cela signifie donc que les modalités ne sont pas encore arrêtées : cette reprise concernera-t-elle tout ou partie de la dette ? Les intérêts seront-ils toujours payés par SNCF réseau, ce qui me semblerait logique, seul le capital étant alors amorti par l'État ? La dette peut-elle être externalisée dans un organisme spécifique, avec un système d'amortissement et de participation annuelle de l'État ? De nombreux scénarios peuvent donc être examinés. La commission des finances pourrait, à cet égard, proposer un mécanisme pour la reprise de cette dette par l'État sans que cela ne pèse trop sur le ratio d'endettement, au regard des exigences européennes en particulier.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je suis frappé par le graphique comparant les trajectoires d'évolution de l'endettement en France, en Allemagne et dans la zone euro. Je constate que la trajectoire de la France a beaucoup divergé de celle de nos voisins et qu'un travail important reste à faire. Je suis également frappé par le graphique présentant le montant d'économies devant être réalisé pour tenir l'objectif d'évolution de la dépense publique. Pour paraphraser notre ancien collègue Jean-Pierre Raffarin, « la route est droite, mais la pente est forte ». Pour aboutir aux 81 milliards d'euros d'économies d'ici 2022, des programmes de réformes structurelles devront être conduits. Le rapporteur général indiquait tout à l'heure qu'on avait rompu avec le mécanisme du « rabot », mais on peut douter de la faisabilité de cet effort. La commission des finances pourrait peut-être proposer des pistes d'économies plus structurelles.

Le scénario présenté par le Gouvernement s'agissant notamment de l'impact d'une hausse des taux d'intérêt me semble optimiste. De même, il me semble qu'il ne faut pas sous-estimer certains risques : inflation, resserrement de la politique monétaire aux États-Unis...

M. Bernard Delcros . - Le tableau relatif à l'évolution de l'endettement montre qu'il y a urgence à réduire notre dette. Je partage ce qui a été dit sur le fait qu'il faudrait intégrer à la trajectoire des finances publiques la reprise de la dette de la SNCF - même si celle-ci n'est pas encore certaine - mais surtout la suppression de la taxe d'habitation, qui est plus certaine, soit entre 10 milliards d'euros et 14 milliards d'euros, selon le scénario retenu.

En revanche, je ne partage pas l'analyse de Claude Raynal : on ne peut pas mettre en parallèle les 10 milliards d'euros ou 14 milliards d'euros à trouver pour compenser la suppression de la taxe d'habitation et les 13 milliards d'euros de réduction des dépenses des collectivités territoriales, qui n'ont pas vocation à abonder les caisses de l'État.

Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut diminuer la dépense publique, mais nous demandons tous davantage de moyens, pour nos hôpitaux et nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; nous nous plaignons car des écoles ferment ; la loi de programmation militaire prévoit une hausse du budget des armées et tout le monde considère qu'il s'agit d'une nécessité, sans parler du logement social ou des collectivités territoriales, qui ont du mal à réduire leurs dépenses dans le cadre de la contractualisation... Comme Vincent Delahaye, je pense qu'il serait intéressant que la commission des finances travaille sur des pistes réalistes et crédibles pour réduire les dépenses publiques.

M. Gérard Longuet . - Le programme de stabilité est consternant s'agissant du volet « qualité des dépenses publiques ». Le Gouvernement prévoit une diminution des dépenses de l'État, mais cette baisse concerne en réalité les dépenses des partenaires de l'État : organismes de logement social, contrats aidés, collectivités territoriales, qui sont les seules à encaisser un effort considérable et qui ne pourra pas être durablement respecté. Les contrats passés avec les 322 collectivités territoriales mettent les élus locaux concernés dans une situation impossible. En revanche, quid des dépenses de l'État ? Je suis consterné de constater qu'un objectif de réduction de la dépense publique à hauteur de trois points de PIB d'ici 2022 - ce qui représente un montant proche de 70 milliards d'euros - soit affiché alors qu'au moment où nous parlons, il n'y a pas le début du commencement d'un programme clair d'économies. S'agissant de la fonction publique, la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) est à peine évoquée, alors qu'elle aboutira à une augmentation significative de la masse salariale. Au total, les économies imposées aux partenaires de l'État seront plafonnées car impossibles à réaliser si l'on veut que les collectivités territoriales assument leurs missions et que les organismes de logement social continuent de construire. L'État doit donc faire des efforts et ne pas vouloir tout et son contraire : le beurre, l'argent du beurre et le sourire des élus locaux...

M. Michel Canévet . - Je constate que la situation est plus dégradée que ce qui était envisagé dans la loi de programmation des finances publiques : le niveau de prélèvements obligatoires est ainsi supérieur aux hypothèses, de même que le niveau des dépenses publiques. Le bilan négatif laissé par le précédent Gouvernement accentue l'effort à réaliser. Je partage ce qu'a dit Bernard Delcros, il faudra travailler sur des pistes d'économies, qui ne sont pas faciles à trouver. Pour ce qui concerne les effectifs, j'ai compris que ce n'est pas sur l'éducation nationale, les armées et l'intérieur, qui représentent 80 % des effectifs de l'État, que l'effort portera mais sur la part infime qui reste.

Je souhaiterais savoir si les intérêts du grand emprunt sont bien pris en compte dans le déficit maastrichtien et s'il existe d'autres dépenses significatives qui ne sont pas intégrées dans la trajectoire et qui risquent de peser sur la situation de nos finances publiques.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pour répondre à Michel Canévet, les intérêts du grand emprunt sont bien intégrés dans le déficit au sens de Maastricht.

Je partage l'analyse de Gérard Longuet, il existe des incertitudes fortes sur la capacité du Gouvernement à atteindre les objectifs affichés en matière d'économies. J'ai évoqué des pistes. La masse salariale représentant 130 milliards d'euros et 40 % des dépenses de l'État, on ne pourra pas laisser ce sujet de côté. S'agissant de la réforme des retraites, il faudra nécessairement poser la question du report de l'âge de départ effectif. Il me semble en outre nécessaire de s'interroger sur les missions de l'État par rapport à celles exercées par les collectivités territoriales. Des doublons existent en matière de dépenses sociales, de gestion des routes, etc. Nous sommes tous rapporteurs spéciaux, chacun peut faire des propositions d'économies dans le champ couvert par son rapport budgétaire. Les réformes présentées dans le programme de stabilité sont, avant tout, technocratiques. Ce n'est pas parce qu'un comité composé de gens très savants est mis en place que cela aboutira à des économies. Il faut que cette question soit abordée avec une volonté politique réelle de s'attaquer aux vrais sujets. Jusqu'à présent les économies étaient portées par les ministères régaliens, on sait que cette marge n'existe plus. Or, dans le programme « Action publique 2022 », il est impossible de trouver un seul centime d'économie à ce stade. À l'inverse, l'accompagnement de la transformation des administrations nécessitera de mobiliser 700 millions d'euros...

Il y a effectivement de multiples aléas qui pèsent sur ces hypothèses de croissance, comme le soulignait tout à l'heure Claude Raynal. La prévision est un exercice difficile, notamment en économie. Vous connaissez l'aphorisme : les économistes ont été inventés pour que les météorologistes se sentent moins seuls ! C'est sans doute vrai.

S'agissant du taux d'endettement des pays de la zone euro, même en excluant la France et l'Allemagne, notre pays demeurerait plus endetté que la moyenne de nos voisins et naturellement plus que l'Allemagne.

Fabienne Keller m'a interrogé sur les effets de la transformation du CICE en baisse de charges : elle représentera un point de PIB de déficit supplémentaire en 2019, mais pour cette seule année.

Marc Laménie m'a interrogé sur les raisons qui font que l'Allemagne est plus sérieuse financièrement que la France : il faut nous entretenir avec Wolfgang Schäuble, qui était jusqu'à l'automne dernier ministre fédéral des finances. Il serait trop long de rentrer dans les détails, mais l'Allemagne a fait les efforts que nous n'avons pas faits.

Concernant la suppression totale de la taxe d'habitation, le Président de la République a indiqué qu'il n'y aurait pas de nouvel impôt pour financer cette mesure. Les résidences secondaires pourraient toutefois continuer à être taxées, ce qui représenterait une recette de 2,3 milliards d'euros, mais en tout état de cause il demeure un « trou » dont l'ampleur varie selon l'hypothèse retenue sur la dynamique de cette taxe.

Au sujet de la SNCF, je ne suis pas certain de l'opportunité de créer une structure de cantonnement de la dette. Le coût de financement de la SCNF est légèrement plus élevé que celui de l'État. Si la dette est reprise, l'État devra se substituer à la SNCF pour payer les intérêts. Sans parler des effets sur l'endettement et le déficit public.

Je m'étonne effectivement qu'un document présentant notre trajectoire budgétaire jusqu'en 2022 n'aborde pas ces deux questions. Je vous cite in extenso la réponse que le Gouvernement m'a faite sur la taxe d'habitation : « les travaux menés sur la suppression de la taxe d'habitation sont en cours » et « dans l'attente de leur conclusion et des propositions de la mission Bur-Richard sur la refonte de la fiscalité locale, le programme de stabilité n'intègre pas cette mesure ». Les réponses concernant la SNCF sont du même acabit : circulez, il n'y a rien à voir !

Je remarque par ailleurs que l'annonce des premières conclusions d'« Action publique 2022 » est repoussée. Nous aurions pu espérer des perspectives d'économies qui crédibilisent la trajectoire financière. Le Gouvernement évoque des pistes, comme la réforme de l'audiovisuel, mais on ne voit rien venir. Les pistes sont connues : réforme des retraites, missions de l'État par rapport aux collectivités territoriales, fonction publique, etc. Au demeurant, chaque rapporteur spécial peut faire des propositions d'économies dans son secteur.

En définitive, ce programme de stabilité présente de nombreuses incertitudes et nous pourrons ce soir interroger le Gouvernement sur ces points.

Mme Fabienne Keller . - Peut-être devrions-nous prévoir au sein de la commission un suivi particulier des points de vigilance que vous avez soulevés ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Soyez certaine que nous suivrons de façon très attentive chacun de ces sujets.

La commission a donné acte de sa communication à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page