SECONDE PARTIE - ANALYSE DE LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE

I. UN RETOUR DU DÉFICIT PUBLIC SOUS LE SEUIL DE 3 % DU PIB ESSENTIELLEMENT LIÉ À L'EMBELLIE CONJONCTURELLE ET NON À UNE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

L'actualisation du scénario macroéconomique à laquelle procède le Gouvernement dans le cadre du présent projet de programme de stabilité s'accompagne naturellement d'une évolution de ses objectifs en matière budgétaire - et ce d'autant plus que le résultat de l'exécution 2017 s'établit à un niveau significativement plus favorable qu'escompté, ouvrant ainsi la voie à une sortie de la France du volet correctif du pacte de stabilité à l'été.

Évolution de la trajectoire budgétaire du Gouvernement

(en points de PIB)

LPFP 2018-2022

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2017-2022

Prélèvements obligatoires

44,7

44,3

43,4

43,7

43,7

43,7

- 1,0

Dépense publique (*)

54,7

54,0

53,4

52,6

51,9

51,1

- 3,6

Solde nominal

- 2,9

- 2,8

- 2,9

- 1,5

- 0,9

- 0,3

2,6

Solde structurel

- 2,2

- 2,1

- 1,9

- 1,6

- 1,2

- 0,8

1,4

Dette publique

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

- 5,3

Programme de stabilité 2018-2022

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2017-2022

Prélèvements obligatoires

45,4

45,0

44,0

44,3

44,3

44,3

- 1,1

Dépense publique (*)

55,1

54,4

53,5

52,6

51,9

51,1

- 4,0

Solde nominal

- 2,6

- 2,3

- 2,4

- 0,9

- 0,3

0,3

2,9

Solde structurel

- 2,0

- 1,9

- 1,6

- 1,4

- 1,0

- 0,6

1,4

Dette publique

97,0

96,4

96,2

94,7

92,3

89,2

- 7,8

Note : (*) hors crédits d'impôts

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

A. LA FORTE RÉDUCTION DU DÉFICIT NOMINAL ENREGISTRÉE EN 2017 DEVRAIT PERMETTRE DE SORTIR DU VOLET CORRECTIF DU PACTE DE STABILITÉ

En 2017, le déficit nominal des administrations publiques atteint 2,6 % du PIB , soit un résultat supérieur de 0,3 point de PIB à la dernière prévision gouvernementale (2,9 % du PIB).

D'après les informations transmises à votre rapporteur général, il subsisterait toutefois une divergence d'appréciation entre l'Insee et Eurostat concernant le niveau du déficit 2017 liée au traitement comptable de la recapitalisation d'Areva, pour un montant de 0,1 point de PIB . Interrogé sur ce point, le Gouvernement a précisé que « dans son estimation du déficit 2017 publiée le 26 mars 2018, l'Insee a comptabilisé comme une dépense maastrichtienne l'augmentation de capital dans AREVA S.A. et l'offre publique de retrait, pour un montant total de 2,3 milliards d'euros. L'Insee a en revanche considéré que l'augmentation de capital d'Orano (ou New Areva) de 2,5 milliards d'euros constituait un investissement avisé : cette opération n'a donc pas d'impact sur le déficit public. Eurostat se prononcera sur les traitements retenus par l'Insee à l'occasion de sa publication "Déficit et dette publics" du 23 avril ».

D'après les données de l'Insee, il apparaît que l'amélioration du déficit public est portée par les administrations de sécurité sociale (- 7,3 milliards d'euros) et la sphère étatique (- 11,4 milliards d'euros). Ce constat ne traduit pas un relâchement de l'effort de consolidation de la part des collectivités territoriales. En effet, la dégradation du solde des administrations locales est « principalement due à la hausse de la formation brute de capitale fixe de 2,9 milliards d'euros » 22 ( * ) . Autrement dit, c'est la reprise de l'investissement local, en lien avec le cycle électoral, qui explique la situation atypique des finances locales.

En outre, la sphère locale présente pour la deuxième année consécutive un excédent (+ 0,8 milliard d'euros), contrairement à l'État (- 64,3 milliards d'euros). Les comptes sociaux sont également en excédent (+ 5,1 milliards d'euros), pour la première fois depuis 2008.

Solde budgétaire par sous-secteur

(en milliards d'euros)

2016

2017

État

- 73,8

- 64,3

Organismes divers d'administration centrale

- 2,9

- 1,0

Administrations publiques locales

3,0

0,8

Administrations de sécurité sociale

- 2,2

5,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

À l'échelle des administrations publiques, le niveau du déficit public pour 2017 permet en tout état de cause d' envisager sereinement une sortie du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance , dont la France relève depuis 2009.

À titre de rappel, ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB est une condition nécessaire mais pas suffisante pour sortir du volet correctif du pacte de stabilité. En effet, une décision sur l'existence d'un déficit excessif ne peut être abrogée « que si, selon les prévisions de la Commission européenne, le déficit ne dépasse pas la valeur de référence de 3 % du PIB prévue par le traité au cours de la période de prévision » 23 ( * ) .

Concrètement, sortir du volet correctif du pacte de stabilité exige ainsi non seulement que le déficit 2017 soit contenu à 3 % du PIB en exécution mais également que la Commission européenne estime que le déficit ne dépassera pas ce seuil en 2018 et en 2019 dans ses prévisions du printemps 2018.

Ainsi que l'avait relevé votre rapporteur général 24 ( * ) , une incertitude demeurait concernant l'exercice 2019 , marqué par la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, qui se traduira pour l'État par un surcoût temporaire d'environ un point de PIB 25 ( * ) . Du fait de cette bascule, le déficit « flirtait » avec le seuil de 3 % du PIB en 2019 dans la trajectoire gouvernementale de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, sans toutefois le dépasser (2,9 % du PIB), ce qui avait conduit le FMI à recommander au Gouvernement de lisser le coût de la transformation du CICE sur deux ans, en prévoyant une mise en oeuvre progressive des baisses de cotisations sociales 26 ( * ) .

Six mois plus tard, compte tenu de l'amélioration du contexte macroéconomique et des résultats de l'exécution 2017, il paraît désormais acquis que la France sortira du volet correctif du pacte de stabilité dès cette année.

Quand bien même la Commission européenne retiendrait un scénario macroéconomique et budgétaire moins favorable pour l'exercice 2019, sa prévision devrait rester inférieure au seuil de 3 % du PIB. En effet, dans la nouvelle trajectoire gouvernementale, le déficit public anticipé pour 2019 s'élève à 2,4 % du PIB, ce qui laisse une marge de sécurité très significative.

Comparaison de la trajectoire de solde public effectif

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)


* 22 Insee, Comptes nationaux des administrations publiques - année 2017, Compléments à l'information rapide n° 79 du 26 mars 2018.

* 23 « Spécifications relatives à la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance et lignes directrices concernant le contenu et la présentation des programmes de stabilité et de convergence », adoptées le 5 juillet 2016 par le comité économique et financier.

* 24 Rapport n° 56 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fait au nom de la commission des finances et déposé le 31 octobre 2017, p. 23 et s.

* 25 Le coût du CICE étant différé d'un an en comptabilité nationale, il se cumulera au cours de l'année 2019 avec celui de l'allègement pérenne de cotisations sociales patronales.

* 26 FMI, Rapport article IV du FMI sur la France, 2017, p. 17.

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