Rapport d'information n° 522 (2017-2018) de M. Gérard LONGUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 mai 2018

Disponible au format PDF (3,2 Moctets)


N° 522

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' enquête de la Cour des comptes sur le recours aux personnels contractuels dans l' éducation nationale ,

Par M. Gérard LONGUET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Mesdames, Messieurs,

Le 19 décembre 2016, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête portant sur le recours aux personnels contractuels dans l'éducation nationale .

Son initiative part d'un double constat :

- d'une part, la Cour des comptes, comme notre commission des finances, relève chaque année qu' un nombre important de personnels, de l'ordre de 85 000 équivalents temps plein (ETP), ne figure pas dans les documents budgétaires, ce qui nuit à l'information du Parlement ;

- d'autre part, alors qu'un objectif a été fixé dans la loi de refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 1 ( * ) de créer 54 000 postes dans l'éducation nationale entre 2012 et 2017, aucun bilan précis sur la manière dont ces postes ont été ou non pourvus n'est établi . Or votre rapporteur spécial a pu mesurer, à l'occasion de l'examen des différents projets de loi de règlement, les difficultés rencontrées par l'éducation nationale pour recruter des personnels titulaires . Ces postes ayant vocation à être in fine occupés, le ministère pallie cette situation en ayant recours aux heures supplémentaires et aux personnels non-titulaires.

Les observations de la Cour des comptes rejoignent dans une large mesure celles développées par votre rapporteur spécial dans le cadre de ses propres travaux . Il apparaît ainsi que si le recours aux contractuels constitue une nécessité fonctionnelle , l'éducation nationale n'étant pas, matériellement, en mesure de répondre à l'ensemble des besoins par le recrutement de titulaires, celle-ci ne semble pas s'être dotée d'une véritable doctrine d'emploi .

L'enquête de la Cour des comptes apporte en outre des éclairages nouveaux, qu'il s'agisse des données consolidées, tant au niveau des effectifs de contractuels que de la dépense, qui font cruellement défaut au Parlement , ou encore des conséquences concrètes pour l'éducation nationale de la politique d'inclusion scolaire .

Dans le prolongement des conclusions de cette enquête et de ses propres travaux, votre rapporteur spécial formule quatre propositions :

- modifier le décret de 2014 relatif aux obligations réglementaires de service des enseignants du second degré afin d'en annualiser le temps de travail ;

- renforcer le rôle de l'éducation nationale en matière de prescription d'aides individuelles en milieu scolaire , le cas échéant via la mise en place d'une procédure d'avis conforme , afin d'éviter d'éventuels excès ;

- mieux retracer les effectifs de non-titulaires et les dépenses afférentes au sein des documents budgétaires afin d'améliorer l'information du Parlement ;

- formaliser la procédure de recrutement des enseignants contractuels et en renforcer la formation initiale et continue .

1. Un recours croissant aux contractuels, qui s'est accéléré au cours des dernières années, et qui s'est étendu au premier degré

La Cour des comptes note que les effectifs de non-titulaires au sein de l'éducation nationale ont crû de manière significative au cours des dernières années, dénonçant une « croissance des effectifs non maîtrisée » .

Ceux-ci s'élevaient ainsi à 203 000 personnes pour l'année scolaire 2016-2017, contre 182 500 deux ans plus tôt .

S'agissant des enseignants, si le recours aux contractuels a longtemps été quasi exclusivement le fait de l'enseignement secondaire, depuis une dizaine d'années environ, il s'est étendu au premier degré . Leur nombre a ainsi été multiplié par plus de huit entre 2008-2009 et 2016-2017 , passant de moins de 300 à près de 2 500.

Ce phénomène concerne la quasi-totalité des académies, à l'exception de Caen, Clermont-Ferrand et Lille. Il convient cependant de relever que deux académies - Créteil et Versailles - concentrent à elles-seules plus de la moitié des effectifs d'enseignants contractuels (respectivement 33 % et 22 %) employés dans le premier degré .

Dans le second degré, le recours aux non-titulaires, quoique plus ancien, s'est accéléré depuis 2014 . Entre 2014-2015 et 2016-2017, le nombre d'enseignants contractuels dans le secondaire a ainsi crû de 11,5 %, passant de 28 364 à 31 624.

D'une manière générale, la Cour des comptes note que le recours aux contractuels est particulièrement important dans les territoires « moins attractifs ou dont les besoins augmentent rapidement » .

Outre une disparité géographique, des écarts peuvent être constatés entre les filières , la part des contractuels parmi les enseignants face aux élèves étant plus de deux fois supérieure dans l'enseignement professionnel que dans l'enseignement général et technologique (12,2 % contre 5 % en 2016).

S'agissant des personnels non-enseignants, quatre catégories doivent être distinguées :

- les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) , mis en place à compter de la rentrée 2014-2015. Fin 2017, les effectifs d'AESH s'élevaient à 42 000 personnes (soit environ 26 800 ETP) ;

- les contrats aidés (CUI-CAE) . Le nombre de personnes bénéficiaires d'un contrat aidé et affectées à l'accompagnement d'élèves en situation de handicap s'élevait quant à lui à 43 000 personnes (soit environ 25 000 ETP) ;

- les assistants d'éducation (AED) , qui exercent des missions très diversifiées (encadrement, surveillance, prévention sécurité, assistance pédagogique). Les effectifs d'AED ont globalement diminué au cours des cinq dernières années scolaires, passant de 50 871 ETP en 2012-2013 à 48 852 ETP en 2016-2017, soit une baisse de près de 4 % ;

- les volontaires du service civique , auxquels le ministère de l'éducation nationale a recours pour l'exercice de missions dans les cinq domaines thématiques suivants : santé, éducation pour tous, culture et loisirs, environnement, mémoire-citoyenneté. Le nombre de missions proposées par le ministère a crû de manière significative au cours des dernières années, passant de 5 000 en 2015 à 20 000 en 2017-2018 . Corrélativement, le nombre de volontaires a également nettement crû, passant de 3 609 en 2015-2016 à 8 174 entre 2016-2017 (+ 126,5 %) .

2. Une augmentation du nombre d'enseignants contractuels principalement liée à la perte d'attractivité du métier d'enseignant et aux rigidités du cadre de gestion des titulaires

Dans son enquête, la Cour des comptes identifie deux facteurs expliquant le recours croissant aux enseignants contractuels par le ministère de l'éducation nationale.

En premier lieu, elle relève que le métier d'enseignant « connaît une crise profonde » , qui « atteint désormais le concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) pourtant réputé plus attractif du fait de son caractère local ».

Le nombre de postes non pourvus s'est ainsi élevé à 1 232 dans le premier degré et à 10 000 dans le second degré entre 2008 et 2015 .

Logiquement, l'augmentation du recours aux non-titulaires apparaît plus importante dans les académies rencontrant le plus de difficultés à recruter, même si des écarts importants peuvent également être constatés au niveau infra-académique .

Évolution du nombre de contractuels depuis 2014-2015 par académie

Source : ministère de l'éducation nationale, académies métropolitaines, retraitement Cour des comptes

Il s'accroît également dans les disciplines pour lesquelles les difficultés de recrutement sont les plus importantes . Entre 2011 et 2016, la part des contractuels est ainsi passée de 2,8 % à 5,1 % en mathématiques, de 2,4 % à 3,5 % en lettres modernes et de 3,5 % à 4,5 % en anglais.

Certes, ainsi que l'a rappelé Édouard Geffray, directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale, lors de l'audition pour suite à donner, ces difficultés peuvent traduire un phénomène plus général de désaffection des étudiants pour certaines disciplines .

Votre rapporteur spécial considère cependant que cette situation résulte bien d'une dégradation de l'attractivité du métier d'enseignant, dans un contexte où la mastérisation, mise en oeuvre à compter de l'année scolaire 2010-2011, a eu pour conséquence de mettre en concurrence l'enseignement avec d'autres débouchés .

C'est pourquoi, dans un rapport sur les heures supplémentaires dans le second degré 2 ( * ) , votre rapporteur spécial appelait notamment à une revalorisation des grilles indiciaires en début et milieu de carrière afin de renforcer l'attractivité du métier d'enseignant, afin de lutter contre ce phénomène.

Ainsi que l'a rappelé Édouard Geffray, le ministère a pris plusieurs mesures, qui semblent aller dans le bon sens, afin de lutter contre ce phénomène (augmentation du nombre de pré-recrutements, qui passera de 1 500 personnes sur trois ans à 10 000, adaptation de la formation afin de « l'adapter aux réalités territoriales » et de « démythifier les angoisses auxquelles certains territoires peuvent être associés »).

Évolution des effectifs et du taux de contractuels pour certaines disciplines

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Mathématiques

1 013

2,8

1 276

3,5

1 482

4,1

1770

4,7

1 857

4,9

1 972

5,1

Espagnol

564

4,3

626

4,7

724

5,4

750

5,4

733

5,2

1 520

9,9

Anglais

982

3,2

1 111

3,7

1 189

3,9

1286

4,1

1 361

4,3

1 443

4,5

Lettres modernes

764

2,4

985

3,1

1 167

3,6

1269

3,8

1 415

4,1

1 222

3,5

Technologie

756

6,8

789

7,3

884

8,2

1061

9,9

1 203

11,4

1 119

11,2

Histoire-géographie

609

2,2

642

2,4

560

2,1

643

2,3

732

2,6

984

3,4

Sciences physiques

115

0,6

90

0,5

127

0,7

248

1,3

368

1,9

975

4,8

Toutes disciplines

19 500

5,5

18 787

5,3

18 968

5,4

19719

5,5

20 498

5,7

22 596

6,2

Source : Cour des comptes, d'après des données DEPP - BCP, Univers « Enseignants du second degré - Données individuelles »

En second lieu, la Cour des comptes estime que le cadre de gestion des enseignants titulaires est à l'origine de rigidités nécessitant d'avoir recours à des contractuels . Elle note ainsi que le système d'affectation , qui repose « essentiellement sur l'application de barèmes destinés à réguler les affectations dans les académies au niveau national puis dans les établissements au sein de chaque académie », « ne parvient pas à déployer la ressource enseignants sur tout le territoire et dans tous les établissements ». Ce système aboutit à ce que les territoires réputés les moins attractifs connaissent une surreprésentation de néo-titulaires et de contractuels .

Elle rappelle en outre que, dans le second degré, la gestion de la ressource enseignante est confrontée aux rigidités liées à la définition d'obligations réglementaires de service (ORS) sur une base hebdomadaire et non annuelle, alors que le recours aux heures supplémentaires est limité par la possibilité pour les chefs d'établissement de n'imposer aux enseignants qu'une seule heure supplémentaire année (HSA) 3 ( * ) par semaine.

Cette difficulté avait également été relevée par votre rapporteur spécial dans son rapport précité sur le recours aux heures supplémentaires dans le second degré . Il appelait en particulier à une modification du décret de 2014 4 ( * ) afin d' annualiser le temps de travail des enseignants . Une telle mesure permettrait de mieux adapter l'offre scolaire aux besoins, qui peuvent varier tout au long de l'année , diminuant d'autant le recours aux heures supplémentaires et aux personnels non-titulaires.

Proposition n° 1 : modifier le décret de 2014 relatif aux obligations réglementaires de service des enseignants du second degré afin d'en annualiser le temps de travail.

Enfin, la Cour des comptes estime que le principe selon lequel « tout enseignant absent est remplacé à l'identique afin de garantir la continuité de la qualité de l'enseignement aux élèves », sur lequel repose le système de remplacement, constitue une spécificité française et une source de rigidité . Elle note ainsi qu'en 2015, les effectifs des titulaires remplaçants s'élevaient à 65 000, représentant plus de 12 % des enseignants du premier degré et 7 % des enseignants du second degré.

Cette situation, conjuguée à une baisse des effectifs de titulaires remplaçants et à un faible rendement des concours de recrutement, s'est traduite, dans le second degré, par l'affectation d'une part importante des effectifs de remplaçants titulaires (environ les deux tiers) dès la rentrée scolaire , les rendant indisponibles pour « assurer des missions de remplacement et de suppléance en cours d'année » et nécessitant d'avoir recours à des personnels contractuels. En 2017, les non-titulaires représentaient ainsi 52,4 % des moyens mobilisés de remplacement et suppléance .

Afin d'améliorer les modalités de remplacement, le précédent Gouvernement 5 ( * ) a procédé à la réactivation des dispositions d'un décret de 2005 6 ( * ) , qui prévoient l'élaboration d'un protocole au sein de chaque établissement du second degré pour le remplacement de courte durée « qui en fixe les objectifs et les priorités ainsi que les principes et les modalités pratiques d'organisation propres à l'établissement » .

Lors de l'audition pour suite à donner, le recteur Daniel Filâtre a estimé que ces protocoles constituent « une aide » bienvenue pour les chefs d'établissement .

Votre rapporteur spécial partage cependant l'analyse de notre collègue Jean-Claude Carle, qui estimait, dans son rapport pour avis sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2018 7 ( * ) , que si « le principe édicté par ces protocoles est sain : en effet, le remplacement de courte durée doit être du ressort des établissements , [...] toutes les modalités de remplacement ne se valent pourtant pas ». Selon lui, il convient ainsi « de privilégier l'échange de services entre enseignants de la même classe et de disciplines différentes au recours à un enseignant peu au fait de la progression de la classe. Cette modalité est largement pratiquée dans l'enseignement agricole et dans l'enseignement privé sous contrat ; elle permet de garantir une continuité dans l'enseignement dispensé et dans le suivi de la classe. Elle nécessite toutefois une souplesse, qui fait aujourd'hui défaut, dans la définition des services des enseignants et des emplois du temps des élèves ».

Au cours de l'audition pour suite à donner, d'autres facteurs explicatifs ont été mis en avant par les personnes entendues tels que l'évolution de la démographie scolaire ou encore, comme l'a rappelé le recteur Daniel Filâtre, la mise en oeuvre de mesures à l'origine de besoins en ressources humaines ( droit au redoublement après un échec au baccalauréat 8 ( * ) , apprentissage d'une seconde langue vivante dès la classe de 5 e dans le cadre de la réforme du collège mise en place à la rentrée 2016, etc .).

3. Une croissance significative des contractuels non-enseignants portée par une politique d'inclusion scolaire volontariste

S'agissant des personnels non enseignants, la hausse du nombre de non-titulaires s'explique notamment par une politique d'inclusion de plus en plus active.

Ce mouvement a en outre été renforcé par l'élargissement au fil du temps du « spectre » du handicap .

Or la Cour des comptes relève que la « prescription échappe largement à l'institution scolaire ». En effet, si des différences peuvent être constatées selon les départements, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), chargées de prescrire des mesures d'accompagnement pour les enfants en situation de handicap, peuvent avoir tendance à privilégier l'aide individuelle au détriment de l'aide mutualisée. Or, comme le rappelle la Cour des comptes, « la prescription s'impose au ministère de l'éducation nationale qui doit recruter et financer l'accompagnement » et « le souhait d'optimiser les moyens d'accompagnement qui passe, pour le ministère de l'éducation nationale, par le développement notamment de l'aide mutualisée, n'est pas toujours compris et partagé par les membres de la CADPH ».

Ainsi que l'a rappelé Philippe Thurat, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires à la direction générale de l'enseignement scolaire, lors de l'audition pour suite à donner, actuellement, 57 % des prescriptions concernent des aides individuelles .

Par ailleurs, le nombre de prescriptions est passé de 42 000 en 2008 à 172 000 en mars 2018 . Au cours des dernières années, le rythme des prescriptions s'est en outre accéléré. En moyenne, 20 000 mesures d'accompagnement supplémentaires sont ainsi prescrites chaque année, nécessitant le recrutement de 6 000 ETP environ .

Édouard Geffray et Philippe Thurat ont indiqué que le ministère de l'éducation nationale a décidé de se pencher sur cette problématique en collaboration avec le ministère des solidarités et de la santé et les collectivités territoriales, afin de renforcer la place de l'accompagnement collectif . Par ailleurs, le ministre de l'éducation nationale a demandé à l'IGAENR et à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) en décembre 2017 de proposer des pistes d'évolution des procédures de prescription d'aides .

Votre rapporteur spécial s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur du développement de la scolarisation des élèves en situation de handicap , saluant les efforts menés par le précédent Gouvernement en la matière. Pour autant, et sans préjuger des conclusions des travaux en cours, il estime indispensable de renforcer le rôle du ministère de l'éducation nationale en matière de prescription en le dotant d'une voix prépondérante au sein des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, voire en allant jusqu'à la mise en place d'une procédure d'avis conforme .

Proposition n° 2 : renforcer le rôle de l'éducation nationale en matière de prescription d'aides individuelles en milieu scolaire, le cas échéant via la mise en place d'une procédure d'avis conforme, afin d'éviter d'éventuels excès.

4. Une dépense atteignant 3,7 milliards d'euros, qui devrait continuer de croître dans les années à venir, mais qui demeure mal identifiée dans les documents budgétaires

La Cour des comptes estime le coût lié au recours aux personnels contractuels à 3,7 milliards d'euros en 2016-2017, dont 1,9 milliard d'euros de titre 2 et 1,8 milliard d'euros hors titre 2. S'agissant du titre 2, la dépense apparaît particulièrement dynamique, la progression atteignant 26 % entre 2014-2015 et 2016-2017 .

Cette tendance est appelée à se poursuivre dans les années à venir .

Ainsi, s'agissant des contrats aidés, un plan a été décidé lors de la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016 devant se traduire par la transformation de 56 000 emplois de CUI-CAE 9 ( * ) en 32 000 ETP d'AESH sur cinq ans, pour un coût estimé à 570 millions d'euros .

Or, ainsi qu'il a été rappelé en introduction, le ministère de l'éducation nationale ne dispose pas d'une vision précise des effectifs de non-titulaires qu'il emploie .

Seuls les enseignants contractuels et une partie des AESH sont employés par l'État et rémunérés sur du titre 2 (dépenses de personnel). Les assistants d'éducation et certains AESH, employés directement par les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), ne sont pas placés sous plafond d'emplois ministériel et leurs rémunérations ne sont pas comptabilisées comme des dépenses de titre 2 . Or cette distinction « emporte des conséquences concrètes sur la faculté » à décompter les effectifs concernés. En effet, si les personnels sous titre 2 10 ( * ) sont pris en charge dans les systèmes d'information du ministère, les dépenses liées aux personnels hors titre 2 ne peuvent pas être consolidées au niveau national, le logiciel actuel (Gospel) n'étant « pas requêtable et unanimement utilisé » .

Par ailleurs, s'agissant du remplacement, la Cour des comptes note que les moyens sont « éparpillés » entre trois programmes budgétaires et que l'action « remplacement » de chacun de ces programmes n'intègre pas le coût du remplacement effectué par des « contractuels affectés sur poste provisoire ou vacant à l'année » .

Les dépenses inscrites au titre des actions 01 « Vie scolaire et éducation à la responsabilité » et 03 « Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap » du programme 230 « Vie de l'élève », qui rassemblent les crédits relatifs aux assistants d'éducation et aux accompagnements d'élèves en situation de handicap, n'intègrent en outre pas la totalité du coût des contrats aidés .

Sur un coût total estimé à 834 millions d'euros, seul un peu plus d'un tiers (307,4 millions d'euros) est retracé au sein de ces actions .

L'amélioration de la qualité des informations transmises au Parlement constituant une demande constante de votre rapporteur spécial, il ne peut par conséquent que partager le souhait de la Cour des comptes de mieux suivre les effectifs de non-titulaires et les dépenses afférentes .

Proposition n° 3 : mieux retracer les effectifs de non-titulaires et les dépenses afférentes au sein des documents budgétaires afin d'améliorer l'information du Parlement.

5. Une gestion insatisfaisante faute de définition d'une véritable doctrine d'emploi
a) Des responsabilités éclatées, à l'origine de lourdeurs administratives pour les établissements et les services de l'éducation nationale

Malgré des évolutions positives au cours des dernières années, les modalités de gestion des personnels non-titulaires demeurent complexes du fait de règles spécifiques à chaque catégorie et d'une multiplicité d'intervenants.

La Cour des comptes rappelle ainsi que seuls les EPLE, et non l'État, peuvent juridiquement employer des assistants d'éducation et des contrats aidés . De même, les directeurs d'école, qui n'ont pas le statut de chef d'établissement, n'ont juridiquement pas le droit d'embaucher ce type de contractuels. Aussi, « ces derniers sont recrutés et officiellement gérés par le chef d'un établissement du second degré désigné par le rectorat ». Cette situation aboutit à ce que les contractuels recrutés dans le premier degré soient placés sous l'autorité fonctionnelle du directeur d'école mais que, juridiquement, le chef de l'EPLE soit leur employeur .

Les services chargés de la gestion des AESH dépendent de la nature des missions pour lesquelles ils sont recrutés : directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) par délégation du recteur d'académie s'ils sont chargés d'une aide individuelle, EPLE ou DASEN par délégation du recteur d'académie pour l'exercice d'autres types d'aide.

Enfin, les règles de gestion applicables aux enseignants titulaires le sont également pour les contractuels . Ainsi, dans le second degré, les services du rectorat chargés de la gestion des remplaçants titulaires de plus de 15 jours sont aussi responsables de celle des non-titulaires. Dans le premier degré, la gestion des contractuels remplaçants est en principe du ressort des directions des services départementaux de l'éducation nationale (DSDEN), même si l'échelon académique s'implique de plus en plus du fait de l'augmentation des effectifs de non-titulaires.

Au total, la Cour des comptes note que « la gestion des contractuels est lourde et complexe pour les services académiques, départementaux et les chefs d'établissement ». Au niveau académique, les gestionnaires sont chargés du suivi d'un nombre élevé de remplaçants (300 en moyenne, dont la moitié de contractuels), compris entre 191 dans l'académie de Nice et 610 dans l'académie de Créteil .

b) Des mesures visant à sécuriser les parcours des personnels contractuels mais qui tendent, dans le même temps, à en rigidifier la gestion

Des mesures ont été prises tant au niveau national que local afin d'améliorer et de clarifier les conditions d'emploi des personnels non-titulaires de l'éducation nationale.

Dans l'académie de Versailles, des contrats de deux ans ont ainsi pu être proposés aux enseignants contractuels . Plus généralement, un nouveau cadre d'emploi a été mis en place 11 ( * ) pour les enseignants contractuels. En particulier, l'article 4 du décret n° 2016-1171 du 29 août 2016 relatif aux agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement, d'éducation et d'orientation dans les écoles, les établissements publics d'enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l'éducation nationale a précisé que les remplaçants contractuels peuvent être recrutés pour la totalité de l'année scolaire 12 ( * ) , ce qui s'est traduit par une diminution du recours aux contrats infra-annuels .

Le nombre de catégories utilisées comme référence pour le calcul de la rémunération a par ailleurs été diminué, passant de trois à deux . Selon la Cour des comptes, ce changement de grilles s'est traduit par un « effet global de revalorisation des rémunérations » .

Le temps de service des enseignants contractuels a par ailleurs été aligné sur celui des titulaires (24 heures hebdomadaires et 108 heures annuelles dans le premier degré, 18 heures hebdomadaires pour les certifiés, etc.).

Enfin, l'accès au CDI a été élargi pour les AESH et les enseignants remplaçants contractuels . Trois écueils sont cependant relevés par la Cour des comptes :

- ce mouvement ne concerne pas les assistants d'éducation , bien que cette exclusion n'apparaisse pas justifiée ;

- le nombre d'AESH et d'enseignants en CDI devrait croître compte tenu de l'augmentation du vivier . S'agissant des enseignants, la Cour des comptes relève que cette tendance « renforcerait la sédimentation géographique et aggraverait la situation des académies les moins attractives » ;

- ce phénomène pourrait se traduire par des tensions en gestion , du fait de la coexistence de deux populations importantes relevant de deux statuts juridiques distincts, et des risques de dérive budgétaire .

D'une manière générale, la Cour des comptes estime que si ce nouveau cadre de gestion « améliore nettement les conditions de travail des enseignants contractuels », « le ministère n'a pas saisi cette opportunité pour expérimenter un cadre de gestion souple qui aurait pu préfigurer d'éventuelles évolutions des conditions de travail des titulaires » , renforçant ainsi « globalement les rigidités de gestion des non-titulaires ».

c) Des procédures de recrutement hétérogènes, un déficit de formation qui peine à être comblé

Comme le montre le tableau ci-après, les niveaux de qualification requis et les processus de recrutement suivis diffèrent selon les catégories de personnels.

Niveaux de qualification requis et processus de recrutement suivis par catégorie de personnels

Catégorie

Niveau requis / exigences

Recruteurs

Enseignant remplaçant

- Niveau équivalent à celui exigé pour se présenter aux concours internes

- Expérience professionnelle en relation avec la discipline enseignée

- Statut de cadre dans les disciplines technologiques et professionnelles

Directeur des services départementaux de l'éducation nationale (premier degré) ou directeur académique des services de l'éducation nationale (second degré), par délégation du recteur d'académie

Assistant d'éducation

Diplôme de niveau III (équivalent bac +2)

Chefs d'établissement

Accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH)

- Diplôme professionnel dans le domaine de l'aide à la personne

- Expérience professionnelle antérieure de deux ans comme AVS en tant que contractuel du secteur public (CUI-CAE) ou employé par une association conventionnée avec l'État

CUI-CAE

Demandeurs d'emploi de longue ou très longue durée, bénéficiaires des minima sociaux

Détermination du contingent de contrats aidés par le préfet de département et le recteur.

Offre d'emploi transmise par un opérateur (généralement Pôle emploi).

Signature d'une convention par Pôle emploi et le chef d'établissement pour la prise en charge financière

Signature d'un contrat de travail entre le bénéficiaire et le chef d'établissement

Volontaires du service civique

Essentiellement sur la base de leur motivation

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données Cour des comptes

Or, ainsi que le rappelait votre rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 13 ( * ) , « dans un rapport de 2014 14 ( * ) , l'inspection générale de l'éducation et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche soulignaient les importantes limites du recours accru aux personnels contractuels, en particulier pour pallier la faiblesse des recrutements d'enseignants. Selon ce rapport, les procédures suivies varient d'un rectorat à l'autre : recrutement sur CV et entretien individuel avec un inspecteur ou simple contact téléphonique. Les niveaux exigés peuvent également varier en fonction de l'importance du déficit de recrutement. Certains candidats peuvent être retenus malgré un avis défavorable des corps d'inspection, l'objectif consistant parfois davantage à assurer une présence qu'à proposer un véritable enseignement disciplinaire ».

Il apparaît par conséquent indispensable que le ministère définisse un socle de règles communes à l'ensemble des académies en matière de procédure recrutement . Celles-ci pourraient s'inspirer des bonnes pratiques déjà mises en oeuvre dans certaines académies. Lors de l'audition pour suite à donner, le recteur Daniel Filâtre a ainsi rappelé que l'académie de Versailles a défini un cadre pour le recrutement d'enseignants contractuels : organisation de rencontres avec Pôle emploi et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), réunions dans les bassins d'emploi, production de documents rappelant, pour chaque discipline, les attendus de la fonction d'enseignant, mise en place d'une mission « sourcing / reporting » permettant d'identifier des viviers de recrutement, etc.

Les contractuels de l'éducation nationale souffrent en outre d' un important déficit de formation .

En effet, si, comme l'ensemble des contractuels de droits publics, les personnels non-titulaires de l'éducation bénéficient d'un droit à la formation, dans les faits, celui-ci a peu été mis en oeuvre .

Comme le note la Cour des comptes, « les remplaçants arrivaient souvent dans les établissements et se trouvaient face aux classes sans préparation, parfois sans maîtriser le programme ». Bien que tardive, une amorce de réponse a été apportée par le ministère de l'éducation nationale, l'article 12 du décret du 29 août 2016 précité prévoyant que « les agents contractuels régis par le présent décret bénéficient d'une formation d'adaptation à l'emploi selon leur parcours professionnel antérieur et, en tant que de besoin, d'un accompagnement par un tuteur ».

S'agissant des assistants d'éducation, si la réglementation prévoit un droit général à la formation, celui-ci n'est pas quantifié (à l'exception des assistants en charge de la prévention et de la sécurité). La Cour des comptes précise ainsi que « dans un échantillon de trois académies, la proportion d'assitants d'éducation formés en 2016-2017 est inférieur à 10 % ».

Enfin, à la suite de nombreux contentieux liés à la non-observation des obligations incombant à l'employeur en matière de formation, qui se sont traduits par la condamnation de plusieurs chefs d'établissement aux prud'hommes, une formation a été commandée à l'institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés au profit des AESH nouvellement nommés.

Au total, en 2015 et 2016, les dépenses réalisées en faveur de la formation des AE, AESH et CUI-CAE se sont avérées très inférieures aux prévisions (respectivement 8 millions d'euros et 8,4 millions d'euros pour des prévisions s'établissant à 11,4 millions d'euros et 15,2 millions d'euros).

Votre rapporteur spécial estime que les efforts entrepris en matière de formation, initiale comme continue, des personnels non-titulaires doivent être poursuivis . Les initiatives prises par l'académie de Versailles en la matière - se traduisant par la mise en place d'un protocole d'accueil pendant au moins deux jours, la mise à disposition de ressources pédagogiques, ou encore la mise en place d'un tutorat pendant trois mois - peuvent constituer autant de pistes qu'il pourrait être envisagé de généraliser à l'ensemble du territoire .

Proposition n° 4 : formaliser la procédure de recrutement des enseignants contractuels et en renforcer la formation initiale et continue.

TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION POUR SUITE À DONNER

Réunie le 30 mai 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a procédé à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le recours aux personnels contractuels dans l'éducation nationale.

M. Vincent Éblé , président . - Nous allons procéder à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de notre commission en application de l'article 58 paragraphe 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur le recours aux personnels contractuels dans l'éducation nationale.

Nous avons donc le plaisir de recevoir Sophie Moati, présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes, qui nous présentera les principales conclusions de cette enquête.

Sont également présents, outre les magistrats qui accompagnent Mme Moati, Daniel Filâtre, recteur de l'académie de Versailles, Édouard Geffray, directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale, et Philippe Thurat, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires à la direction générale de l'enseignement scolaire.

Après avoir entendu la présidente Sophie Moati, Gérard Longuet, rapporteur spécial, présentera les principaux enseignements qu'il tire de cette enquête. Il posera également ses premières questions aux différentes personnes entendues ce matin.

À l'issue de nos débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.

Je vous rappelle que notre réunion est ouverte à la presse et retransmise sur le site Internet du Sénat.

Je laisse donc la parole à Sophie Moati pour nous présenter les principales conclusions des travaux menés par la Cour des comptes.

Mme Sophie Moati, présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes . - Je vous remercie de cette invitation à vous présenter les travaux que votre commission a demandé à la Cour des comptes d'effectuer sur le recours aux personnels contractuels par le ministère de l'éducation nationale. Je suis accompagnée pour ce faire d'André Barbé, président de section à la troisième chambre, et de Sylvie Vergnet, rapporteur de la présente enquête, tous deux conseillers maîtres.

Le recours aux contractuels par le ministère de l'éducation nationale a pris depuis quelque temps une ampleur croissante, au point de devenir un enjeu significatif de pilotage des effectifs de l'éducation nationale. Or le Parlement est peu éclairé sur ce sujet, bien qu'il vote des plafonds d'emplois en croissance continue, car ces plafonds d'emplois n'incorporent qu'une partie des contractuels employés.

Aussi les enjeux d'un sujet désormais structurel pour la gestion du système éducatif n'apparaissent pas pleinement lors des débats sur la mission interministérielle « Enseignement scolaire » (MIES).

De qui parle-t-on ? L'enquête de la Cour des comptes s'est concentrée sur les personnels en lien direct avec la mission éducative du ministère de l'éducation nationale, à l'exclusion des agents contractuels employés à des tâches de nature administrative ou technique. Elle couvre donc quatre catégories : enseignants contractuels, assistants d'éducation (AED) et accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), contrats aidés (CUI-CAE), et s'attache exclusivement à l'enseignement public.

Pour l'année scolaire 2016-2017, l'effectif de ces personnels s'élevait à 203 000 personnes physiques, dont un tiers environ de contrats aidés de droit privé. Rapportés aux fonctions exercées, un cinquième environ de ces contractuels enseignent, un tiers font de l'assistance éducative - anciens « pions » et maîtres d'internat -, et les autres assurent l'accompagnement en milieu scolaire des élèves en situation de handicap.

Nous vous présentons donc un rapport au contenu technique charpenté, conformément à sa vocation d'information du Parlement, mais qui pose des questions très politiques, ordonnées autour de trois axes.

Premier axe : le Parlement est mal informé parce que le ministère ne s'est pas doté des outils de connaissance exacte des effectifs et des coûts de ces agents.

Deuxième axe : les modes de gestion des personnels enseignants et d'assistance éducative poussent à l'extension continue des contractuels : qu'il s'agisse des contractuels enseignants ou de ceux qui assistent les élèves en situation de handicap, des tendances lourdes sont à l'oeuvre pour accroître leur nombre, car l'administration n'a ni assoupli le mode de gestion des enseignants ni anticipé les conséquences de la montée d'exigence d'inclusion scolaire.

Troisième axe : confronté à un recours massif et indispensable aux agents non titulaires, le ministère de l'éducation nationale a partiellement stabilisé leur vivier au prix d'une rigidification de leur mode de gestion, susceptible de créer des tensions futures humaines et financières. Une doctrine d'emploi serait nécessaire selon nous.

Je reviendrai brièvement sur chacun des points.

Premièrement, la connaissance des effectifs et du coût des contractuels reste très imparfaite.

Concernant leur nombre, tout d'abord, le ministère de l'éducation nationale, premier employeur de la fonction publique d'État - son plafond d'emploi est supérieur à un million d'équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2017 -, est également le premier employeur de contractuels, soit directement dans ses services déconcentrés, soit dans les établissements publics - établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), collèges et lycées.

Cet effectif augmente non seulement en termes absolus mais aussi en termes relatifs au sein de l'ensemble des non-titulaires de l'État. Cette double tendance n'est pas immédiatement perceptible car l'enregistrement des contractuels est incomplet.

D'une part, une partie des contractuels n'apparaissent pas dans le plafond d'emplois ministériel. Les AESH étaient jusqu'à il y a peu tous rémunérés sur des dépenses hors titre 2. La demande réitérée de la Cour des comptes de les intégrer n'a été que partiellement entendue. Les nouveaux emplois d'AESH prévus par le plan d'insertion de 2016 des enfants handicapés - 32 000 postes à partir de 56 000 contrats aidés - sont placés sous plafond d'emploi, mais non pas les autres, qui restent hors titre 2.

D'autre part, les contractuels employés par les EPLE, soit plus de 50 000 assistants d'éducation et environ 70 000 contrats aidés, sur la base des chiffres de 2017, n'apparaissent qu'indirectement dans le budget du ministère à travers les subventions aux établissements qui financent leur rémunération.

Aussi la Cour des comptes recommande de placer tous les personnels du ministère de l'éducation nationale relevant de l'assistance éducative sous plafond d'emplois, quitte à prévoir un plafond d'emplois spécifique.

Concernant leur coût, la situation n'est pas meilleure. La masse salariale des contractuels non-enseignants est en principe identifiable au sein du programme 230 consacré à la vie scolaire, même si elle ne couvre qu'une partie du coût total des contrats aidés, de l'ordre de 30 % alors que 70 % sont portés par la mission « Travail et emploi ».

En revanche, et malgré l'existence d'actions spécifiques intitulées « remplacement » pour le premier degré, au sein du programme 140, et le second degré, au sein du programme 141, le coût du remplacement par des contractuels n'est pas mesuré. En effet, les critères d'affectation des rémunérations à ces actions sont complexes et croisent plusieurs aspects, amplement décrits dans le rapport.

Au total, il est impossible de connaître le coût des contractuels enseignants dans les documents budgétaires, sauf à se livrer, comme l'a fait la Cour des comptes, à une analyse des bases de données de paye fournies par la direction générale des finances publiques (DGFiP).

La Cour des comptes a chiffré la dépense totale pour les emplois contractuels à 3,7 milliards d'euros, soit environ 5 % des crédits de la MIES hors enseignement agricole.

Pour cette raison, elle préconise de modifier les critères d'affectation budgétaire et de paramétrer les nouveaux systèmes d'information, notamment le système d'information et de gestion des ressources humaines de l'éducation nationale (SIRHEN), pour qu'ils consolident l'information afin de mesurer le coût du remplacement et de la suppléance et de produire une information complète au Parlement

Deuxième axe de nos analyses : des tendances lourdes, non maîtrisées, parfois non maîtrisables par le ministère, entretiennent la croissance du nombre des contractuels.

Tout d'abord, la progression des enseignants non titulaires s'explique par l'effet cumulé de la perte d'attractivité du métier d'enseignant et des défauts du mode de gestion du remplacement.

Dans le premier degré, où les contractuels sont traditionnellement quasi inexistants, leur nombre augmente depuis quelques années : 1 329 en 2014-2015, 2 420 en 2016-2017. Dans le second degré, où le recours aux contractuels a toujours permis d'ajuster géographiquement et par discipline la ressource enseignante aux besoins des élèves, surtout dans l'enseignement professionnel, la croissance est continue.

Nous constatons que depuis 2016, pour assurer le remplacement des enseignants, les contractuels sont devenus plus nombreux que les titulaires dans les établissements publics du second degré.

Cette place grandissante s'explique par les rigidités du « remplacement à la française ». Il exige de remplacer un enseignant absent par une sorte « clone » - même formation, mêmes contraintes d'obligations réglementaires de service, en mettant en réserve une partie des enseignants titulaires.

Or la perte d'attractivité du métier d'enseignant ne permet plus de disposer d'effectifs de nouveaux enseignants en nombre suffisant pour pourvoir les postes à la rentrée, ce qui oblige à utiliser la force de remplacement dès le début de l'année scolaire.

La situation est devenue particulièrement critique dans les académies peu attractives et, dans certaines disciplines du second degré, comme les mathématiques, les lettres, ou l'anglais. Comme la Cour des comptes l'a fortement souligné dans son dernier rapport public thématique sur le sujet, les règles de gestion des enseignants ne facilitent pas la résolution en interne de ce problème : la mission de remplacement n'a pas été inscrite dans les obligations de service des enseignants. Ces obligations restent hebdomadaires dans le second degré. Aussi la Cour des comptes recommande-t-elle à nouveau d'assouplir le cadre de gestion des enseignants titulaires.

En second lieu, l'objectif d'une école plus inclusive nécessite un nombre croissant d'intervenants dans un dispositif de prescription de l'accompagnement scolaire que le ministère de l'éducation nationale ne maîtrise pas.

Les prescriptions d'assistance éducative émanent d'une commission départementale dans laquelle l'éducation nationale est représentée et à laquelle elle fournit des éléments d'appréciation, mais qui s'imposent à elle. Or la tendance à étendre le périmètre du handicap, légitimement poussée par les familles et le mouvement associatif et peu régulée par les autres membres de la commission, a fait croître le besoin d'assistance éducative de 60 % entre 2012 et 2016, avec de fortes disparités d'une commission à l'autre, certaines ne retenant que l'accompagnement dit individualisé - un contractuel pour un enfant scolarisé à temps partiel - et ne prescrivant jamais d'accompagnement collectif. Je vous renvoie à ce sujet aux cartes figurant dans le rapport.

L'éducation nationale est parvenue à répondre à plus de 95 % du besoin, en mobilisant des contractuels AESH et en affectant les deux tiers de son contingent annuel de contrats aidés à cette mission, parfois dans des conditions difficiles. En 2017, les deux contingents, exprimés en ETPT, s'équilibraient pratiquement.

Cet équilibre précaire est potentiellement remis en question par la suppression des contrats aidés, même si un contingent spécifique de 30 000 contrats aidés subsiste en 2018 par dérogation pour le ministère de l'éducation nationale.

Pour maîtriser cette situation de tension, la Cour des comptes préconise de faire évoluer ce dispositif pour qu'il soit mieux régulé, afin de rapprocher prescripteur, financeurs et services chargés de la mise en oeuvre. Elle recommande également de réserver aux AESH la mission d'assistance aux enfants handicapés, de mieux les former et de simplifier leur gestion.

Troisième axe autour duquel s'ordonnent nos analyses : face à la montée de ces effectifs, les pouvoirs publics n'ont pris que des initiatives limitées qui, dans l'ensemble, rigidifient la gestion des contractuels, au risque de poser des problèmes dans les années à venir.

En premier lieu, pour stabiliser le vivier des contractuels et harmoniser les règles entre académies, un décret de 2016 a rénové le cadre d'emploi des remplaçants contractuels en s'appuyant sur les pratiques développées dans les académies soumises à une forte pression pour trouver des contractuels.

Désormais, le contrat annuel est généralisé, les règles relatives au niveau de recrutement sont assouplies en cas d'insuffisance du nombre de candidats, le régime de rémunération est simplifié, le principe d'une formation et d'une évaluation tous les trois ans est introduit. Si ces modifications améliorent la situation des contractuels et sécurisent le vivier des académies, elles rapprochent la situation des contractuels de celle des titulaires. Ainsi, les obligations réglementaires de service (ORS) du remplaçant contractuel sont alignées sur celles de la personne remplacée, répliquant alors nombre des contraintes de leurs conditions d'emploi.

De leur côté, les rectorats qui gèrent au quotidien les contractuels accentuent souvent cette tendance en leur appliquant les règles d'affectation des titulaires : en recueillant par exemple leurs voeux géographiques.

En second lieu, un plan de transformation des contrats aidés en AESH décidé dans le cadre de la conférence nationale du handicap a conduit le ministère de l'éducation nationale à accroître le nombre de ces assistants spécialisés. À l'horizon 2020, 32 000 postes de nouveaux AESH résulteront de la transformation de 56 000 contrats aidés.

Ces deux mutations récentes ont pour conséquence de pérenniser la présence des contractuels et de permettre la « CDIsation » d'une proportion croissante d'entre eux. Le nombre d'agents en CDI pourrait atteindre 80 000. Seuls les assistants d'éducation échappent encore réglementairement à cette possibilité.

De plus, concernant les enseignants contractuels, on peut attendre de l'amélioration de leurs conditions d'emploi qu'ils se présentent moins qu'auparavant aux concours d'enseignement du second degré qui pourraient les éloigner de l'académie où ils enseignent. Par ailleurs, le rapprochement de leurs conditions d'emploi avec celles des titulaires n'est pas achevé : la formation au métier en particulier se met en place peu à peu dans les académies sans aucune homogénéité et reste très éloignée de celle acquise dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPé).

Ces facteurs, qui certes contribuent à améliorer la fluidité des recrutements et des conditions d'emploi des contractuels, auront des effets budgétaires. La Cour des comptes a souligné que la dépense pour les emplois contractuels avait crû de 13 % en trois ans. À elle seule, la montée en puissance des AESH représente au terme du plan prévu un coût supplémentaire d'environ 570 millions d'euros pour le ministère de l'éducation nationale.

Tous ces éléments plaident en faveur de la mise en place d'une doctrine d'emploi.

Le ministère a prioritairement cherché à stabiliser une population contractuelle de plus en plus nécessaire à l'exercice de sa mission éducative, à défaut de réformes profondes des conditions d'emplois des enseignants.

C'est une des analyses que la Cour des comptes avait déjà développées concernant la gestion des enseignants, mais la coexistence quasi structurelle et massive de deux catégories d'agents nécessiterait selon nous une vision plus globale et une véritable prospective.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Je voudrais tout d'abord remercier la Cour des comptes et particulièrement sa présidente, Sophie Moati, ainsi que son équipe de la troisième chambre, pour la qualité de leur travail qui apporte notamment une réponse à une interrogation permanente et durable de notre commission des finances sur la difficile gestion des effectifs de l'enseignement secondaire, qui constitue l'un des principaux programmes au sein du budget de l'État.

Outre son impact budgétaire, il s'agit d'un impact de société particulièrement sensible sur lequel, nous, élus locaux, sommes alertés par les parents avec lesquels nous sommes en relation permanente et avec les chefs d'établissement, qui nous expriment leurs difficultés et leurs inquiétudes, mais aussi parfois - heureusement - leurs espoirs.

Pour l'essentiel, le rapporteur spécial que je suis partage totalement l'analyse de la Cour des comptes. Je voudrais souligner, parce que c'est une longue histoire, que le développement des contractuels dans la fonction publique apparaît souvent - et à mon avis à tort - comme une sorte de défaut structurel du statut de la fonction publique.

Je pense en réalité qu'il existe un certain nombre de secteurs d'activité où la contractualisation apporte des réponses à des problèmes immédiats et presque violents par leur importance, ou qui n'ont pas été prévus. C'est l'inscription dans le temps qui pose problème. Elle démontre que nous ne sommes pas en mesure d'apporter des réponses appropriées.

Or vous démontrez, madame la présidente, la très forte croissance des effectifs de contractuels, la diversité et l'opacité de leur gestion.

Si le recours aux contractuels est un signal d'alarme de telle ou telle difficulté, à partir du moment où l'on ne connaît ni les chiffres ni les modalités, l'alerte ne peut fonctionner.

Je vous remercie d'être entrée dans le détail et d'avoir « débusqué » les 85 000 ETP qui n'apparaissaient pas dans le plafond d'emplois de notre beau ministère de l'éducation nationale.

Vous avez évoqué les tendances de fond, mais je les rappelle pour nos collègues, car elles sont très importantes.

Dans l'enseignement secondaire - et malheureusement désormais, apparemment, dans l'enseignement primaire - nous connaissons une perte d'emplois ressentie particulièrement dans certaines régions. Ceci nous pose un problème majeur. La réponse contractuelle est indispensable, mais c'est une interpellation forte à laquelle nous devons nous efforcer de répondre.

Certains phénomènes sont propres à l'éducation nationale et au statut des enseignants. Nous les connaissons bien, puisque nous avons déjà travaillé sur ces sujets : il s'agit en particulier du décret de 2014, qui a défini les délégations de service des enseignants du secondaire, mais qui n'a pas eu l'audace d'aller vers ce que réclame la commission des finances, c'est-à-dire l'annualisation du temps de travail, afin de donner aux chefs d'établissement - qui n'ont souvent de chefs que le titre - la possibilité de gérer le remplacement avec plus d'autorité.

Le phénomène de la perte d'attractivité de certaines disciplines, comme les mathématiques, l'anglais ou le français, aboutit, dans certaines académies, à ce que les remplaçants contractuels deviennent des quasi-titulaires permanents.

Dans d'autres établissements, la question des remplacements, qui pourrait être traitée via, par exemple, la bivalence - mais ceci est un autre sujet - ne parvient pas à être gérée de manière satisfaisante.

Un second sujet explique l'augmentation des personnels contractuels - et peut-être la commission des affaires sociales pourrait-elle nous aider dans l'évaluation du problème : il s'agit des élèves handicapés et de la définition du handicap.

Vous avez souligné dans votre rapport - et c'est pour nous une valeur ajoutée de votre travail - l'extraordinaire diversité des décisions des commissions départementales chargées de savoir si un élève handicapé doit ou non bénéficier d'un accompagnement.

Or les réponses des commissions sont extraordinairement différentes et, comme vous l'avez rappelé - je pense que le directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale le sait mieux que quiconque - le taux de mobilisation est très variable d'un département à l'autre. Nous avons des demandes d'accompagnement individuel systématiques et d'autres qui sont mutualisées, les assistants pouvant s'organiser pour travailler avec plusieurs élèves.

Un autre sujet pèse toutefois sur la mobilisation de l'enseignement inclusif, qui doit permettre de faire en sorte que les enfants handicapés fréquentent l'école : en effet, la définition du handicap varie et s'élargit à des handicaps qui ne sont pas les handicaps habituels auquel nous étions confrontés.

On peut penser que c'est une bonne évolution, puisque cela permet de soutenir toutes les « défaillances » possibles. Il faut peut-être se demander si certaines ressortent véritablement du statut du handicap. C'est un sujet sur lequel je me garderai de trancher, compte tenu de la sensibilité de la question et de la compétence que cela requiert.

Se pose alors une question simple : faut-il vivre avec les contractuels ou imaginer qu'ils vont disparaître ? Je considère qu'on vivra avec eux. C'est une nécessité fonctionnelle, pour toutes sortes de raisons.

Vous en avez évoqué une, très forte : les règles applicables aux titulaires supposent la mobilité nationale. Certains candidats, qui sont sans doute d'excellents enseignants et qui en ont la formation ou la volonté, n'ont pas d'appétit pour la mobilité nationale et se résignent ou acceptent le statut contractuel - parfois même le recherchent - parce qu'ils y trouvent un enracinement géographique qui correspond à leurs convictions et à leur mode de vie.

Le sujet qui se pose à nous est le suivant : faut-il considérer que les contractuels sont des serviteurs du service public d'une nature différente qui doivent garder leur souplesse et leur singularité, ou constituent-ils des quasi fonctionnaires ayant vocation à rejoindre le statut et, s'ils ne le rejoignent pas, à être employés comme les statutaires ? Ceci trahirait selon moi le statut et le contrat, mais c'est une tendance sociologique assez forte.

Je m'adresserai ici au directeur général des ressources humaines du ministère : comment le ministre - qui connaît à la fois le terrain et les problèmes - pense-t-il gérer ces contractuels ? Veut-il les rapprocher du statut général ou considère-t-il au contraire que leur singularité doit être maintenue ?

Ceci m'amène à évoquer des questions plus précises.

Je voudrais interroger Édouard Geffray sur les pistes étudiées par le ministère pour essayer de reprendre la main dans l'accompagnement des élèves handicapés. Recherche-t-on une norme nationale ou accepte-t-on l'idée que l'éducation nationale n'est pas compétente dans ce domaine, laissant les commissions départementales choisir selon leurs habitudes ?

Je me tourne à présent vers le recteur Daniel Filâtre au sujet de l'académie de Versailles. Vous faites plutôt mieux que d'autres académies, sans doute parce que vous avez été confrontés plus tôt aux difficultés. Il serait intéressant que vous nous présentiez les mesures que vous avez prises en matière de recrutement de contractuels, parfois surprenant pour ceux qui ont une image assez traditionnelle de l'éducation nationale et qui s'aperçoivent que Pôle emploi est un pourvoyeur pour l'enseignement de nos chers enfants, pour lesquels on souhaite naturellement le meilleur.

Je voudrais également savoir, me tournant à nouveau vers la direction générale des ressources humaines du ministère, si les expériences de certaines académies pourraient être transposées au plan national, y compris en termes de recrutement et de formation.

Je n'évoquerai pas la question de la mutualisation des fonctions de paye, même si la Cour des comptes a travaillé sur ce sujet. C'est ainsi qu'on a pu « débusquer » les 85 000 ETP que j'évoquais. Cela a toujours été le cas dans l'administration d'État. Lorsque j'étais sous-préfet, c'était le cas des cantonniers qui réparaient les routes, mais qui ne relevaient pas du statut de la fonction publique. Ici, nous avons des « pions » qui sont gérés sur des crédits qu'il faut retrouver...

J'adresse ma dernière question au ministère : considère-t-il que les contractuels sont un mal nécessaire ou une opportunité qu'il faut organiser ?

M. Édouard Geffray, directeur général des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale . - Je suis d'accord avec ce qui a été dit ici au sujet des nombreuses lacunes ou défaillances qui ont été pointées dans ce rapport, et contre lesquelles l'administration essaiera de lutter davantage encore grâce à l'éclairage que vient d'apporter la Cour des comptes.

Toutefois, l'attractivité passe aussi par la capacité à porter un regard positif sur le système scolaire. Pouvoir positionner 850 000 professeurs face à 13 millions d'élèves, quasiment sans « trou », fût-ce en recourant aux contractuels, constitue en soi une performance qui contribue à valoriser les enseignants, la valorisation étant un élément clé de l'attractivité.

Le fait que l'institution sait répondre à 95 % du besoin d'élèves en situation de handicap, cette cause ayant été identifiée comme priorité nationale de ce quinquennat, dans le prolongement de priorités déjà affirmées précédemment, fait également partie de l'attractivité du métier. Cette performance mérite à bien des égards d'être saluée.

J'ai rejoint le ministère assez récemment : j'y vois ce qui s'y fait de manière très opérationnelle, sur le terrain et de façon centrale. Pour partager quotidiennement la vie de ceux qui y travaillent, je trouve qu'il s'agit d'un ministère capable de performances assez remarquables.

Cela étant dit, certains constats établis par la Cour des comptes méritent d'être approfondis et constituent autant de pistes de réflexion, qui rejoignent d'ailleurs en grande partie celles du ministère.

Comme l'a très bien dit la Cour des comptes, il s'agit d'un environnement contraint. J'ajouterai aux deux principales contraintes que sont le handicap et le recrutement, celle liée à l'évolution de la démographie des élèves.

En effet, les variations importantes, sur dix ou quinze ans, impliquent de s'adapter à la démographie des élèves. Nous pouvons avoir besoin de recrutements relativement massifs, comme durant la période que l'on vient de traverser et avoir, de manière assez mécanique, plus de mal à trouver des personnes de bon niveau.

La période dans laquelle nous entrons désormais, au niveau du premier degré, s'est traduite cette année, en raison de la réduction progressive du nombre de naissances et grâce au fait que l'on a réussi à ajuster les ressources humaines aux besoins de manière suffisante, par une relative décrue du nombre de recrutements et, par conséquent, par une légère baisse de la tension.

C'est un élément mi-conjoncturel, mi-structurel, au sens où ces courants viennent très directement jouer sur notre capacité à agir et sur notre besoin de contractuels.

Ceci étant, nous avons un problème d'attractivité globale de certaines disciplines, pas seulement pour ce qui est des fonctions d'enseignant.

Je me permets d'indiquer que 150 000 personnes s'inscrivent chaque année aux concours de l'enseignement qui sont ouverts, soit une personne sur cinq par génération. Je ne connais pas beaucoup d'employeurs qui, en France, peuvent prétendre la même chose !

Le problème d'attractivité ne porte donc pas forcément sur le coeur de métier mais se traduit principalement par deux effets, l'un en matière géographique, l'autre touchant les disciplines.

Nous avons un problème géographique avec les académies dites en tension, principalement Versailles, Créteil et Amiens, et un problème de tension sur certaines disciplines qui, au niveau universitaire, attirent moins, comme les mathématiques ou les langues vivantes.

Lorsque vous n'arrivez pas à satisfaire le besoin, vous devez mécaniquement recourir aux contractuels. C'est assez difficile à contrecarrer. On travaille donc pour ce faire dans plusieurs directions.

La première direction, c'est le prérecrutement. Il existe aujourd'hui des dispositifs de prérecrutement, d'apprentissage au niveau de la deuxième année de licence et de la troisième année de licence, et des contrats en alternance au niveau de la première année du master « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF). Ces dispositifs sont aujourd'hui quantitativement insuffisants. Ils représentent environ 500 personnes par an.

La volonté du ministre est de massifier le prérecrutement. Ces contractuels en contrat à durée déterminée - qu'on appelle les AED - ont vocation à mettre un pied dans les fonctions d'enseignement et, progressivement, à développer des capacités en échange d'une rémunération adaptée leur permettant d'être ensuite accompagnés jusqu'au concours.

Il y a deux intérêts à cela. Le premier, c'est de permettre à des personnes de poursuivre leurs études alors qu'elles n'auraient pas forcément eu l'opportunité de le faire, notamment sur le plan financier.

Le deuxième intérêt est de permettre d'entrer progressivement dans le métier et d'avoir une qualification qui garantit ensuite un bien meilleur niveau.

Nous avons ouvert ce chantier et allons bientôt entamer la concertation avec les organisations syndicales.

Selon nos projections, 10 000 personnes pourraient être concernées par ce dispositif contre 1 500 aujourd'hui sur trois ans, ce qui serait considérable et permettrait de répondre à ces besoins, notamment en permettant de lisser les disciplines en tension.

En second lieu, au stade du recrutement et de la formation, nous avons lancé des travaux qui vont déboucher au cours des prochains mois sur une adaptation de la formation des enseignants afin que celle soit plus adaptée aux réalités territoriales, permette de mieux préparer à la réalité du métier, pour démythifier une partie des angoisses auxquelles certains territoires peuvent être associés dans l'esprit des jeunes professeurs.

Le troisième élément concerne la formation continue des enseignants, titulaires ou contractuels. Nous avons également ouvert un chantier sur ce sujet. Il en existe un certain nombre, relayés entre eux par un agenda social présenté par le ministre le 16 mai dernier en comité technique ministériel.

Nous travaillons sur le continuum entre prérecrutement, formation initiale, formation au cours des trois premières années, et formation continue pour renforcer l'attractivité des métiers et la capacité des intéressés à faire face à leur mission.

Ces dispositifs, notamment la formation continue, ont bien sûr vocation à bénéficier aux contractuels. Ces derniers ne constituent pas une population stable : beaucoup réussissent les concours internes. Nous avons par ailleurs instauré des règles de barème permettant de stabiliser les contractuels devenus professeurs sur leur académie par le biais des CAPES internes.

Ce travail sera perfectionné dans le prolongement des recommandations de la Cour des comptes. Il est d'ores et déjà entamé.

Enfin, nous sommes en train d'adapter la fonction ressources humaines (RH) du ministère et lançons une expérimentation à laquelle la moitié des académies environ se sont engagées à participer autour de ce que nous avons appelé une gestion de ressources humaines (GRH) de proximité.

L'idée est de territorialiser l'accompagnement humain, l'identification et le travail sur les viviers, l'une des difficultés étant en effet de trouver des viviers locaux. Il n'est pas toujours aisé de trouver des contractuels dans certaines disciplines et dans certaines zones. Cela suppose une connaissance fine du territoire et de créer des viviers locaux dans lesquels on puisse puiser, voire auprès desquels on puisse faire également la publicité de nos concours de recrutement.

On est en train de mettre en oeuvre cette fonction RH de proximité par redéploiement d'effectifs, dans un contexte où le ratio gérant-géré de l'éducation nationale, le plus faible de toutes les administrations de ce pays, correspond au tiers de la moyenne du reste de l'administration de l'État.

Le ministère est donc très efficace, mais malheureusement assez peu, pour des raisons de moyens, dans l'accompagnement des personnels et dans le travail sur les viviers.

Les choses sont donc en train d'être repensées, pour transformer ce qui est parfois une contrainte en opportunité réelle - pour répondre à la question de Gérard Longuet - opportunité réelle qui correspond aussi, en matière d'enseignants, à une évolution de la perception des métiers.

Le critère géographique était invoqué pour expliquer que les contractuels le demeurent parfois pour éviter la mobilité. Dans les académies de Créteil et de Versailles, ce n'est pas forcément le cas.

En revanche, on a de plus en plus de profils qui ne souhaitent pas être contractuels ad vitam aeternam . Certaines personnes ne sont pas sûres de vouloir s'engager en tant que professeur durant 42 ans. Elles se voient bien occuper un poste de contractuel durant quelques années, avant de changer à nouveau, d'où le flux au niveau du concours interne.

Cela correspond à une réalité qui fait que les jeunes générations se pensent bien plus en mode « carrefour » qu'en mode « tunnel ». Être capable de construire des carrières en mode carrefour et démontrer qu'il existe ensuite des opportunités permet aussi d'agir durablement.

Toutes ces actions entreprises dans le prolongement, pour certaines, des recommandations de la Cour des comptes et, pour d'autres, en complément de celles-ci devraient permettre, à l'horizon de trois ans, de modifier les choses.

J'en viens à la question du remplacement. Il s'agit évidemment d'un enjeu majeur, presque d'un enjeu de continuité du service public de l'enseignement auquel on doit faire face, sachant que les besoins de remplacement correspondent à des réalités très différentes.

La majorité concerne des congés maladies ponctuels ou de plus long terme. L'autre partie correspond notamment à la question des formations, lesquelles sont nécessaires pour maintenir l'attractivité et la capacité à enseigner.

Tout d'abord, nous avons relancé en mars 2017 l'application d'un protocole qui date de 2005 et qui permettait de mobiliser dans chaque établissement les enseignants pour des remplacements d'une durée inférieure à 15 jours, dans la limite d'un certain nombre d'heures supplémentaires par semaine et d'un volume horaire par année.

Ces protocoles étaient tombés en déshérence. Ils ont été réactivés en mars 2017. Nous allons tirer le bilan en fin d'année de l'efficacité de ce dispositif, qui constitue un premier élément de réponse à l'échelle des établissements et des professeurs.

Par ailleurs, les titulaires de zone de remplacement (TZR) assuraient historiquement des remplacements de longue durée. Nous avons desserré cette contrainte pour qu'ils puissent également effectuer des remplacements de courte durée. Aujourd'hui, on considère qu'environ 20 000 heures de remplacement de courte durée sont assurées par des TZR.

Troisième élément, nous avons, en termes de facilité de gestion, levé la contrainte territoriale de ces mêmes TZR. Désormais, leur échelon d'intervention est le département et non plus la circonscription, ce qui permet une mobilité plus forte.

Enfin, nous travaillons également sur les outils. Quand une école nous appelle à 8 heures le matin en demandant qu'on remplace un professeur, il faut trouver celui-ci dans les 24 heures ou les 48 heures. Or on est parfois un peu faible en termes d'outils permettant de géolocaliser la ressource la plus proche et de l'affecter. Il existe des applications pour localiser les taxis, mais nous n'avons pas l'équivalent aujourd'hui. Nous y travaillons donc.

Un travail a été entamé avec le ministère des affaires sociales et sera élargi aux conseils départementaux à propos de l'accompagnement individuel. On voit bien que ce n'est pas toujours l'instrument le plus opportun. Il peut l'être pour des handicaps très lourds, mais il ne l'est pas de manière systématique, loin de là. Le travail qui va être mené ne le sera pas tant dans une logique de réduction du nombre de personnels que de stabilisation d'un dispositif qui croît à grande vitesse, d'efficacité d'accompagnement des enfants et d'adaptation à une ressource qui, pour être qualifiée, ne doit pas être excessivement abondante.

Philippe Thurat sera plus qualifié que moi pour répondre sur ce point...

M. Philippe Thurat, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires à la direction générale de l'enseignement scolaire . - La direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) partage tout à fait le constat de la Cour des comptes relatif à l'augmentation extrêmement forte de la prescription d'accompagnement, notamment individuel.

En 2008, 42 000 élèves bénéficiaient d'une prescription d'accompagnement par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Lors du dernier constat à notre disposition, qui remonte à fin mars 2018, nous en enregistrions 172 000.

Je ne reviendrai pas sur la performance quotidienne des services académiques qui, à tout moment de l'année et en tout point du territoire, font en sorte de couvrir 95 % des demandes.

Le ministère, comme le relève la Cour des comptes, a pu jusqu'à présent budgétairement faire face à cette augmentation qu'on ne retrouve dans nul autre domaine. Le programme 230, sans entrer dans les débats sur le schéma d'emplois, rend compte assez précisément des effectifs mobilisés. À fin mars, on mobilisait plus de 33 000 ETP d'AESH, auxquels il fallait ajouter 43 000 CUI-CAE.

57 % des 172 000 prescriptions concernent des aides individuelles. Elles posent, au-delà de la question budgétaire, pour prolonger ce que disait Édouard Geffray, la question de la ressource humaine que représentent les AESH. Ce sont des services dont la durée atteint 8 heures à 12 heures maximum.

Les académies ont à faire face à des difficultés en termes de dialogue social, la moyenne des rémunérations, compte tenu de ce découpage, s'élevant à 600 euros environ.

Au-delà de la « CDIsation », notre problème immédiat est d'arriver à prioriser l'accompagnement collectif et mutualisé. L'accompagnement mutualisé stagne depuis plusieurs années à hauteur de 43 %.

Le ministre a sollicité en décembre dernier une enquête et un audit de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) concernant une révision de la chaîne de prescription, l'identification des modalités et la façon de les revoir.

Le ministre souhaite recentrer l'accompagnement du handicap autour de l'établissement, que la référence ne soit plus la prescription individuelle, mais la réponse organisée en priorité par l'établissement, une réponse qui serait plutôt collective et mutualisée et, à défaut, s'agissant des handicaps les plus lourds ou qui posent le plus de difficultés, d'offrir un accompagnement individuel.

Notre réponse est en effet aujourd'hui majoritairement individuelle. Elle pose des problèmes budgétaires. La Cour des comptes le relève : on a stabilisé les choses grâce à la transformation des contrats aidés en emplois d'AESH, pour lesquels on va abaisser les exigences de temps en termes de contrats aidés, voire de diplômes. On va l'ouvrir au bac général, ce qui va nous permettre de tenir le plan de transformation des 11 200 CUI-CAE par an en 6 400 AESH avec, dans la programmation budgétaire actuelle, sous réserve de ce qui sera inscrit dans le projet de loi de finances pour 2019, la programmation annuelle de 4 500 ETP supplémentaires d'AESH hors titre 2.

20 000 élèves de plus par an bénéficient d'une prescription, ce qui implique la mobilisation de 6 000 ETP.

Il a été demandé à l'IGAS et à l'IGAENR de proposer une révision du mode de prescription. Ce travail est bien engagé. Une première réunion interministérielle a déjà eu lieu. La réponse au développement de l'inclusion ne peut seulement être la mobilisation et l'affectation d'AESH. Il s'agit aussi de mobiliser des équipes techniques, comme il en existe dans le médico-social.

Gérard Longuet a souligné l'extension du périmètre du handicap. Il existe un phénomène de société et une demande d'accompagnement du handicap, avec une extension de son périmètre. Il faut aussi répondre aux difficultés que connaît le médico-social face aux demandes de scolarisation dans les établissements médico-sociaux.

Un travail est mené avec le secrétariat d'État aux personnes handicapées pour réaliser l'opération d'adossement des équipes du médico-social à l'inclusion scolaire, où il existe une forte demande. C'est un travail interministériel dont doivent bénéficier les écoles et les collèges.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Pensez-vous que cette double enquête puisse proposer la mise en place d'une procédure d'avis conforme ?

Dans les commissions départementales, l'éducation nationale ne représente en effet qu'une voix parmi d'autres...

M. Philippe Thurat . - La réponse n'est pas aisée. J'ai en effet des éléments de ce rapport, mais celui-ci n'est pas publié. On examine les possibilités réglementaires d'offrir une réponse préalable avant saisine des MDPH. Je ne puis aller plus loin dans ma réponse.

M. Vincent Éblé , président . - Monsieur Filâtre, peut-être pouvez-vous nous présenter la situation de l'académie de Versailles - même si elle n'est peut-être pas représentative de la grande diversité des académies.

M. Daniel Filâtre, recteur de l'académie de Versailles . - Je n'en suis pas si sûr. Versailles représente 10 % de tous les effectifs scolaires de France. Il s'agit d'une grande académie avec une grande variété de situations.

1 150 000 élèves, sans les étudiants, 91 000 salariés titulaires ou contractuels, quatre départements correspondant chacun à la population d'une académie - le plus petit, l'Essonne, comptant plus d'élèves que treize académies de France : le premier sujet est d'avoir des professeurs devant les élèves. On s'efforce d'y arriver à 100 % chaque jour, y compris en matière de prise en charge des besoins spécifiques, notamment des élèves en situation de handicap.

J'ai lu le rapport de la Cour des comptes avec intérêt. Je ne saurais le commenter, mais je vais donner de la chair à tout cela. La chair, ce sont des femmes et des hommes que l'on doit mobiliser en toute sécurité devant des élèves. On aimerait savoir combien il y aura d'élèves à chaque rentrée, mais c'est totalement impossible.

Les prévisionnistes, l'INSEE, les départements, la région, nos propres services, ne sont pas d'accord entre eux. L'outil parfait n'existe pas.

La discussion relative à l'attractivité des postes de professeurs constitue le sujet majeur de tous les pays de l'OCDE : comment attirer des professeurs de qualité vers le métier d'enseignant ? Notre situation est nettement moins grave que celle du Royaume-Uni, par exemple, qui est en très grande difficulté, notamment s'agissant du premier degré.

Notre pays bénéficie d'un taux de natalité élevé. Nous devons donc accueillir un nombre d'élèves important, ce qui n'est pas le cas d'autres pays outre-Rhin, outre-Pyrénées ou de l'autre côté des Alpes, où la situation n'est pas du tout la même. La France doit faire face au défi de l'attractivité tout en tenant compte de cet apport démographique. S'ajoutent, sur l'ouest francilien, les mobilités migratoires, avec la prise en charge des familles.

La carrière enseignante a par ailleurs totalement changé de nature. Il existe un flux linéaire ordinaire de jeunes gens en troisième année de licence qui souhaitent être professeur des écoles ou professeur d'anglais, et d'autres apports, comme les secondes carrières immédiates et autres. Nous pouvons accueillir des professeurs et les perdre. Dans des domaines où l'on est parvenu à recruter des contractuels, on découvre que deux titulaires partent parce qu'ils ont un accord de mobilité internationale pour trois ans.

Leur seule préoccupation est de savoir s'ils devront repasser le concours à leur retour ou non. C'est très significatif des stratégies de carrière auxquelles nous sommes confrontés, comme le sont d'autres secteurs d'activité - bâtiment, finance, etc.

Nous recrutons au niveau master - et c'est très bien. Nous sommes donc en concurrence avec les autres secteurs professionnels qui ont les mêmes difficultés dans l'ouest francilien.

Il ne vous étonnera pas que, lorsqu'on m'a confié la responsabilité de l'académie, ce sujet constituait un problème. J'ai proposé qu'on fasse une chance du fait que Versailles n'attire pas assez et que l'académie connaisse des difficultés pour recruter suffisamment de professeurs en essayant de construire, dans les années qui viennent, une « académie de formation ». Des jeunes viennent chez nous - et des moins jeunes - y apprendre le métier de professeur. Nous allons servir d'autres académies de France ou d'autres secteurs d'activité.

Au début de l'année 2016, nous savions que nous n'arriverions pas à assurer la rentrée avec les dotations de fonctionnaires, notamment de néo-titulaires et de stagiaires.

Trois incertitudes se présentaient alors : la progression démographique, surtout dans l'Essonne et encore plus dans le Val-d'Oise concernant le premier degré, la montée en effectifs de ce qu'on a appelé le « baby-boom 2000 », qui englobe plusieurs années, et la mesure concernant le droit à redoublement, notamment l'année de terminale. Il y a actuellement 68 000 élèves en terminale. Environ 10 à 15 % n'auront pas le baccalauréat et auront le droit de redoubler.

Face à cette incertitude, six mesures ont été prises dans le cadre d'une doctrine générale qui rejoint ce qui vient d'être présenté par Édouard Geffray.

La première mesure consiste à ne pas laisser les chefs d'établissement faire paraître des annonces d'offres d'emploi. Ce n'est pas ainsi que fonctionne notre secteur. Il s'agit d'avoir une réunion au plus haut niveau, avec moi, Pôle emploi et le directeur régional du travail, afin d'étudier les moyens pour sécuriser ce besoin.

Cette situation inhabituelle nous a permis de mettre en place des réunions dans les bassins d'emploi et de retrouver une gestion de ressources humaines de proximité. Il existe 24 bassins d'emploi dans l'ouest francilien.

Ces réunions attirent beaucoup de personnes. Elles ont lieu à des horaires permettant à tout le monde de venir. Cela conduit à des dépôts de CV, aussi bien pour le premier degré que pour le second. Ceux-ci sont ensuite étudiés par nos inspecteurs. Des contacts seront pris par la suite.

La deuxième mesure consiste à mettre en place une mission sourcing reporting . Cela peut sembler étonnant. Pour sécuriser une rentrée, il faut rechercher de potentiels enseignants. C'est ce que nous avons mis en place en février 2017, avec une particularité du fait de la réforme du collège qui, ramenant la première langue vivante en cinquième, nous mettait en difficulté concernant l'espagnol.

Nous avons opéré des recrutements en Espagne, en y envoyant des inspecteurs et des inspectrices. Nous avons accueilli des collègues espagnols titulaires, maîtrisant parfaitement les deux langues, ayant la compétence de professeur mais confrontés, du fait de la baisse de natalité espagnole, à un manque d'emplois d'enseignants dans ce secteur.

La troisième mesure consiste à anticiper les recrutements et les affectations.

Gérard Longuet a rappelé le désarroi des chefs d'établissement. Il s'agit de procéder à des recrutements de contractuels avant la rentrée, en mai-juin, pour préparer ces recrutements et les confirmer dès que nous disposons du schéma d'emplois qui nous est attribué par le ministère.

Il faut que tout ceci soit calé avant le 20 juillet, de telle sorte que les professeurs contractuels que nous allons recruter sachent où ils vont.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Quand recevez-vous ce schéma d'emplois ?

M. Daniel Filâtre . - On a en fait un schéma d'emplois et un schéma de ressources humaines. Nous préparons donc le schéma d'emplois entre novembre et janvier. Nous sommes informés des mouvements de personnels à partir de la présente période jusqu'au 10 juillet.

Les entretiens de prérecrutement de contractuels sont réalisés en juin par les corps d'inspection - ou par les inspecteurs de l'éducation nationale (IEN) dans les départements - et vont démarrer discipline par discipline. Les contrats sont conclus en juillet afin de sécuriser l'emploi au 1 er septembre.

La quatrième série de mesures porte sur la fidélisation des contractuels, dont les contrats sont renouvelés pour une durée de deux ans, et sur la revalorisation des rémunérations, que Sophie Moati a, je crois, évoquée.

La cinquième mesure sur laquelle travaillent mes équipes concerne l'accueil et la formation. Nous avons expérimenté l'an dernier avec Pôle emploi l'immersion en établissement durant trois jours, en juin, de demandeurs d'emploi ayant les compétences nécessaires et intéressés par le fait de devenirs contractuels. Cela permet à ces personnes comme à nous-mêmes de nous assurer que le projet est solide.

Durant trois jours, le candidat - ou la candidate, car ce sont souvent des femmes - va pouvoir intégrer un établissement. Un protocole d'accueil en établissement est prévu lorsque la personne est nommée. Le contractuel ne fait pas cours durant au moins deux jours et passe dans les classes.

Des ressources pédagogiques et des parcours de formation sont mis à disposition. Depuis la rentrée dernière, j'ai désigné un tuteur rémunéré qui accompagne durant trois mois le contractuel qui arrive dans notre académie. Le tuteur le suit comme s'il s'agissait d'un professeur stagiaire.

Cette mise à disposition de ressources numériques et de parcours de formation consiste à consolider certaines fragilités - le but d'un recteur est d'avoir des professeurs et d'éviter tout ce qui ne va pas dans les classes - et à conduire les personnes qui le souhaitent vers le concours.

Enfin, une lettre d'information bimestrielle numérique cherche à les fidéliser, leur permettant de poser des questions et d'obtenir des informations d'ordre pédagogique et administratif.

Plus de 4 172 candidats dans le second degré et environ 700 dans le premier degré préparent le concours.

Nous sommes enfin très engagés dans la préprofessionnalisation. Nous avons « en stock » 224 étudiants apprentis professeurs (EAP), massivement pour le premier degré, que nous préparons à entrer dans le métier, et 150 alternants de première année.

Je terminerai sur l'adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés. C'est un dossier très difficile. Nous n'avons en effet pas la main sur la prescription et sommes mal représentés dans les commissions MDPH.

Nous ne sommes pas en mesure de faire facilement face aux demandes de prise en charge des élèves en situation de handicap. L'augmentation est forte et les demandes des familles légitimes. L'Essonne est le département qui m'a posé le plus de problèmes cette année. Un cadre conventionnel doit être proposé devant l'assemblée départementale en attendant les évolutions nationales. Il devrait renforcer le travail en commun entre l'éducation nationale et le département.

Nous avons à peu près 6 000 assistants auprès des élèves en situation de handicap ou ayant un besoin spécifique. C'est beaucoup. 3 300 d'entre eux ont un statut d'AESH, et assurent principalement un accompagnement individuel, les autres étant sous contrats aidés.

S'agissant du premier degré, je trouve l'éducation nationale très réactive, et ce rapport nous aide à réfléchir.

Je voudrais donner un exemple de la difficulté à recruter : nous n'épuisons pas les emplois qui nous sont proposés pour le premier degré. Recruter 1 750 emplois de niveau master pour l'ouest francilien chaque année est extrêmement dur. Nous ne pouvons pas dégrader le niveau de recrutement d'un fonctionnaire. 90 % de ceux que nous avons recrutés seront titularisés. Il faut leur faire acquérir les compétences nécessaires dans ce difficile métier de polyvalence et de prise en charge de tous les élèves, la nation demandant une école inclusive.

Durant les trois dernières, j'ai régulièrement manqué d'une centaine de personnes sur les trois voies de concours. Nous avons, de fait, recruté des contractuels, mais nous nous sommes mis d'accord l'an dernier avec la DGRH pour ouvrir, comme cela a été le cas à Créteil, le deuxième concours.

L'enjeu est d'élargir les bassins de recrutement des professeurs, comme pour le deuxième concours. Nous attirons ainsi les candidats des autres académies qui n'ont pas été retenus et passons à 2 000 recrutements, dont 1 750 sur le concours ordinaire et 250 à côté.

Les recrutements de l'an dernier pour le concours de professeurs des écoles s'établissent selon une courbe de Gauss. Nous recrutons de bons enseignants, mais nous n'avons pas le nombre de candidats suffisant qui vont jusqu'à la fin des épreuves de recrutement, d'où l'importance du prérecrutement et de sélectionner des contractuels de façon sérieuse pour les conduire de manière durable, s'ils le souhaitent, vers le métier d'enseignant.

M. Antoine Lefèvre . - Comme l'a dit Édouard Geffray, remplacer un professeur au pied levé suppose un véritable vivier - et l'expérience de l'académie de Versailles fournit des pistes de travail.

Les contractuels de l'éducation nationale devaient être indemnisés par Pôle emploi à partir de 2018 et non plus par les rectorats. Où en est-on ? Cela a-t-il amélioré les délais d'indemnisation des agents concernés ?

M. Philippe Dallier . - Je voulais revenir sur les disparités territoriales que vous avez évoquées. Avez-vous des chiffres par département ? Les disparités sont-elles si criantes dans les territoires particulièrement difficiles ?

Je vais ici à nouveau évoquer le cas du département de la Seine-Saint-Denis. Nos collègues députés vont rendre cette semaine un rapport selon lequel le mieux doté des collèges de Seine-Saint-Denis est moins bien doté que le moins bien doté des collèges parisiens, dès lors que l'on ne regarde pas les chiffres sur le papier mais les heures de cours effectivement dispensées. Ceci laisse penser que le recours aux contractuels doit y être plus important, à condition qu'on en trouve.

Monsieur le recteur, vous nous avez indiqué que vous alliez avoir recours à un second concours. La Seine-Saint-Denis se sentira moins seule ! Lorsqu'on nous avait annoncé il y a quelque temps que, pour essayer de résoudre le problème de recrutement d'enseignants, on allait créer ce deuxième concours, je l'avais assez mal pris dans le principe, considérant qu'il s'agissait là d'une drôle de discrimination positive !

Vous dites que vous faites aujourd'hui la même chose : cela me soulage, mais je m'inquiète vraiment pour ce département, notamment sous l'angle de l'enseignement, car si on n'arrive pas à améliorer les choses, on ne réglera rien au bout du compte.

M. Vincent Delahaye . - Je ne suis pas étonné du manque de transparence qui a été souligné, que l'on rencontre également dans d'autres domaines, comme celui de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), sujet sur lequel je travaille actuellement, alors qu'on demande dans le même temps aux élus la plus grande transparence ! J'aimerais que l'on puisse avoir des éléments plus précis qui nous permettent de juger des choses au plus près.

Combien enregistre-t-on de recrutements de contractuels dans les domaines de l'informatique et du numérique ? Prend-on des mesures pour éviter le départ des contractuels vers le privé, notamment dans certaines sociétés américaines, dont on a entendu parler récemment ? Je pense qu'il existe des dispositions contractuelles que l'on peut inclure pour éviter ce phénomène...

M. Michel Canévet . - Parmi les effectifs comptabilisés, compte-t-on aussi ceux des différents réseaux scolaires qui participent au service public de l'éducation ?

Les conclusions de la Cour des comptes rejoignent nombre d'observations que l'on peut formuler sur le terrain, comme la difficulté, pour certains enseignants, d'intégrer des enfants en situation de handicap compte tenu des effectifs d'appoint alloués par les MDPH et l'éducation nationale.

Ces personnels ne sont pas toujours formés et n'ont pas forcément la capacité de prendre en charge les élèves pour qu'ils s'intègrent dans les classes.

Certains enfants sont accueillis en début d'année et les effectifs d'accompagnement n'arrivent qu'en cours d'année, l'enseignant se retrouvant en très grande difficulté, gérer une classe qui compte des enfants atteints de troubles comportementaux posant en effet d'énormes problèmes.

Je pense que les propositions du ministre tendant à accroître le nombre d'AESH doivent permettre d'apporter une première réponse. Cela amènera des personnels ayant plus de compétences et d'expérience - mais la formation est absolument nécessaire pour assurer une bonne prise en charge des élèves.

Par ailleurs, l'évolution démographique peut-elle constituer une réponse à ce problème ? On observe une baisse de la natalité de 7,5 % entre 2015 et 2018. Sur les quatre premiers mois de l'année, on est au même chiffre : il s'agit donc d'une baisse continue. Cela peut-il améliorer la situation ?

M. Thierry Carcenac . - Avant la loi de décentralisation de 2004, il aurait fallu intégrer à votre enquête tous les contractuels des collèges et des lycées chargés de l'entretien. Le volume aurait été encore plus important !

Ne pensez-vous pas que nous sommes à la confluence de plusieurs logiques, d'une part au niveau de l'État, avec différents silos - la politique de l'éducation, la politique de l'emploi, les contrats aidés, etc. -, l'aspect sociétal, d'autre part, avec la question de la prise en charge du handicap ? Je crois qu'il faudrait, de ce point de vue, faire plus de transversal.

Par ailleurs, Édouard Geffray et Philippe Thurat ont évoqué les relations avec les collectivités territoriales, et notamment avec le conseil départemental. Dans une vie antérieure, j'ai été président d'un conseil départemental. J'ai eu à gérer les MDPH, et j'ai pu constater que les personnels n'étaient pas forcément là pour nous aider à répondre à toutes les demandes, notamment celles relevant de l'éducation nationale. On n'arrivait pas forcément à répondre aux attentes des parents. L'évolution du nombre d'élèves, qui va croissant, risque de poser de nouveaux problèmes.

Nous sommes, là aussi, à la confluence d'une autre logique, celle des relations entre les collectivités territoriales et l'État. Je ne suis pas sûr que l'on y réponde vraiment...

Enfin, le grand débat de l'action publique 2022 est en train de s'ouvrir. Ne serait-il pas opportun d'y intégrer ce type de discussions ?

M. Marc Laménie . - Modeste représentant d'un département rural, les Ardennes, je partage l'avis de mes collègues des territoires ruraux - même si je ne me suis pas plongé dans les chiffres par département.

Vous avez beaucoup parlé de l'attractivité de certains départements : d'autres n'ont pas cette chance, et l'on parle souvent de vacances de postes d'enseignant. L'intérêt des élèves est une priorité, mais je m'interroge sur le chiffre de 3,7 milliards d'euros concernant les contractuels. Par ailleurs, quel est leur devenir ? Il faut aussi qu'ils puissent intégrer les emplois de titulaires...

Vous avez également évoqué les contrats aidés, le problème des liens avec les MDPH, sujet sur lequel notre ancien collègue Paul Blanc avait rédigé un rapport....

Les difficultés viennent également des relations entre l'éducation nationale l'administration centrale, les rectorats et les inspections d'académie. Qui décide de quoi ? Le Parlement ne dispose pas toujours de tous les éléments d'information.

Enfin, les moyens humains sont une chose, mais il y a aussi les locaux, qui sont à la charge des collectivités territoriales, il ne faut pas l'oublier !

Mme Sylvie Vermeillet . - Quel a été l'impact de la réforme des rythmes scolaires sur le recours aux contractuels ?

Dans le Jura, certains élèves de première sont restés sans professeur de français jusqu'au mois d'avril. Comment est-ce possible ? N'existe-t-il pas des priorités en fonction de l'urgence des situations ?

M. Vincent Éblé , président . - Le Gouvernement a fait le choix de réduire drastiquement le nombre de contrats aidés dans le secteur non-marchand, qui passera de 300 000 exécutés en 2016 à 200 000 en 2018. Comment l'éducation nationale s'est-elle adaptée, notamment en matière d'inclusion scolaire, alors que les besoins ne cessent de croître en la matière ?

Par ailleurs, la Cour des comptes estime que l'une des causes du recours aux contractuels réside dans les modalités de remplacement des enseignants absents. Vous l'avez rappelé, la précédente ministre de l'éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, s'était saisie de cette question en réactivant les dispositions d'un décret de 2005 qui n'avaient jamais été appliquées et qui prévoient l'élaboration de protocoles pour les remplacements de courte durée au sein des établissements. Pourriez-vous nous préciser, concrètement, comment cette mesure a été mise en oeuvre ?

M. Édouard Geffray . - Je crois que le versement de l'allocation de retour à l'emploi par Pôle emploi a été réalisé, sauf erreur de ma part.

Concernant les disparités territoriales, les rectorats ont une vision assez claire de celles-ci dans leurs départements respectifs.

Pour ce qui est du concours complémentaire, il ne s'agit pas de dévaloriser un territoire par rapport à un autre - et cela n'a jamais été le cas. Dans le premier degré, il s'agit cependant d'un recrutement territorialisé et simultané.

Or les personnes intéressées tentent d'abord le concours dans leur académie avant de passer les épreuves dans une autre académie. L'idée du concours complémentaire consiste à offrir à ceux qui sont dans les académies les plus sollicitées une possibilité de candidater dans le cadre d'un second concours sur des académies territorialement moins attractives. Ce n'est pas un choix par défaut.

Cela donne d'excellents résultats. Versailles va pouvoir en bénéficier cette année. Cela contribue à recruter des personnes très solides. Le dispositif n'est d'ailleurs plus du tout contesté.

S'agissant des contractuels dans le secteur du numérique et de l'informatique, il n'existe pas aujourd'hui de CAPES spécifiques à ces matières. Des réflexions sur le sujet émergent, mais il n'y a pas, à droit constant, de disciplines propres à cet enjeu. Ce sont généralement les enseignants en sciences ou en physique qui délivrent ces formations. Il existe d'ailleurs des certifications à la clef.

Faut-il contraindre l'évolution de ces enseignants vers le privé ? Le cadre général est celui du passage devant la commission de déontologie : tout agent public qui part dans le privé doit passer par cette commission et ne pas avoir été en situation d'exercer un contrôle ou la surveillance de l'entité qu'il rejoint ou au sein de laquelle il prend des parts. Par construction, il est rare qu'un enseignant ait exercé une surveillance ou ait conclu un contrat avec une entreprise.

De manière plus générale, je ne suis pas totalement enthousiaste à l'idée d'ajouter des contraintes supplémentaires. Je pense que l'un des enjeux de l'attractivité est aussi de permettre aux enseignants de faire autre chose à un certain moment de leur carrière. Ils peuvent ensuite réintégrer l'éducation nationale.

C'est une dimension importante de la mobilité. Dans des métiers assez évolutifs, il est assez sain qu'une personne parte quelques années dans le privé et revienne plus tard « polliniser » le système éducatif avec des compétences qui auront été profondément mises à jour au contact des professionnels.

Il faut être vigilant à propos de l'aspect déontologique mais, pour autant, je ne sais pas si la situation des professeurs invite à un durcissement des règles. À titre personnel, j'y serais plutôt défavorable.

Michel Canévet a évoqué la question de l'évolution démographique. Vous avez raison, elle est tangible. À notre échelle, elle se joue sur une vingtaine d'années environ. Aujourd'hui, cela concerne les baby-boomers de l'an 2000.

Ma capacité d'adaptation au flux tient au fait qu'une naissance qui a lieu aujourd'hui intégrera le système scolaire dans trois ans et jusqu'à ses dix-huit ans. Les ajustements se font d'année en année, avec des règles territoriales différentes. Certains débats sur les territoires ruraux ont montré qu'il n'existait pas d'effet mécanique. Ce n'est pas parce qu'on a deux élèves de moins dans une classe que l'on ferme la classe - heureusement !

Ces effets sont à rapporter à une réalité extrêmement durable dans le temps, à la fois territoriale et même par classe, ce qui rend les choses un peu plus délicates.

M. Philippe Thurat . - Si on applique cet effet à l'accompagnement du handicap, on a certes une légère baisse de la démographie dans le premier degré mais, en même temps, les parcours des élèves sont plus longs aujourd'hui, et le besoin d'accompagnement ne diminue pas malgré une baisse de la démographie.

On enregistre une baisse démographique dans le premier degré, mais on mène dans le même temps des politiques prioritaires sur les dédoublements des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+). Nous devrons, en 2019, assurer la scolarisation obligatoire des élèves dès trois ans, qui représente pour nous un coût en emplois.

Enfin, comme l'a dit Édouard Geffray, il n'y a pas d'effet mécanique de la baisse de la démographie sur les structures des territoires ruraux.

M. Édouard Geffray . - Cette année, entre les concours internes de second degré et les concours réservés - dispositif Sauvadet -, ce sont environ 5 000 postes qui seront ouverts et pourvus par des contractuels.

Certains contractuels sont en CDD, en CDI, ou passeront un jour le concours. D'autres vont sortir de l'éducation nationale ou y revenir. On voit également de plus en plus de secondes carrières, certaines personnes de 40 ou 45 ans décidant de devenir enseignants. C'est le poste qui augmente le plus actuellement, à hauteur de 10 % par an. C'est intéressant en termes d'évolution de la sociologie des enseignants.

Quant à la sensibilité en fonction du choix des rythmes scolaires, même si on manque un peu de recul, elle ne m'a pas semblé évidente.

S'agissant des remplacements, la priorité concerne toujours ceux de longue durée. Il existe dans chaque rectorat et dans chaque département une gestion prévisionnelle et quotidienne qui permet de faire plus ou moins face aux besoins. L'objectif est de toujours viser une ouverture maximale mais, dans certains territoires, c'est assez compliqué.

De ce point de vue, la politique mise en oeuvre par le recteur Filâtre à Versailles, en lien avec Pôle emploi et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), est très intéressante. L'un des enjeux consiste à favoriser le partage des bonnes pratiques entre rectorats.

M. Philippe Thurat . - Comment amortir la baisse des contrats aidés ? On l'a déjà engagée sur les deux premières années. Pour la rentrée 2018, nous passons à 30 500 contrats aidés, mais la diminution est gérable dans la mesure où 11 200 contrats sont transformés en 6 400 AESH, avec une création de 4 500 ETP d'AESH hors titre 2.

S'agissant du handicap, notre objectif est à terme de répondre uniquement avec des AESH.

M. Daniel Filâtre . - Pour ce qui est de l'indemnisation du chômage transférée à Pôle emploi, l'académie de Versailles a été l'une des dernières à s'y mettre l'an dernier.

Concernant les écarts par département, nous disposons de données concernant le premier degré. Pour le second degré, ce sont plutôt des chiffres académiques. Nous travaillons progressivement en infradépartemental, par bassin. Il s'agit d'unités de vie : on ne peut recruter un professeur qui aurait deux heures de trajet le matin et deux heures de trajet le soir. Il existe donc une correspondance entre la territorialisation des besoins et celle du remplacement.

Y a-t-il des priorités dans les remplacements ? Les personnes recrutées ne restent pas toujours. Le rapport des jeunes diplômés à l'emploi n'a plus la même stabilité qu'auparavant.

En moyenne, dans l'académie de Versailles, on compte 11,1 % de contractuels dans le second degré. Par discipline, cela peut monter jusqu'à 33 % dans les sciences et technologies industrielles, par exemple, où nous ne trouvons pas de professeurs.

Nous sommes souvent obligés de trouver d'autres modèles, en passant des accords avec des entreprises dont les cadres très spécialisés que nous formons assurent des blocs d'heures très faibles.

Je ne puis divulguer les résultats, mais les concours académiques, sur Créteil et Versailles, attirent un peu moins de deux candidats pour un poste. Pour le second concours, on passe à sept candidats pour un poste. On est donc très loin d'une dépréciation du recrutement. Une académie comme Toulouse, qui avait beaucoup de recrutements dans le premier degré, a connu une baisse ces dernières années et doit être à 450 recrutements. Le niveau des étudiants n'a pas changé mais, s'ils sont bien classés et non recrutés, ils sont tentés de passer le concours des deux académies franciliennes, qui recrutent.

On attirait déjà un tiers de candidats hors de nos territoires. Ce second concours, d'une grande attractivité, ne reflète en aucun cas une dépréciation. Ceci résulte de la concomitance des dates dans les différentes académies, alors qu'il existait un décalage il y a quelques années.

Quant au manque de transparence entre départements, les titulaires demandent moins les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE) dans les secteurs d'éducation prioritaire. Dès lors, nous nous trouvons avec plus de néotitulaires et de contractuels. Le travail du recteur est de proposer un encadrement et une formation à ces équipes qui ne sont pas moins bonnes, au contraire, à condition qu'elles puissent être accompagnées.

Concernant les relations avec les collectivités territoriales, je pense que les conventions-cadres entre départements et rectorats pourraient inclure peu à peu la sécurisation de l'enseignement.

La fin des contrats aidés a évidemment posé un lourd problème qu'il ne faut pas négliger. Lorsqu'ils n'accompagnaient pas les élèves en situation de handicap, ils accompagnaient les directeurs et les chefs d'établissement dans des missions éducatives de suivi administratif. Ce n'est plus le cas. On doit donc se réorganiser. Je pense que les maires se sont rapprochés des directeurs et directrices d'école.

Comment mieux remplacer les professeurs absents ? La réactivation du décret de 2005 nous y aide. Le recteur et ses directeurs académiques des services de l'éducation nationale (DASEN) doivent s'assurer qu'ils ont calé les bons volumes pour y faire face. Certaines académies recrutent beaucoup de jeunes femmes qui, le concours obtenu, construisent leur vie. Les congés de maternité sont bien sûr totalement légitimes, mais représentent des volumes importants.

Enfin, les données englobent-elles les établissements d'enseignement privé sous contrat ? Pour les chiffres que j'ai donnés, oui : l'académie de Versailles compte 1 800 maîtres délégués contractuels de l'enseignement privé sous contrat, 4 200 pour le second degré public, 600 ou 700 pour le premier degré public.

Mme Sophie Moati . - S'agissant du périmètre de notre enquête, nous n'avons considéré que les personnels contractuels de l'enseignement public, tous les autres, dans l'enseignement privé, étant par définition contractuels.

Pour répondre à la demande de votre commission, il a fallu démontrer comment les ressorts, l'organisation et les conditions d'emploi de l'enseignement public pouvaient constituer des déterminants très importants dans le recours aux contractuels.

Par ailleurs, nous nous sommes concentrés sur les populations les plus importantes de contractuels qui contribuent le plus directement à l'exercice des missions éducatives. Nous n'avons pas traité ni répertorié l'ensemble des personnels pouvant apporter leur aide aux fonctions administratives, leur nombre ne nous étant pas paru suffisamment significatif.

Je souhaiterais revenir sur la question de la prise en compte de la démographie. Édouard Geffray a mis en avant la contrainte démographique comme un élément très important déterminant la question des remplacements.

La Cour des comptes en a parlé de façon bien plus générale dans ses rapports publics thématiques sur la gestion des enseignants, en appelant à une vision pluriannuelle et à une prise en compte de l'évolution démographique.

S'agissant des contractuels en particulier, on a relevé que l'accélération de leur recours intervenait à un moment où l'on avait créé plus de 56 000 postes. C'est une observation intéressante.

Par ailleurs, notre rapport - et je rejoins les inquiétudes que j'entends derrière le discours de Philippe Thurat - démontre qu'il existe des perspectives de diminution de la démographie des élèves dans le premier degré mais, au-delà de la croissance des besoins que vous évoquez de façon générale dans le système éducatif, la couverture des besoins proprement éducatifs que nous avons examiné dans le cadre de ce rapport continue à progresser.

C'est pourquoi nous posons régulièrement la question des conditions d'emploi des personnels titulaires du ministère de l'éducation nationale.

Au terme de ce débat, la commission a autorisé la publication de l'enquête de la Cour des comptes et du compte rendu de l'audition en annexe à un rapport d'information de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

ANNEXE :
COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES
À LA COMMISSION DES FINANCES

Ce document est consultable au format pdf.


* 1 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 2 Les heures supplémentaires dans le second degré de l'éducation nationale : un enjeu budgétaire et de gestion des ressources humaines, rapport d'information n° 194 (2016-2017) de Gérard Longuet, fait au nom de la commission des finances, 7 décembre 2016.

* 3 Les heures supplémentaires années rémunèrent de manière forfaitaire la part du service des enseignants excédant de manière permanente sur l'ensemble de l'année scolaire leurs obligations réglementaires de service.

* 4 Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré.

* 5 Circulaire du 15 mars 2017.

* 6 Décret n° 2005-1035 du 26 août 2005 relatif au remplacement de courte durée des personnels enseignants dans les établissements d'enseignement du second degré.

* 7 Avis n° 112 (2017-2018) de Jean-Claude Carle et Antoine Karam, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 novembre 2017.

* 8 Décret n° 2015-1351 du 26 octobre 2015 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives à la préparation aux examens des voies générale, professionnelle et technologique des lycées et à la délivrance du baccalauréat.

* 9 L'article 2 du décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap prévoit que ces personnels doivent être recrutés parmi les personnes titulaires d'un diplôme professionnel dans le domaine de l'aide à la personne. Il précise cependant que les candidats qui justifient d'une expérience professionnelle de deux années dans le domaine de l'aide à l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap ou de l'accompagnement des étudiants en situation de handicap, notamment dans le cadre d'un CUI-CAE, sont dispensés de cette condition de diplôme.

* 10 La Cour des comptes reconnaît toutefois que « la multiplicité des sources d'information et les diverses unités employées (personne physique, ETP, ETPT) rendent [...] l'effort de consolidation particulièrement complexe ».

* 11 Décret n° 2016-1171 du 29 août 2016, arrêtés du 29 août 2016, circulaires du 14 octobre 2016 et du 20 mars 2017, note DAF du 18 octobre 2016, note DGRH du 25 juillet 2017.

* 12 « Lorsqu'un agent contractuel est recruté dans les conditions prévues à l'article 1 er du présent décret pour faire face à un besoin couvrant l'année scolaire, l'échéance du contrat est fixée à la veille de la rentrée scolaire suivante ».

* 13 Rapport général n° 140 (2016-2017) de Gérard Longuet et Thierry Foucaud, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016.

* 14 Inspection générale de l'éducation et inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, L'accueil, la gestion et la formation des personnels contractuels, avril 2014.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page