B. LE PROJET DE LOI : UN TEXTE QUI, MALGRÉ DES AVANCÉES CERTAINES, NE RÉPOND PAS PLEINEMENT AUX ATTENTES SUSCITÉES PAR L'« AFFAIRE DE PONTOISE »

Certes, certaines dispositions du projet de loi - notamment celles qui reprennent des passages de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 mars 2018 - constituent de vraies avancées à l'égard des victimes de violences. La délégation souhaite que ces acquis de la discussion du texte à l'Assemblée nationale soient maintenus lors de sa première lecture au Sénat.

La délégation considère cependant que ce projet de loi ne répond pas aux attentes suscitées par les « affaires » de Pontoise et de Meaux . Elle propose donc des modifications pour mieux défendre les victimes de viol les plus jeunes .

1. Les dispositions du projet de loi que la délégation souhaite voir conservées au cours de la navette
a) La protection des jeunes : une préoccupation constante de la délégation, des orientations qui vont dans le bon sens
(1) L'allongement des délais de prescription pour accompagner la « libération de la parole » des jeunes victimes de violences sexuelles

L'allongement du délai de prescription des crimes de nature sexuelle ou violente sur mineurs, prévu à l'article premier du projet de loi, permet aux victimes de porter plainte jusqu'à trente années à partir de la date de leur majorité.

La délégation estime que cette modification du code pénal est de nature à éviter l'impunité de ces crimes et à donner aux victimes le temps nécessaire à la dénonciation des faits. Elle y est donc favorable et souhaite son maintien dans la future loi.

Certes, elle comprend les arguments selon lesquels il ne faudrait pas donner des espoirs excessifs aux victimes, compte tenu des difficultés bien connues en matière de preuve de viol, a fortiori très longtemps après les faits.

Elle considère toutefois que les progrès scientifiques pourraient permettre, à l'avenir, d'exploiter des indices anciens et d'élucider des crimes commis de nombreuses années auparavant.

Par la voix de Flavie Flament, auditionnée par la délégation le 18 janvier 2018, elle a aussi entendu la souffrance des victimes qui se heurtent au butoir de la prescription pour avoir surmonté trop tard le choc traumatique dû au viol qu'elles ont subi . Elle estime que la plainte fait partie de la reconstruction de ces personnes, que la société leur doit d'être écoutées et que c'est à elles de décider si elles souhaitent mettre en oeuvre cette procédure, quelle que soit l'issue du procès.

À cet égard, elle partage le constat exposé à la délégation le 18 janvier 2018 par Élisabeth Moiron-Braud, magistrate, secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), qui a participé aux travaux de la Mission de consensus : « Ce n'est pas à nous de décider à la place des victimes ce qui est bon ou mauvais pour elles » 85 ( * ) .

(2) Deux évolutions favorables à une meilleure répression des violences sexuelles commises sur des mineurs : la question subsidiaire et l'aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle hors violences

Le III de l'article 2 du projet de loi prévoit que le président de la cour d'assises pose systématiquement la question subsidiaire de la qualification de l'atteinte sexuelle , lorsqu'un accusé majeur est poursuivi pour viol sur mineur de quinze ans mais que le viol n'est pas caractérisé. Comme cela est dit plus haut 86 ( * ) , cette mesure vise à faire en sorte que l'accusé, à défaut d'être condamné pour viol, soit sanctionné sur la base de l'atteinte et ne puisse être acquitté .

Bien que la délégation soit d'avis que le viol, qui constitue un crime, doit être sévèrement condamné, elle admet que cette modification de l'article 351 du code de procédure pénale constitue un progrès.

Par ailleurs, la délégation est favorable à l'aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle commise sur des mineurs de moins de quinze ans , comme le prévoit l'article 2 87 ( * ) , qui propose une nouvelle rédaction de l'article 227-25 du code pénal pour que l'atteinte sexuelle, « hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle », soit passible de sept ans d'emprisonnement au lieu de cinq (et d'une amende de 100 000 € au lieu de 75 000 €). Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial du projet de loi. Elle constituait en revanche l' article 5 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles , adoptée par le Sénat le 27 mars 2018 à l'initiative de nos collègues Marie Mercier et Philippe Bas.

Associée à la disposition prévue par le Gouvernement sur la question subsidiaire devant la cour d'assises , le renforcement des peines en cas d'atteinte sexuelle (sept ans de prison au lieu de cinq) permettra, selon la délégation, de garantir une condamnation pénale de l'auteur plus cohérente avec la gravité des faits, dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs de quinze ans. Ce rapport reviendra sur ce point ci-après.

(3) Les circonstances aggravantes en cas de non-dénonciation de faits de violences sur des mineurs de moins de quinze ans

À l'initiative de notre collègue Laure Darcos, co-rapporteure, l'article 6 bis de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, adoptée par le Sénat le 27 mars 2018, instaure des circonstances aggravantes en cas de non-assistance à personne en danger et non-dénonciation d'agressions sexuelles sur les mineurs, si la victime est un mineur de quinze ans 88 ( * ) .

Ces dispositions ont par la suite été reprises dans les mêmes termes par l'article 2 bis C du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale.

La délégation considère que cette initiative, très opportune, peut renforcer la protection des mineurs de moins de quinze ans . Informer les autorités judiciaires ou administratives des violences, mauvais traitements ou privations infligés à un enfant ne doit pas être confondu avec de la délation. Il s'agit, comme le précise l'article 434-3 du code pénal 89 ( * ) , de la responsabilité de chacun .

La délégation souhaite donc que l'article 2 bis C figure dans le texte de la future loi.

(4) Une amélioration de la définition pénale du viol

Une amélioration de la définition pénale du viol 90 ( * ) a été adoptée à l'article 2 en l'étendant aux cas où la pénétration sexuelle est commise non pas « sur » la personne d'autrui, mais « avec ». Cet ajout permet de réprimer des actes tels que des fellations subies par des jeunes garçons, que la rédaction actuelle du code pénal ne permet pas de sanctionner comme un viol car celui-ci implique que la victime ait subi une pénétration. Il répond à une préoccupation exprimée par Laurence Rossignol, co-rapporteure, au cours des travaux de la délégation 91 ( * ) sur le rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 92 ( * ) .

La délégation soutient cette disposition et préconise son maintien dans la future loi, tout en faisant observer que les représentations communément admises du viol ne comprennent pas ce type d'agression, ce qui impliquera d'y sensibiliser les professionnels qui seront chargés de l'appliquer.

(5) La prise en compte opportune des violences au sein de couples dits « non-cohabitants »

La délégation a pris connaissance avec intérêt de l'extension de l'article 132-80 du code pénal, qui prévoit l'application de peines aggravées « lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité » 93 ( * ) , aux couples « qui ne cohabitent pas » .

Cette disposition de l'article 3 bis tire les conséquences d'alertes, auxquelles la délégation a été très sensible, sur le fait que les violences au sein des couples concernent désormais les relations entre jeunes, qui n'ont pas pris la forme d'un engagement juridique, ou les couples dits « non-cohabitant » . Le rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 94 ( * ) commente ce phénomène encore mal connu.

La délégation soutient donc le maintien de cette disposition dans le texte définitif du projet de loi.

b) Des améliorations certaines en matière de lutte contre les violences intrafamiliales
(1) L'aggravation des peines en cas de violences commises devant des mineurs de quinze ans

Diverses dispositions de l'article 3 bis du projet de loi modifient le code pénal pour aggraver les peines applicables en cas de violences, de viol, d'agression sexuelle autre que le viol, de harcèlement conjugal, sexuel ou moral, lorsque les faits sont commis en présence de mineurs de quinze ans .

Il s'agit là d'incontestables améliorations du projet de loi, qui tirent les conséquences du fait que l'exposition à la violence constitue une violence en soi . La délégation est persuadée que ce constat, relatif aux violences intrafamiliales, est transposable à toutes les formes de violences dont un enfant peut être témoin.

La délégation est donc favorable à ces dispositions et souhaite leur maintien dans la future loi.

(2) L'extension des circonstances aggravantes en cas de harcèlement sexuel

L'article 3 bis du projet de loi étend de manière opportune les circonstances aggravantes du harcèlement sexuel, prévues au III de l'article 222 -33 du code pénal, aux cas où les faits sont commis par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime , ou par le conjoint , le concubin ou le partenaire de celle-ci.

La délégation est favorable au maintien de cette disposition dans la future loi.

(3) Élargir la surqualification d'inceste aux faits commis entre personnes majeures

L'article 2 modifie l'article 222-31-1 du code pénal 95 ( * ) pour étendre la définition du viol incestueux, qui relève de peines aggravées, aux victimes majeures 96 ( * ) . Il s'agit d'une reprise de l'article 4 de la proposition de loi de nos collègues Philippe Bas et Marie Mercier adoptée par le Sénat le 27 mars 2018 . La même modification concerne l'article 227-27-2-1 du code pénal relatif à l'atteinte sexuelle.

La délégation considère que ces dispositions améliorent la sanction de l'inceste et qu'elles comblent opportunément une lacune de notre droit pénal. Elle préconise donc leur maintien dans le texte définitif du projet de loi.

c) La lutte contre les violences : des orientations favorables
(1) Mieux protéger les femmes en situation de handicap

Deux dispositions du texte visent à renforcer la protection des femmes en situation de handicap et à mieux prévenir les violences qui leur sont faites 97 ( * ) .

La délégation, très sensible à la vulnérabilité particulière des femmes handicapées à l'égard des violences , avait inscrit ce sujet à son agenda de 2017-2018. Les circonstances 98 ( * ) ne lui ont pas permis de mener à bien ce projet, mais elle maintient son intérêt pour ce sujet.

L'article 2 bis A complète ainsi le code de l'action sociale et des familles pour étendre explicitement les politiques de prévention du handicap à la sensibilisation des personnels concernés aux violences sexuelles que subissent les personnes en situation de handicap .

L'article 2 bis B prévoit la désignation d'un « référent intégrité physique » dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux pour faciliter la dénonciation de violences ou d'agressions, et plus particulièrement d'atteintes sexuelles, ainsi que l'orientation des victimes.

La délégation plaide pour le maintien de ces dispositions dans le texte définitif du projet de loi.

(2) Étendre la définition du harcèlement sexuel aux agissements en ligne qui visent particulièrement les femmes

L'article 3 du projet de loi comporte deux séries de dispositions permettant de mieux prendre en compte le « cyber-harcèlement » dont les femmes sont régulièrement victimes, comme l'a souligné un récent rapport du Haut conseil à l'égalité 99 ( * ) . Ce document de référence souligne que les femmes subissent en ligne des agressions telles que des menaces de viol et de mort ainsi que des insultes particulièrement dégradantes. Ces pratiques, aggravées par des niveaux d'intensité extrêmes (plusieurs centaines de messages en quelques minutes), s'appuient sur des vecteurs diversifiés (réseaux sociaux, plateformes, etc.) et sont le fait de nombreux agresseurs qui agissent souvent de manière concertée .

Cet aspect du harcèlement sexuel a été commenté dans le rapport de la délégation Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 100 ( * ) . Le présent rapport renvoie donc sur ce point à ces réflexions.

L'article 3 du projet de loi adapte tout d'abord à la pratique des « raids numériques » ci-dessus exposée l'article 222-33 du code pénal définissant le harcèlement sexuel et l'article 222-33-2-2 relatif au harcèlement moral. Cette modification du code pénal rejoint une préoccupation de la délégation face à des violences en ligne qui, notamment par leur dimension sexuelle et par leur ampleur, menacent les femmes de manière spécifique .

Les modifications proposées par l'article 3 du projet de loi permettent de considérer que la condition de la répétition, inhérente au harcèlement quand il vise à créer à l'encontre des victimes une « situation intimidante, hostile ou offensante » ou qu'il « attente à leur dignité » 101 ( * ) , est réputée satisfaite lorsque les propos ou comportements en cause « sont le fait de plusieurs personnes ». La délégation juge positive le fait que le projet de loi étende le harcèlement aux raids numériques, que les auteurs aient agi « de manière concertée » ou « en l'absence de concertation ».

Une autre modification introduite par l'article 3 vise à introduire dans les articles 222-33 et 222-33-2-2 des circonstances aggravantes lorsque les faits de harcèlement passent par un support numérique ou électronique, ce qui est de nature à sanctionner plus efficacement le cyber-harcèlement . La délégation y est également favorable.

Elle souhaite donc que ces dispositions de l'article 3 figurent dans le texte définitif du projet de loi.

(3) Le souci de l'aide à la mobilité des victimes

L'article 2 bis du projet de loi prévoit le dépôt par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur les dispositifs locaux d'aide à la mobilité des victimes de violences sexuelles 102 ( * ) .

La délégation ne peut qu'être sensible à cette initiative, qui rejoint sa préoccupation constante à l'égard des femmes victimes de violences dans des territoires isolés .

La délégation avait ainsi formulé, dans son rapport sur les agricultrices publié au cours de la session 2016-2017 103 ( * ) , une recommandation concernant l'accueil et l'orientation des femmes victimes de violences quand le tissu associatif local ne permet pas, ce qui est fréquent en milieu rural, de les accueillir et de les orienter dans les meilleures conditions . Cette recommandation a été reprise par la délégation dans son récent rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 104 ( * ) .

La délégation est sensible aux difficultés spécifiques que rencontrent les femmes victimes de violences sexuelles pour accéder aux structures médicales et judiciaires indispensables à l'accomplissement de leurs démarches, notamment dans les territoires isolés, et prendra connaissance avec intérêt de ce rapport.

La délégation est donc favorable au maintien de l'article 2 bis dans la future loi.

(4) Un rapport sur les dispositifs locaux de prise en charge des victimes de viol

Le rapport du Gouvernement au Parlement sur les dispositifs locaux d'aide aux victimes d'agressions sexuelles , prévu à l'article 2 bis E, prend en compte l'intérêt que constitue le dispositif CAUVA (Cellule d'accueil d'urgences des victimes d'agressions), mis en place à Bordeaux, dont diverses sources soulignent le caractère exemplaire car il permet, dans un même lieu, d'accueillir les victimes dans un esprit pluridisciplinaire en leur offrant à la fois des soins médicaux et psychologiques et une aide sociale et juridique . Tant le récent rapport de la délégation Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 105 ( * ) que le travail consacré par Marta de Cidrac et Maryvonne Blondin aux mutilations sexuelles féminines 106 ( * ) ont souligné l'importance de telles structures.

La délégation estime donc que l'article 2 bis E doit être maintenu dans le cadre de l'examen du projet de loi par le Sénat.

2. Un projet de loi qui ne permettra pas d'éviter que surviennent de nouvelles « affaires » de Pontoise
a) Un texte qui préserve la marge d'appréciation subjective du viol, même sur une très jeune victime

À titre liminaire, la délégation observe que, contrairement à ce qui avait été annoncé, le projet de loi ne prévoit pas l'instauration d'une présomption de non-consentement à l'acte sexuel entre une personne majeure et un mineur en-dessous d'un certain âge, formule qui existe dans certains pays .

QUELQUES EXEMPLES DE DROIT COMPARÉ

Au Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles), un enfant de moins de treize ans n'a en aucune circonstance la capacité légale de consentir à une quelconque forme d'acte sexuel. Les cas de pénétration emportent comme peine maximale la réclusion à perpétuité. Lorsqu'il n'y a pas de pénétration, la peine maximale est de quatorze ans.

En Italie , tout acte sexuel commis avec un mineur qui n'a pas atteint quatorze ans est puni de la même façon qu'un viol ou une agression sexuelle. La Cour de cassation italienne en a déduit un principe de présomption irréfragable de non-consentement des mineurs de moins de quatorze ans. L'expression d'un éventuel consentement de la victime n'a pas à être prise en compte. La peine peut aller de cinq à dix ans de réclusion. Elle est comprise entre six et douze ans, si l'acte est accompagné de violence ou de menaces. Si l'auteur a moins de dix ans, la peine va de sept à quatorze ans.

En Espagne , l'âge de consentement à un acte à caractère sexuel d'un mineur a été relevé de treize à seize ans en 2015. Dans ce pays, celui qui commet un acte à caractère sexuel avec un mineur de moins de seize ans se rend coupable d'un abus sexuel sur mineur passible d'une peine de réclusion de deux à six ans. La pénétration constitue une circonstance aggravante et implique un rehaussement de la peine, qui est alors comprise entre huit et douze ans, voire entre douze et quinze ans en cas de violence ou d'intimidation.

En Allemagne , l'enfant n'est pas considéré comme capable de donner un consentement valide à un acte sexuel avant quatorze ans. Pour un acte sexuel commis avec un mineur de moins de quatorze ans, l'âge limite du consentement, la peine est comprise entre six mois et dix ans d'emprisonnement.

Dans le Montana , la victime est considérée comme incapable de donner son consentement si elle a moins de seize ans. Dans cet État américain, toute personne ayant des relations sexuelles avec une personne réputée incapable de consentement se rend coupable d'une relation sexuelle non consentie, punie par la perpétuité ou bien par une peine de réclusion pouvant aller jusqu'à vingt ans dans un pénitencier d'État, ainsi que d'une amende n'excédant pas 50 000 dollars.

Dans le Dakota du Sud , est considéré comme viol tout acte sexuel avec pénétration commis sur une personne de moins de treize ans. Cet État américain punit tout rapport sexuel avec une personne de moins de treize ans d'une peine minimale de quinze ans de réclusion.

Source : note de la division du droit comparé du Sénat sur les infractions sexuelles sur les mineurs

Par ailleurs, la délégation craint que les modifications apportées par le projet de loi à la définition pénale du viol ne permettent pas de garantir qu'un acte sexuel avec pénétration commis sur un(e) très jeune mineur(e) soit considéré comme un viol et sanctionné comme tel. La même remarque vaut pour la proposition de loi de nos collègues Marie Mercier et Philippe Bas, adoptée par le Sénat le 27 mars 2018.

Tant le projet de loi que la proposition de loi préservent les critères de violence, contrainte, menace et surprise posés par les articles 222-22 et 222-23 du code pénal, même quand la victime est particulièrement jeune .

Le projet de loi modifie l'article 222-22-1 du code pénal pour préciser que, dans le cas où la victime a moins de quinze ans, la contrainte morale et la surprise s'apprécient au regard de l'« abus de vulnérabilité » de la victime et du fait que celle-ci pourrait ne pas disposer du « discernement nécessaire pour consentir ».

Il maintient donc une marge d'appréciation subjective dans l'évaluation de la capacité à consentir et du discernement de l'enfant victime.

La proposition de loi précise pour sa part, à l'article 222-23 du code pénal qui définit le viol, la portée de la contrainte exercée sur la victime mineure par la personne majeure qui a commis l'acte de pénétration sexuelle en se référant à la « capacité de discernement » de l'enfant ou à l'existence d'une « différence d'âge significative » entre celui-ci et son agresseur.

Certes, la proposition de loi vise à instaurer une présomption simple de contrainte fondée sur l'insuffisant discernement du mineur ou sur une « différence d'âge significative » entre la victime et l'auteur des faits. La charge de la preuve serait ainsi inversée, et résulterait du comportement de l'adulte.

La délégation n'est toutefois pas convaincue par cette démarche, car elle n'empêche pas la subjectivité dans l'appréciation de la « capacité de discernement de la victime » ou du caractère « significatif » de la différence d'âge entre celle-ci et son agresseur.

Elle estime que ni la proposition de loi, ni le projet de loi ne font obstacle à la subjectivité de l'appréciation des critères du viol et qu'ils ne sont pas en mesure de mettre fin au débat sur le prétendu consentement d'un enfant à être pénétré sexuellement par un adulte, qui est à l'origine des affaires qui ont troublé l'opinion.

b) Un texte qui permettra en revanche d'éviter l'acquittement de l'agresseur si le viol sur mineur de quinze ans n'est pas caractérisé

Le projet de loi semble en revanche permettre d'éviter de nouvelles « affaires de Meaux », c'est-à-dire l'acquittement d'un homme accusé du viol d'une petite fille de onze ans.

Par les effets combinés de la question subsidiaire de la qualification de l'atteinte sexuelle et du renforcement des peines pour atteinte sexuelle sur mineurs de quinze ans (sept ans d'emprisonnement au lieu de cinq), prévues par l'article 2, le projet de loi est susceptible d' éviter que les auteurs de tels faits, qui concernent des adolescents et des enfants, puissent être acquittés .

La délégation demeure opposée à la correctionnalisation du viol, parce que le viol est un crime et doit être puni comme tel.

Dans cet esprit, comme cela a été précisé plus haut, elle considère que, dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs de quinze ans, le cumul du renforcement des peines pour atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans (sept ans d'emprisonnement au lieu de cinq) et de la question subsidiaire de la qualification d'atteinte sexuelle devant les cours d'assises sont de nature à éviter l'acquittement des auteurs.

3. Les propositions de la délégation
a) Une préoccupation constante : mieux défendre les enfants
(1) Une priorité : mieux réprimer les viols sur jeunes mineur-e-s en excluant toute subjectivité dans l'appréciation du viol
(a) L'inadaptation des critères du viol aux plus jeunes victimes

La délégation souhaite avant tout que ne puissent se reproduire les « affaires » de Pontoise et de Meaux qui :

- ont conduit à poursuivre un homme de 28 ans ayant eu un rapport sexuel avec une petite fille de onze ans pour atteinte sexuelle , puis cinq mois plus tard à ouvrir une information judiciaire pour viol ;

- ont permis l'acquittement d'un homme accusé du viol d'une fillette de onze ans, car lors du procès, qui a eu lieu huit ans plus tard, les critères de menace, violence, contrainte et surprise n'ont pas été considérés comme réunis pour que le viol soit établi.

La délégation considère que les critères de « violence, contrainte, menace ou surprise » prévus par l'article 222-23 du code pénal en matière de viol ne sont pas adaptés aux jeunes victimes.

Elle estime que cette définition fait appel à une appréciation subjective du comportement de la victime - L'auteur des faits a-t-il vraiment exercé une violence sur elle ? Dans quelle mesure a-t-elle été contrainte ou menacée ? A-t-elle réellement été surprise ? - qui encourage la défense à faire peser la responsabilité de l'agression sur la victime , nécessairement délurée, aguicheuse, imprudente...

Ce renversement de responsabilité constitue, pour des victimes adultes, une violence terrible, qui aggrave encore leur traumatisme. Quand il s'agit d'enfants, ce raisonnement est tout simplement inacceptable.

La délégation refuse que, en cas de rapport sexuel entre un adulte et une adolescente, l'auteur des faits puisse, pour se défendre, faire valoir que, par son maquillage ou sa tenue vestimentaire, la victime l'avait provoqué. On pourrait objecter que certaines fillettes auraient le comportement et l'allure de jeunes femmes : la délégation ne peut accepter cet argument, qui revient à imputer le crime de viol à la victime et non à l'agresseur.

C'est d'ailleurs là une spécificité effrayante du viol : imaginerait-on reprocher à celui qui s'est fait voler sa voiture... de posséder une voiture ?

Pour la délégation, c'est aux adultes de protéger les enfants et non aux enfants de se garder des agressions dont les menacent certains prédateurs. Il s'agit d'un prérequis.

La délégation ne peut accepter non plus que, en raison de cette subjectivité inhérente à la définition pénale du viol, le traitement de celui-ci soit marqué par la contingence : les mêmes faits, dans des circonstances similaires, peuvent être poursuivis pour viol ou pour atteinte sexuelle, leur auteur emprisonné pour vingt ans ou acquitté, en fonction des juridictions.

(b) La nécessité de fixer un interdit absolu dans la loi pour tout rapport sexuel entre un adulte et un enfant par la définition d'un seuil d'âge

La délégation souhaite donc trouver une formule, dans le code pénal :

- qui garantisse une réponse cohérente, sur l'ensemble du territoire, au scandale des violences sexuelles sur mineur-e-s, et non un traitement hétérogène selon les juridictions ;

- qui permette d' éviter toute interrogation sur la « violence, contrainte, menace ou surprise » en cas d'acte de pénétration sexuelle commis par un adulte sur un enfant.

Cette exigence suppose de définir un seuil d'âge en dessous duquel un acte sexuel avec pénétration, commis par une personne majeure sur celle d'un mineur, serait sanctionné comme un viol, autant qu'un viol, sans que l'on ait à se poser la question de la « violence, contrainte, menace ou surprise » .

Cette solution n'est pas sans précédent : l'atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans, qui constitue un délit, puni à ce jour d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, est conçue comme une interdiction de toute relation sexuelle avec une personne majeure et non comme une présomption d'absence de consentement . Elle exclut donc les critères de menace, contrainte, violence ou surprise, ainsi que toute appréciation sur le consentement éventuel de la victime.

La même logique pourrait s'appliquer aux actes sexuels avec pénétration, qui impliqueraient toutefois des sanctions cohérentes avec le crime de viol. Il s'agirait de définir des critères objectifs :

- les faits : un acte sexuel avec pénétration ;

- leur auteur : une personne majeure ;

- l' âge de la victime.

Quant à l' élément intentionnel de l'infraction , il résulterait :

- de la pénétration sexuelle elle-même : comme l'a rappelé devant la délégation Danielle Bousquet, présidente du Haut conseil à l'égalité, le 12 juin 2018, « Peut-il y avoir des pénétrations sexuelles involontaires, comme il y a des homicides involontaires ? Il ne peut y avoir de pénétration sexuelle par hasard » . La délégation partage ce point de vue ;

- de la connaissance de l'âge de la victime par l'auteur des faits. Celui-ci pourrait, pour sa défense, faire valoir qu'il n'était pas en mesure de savoir que la personne avec laquelle il a eu un rapport sexuel n'avait pas l'âge prévu par la loi.

(c) La conviction de la délégation : fixer à treize ans le seuil d'âge en-deçà duquel tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte constitue un crime

La délégation est consciente que le choix de l'âge pertinent pour fixer ce seuil peut faire débat. Certaines propositions de loi, déposées au Sénat en 2017, privilégiaient ainsi la référence à un seuil d'âge de quinze ans. Des co-rapporteures en ont d'ailleurs pris l'initiative.

Avec le temps de la réflexion, la délégation en est toutefois venue à considérer que le seuil de treize ans présente l'avantage :

- d'être cohérent avec le droit pénal , qui fixe à cet âge le discernement et la responsabilité pénale des mineurs , comme le rappelait le procureur de la république de Paris lors de son audition par la délégation, le 22 février 2018 107 ( * ) ;

- et de prendre en compte les relations sexuelles qui peuvent exister sans contrainte entre des adolescent(e)s d'une quinzaine d'années et de jeunes majeur-e-s . La délégation ne souhaite pas que ces derniers puissent se retrouver accusé-e-s de viol parce que des parents auraient porté plainte.

Le législateur fixerait ainsi, comme l'ont suggéré dans leur rapport d'information nos collègues de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, « l'interdiction absolue d'un rapport sexuel entre un adulte et un enfant, la violation de l'interdit constituant un crime » 108 ( * ) .

À cet égard, le seuil de treize ans , comme le remarquait très justement le rapport présenté par Erwan Balanant et Marie-Pierre Rixain au nom de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, est la « limite indiscutable de l'enfance » 109 ( * ) .

Qui oserait décemment affirmer que, en-dessous de cet âge, un enfant - car il s'agit bien d'enfants - pourrait consentir à se faire pénétrer par un adulte ? Pour reprendre les mots de Danielle Bousquet, présidente du HCE, « Aucun enfant ne peut choisir en connaissance de cause d'avoir un rapport sexuel avec un adulte » 110 ( * ) .

Comme l'a souligné notre collègue Marta de Cidrac lors de l'audition de Danielle Bousquet, le 12 juin 2018 : « Il faut renvoyer le prédateur à sa responsabilité. Le discernement, c'est à la personne majeure d'en faire la preuve. C'est la responsabilité de l'homme ».

La délégation constate avec intérêt cette convergence avec la délégation de l'Assemblée nationale. Elle estime, avec les députés, qu'il est « nécessaire de ne tout simplement plus poser la question du viol quand un enfant de moins de treize ans est concerné » 111 ( * ) .

La délégation ne s'est pas prononcée sur la mise en oeuvre de l'orientation qu'elle a souhaité définir en matière de seuil d'âge, laissant à ses membres apprécier quelle rédaction législative retenir en vue de la discussion du projet de loi.

Comme l'a rappelé notre collègue Laurence Rossignol, co-rapporteure, lors de la réunion de la délégation du 7 juin 2018, cette modification du code pénal, quelle que soit la formule retenue et pour appréciable qu'elle soit, ne saurait toutefois empêcher un parquet de déqualifier un viol en atteinte sexuelle . Elle ne permettrait malheureusement pas à elle seule de mettre fin à la correctionnalisation du viol , que la délégation n'admet pas quand elle tient à des considérations tenant à la charge de travail des juridictions et contre laquelle elle s'est élevée dans son rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société .

Enfin, la délégation n'a pas été convaincue par les arguments concernant l' inconstitutionnalité supposée du dispositif qu'elle préconise en matière de seuil d'âge, pour plusieurs raisons :

- d'une part, on ne saurait prendre pour une décision des juges constitutionnels la parole de ceux qui, même très éminents, posent leur diagnostic sur cette question. Elle est persuadée que seul le Conseil constitutionnel est en mesure de trancher sur ce point ;

- d'autre part, le Gouvernement a justifié le dispositif retenu à l'article 2 par les risques d'inconstitutionnalité pointés par l'avis du Conseil d'État . À cet égard, la délégation relève que les réserves du Conseil d'État sur la rédaction initialement proposée par le Gouvernement ne portaient pas tant sur l'instauration d'un seuil d'âge que sur la modification des éléments constitutifs de l'infraction de viol , parce qu'elle ne « caractérise pas suffisamment l'élément intentionnel du crime spécifiquement réprimé ». La délégation relève d'ailleurs que, dans son avis, « le Conseil d'État estime que, faute d'éléments déterminants dans un sens ou dans un autre, le seuil de quinze ans constitue , parmi d'autres solutions qui auraient pu être envisagées (certains acteurs ont, par exemple, évoqué l'âge de treize ans), une option qui ne se heurte à aucun obstacle juridique » ;

- en outre, interrogée par Laurence Rossignol, co-rapporteure, sur les raisons qui pourraient s'opposer à l'instauration d'un seuil d'âge dans le code pénal, la ministre de la Justice a indiqué, sans plus de précision, qu'elle n'était « pas sûre de sa constitutionnalité ». Il faut rappeler ici que la ministre elle-même s'était prononcée, au mois de novembre, pour l'instauration dans la loi d'une présomption de non-consentement en dessous d'un seuil de treize ans, estimant que « la question de l'âge en deçà-duquel le consentement du mineur est présumé ne pas exister est capitale, car il y a évidemment des situations extrêmement choquantes et inacceptables » 112 ( * ) ;

- enfin, on comprend difficilement pourquoi ce qui existe dans d'autres pays soumis, eux aussi, aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) en matière de droits de la défense ne pourrait pas exister en France . Sur ce point, la délégation relève tout particulièrement l'exemple britannique. En effet, au Royaume-Uni, un enfant de moins de treize ans n'a en aucune circonstance la capacité légale de consentir à une quelconque forme d'acte sexuel 113 ( * ) , et en cas de pénétration l'auteur encourt la réclusion à perpétuité (lorsqu'il n'y a pas de pénétration, la peine maximale est de quatorze ans). De même, en Italie, tout acte sexuel commis avec un mineur qui n'a pas atteint quatorze ans est puni de la même façon qu'un viol ou une agression sexuelle 114 ( * ) , avec des peines pouvant aller jusqu'à quatorze ans de réclusion.

Dans cet esprit, la délégation est favorable à l'instauration d'un seuil d'âge de treize ans dans le code pénal . Tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte sur un enfant de moins de treize ans relèverait ainsi des sanctions prévues en cas de viol , sans que les critères de violence, contrainte, menace ou surprise prévus par l'article 222-23 du code pénal soient pris en considération, et sans que puisse être évoquée la question du consentement de la victime .

Tout en comprenant la logique juridique qui a conduit à insérer dans le projet de loi une disposition prévoyant le renforcement des peines en cas d'atteinte sexuelle avec pénétration sur mineurs de quinze ans, délit qui serait passible de dix ans de prison, la délégation exprime les plus vives réserves à l'égard d'une telle mesure, qui risque de renforcer une tendance déjà préoccupante à la correctionnalisation des viols.

Elle estime que cette disposition est de nature à encourager des victimes à privilégier la correctionnalisation pour éviter les risques de la cour d'assises : or la délégation est d'avis que le viol est un crime et doit être jugé et sanctionné comme tel, et non comme un délit.

Elle reste préoccupée que l'on puisse considérer comme un délit l'atteinte sexuelle avec pénétration, qui concerne des victimes aussi jeunes. Elle considère la notion-même d'« atteinte sexuelle avec pénétration » comme un substitut du mot viol : c'est un viol qui n'ose pas dire son nom.

(2) Étendre les missions des services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) au repérage des mineures menacées ou victimes d'excision

La délégation a été alarmée par le fait que, selon les statistiques des organismes internationaux compétents, les mutilations sexuelles féminines continuent à faire une victime toutes les quinze secondes dans le monde , menaçant ainsi 30 millions de filles au cours des dix prochaines années.

Elle a considéré que ce sujet avait toute sa place dans un agenda que la délégation a dédié, en cette session 2017-2018, aux violences faites aux femmes. Son rapport d'information sur les mutilations sexuelles féminines, présenté au nom de la délégation par Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac 115 ( * ) , confirme en effet que ces pratiques s'inscrivent dans un ensemble traumatique qui comprend tout le spectre des violences faites aux femmes , a fortiori pour les femmes confrontées aujourd'hui aux dangers des parcours migratoires.

Les acteurs de la lutte contre l'excision avaient de surcroît averti la délégation de la persistance d'une menace qui pèse aujourd'hui, dans notre territoire, sur des adolescentes au moment des congés scolaires , en fonction du pays d'origine de leurs parents.

Empêcher que ces jeunes filles soient mutilées, et accompagner celles qui malheureusement ont subi une excision, est donc un enjeu de protection de l'enfance et de santé publique . Il est donc légitime d'inscrire ce thème dans la discussion du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes.

L'une des recommandations concluant le rapport d'information précité sur les mutilations sexuelles féminines consistait à rendre systématique le repérage, par l'Aide sociale à l'enfance (ASE), des mineures menacées d'excision en invitant le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) à sensibiliser les services de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) à la nécessité de prendre en compte l'hypothèse d'un risque d'excision dans le cadre de toute décision concernant la santé de mineures potentiellement exposées à une mutilation sexuelle, du fait du pays d'origine de leur famille 116 ( * ) .

Cette bonne pratique avait été suggérée à la délégation par la directrice de Women Safe - Institut en santé génésique , structure exemplaire pour l'accueil, l'orientation et l'accompagnement des femmes victimes de violences 117 ( * ) . Lors de son audition par la délégation, le 22 mars 2018 118 ( * ) , Frédérique Martz avait en effet évoqué les mineures adressées à l'institut par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et estimé que, en cas de doute sur la santé d'une mineure, les services de l'ASE devraient avoir le réflexe d'envisager, en fonction du pays d'origine de cette adolescente, un risque d'excision et de faire procéder à un examen médical en conséquence 119 ( * ) .

La délégation propose donc d' étendre les missions des services de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), définies par l'article L. 221-2 du code de l'action sociale et des familles 120 ( * ) , au repérage et à l'orientation des mineures victimes ou menacées de mutilations sexuelles féminines.

b) Mieux défendre les victimes de violences sexuelles
(1) Reconnaître l'amnésie traumatique comme obstacle insurmontable à la mise en mouvement de l'action publique

L'article 2 bis de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, introduit à l'initiative de notre collègue François-Noël Buffet, vise à faciliter la prise en compte des troubles psycho-traumatiques, et notamment des amnésies post-traumatiques , dans le régime de prescription .

Il propose ainsi que l'amnésie traumatique soit reconnue comme obstacle insurmontable , au sens de la loi portant réforme de la prescription en matière pénale. À cet égard, notre collègue François-Noël Buffet a rappelé que « depuis longtemps, cet élément de droit est reconnu par la jurisprudence comme suspensif de prescription. Ce principe a trouvé sa consécration légale dans la loi du 27 février 2017 ».

Dans cet esprit, l'expertise médico-judiciaire pourrait être ordonnée à la demande des victimes pour permettre à la juridiction d'instruction ou de jugement de se prononcer sur l'existence d'un obstacle insurmontable suspendant la prescription 121 ( * ) .

Comme l'a indiqué notre collègue François-Noël Buffet en séance publique, « Il est important de permettre aux magistrats qui instruiront un dossier de viol contre un mineur de s'entourer des médecins et experts compétents, seuls capables d'établir l'existence ou l'absence d'amnésie traumatique. Dès lors que celle-ci aura été médicalement constatée - il y a de nombreux éléments pour le faire -, le délai de prescription sera suspendu, ce qui permettra à la victime de déposer valablement plainte et de faire prospérer valablement sa cause ».

La délégation estime que cette mesure est pertinente, car elle facilitera la reconnaissance en justice des troubles psycho-traumatiques , qui affectent la mémoire et peuvent de ce fait constituer un véritable « obstacle insurmontable ».

En outre, comme l'a souligné Marie Mercier en séance publique, au cours de l'examen de la proposition de loi, l'adoption d'une telle mesure « permettra la prise en charge de l'expertise au titre des frais de justice ».

La délégation recommande donc l'adoption de la disposition relative à la reconnaissance de l'amnésie traumatique comme « obstacle insurmontable » à la mise en mouvement de l'action publique.

(2) Permettre au procureur de diligenter une enquête, même en cas de prescription

Dans son rapport Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles 122 ( * ) , le groupe de travail de la commission des lois a formulé une proposition qui affirme le « droit imprescriptible des victimes à être entendues par les services enquêteurs, indépendamment des règles relatives à la prescription de l'action publique ».

De même, dans son rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 123 ( * ) , la délégation a mis en avant une bonne pratique du parquet de Paris consistant à permettre aux victimes de déposer plainte, même en cas de prescription . Dans ces circonstances, les victimes sont accueillies et une enquête est menée. Elle peut aller jusqu'à l'audition du mis en cause en audition libre.

Entendu par la délégation le 22 février 2018, le procureur de la République de Paris a souligné le caractère réparateur que peut avoir l'ouverture d'une enquête pour les victimes , même si elle n'aboutit pas sur le plan pénal. En effet, les victimes peuvent parfois obtenir dans ce cadre des aveux, voire des excuses de la part de leur agresseur qui parlera plus librement, en sachant qu'il ne pourra pas être poursuivi, en raison de la prescription de l'action publique. Ces situations peuvent contribuer à la reconstruction des victimes.

Convaincue que les victimes de crimes sexuels durant l'enfance ont un « droit imprescriptible » à être entendues , la délégation a formulé une recommandation, en conclusion de son rapport précité, encourageant la diffusion, au sein des parquets, de la pratique consistant à mener des enquêtes, même en cas de prescription 124 ( * ) .

Outre qu'une telle disposition permettrait aux victimes de voir reconnu a minima leur statut de victime par l'institution judiciaire, elle présenterait aussi l'avantage de s'assurer que l'auteur présumé des faits ne s'est pas rendu coupables d'autres infractions à caractère sexuel dont le délai de prescription ne serait pas expiré. Le rapport de la délégation a en effet insisté sur le fait que beaucoup d'auteurs d'infractions sexuelles sont des récidivistes : comme le soulignait lors de son audition la présidente du Collectif féministe contre le viol , le 18 janvier 2018, « les violeurs ne commettent jamais des actes uniques, et ils ont des carrières épouvantablement longues ». Offrir la possibilité au procureur d'ouvrir une enquête, même en cas de prescription, permettrait peut-être aussi d'éviter que les prédateurs sexuels poursuivent leurs agissements.

La délégation souhaite donc que le code de procédure pénale donne explicitement la possibilité au procureur d'ouvrir une enquête, même en cas de prescription, en matière d'infraction sexuelle. Elle estime qu'une telle mesure pourrait contribuer à mieux repérer les prédateurs sexuels par le recoupement de plusieurs affaires , dont certaines ne seraient pas prescrites.

(3) Améliorer la définition de la contrainte morale à l'article 222-2-1 du code pénal

Aux termes de l'article 222-22-1 du code pénal 125 ( * ) , la contrainte prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 qui définit les agressions sexuelles comme « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise », peut être physique ou morale, et la contrainte morale « peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime ».

La rédaction actuelle de l'article 222-22-1 du code pénal laisse à penser que, pour que la contrainte morale soit constituée, il faut prouver la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits ainsi que l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime.

Même si la jurisprudence semble avoir déjà tiré les conséquences de cette ambiguïté, la délégation juge souhaitable que la loi soit rédigée de manière à éviter toute limitation de l'appréciation de la contrainte morale par le juge , en prévoyant une condition cumulative (« et ») plutôt qu'alternative (« ou »).

Pour lever toute ambiguïté dans la définition de la contrainte morale , qui contribue à l'appréciation du crime de viol, la délégation estime qu'il serait pertinent de modifier la rédaction de l'article 222-22-1 du code pénal de façon à prévoir que la contrainte morale peut résulter de la différence d'âge entre la victime et son agresseur ou de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci peut exercer sur elle , et non pas du cumul de ces deux critères.

(4) Créer une circonstance aggravante en cas de violences sexuelles avec ITT supérieure à huit jours

Dans son rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 126 ( * ) , la délégation a été alertée sur une lacune dans la répression des infractions sexuelles , s'agissant plus particulièrement de l'article 222-28 du code pénal qui définit les circonstances aggravantes s'appliquant aux agressions sexuelles (voir l'encadré ci-après).

En effet, le code pénal ne prévoit pas de circonstance aggravante en cas d'agression sexuelle ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jour.

Pourtant, dans ces situations, les victimes subissent de graves traumatismes, aussi bien physiques que psychologiques , ce qui peut avoir des répercussions catastrophiques sur leur situation professionnelle en particulier, et les entraîner dans un long parcours de précarité sociale.

LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES EN MATIÈRE DE VIOLENCES SEXUELLES

Articles 222-27 et 222-28 du code pénal

Article 222-7. - Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Article 222-28. - L'infraction définie à l'article 222-27 est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende :

1° Lorsqu'elle a entraîné une blessure ou une lésion ;

2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

3° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

4° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

5° Lorsqu'elle est commise avec usage ou menace d'une arme ;

6° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;

7° Lorsqu'elle est commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;

8° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ;

9° Lorsqu'elle est commise, dans l'exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle.

Le procureur de la République de Paris a attiré l'attention de la délégation sur ce vide juridique, au cours de son audition, le 22 février 2018 : « Aujourd'hui, cette circonstance n'est pas prévue par le code et il s'agit là d'une lacune » 127 ( * ) .

La délégation souhaite donc que soit introduite à l'article 222-28 du code pénal une circonstance aggravante en cas d'agression sexuelle ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jours.

(5) Mieux indemniser les personnes licenciées après avoir été victimes de harcèlement sexuel

Dans son rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 128 ( * ) , la délégation a formulé une recommandation visant à mieux indemniser les personnes licenciées après avoir été victimes de harcèlement sexuel .

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels , dit loi « El Khomri », a prévu le remboursement par l'employeur des indemnités chômage versées à une personne licenciée à la suite d'un traitement discriminatoire ou d'un acte de harcèlement, ainsi que le versement d'une indemnité plancher de six mois pour toute salarié licencié en raison d'un motif discriminatoire ou à la suite d'un harcèlement dont il a été victime .

La délégation préconise de porter le montant de cette indemnité plancher à douze mois . Plusieurs de ses membres avaient déposé des amendements en ce sens au cours de l'examen de la loi « El Khomri ».

Selon Marylin Baldeck, déléguée générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), association de référence dans ce domaine 129 ( * ) , un montant plancher de douze mois garantirait aux victimes une meilleure prise en charge des préjudices subis au titre du harcèlement dont elles ont été victimes, tout en encourageant les employeurs à respecter leurs obligations de prévention .

En outre, si les victimes peuvent obtenir ce niveau d'indemnisation dans certaines affaires, notamment lorsqu'elles représentées par une association spécialisée comme l'AVFT, la délégation estime qu'il serait plus équitable d'instaurer un montant plancher de douze mois dans une démarche d'harmonisation .

La délégation relève enfin que cette proposition est également défendue par le Défenseur des Droits , entendu par la délégation le 25 janvier 2018 dans le cadre de la préparation du rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 130 ( * ) .

Afin de mieux indemniser les personnes licenciées après avoir été victimes de harcèlement sexuel, la délégation préconise de porter de six à douze mois le montant de l'indemnité plancher qui constitue le minimum qu'une personne victime de harcèlement puisse recevoir à la suite d'un licenciement dans le cadre d'un contentieux devant les prud'hommes.

Elle estime que cette mesure garantirait aux victimes une meilleure prise en charge des préjudices subis au titre du harcèlement, tout en encourageant les employeurs à respecter leurs obligations de prévention .

c) La création d'un délit autonome d'agissement sexiste
(1) Une conclusion du rapport d'information de la délégation La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ?

La proposition tendant à créer dans le code pénal un délit autonome d'agissement sexiste avait fait partie des conclusions du rapport d'information de la délégation La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ? , publié en novembre 2016 131 ( * ) , dont certain membres de la délégation avaient tiré les conséquences dans le cadre d'une proposition de loi dont ils avaient pris l'initiative le 9 mars 2017 132 ( * ) .

La définition de ce nouveau délit, visée par l'article premier de cette proposition de loi, s'inspirait de l'agissement sexiste défini par l'article L. 1142-2-1 du code du travail, où il a été inséré par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, et par l'article 6 bis de la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, où il a été introduit par l'article 7 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

L'objectif était de compléter le code pénal en cohérence avec le code du travail, de même que le harcèlement sexuel est traité à la fois par le code pénal et par le code du travail . Constituerait ainsi un agissement sexiste au sens du code pénal « tout agissement à raison du sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant », comme c'est le cas dans le code du travail.

La proposition de loi précisait, dans l'exposé des motifs, que « l'agissement sexiste va bien au-delà des comportements grivois excusés par certains sous prétexte qu'ils seraient l'expression d'une galanterie flatteuse. Ces comportements humiliants peuvent en effet être la cause de véritables perturbations psychologiques pour les victimes et considérablement altérer l'atmosphère d'un lieu de travail. La récusation d'autorité dont certaines femmes font l'objet, de même que les exigences sapant petit à petit la mixité des équipes, constituent également, il n'en faut pas douter, des agissements sexistes ». Elle évoquait la situation d'« enseignantes auxquels des pères d'élèves refusent de parler ou de serrer la main, de membres du personnel soignant récusé-e-s par des malades ou leur famille en raison de leur sexe, d'employé-e-s auxquel-les des client-e-s refusent de s'adresser et exigent d'avoir affaire à une personne de leur sexe... »

Elle faisait observer que « L'humiliation subie du fait de ces comportements inacceptables est généralement méconnue, voire incomprise, de ceux et celles qui n'en ont jamais fait les frais ».

Elle attirait l'attention sur le fait que ces comportements et attitudes ne se limitent pas aux relations entre collègues ou au sein d'une hiérarchie, mais affectent potentiellement tous les aspects de la vie des femmes .

Alors que l'article L. 1142-2-1 du code du travail et l'article 6 bis de la loi de 1983 ne prévoient pas de sanction autre que disciplinaire, la proposition de loi proposait d'assortir l'agissement sexiste d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros, par cohérence avec les sanctions retenues par l'article L. 1146-1 du code du travail à l'égard de la méconnaissance des dispositions relatives à l'égalité professionnelle prévues par les articles L. 1142-1 et L. 1142-2 du code du travail (refus d'embauche, de mutation, de renouvellement d'un contrat de travail en raison du sexe, décision prise en considération du sexe ou de la grossesse s'agissant notamment de la rémunération, de l'affectation, de la promotion professionnelle ou de la mutation d'une personne).

La proposition de loi prévoyait en outre une circonstance aggravante quand l'agissement sexiste vise une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Ce point avait été inspiré par la réflexion de l'une de nos collègues sur le cas d'hommes « qui prennent leur certificat de nationalité mais qui refusent, au cours de cette cérémonie, de serrer la main d'une parlementaire, parce que c'est une femme ! » . Le rapport d'information de la délégation estimait à cet égard qu'« un tel comportement de la part d'une personne venant de recevoir la nationalité française [posait] problème » 133 ( * ) .

La délégation estime plus que jamais nécessaire de montrer la détermination des pouvoir publics français face à ce type de provocation, car de tels comportements visent non seulement la dignité d'une personne, mais aussi l'autorité de l'État .

La proposition de loi proposait de situer ce nouvel article du code pénal après les articles consacrés aux discriminations, au sein du chapitre V du Titre II du Livre II intitulé « Des atteintes à la dignité de la personne ».

(2) ...confirmée dans le récent rapport d'information de la délégation sur les violences faites aux femmes

Le rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 134 ( * ) confirme que les remarques formulées en 2016 demeurent d'actualité près de deux ans plus tard.

Il rejoint le constat formulé dans son avis relatif au harcèlement sexiste et aux violences sexuelles dans les transports en commun 135 ( * ) par le Haut conseil à l'égalité, qui a mis en évidence l'ampleur d'un phénomène qui « empoisonne la vie des femmes au quotidien » , sans pour autant être réprimé.

Le rapport d'information précité évoque « l'exaspération de femmes devant des interpellations injurieuses, des commentaires insultants sur leur tenue vestimentaire, des invitations sexuelles plus qu'insistantes, des gestes à connotation sexuelle imposés » dénoncée par l'association Stop Harcèlement de Rue . Il rapportait les comportements mettant en cause la place des femmes dans l'espace public, que la pétition des habitantes du quartier de la Chapelle-Pujol, à Paris, en mai 2017, a contribué à mieux faire connaître 136 ( * ) , notant que « Depuis quelques années, la notion de harcèlement a été utilisée pour qualifier des situations vécues par les femmes dans la rue ou les transports, voire dans le cadre d'échanges privés lors de circonstances festives.

« Pour de trop nombreuses femmes, ce qu'elles subissent dans l'espace public va bien au-delà de la « drague lourde » à laquelle les représentations communes réduisent de tels comportements. Ceux-ci, en réalité, mettent en cause leur sécurité . Selon un récent rapport du Centre Hubertine Auclert 137 ( * ) , les franciliennes seraient tout particulièrement exposées aux violences sexistes et sexuelles dans l'espace public, plus fréquemment dans les transports que dans la rue, et la tranche d'âge la plus menacée serait celle des jeunes femmes de 20 à 25 ans ». La pétition se réfère à un large spectre de comportements sexistes ou à connotation sexuelle, comprenant commentaires dégradants sur l'attitude vestimentaire ou l'apparence d'une personne, regards insistants et sifflements, voire le fait de suivre une femme dans la rue ou dans les transports .

Selon la délégation, ces comportements ne se limitent pas à la rue ou aux transports et il est impératif d'en tirer les conséquences dans le droit pénal.

(3) La possibilité de créer un délit spécifique : les enseignements du droit comparé

Une note de la division de la Législation comparée 138 ( * ) , suscitée par la délégation et annexée au présent rapport, concerne la pénalisation du harcèlement dit « de rue » et l'incrimination plus générale de l'agissement sexiste, qui couvrirait notamment les cas de harcèlement sur le lieu de travail ou dans l'espace public.

Elle rapporte que « Hors le cas de la Belgique qui définit globalement l'agissement sexiste afin de le pénaliser dans l'espace public, on privilégie en Europe un arsenal anti-discrimination à portée générale sans cibler une spécificité du sexisme ».

Elle observe que « Lorsque le harcèlement de rue est explicitement sanctionné comme au Portugal et en Amérique latine, la terminologie retenue fait une distinction avec le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, alors que le droit français tend nominalement si ce n'est conceptuellement, à les regrouper sous une même catégorie générique de harcèlement ».

S'agissant de la Suède , cette note conclut à l'absence « de dispositions législatives spécifiques réprimant le harcèlement de rue en Suède [...]. Sans que l'absence de dispositions spécifiques signale nécessairement l'inexistence des problèmes, cela laisse penser que les règles sociales qui structurent la société suédoise condamnent déjà fortement à la fois les comportements explicitement misogynes et toutes les interpellations non désirées sur la voie publique pour qu'il ne soit pas perçu nécessaire de pénaliser le harcèlement de rue ».

Le document de la division de la Législation comparée observe, à l'égard du Royaume-Uni que « S'il n'existe pas de disposition législative spécifique réprimant le harcèlement de rue et les agissements sexistes, [...] la police du comté de Nottingham a toutefois décidé, en avril 2016, d'inclure de tels comportements dans la catégorie des crimes de haine ( hate crimes ) pour y sensibiliser la population. D'autres polices ont suivi cet exemple : ainsi dans le Yorkshire du Nord, la police du comté a ajouté la catégorie « misogynie » à la liste des hate crimes potentiels, le 10 mai 2017 139 ( * ) ».

Cette étude relève que « Dans un hate crime , la victime est ciblée du fait de son identité entendue de la façon la plus large. La catégorie déborde très nettement les crimes au sens strict ; elle englobe aussi bien des injures, du bullying que des attaques contre des biens ou des personnes. La motivation de ce type d'incivilités ou d'agressions repose sur des préjugés qui englobent les facteurs classiques de discrimination comme l'origine ethnique, la religion, l'orientation sexuelle, le handicap, la transsexualité ou la misogynie mais qui peuvent aussi viser l'appartenance à une culture alternative (gothiques, punks, etc.) 140 ( * ) . Le document d'information sur l'égalité et la diversité ( Equality and Diversity Information 2017 ), co-publié notamment par la police du Nottinghamshire, fait état, quant à lui, sur la période 2016-2017, de 63 « incidents » et 32 « hate crimes » relevant de la catégorie misogynie, sur un total de 2045 « hate and incident crimes » s'étant produits, sur la même période, dans le comté de Nottingham 141 ( * ) ».

À un échelon national, le Ministère public au Royaume Uni (Crown Prosecution Service - CPS) indique, selon l'analyse de la Division de la Législation comparée, que « la police et le CPS se sont accordé sur la définition suivante pour identifier et démarquer les crimes de haine : toute infraction pénale perçue par la victime ou toute autre personne comme étant motivée par l'hostilité ou les préjugés, basée sur le handicap de la personne ou son handicap perçu, son origine ethnique ou son origine perçue, sa religion ou sa religion perçue, ou son orientation sexuelle ou son orientation sexuelle perçue ou une personne transgenre ou perçue comme telle » : « Le terme d'hostilité n'est pas juridiquement défini, c'est donc la compréhension quotidienne du mot qui est utilisée, ce qui inclut la malveillance, la rancune, le mépris, le préjugé, l'inimitié, la rivalité, le ressentiment et l'aversion 142 ( * ) . La grande diversité des situations empêche de les soumettre à une seule incrimination pénale précise. Le CPS décide de l'opportunité des poursuites et traite davantage la misogynie comme une potentielle circonstance aggravante 143 ( * ) . »

Comme le souligne cette note, « La Belgique est allée au-delà de l'arsenal commun européen anti-discrimination et de la mise en place, en opportunité, d'une politique active de poursuite du sexisme dans l'espace public pour définir et pénaliser l'agissement sexiste.

Aux termes de la loi belge n° 586 du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public 144 ( * ) , est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende allant de 50 € à 1 000 € , ou de l'une de ces peines seulement, quiconque adopte un comportement sexiste (art. 3). »

La loi belge définit le sexisme comme tout geste ou comportement qui a « manifestement pour objet d'exprimer un mépris à l'égard d'une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer, pour la même raison, comme inférieure ou comme réduite 145 ( * ) à sa dimension sexuelle et qui entraîne une atteinte grave à sa dignité » (art. 2) : « Pour l'application de cette loi, le sexisme est expressément réprimé dans les circonstances prévues à l'article 444 du code pénal belge, qui réprime les atteintes portées à l'honneur ou à la considération des personnes dans des réunions ou lieux publics, dans un lieu recevant du public ou, en présence de l'offensé et devant témoins, dans un lieu quelconque ».

L'étude de la division de la législation comparée précise que « la loi de 2014 procède à un ajustement des dispositions de la loi belge n° 2098 du 10 mai 2007 tendant à lutter contre les discriminations entre les femmes et les hommes, qui transposaient les directives européennes, pour pénaliser les discriminations directes et indirectes dans l'accès aux biens et aux services (art. 4) et dans les relations de travail (art. 5). La même peine est prévue que pour l'agissement sexiste dans l'espace public, de telle sorte que le dispositif pénal belge soit homogène et complet, quel que soit le lieu où se produit l'atteinte à la dignité de la femme et quelle que soit sa caractérisation juridique (sexisme ou discrimination) ».

De surcroît, cette note rappelle que, selon la Cour constitutionnelle belge, « un éventuel consentement à l'agissement sexiste incriminé de la part de la victime ne saurait, à lui seul, exclure la responsabilité pénale de l'auteur » 146 ( * ) : « Il revient au juge saisi d'évaluer in concreto si les éléments constitutifs de l'infraction, y compris l'atteinte grave à la dignité humaine, sont réunis ». De plus, « Seule la combinaison de l'atteinte grave à la dignité et d'une intention de mépriser ou de rabaisser rend punissable le comportement visé » ; « Il appartient la partie poursuivante de prouver l'existence du dol spécial requis 147 ( * ) ».

S'agissant du Portugal , « son système juridique pénalise à la fois le harcèlement sexuel et le harcèlement de rue, distingués sous les termes d' assédio sexual et d' importunação ».

Le nouvel article 170 du code pénal portugais, adopté dans le cadre d'une loi d'août 2015 148 ( * ) , dispose donc : « qui importune une autre personne, en pratiquant devant elle des actes à caractère exhibitionniste, en formulant des propositions à teneur sexuelle ou en la contraignant à un contact de nature sexuelle, est puni d'une peine de prison allant jusqu'à un an ou d'une amende allant jusqu'à une valeur de 120 jours 149 ( * ) ». Il prévoit que, lorsque la victime a moins de quatorze ans, âge limite du consentement à une relation sexuelle au Portugal, le crime est requalifié comme atteinte à l'autodétermination sexuelle 150 ( * ) et l'auteur est puni de trois ans de réclusion au maximum (art. 171).

La note de la division de la Législation comparée indique que la poursuite de ce crime dépend d'une plainte de la victime, sauf s'il est commis sur un mineur. Elle précise que « D'après le Ministère public portugais, en novembre 2017, 733 enquêtes avaient été menées après une plainte pour harcèlement de rue, 75 donnant lieu à une inculpation, aucune n'ayant encore abouti à une condamnation ».

La loi péruvienne distingue, comme l'indique l'étude de la division de la Législation comparée, le harcèlement sexuel ( hostigamiento sexual ) et le harcèlement de rue ( acoso sexual en los espacios publicos ).

Cette note rappelle que « le Pérou est le premier pays d'Amérique Latine à avoir pénalisé le harcèlement ( acoso ) de rue après l'adoption de la loi du 23 mars 2015 pour prévenir et sanctionner le harcèlement sexuel dans les espaces publics. 151 ( * ) Elle trouve à s'appliquer dans toutes les aires d'usage public constituées par les voies publiques et les zones de loisir (art. 2), tels que les parcs publics ou éventuellement les galeries marchandes » : « Sont punissables les propos ou les comportements non désirés, tenus dans un espace public qui présentent une nature ou une connotation sexuelle, dont la victime considère qu'ils portent atteinte à sa dignité et ses droits fondamentaux en suscitant intimidation, hostilité, dégradation, humiliation ou un environnement offensant. La caractérisation de l' acoso est proche de celle de l' hostigamiento sur le lieu de travail, si ce n'est l'absence d'un lien d'autorité et d'une condition de répétition des faits, mais la loi précise que, pour constituer une infraction pénale, il faut que l' acoso donne lieu à un rejet explicite de l'acte par la victime, sauf lorsqu'elle est mineure ou que les circonstances l'empêchent de l'exprimer (art. 5) ».

La note de la division de la Législation comparée indique que « les sanctions prennent la forme d'amendes , ce qui apparente le harcèlement de rue à une contravention et justifie qu'il ne trouve pas sa place dans le code pénal péruvien. On retrouve la même logique à l'oeuvre en Argentine ».

En Argentine , la loi « ne définit, ni ne sanctionne le harcèlement sexuel ou les agissements sexistes ». L'étude de la division de la Législation comparée relève que « la ville de Buenos Aires est la première instance en Argentine à reconnaître légalement le harcèlement de rue ( acoso callejero ) 152 ( * ) en 2015. Puis, le harcèlement sexuel dans les espaces publics et privés d'accès public fut reconnu comme contravention par la loi n° 5742 du 7 décembre 2016 », les provinces autonomes ayant compétence pour légiférer dans certains domaines et dans le respect de la loi fédérale 153 ( * ) . Les provinces étant compétentes en matière de contraventions, mais pas de crimes et délits, « Il existe donc potentiellement un espace entre le harcèlement de rue comme contravention et l'agression sexuelle comme délit, espace dans lequel certains agissements pourraient ne pas être sanctionnés », relève la note de la division de la Législation comparée qui souligne que :

- « Le harcèlement de rue est défini de la même manière qu'au Pérou à ceci près que la loi de Buenos-Aires précise que l'agissement mis en cause est « fondé sur le genre, l'identité sexuelle ou l'orientation sexuelle de la victime » (art. 2). La sanction prévue est de 2 à 10 jours de travaux d'intérêt général et une amende de 200 à 1000 pesos (50 € environ) (art. 5) » ;

- et que « la ville de Buenos Aires a mis en place une plateforme en ligne sur le harcèlement de rue 154 ( * ) , qui en décrit les manifestations et explique le droit applicable . Le site permet à la victime de porter plainte en ligne et d'être contactée pour un accompagnement psychologique et des conseils juridiques » 155 ( * ) .

Ces analyses confirment :

- que l'exemple de la Suède montre que la sanction des comportements relevant du harcèlement dit « de rue » n'est pas nécessaire dans les pays où ces comportements ne sont pas tolérés ;

- qu'interdire par la loi ces comportements est possible, et qu'il existe des précédents de telles infractions dans des pays européens - Belgique, Portugal - dont le système juridique est comparable au nôtre ;

- que selon les pays, les sanctions peuvent prendre la forme de peines d'emprisonnement assorties éventuellement d'amendes (Portugal, Belgique) ou d'amendes exclusivement (Pérou et Argentine).

(4) L'agissement sexiste proposé par la délégation

Conformément aux conclusions de son récent rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 156 ( * ) , la délégation est d'avis que l'outrage sexiste prévu par l'article 4 du projet de loi n'est pas pleinement convaincant.

Elle constate tout d'abord que l'outrage sexiste a été contesté par le Conseil d'État car il constitue une contravention, qui relève des compétences du pouvoir réglementaire . Certes, cette confusion entre les champs de compétences définis par les articles 34 et 37 de la Constitution n'est pas anticonstitutionnelle en soi, mais la délégation suggère, comme l'exprimait le Conseil d'État dans son avis, que le Gouvernement présente « un projet de décret créant cette nouvelle contravention » 157 ( * ) .

La délégation note que la définition de l'outrage sexiste prévue par l'article 4 du projet de loi, en se référant « au fait d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste, etc. » renvoie implicitement à la notion de consentement de la victime . Cette définition risque d'altérer l'efficacité de la nouvelle infraction en faisant porter le débat sur l'attitude de cette dernière et sur l'hypothèse d'une attitude aguicheuse supposée qui exonérerait de responsabilité l'auteur de l'infraction. Elle estime au contraire que la définition de l'infraction doit être centrée sur le comportement de l'auteur des faits .

De surcroît, comme elle l'a fait valoir dans son rapport d'information précité, la délégation estime que « la plupart des comportements visés par l'outrage sexiste peuvent d'ores et déjà être réprimés par le droit existant » 158 ( * ) : agression sexuelle, exhibition sexuelle, violences volontaires n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, injure.

La délégation doute de l'efficacité de l'outrage sexiste , qui repose sur le flagrant délit , ce qui suppose que des effectifs très importants soient mis en place pour que les personnels habilités à constater cette infraction et à verbaliser ses auteurs soient en cohérence avec la fréquence des faits à réprimer .

La délégation partage les réserves exprimées par Danielle Bousquet, présidente du Haut conseil à l'égalité , auditionnée le 12 juin 2018 à l'égard du choix d'une contravention de 4 ème classe : l'outrage fait aux femmes équivaut, dans l'échelle des peines, à l' abandon de déchets sur la voie publique ...

L'outrage sexiste n'est pas à la hauteur de ce que subissent les femmes ; il n'est pas en mesure de « fixer un interdit pour des comportements qui, au quotidien, empoisonnent la vie des femmes, dans l'espace public comme ailleurs » 159 ( * ) .

La délégation est convaincue qu'une nouvelle infraction est nécessaire pour protéger les femmes de comportements qui affectent leur dignité. Elle recommande que ce délit puisse caractériser aussi les agissements inadmissibles qu'elle a dénoncés dans son rapport La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ? 160 ( * ) , car ils portent atteinte aux valeurs de mixité et d'égalité auxquels notre pays est attaché . La délégation a alors plaidé pour la création d'une infraction qui permette de réprimer des comportements tels que le refus de serrer la main d'une femme ou la récusation de son autorité, pour le seul motif qu'elle est une femme .

Elle a aussi constaté que ces agissements et attitudes se heurtaient à un vide juridique.

Ils ne relèvent pas de l'injure, car celle-ci, selon l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse , suppose le recours à des « écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image » 161 ( * ) , c'est-à-dire à des propos écrits ou oraux. Elle n'inclut pas a priori des gestes.

Ils ne constituent pas une agression sexuelle ; ils ne relèvent pas non plus du harcèlement dit d'ambiance, qui suppose la répétition.

Comme la délégation le rappelle dans son rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , adopté le 12 juin 2018, il est nécessaire de ne pas limiter le champ de la nouvelle infraction aux comportements et propos déplorés dans les transports ou dans la rue.

La délégation privilégie donc la notion et le terme d'« agissement sexiste » proposés, en réponse à ces comportements menaçant la dignité des femmes, en conclusion de son rapport La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ? de novembre 2016. Cette formule présente l'avantage en effet :

- de poser comme critère, non seulement l'objet des comportements sanctionnés (porter atteinte à la dignité de la victime ou créer à son égard un « environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant », mais aussi l'effet de ces comportements sur la victime ;

- de ne pas limiter la sanction de ce nouveau délit au champ contraventionnel ni d'exclure des peines d'emprisonnement , comme le prévoit du reste l'article 433-5 du code pénal relatif à l'outrage à personne chargée d'une mission de service public, à un dépositaire de l'autorité publique ou d'une personne chargée d'une mission de service public.

La délégation estime que, compte tendu de l'importance qu'elle attache à ce nouveau délit et de la gravité des comportements qu'il est destiné à sanctionner, de telles sanctions sont nécessaires pour poser l'interdit.

Dans cette logique, elle considère que les amendes de 135 euros (contravention de 4 ème classe) et 1 500 euros (5 ème classe) prévus par l'article 4 du projet de loi ne suffisent pas.

La délégation est particulièrement attachée, s'agissement du délit d'agissement sexiste, à l'existence d'une circonstance aggravante liée au préjudice exercé sur une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public .

Elle estime toutefois que diverses mesures prévues par l'article 4 pourraient compléter utilement la rédaction initiale de la proposition de loi. Il s'agit plus particulièrement des circonstances aggravantes suivantes, qui peuvent s'appliquer aussi aux agissements sexistes :

- le fait que la victime soit un(e) mineur(e) de quinze ans , qu'elle présente une vulnérabilité (liée à son âge, à une maladie, une infirmité, une déficience physique ou psychique, un état de grossesse ou la précarité de sa situation économique ou sociale) ;

- le fait d'agir en réunion ou dans les transports en commun .

La définition de l'agissement sexiste peut aussi être précisée par rapport à ce que prévoit l'article L1142-2-1 du code du travail 162 ( * ) qui l'a pour la première fois défini, à l'initiative de membres de la délégation aux droits des femmes du Sénat, dans le cadre de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi 163 ( * ) .

Selon l'étude d'impact du projet de loi, l'agissement sexiste aurait été écarté lors de la préparation du projet de loi au motif que sa définition ne permettrait pas « de cibler de façon suffisamment précise les comportements concernés ». Ce document faisait état d'« un risque sérieux d'inconstitutionnalité ».

La délégation propose donc de définir l'agissement sexiste comme « tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste », le reste de la définition reprenant celle de l'agissement sexiste dans le code du travail (« ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant »).

La même définition serait, par cohérence, transposée au code du travail et au statut des fonctionnaires.

Particulièrement alarmée par la diffusion de comportements qui conduisent à mettre en cause la présence des femmes dans l'espace public et par la multiplication de propos, comportements et attitudes qui portent atteinte à leur dignité , la délégation recommande, comme l'a fait en 2016 en conclusion d'un précédent rapport 164 ( * ) et conformément à l'une des conclusions de son récent rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , la création dans le code pénal d'un délit autonome d'agissement sexiste , de préférence à l'« outrage sexiste » prévu par l'article 4 du projet de loi.

La délégation n'est pas convaincue que l'outrage sexiste soit assorti de peines suffisantes pour fixer un interdit à la hauteur de comportements qui, au quotidien, nuisent aux femmes, dans l'espace public comme ailleurs, et menacent nos valeurs .

Elle craint que l'application de l'outrage sexiste, fondée sur la flagrance, se heurte à des considérations de moyens.

Le délit autonome qu'elle préconise s'inspirerait, pour l'essentiel, de la définition de l'agissement sexiste prévu par le code du travail et par le statut des fonctionnaires .

Il serait assorti de peines plus importantes que l'outrage sexiste et de circonstances aggravantes intégrant les cas où la victime serait une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public.

d) Améliorer la prévention des violences sexuelles
(1) Enrichir la loi d'un volet préventif

Le projet de loi présenté par le Gouvernement se limite au volet répressif de la protection des victimes de violences, sans proposer de dispositions dans le domaine de la prévention . Or le rapport de la délégation Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société a rappelé l'importance cruciale de la prévention dans la politique de lutte contre les violences.

Le projet de loi est donc, de ce point de vue, moins ambitieux que la proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, adoptée par le Sénat le 27 mars 2018, à l'initiative de nos collègues Philippe Bas et Marie Mercier.

Pour mémoire, l'article 1 er du texte sénatorial approuve le Rapport sur les orientations de la politique de protection des mineurs contre les violences sexuelles , annexé à la proposition de loi.

Comme le souligne l'exposé des motifs de la proposition de loi initiale déposée par Philippe Bas et Marie Mercier, « si [...] des évolutions législatives peuvent être utiles pour renforcer la répression pénale des infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs, avec la préoccupation de parvenir à un équilibre entre les attentes légitimes des victimes et les principes essentiels de la justice pénale, il convient avant tout de mobiliser davantage de moyens pour une politique de prévention plus efficace , une répression pénale plus opérante et un meilleur accompagnement des victimes ».

La délégation estime donc particulièrement important de voir figurer un volet préventif dans le projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes .

Elle recommande donc d' annexer au projet de loi le Rapport sur les orientations de la politique de protection des mineurs contre les violences sexuelles , qui complète la proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 mars 2018 à l'initiative de nos collègues Marie Mercier et Philippe Bas.

(2) Revoir les dispositions du code de l'éducation sur l'éducation à la sexualité pour y intégrer l'information sur l'égalité entre femmes et hommes

Toute réflexion sur les violences faites aux femmes et sur la persistance de ce fléau social ne peut que conduire à plaider pour le renforcement de leur prévention à travers l'éducation, dès le plus jeune âge.

Il s'agit là, pour la délégation, d'une conclusion classique de ses travaux et - hélas - non suivie d'effet jusqu'à présent. La délégation s'est félicitée, dans son récent rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes , que le groupe de travail de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs ait formulé, lui aussi, une recommandation appelant à l'organisation effective, sur tout le territoire, des séances d'éducation à la sexualité qui constituent une obligation légale 165 ( * ) .

La délégation a observé avec intérêt que le Défenseur des Droits concluait à la même exigence et plaidait pour une mise en oeuvre obligatoire de ces séances dans tous les établissements scolaires , dans une logique de lutte contre les stéréotypes . Cette recommandation figure notamment dans son rapport d'activité de 2017.

La loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception 166 ( * ) a en effet prévu des séances d'éducation à la sexualité en milieu scolaire : l'article L. 312-16 du code de l'éducation dispose qu'une « information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupe d'âge homogène » 167 ( * ) . Par la suite, la loi du 13 avril 2016 168 ( * ) a ajouté que ces « séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes ».

Malheureusement, cette obligation légale est inégalement mise en oeuvre , comme l'a montré un rapport du Haut conseil à l'égalité (HCE) de 2016 169 ( * ) . Cette étude établissait un constat global d'insuffisance et d'inadaptation des séances d'éducation à la sexualité. Parmi les causes de ces insuffisances, le HCE relevait diverses origines :

- ces modules sont le plus souvent abordés dans un esprit de prévention du Sida et des grossesses non désirées, et non de manière à encourager des relations égalitaires entre filles et garçons et à contrer l'influence, sur les adolescents, des codes de la pornographie, qui constituent pour eux la référence en matière d'éducation sexuelle ;

- la notion de « respect » y est évoquée, mais « les questions de violences sexistes et sexuelles ou d'orientation sexuelle sont les moins abordées ».

La délégation renvoie, pour tous ces constats, à son précédent rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société qui, pour définir les enjeux de l'éducation à la sexualité, relevait le risque que, « faute d'une éducation à la sexualité adaptée aux besoins des jeunes, [ce soit] la pornographie qui, avec les réseaux sociaux, accompagne leurs débuts dans la vie amoureuse » .

Or la pornographie, et les réseaux et outils numériques qui en véhiculent les images, sont responsables de la diffusion de modèles de relations où la performance l'emporte sur les émotions et les sentiments, et où la soumission des femmes l'emporte sur le plaisir partagé. Comme le soulignait le rapport précité de la délégation sur les violences faites aux femmes, « ces vecteurs favorisent la diffusion de représentations très stéréotypées, empreintes de fortes inégalités entre les sexes » . De plus, le rapport précité du HCE relève que « la frontière entre sexualité et violence paraît très mince [pour] certains garçons » 170 ( * ) .

Il est donc absolument nécessaire que les séances d'éducation à la sexualité intègrent cette dimension essentielle de l'éducation à l'égalité , prévue par l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation « dans les établissements secondaires, par groupes d'âge homogène » .

Il est essentiel aussi qu'elles concernent les élèves pendant toute leur scolarité : d'après les enquêtes de terrain auxquels s'est référé le rapport précité, au moment du lycée, il est déjà trop tard et les stéréotypes sont déjà ancrés dans les esprits, tant des filles que des garçons . Ce constat appelle donc à agir dès les petites classes. Les clichés sur les rôles et attitudes attendus des hommes et des femmes sont en effet un piège pour les deux sexes , comme le souligne le rapport de l'Observatoire européen des violences scolaires, publié le 31 mai 2018. Il est nécessaire que les adolescents n'en soient pas prisonniers.

Or, comme la délégation l'a relevé dans son précédent rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , le cadre légal de l'éduction à la sexualité est confus et « difficile à comprendre ». En effet, les articles L. 312-16 à L. 312-17-2 du code de l'éducation, qui constituent un ensemble intitulé L'éducation à la santé et à la sexualité 171 ( * ) , prévoient, en plus des trois séances annuelles d'éducation à la sexualité :

- une information sur les conséquences de la consommation d'alcool par les femmes enceintes sur le développement du foetus ;

- une information sur la législation relative au don d'organes à fins de greffe réservée aux lycées et aux établissements d'enseignement supérieur.

Par ailleurs, l'article L. 312-16, qui concerne spécifiquement l'éducation à la sexualité, comprend un « cours d'apprentissage sur les premiers gestes de secours » réservé aux élèves des collèges et des lycées : nul ne songerait à nier l'utilité de cette formation, mais elle n'a a priori aucun rapport avec l'éducation à la sexualité.

À cet ensemble appartiennent aussi deux articles qui quant à eux concernent directement l'égalité femmes-hommes :

- l'article L. 312-17-1 vise « l'égalité entre les hommes et les femmes , la lutte contre les préjugés sexistes et la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple » ; le code ne mentionne pas de nombre de séance spécifique ni de classe précise, se bornant à indiquer que cette « information » est « dispensée à tous les stades de la scolarité » ;

- l'article L. 312-17-1-1 porte sur une « information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps » , « dispensée dans les établissements secondaires ».

L'une des recommandations du rapport d'information précité Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , concernait donc la présentation des articles du code de l'éducation qui rendent obligatoires ces séances d'éducation à la sexualité.

La délégation recommande donc l' application effective, par tous les établissements scolaires, de l'école au lycée, des trois séances annuelles d'éducation à la sexualité prévues par l'article L. 312-16 du code de l'éducation.

Elle souhaite que les dispositions du code de l'éducation relatives à l'éducation à la sexualité soient reformulées de manière à y intégrer l'« information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes » , prévue par l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation.

CODE DE L'ÉDUCATION
« L'ÉDUCATION À LA SANTÉ ET À LA SEXUALITÉ »

Article L. 312-16. - Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain. Elles peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d'autres intervenants extérieurs conformément à l'article 9 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement. Des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la santé peuvent également y être associés.

Un cours d'apprentissage sur les premiers gestes de secours est délivré aux élèves de collège et de lycée, selon des modalités définies par décret.

Article L. 312-17. - Une information est également délivrée sur les conséquences de la consommation d'alcool par les femmes enceintes sur le développement du foetus, notamment les atteintes du système nerveux central, dans les collèges et les lycées, à raison d'au moins une séance annuelle, par groupe d'âge homogène. Ces séances pourront associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que d'autres intervenants extérieurs.

Article L. 312-17-1. - Une information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité. Les établissements scolaires, y compris les établissements français d'enseignement scolaire à l'étranger, peuvent s'associer à cette fin avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l'égalité entre les hommes et les femmes et des personnels concourant à la prévention et à la répression de ces violences .

Article L. 312-17-1-1. - Une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d'âge homogène. La seconde phrase de l'article L. 312-17-1 du présent code est applicable.

Article L. 312-17-2. - Une information est dispensée dans les lycées et les établissements d'enseignement supérieur sur la législation relative au don d'organes à fins de greffe et sur les moyens de faire connaître sa position de son vivant soit en s'inscrivant sur le registre national automatisé prévu à l'article L. 1232-1 du code de la santé publique, soit en informant ses proches. Ces séances peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que des intervenants extérieurs, issus notamment des associations militant pour le don d'organes. De même, une sensibilisation au don du sang est dispensée dans les lycées et les établissements d'enseignement supérieur, au besoin avec l'assistance d'intervenants extérieurs.

(3) Modifier le code de la sécurité intérieure pour étendre à l'appel à la haine à raison du sexe les motifs de dissolution des associations

Dans son rapport La Laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ? 172 ( * ) , la délégation avait recommandé de sanctionner les associations qui provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'encontre des femmes .

Elle y rappelait que l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la dissolution des associations « qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ».

Elle s'étonnait que ne figure pas parmi les motifs de dissolution l'incitation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison du sexe d'une personne ou d'un groupe de personne.

Elle proposait donc une extension du champ de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure , de manière à permettre la dissolution d'associations dont le message sexiste appelle à discriminer les femmes et à exercer des violences contre elles . L'objectif est de combler une lacune surprenante de notre législation.

Cette recommandation a été traduite dans la proposition de loi précitée tendant à réaffirmer le principe d'égalité entre femmes et hommes et à renforcer la laïcité 173 ( * ) . L'article 2 de ce texte propose d'intégrer à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison du sexe aux motifs permettant la dissolution , par décret en conseil des ministres, des associations ou groupements de fait .

L'exposé des motifs souligne qu'une telle modification serait en cohérence avec l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui, pour sa part, réprime les provocations :

- non seulement « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ;

- mais aussi « à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leurs sexe , de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal ».

La délégation recommande que l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure , qui autorise le Gouvernement à dissoudre les associations ou groupements de fait provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard de personnes à raison de leur origine ou de leur religion, soit étendue aux associations appelant à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard de personnes en raison de leur sexe .

Elle considère qu'il est important de marquer la réprobation de la société pour ce type de propos ou de comportements en comblant une lacune surprenante de notre législation .


* 85 Le compte rendu de cette audition est annexé au rapport d'information Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol au nom de la délégation aux droits des femmes, n°  564 (2017-2018).

* 86 Voir II, A, 1.

* 87 Au I bis .

* 88 Voir supra, I, B, 2.

* 89 « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13 . » (article 434-3 du code pénal).

* 90 « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol » (article 222-23 du code pénal).

* 91 La question du vide juridique associé à la répression pénale des fellations subies par les jeunes garçons, qui ne sont considérées aujourd'hui que comme des agressions sexuelles, alors qu'elles ont les mêmes conséquences psychologiques qu'un viol pour les victimes, a notamment été posée au cours de l'audition de Christelle Hamel, chercheure à l'INED, le 22 février 2018 (http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20180219/ddf.html#toc3).

* 92 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 93 Cet article a été introduit dans le code pénal par l'article 32 de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

* 94 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 95 « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur par :

1° Un ascendant ;

2° Un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;

3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait. »

* 96 Il s'agit du b du 5° du I et du II bis de l'article 2.

* 97 Voir supra, II B.

* 98 Annick Billon, présidente, a fait savoir au cours de la réunion de la délégation, le 1 er février 2018, que le décès de la fondatrice de l'association de référence dans ce domaine ( Femmes pour le dire, femmes pour agir ), Maudy Piot, à laquelle elle a rendu hommage, la conduisait à suggérer le report de ce projet de travail sur les femmes handicapées victimes de violences(http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20180129/femmes.html).

* 99 HCE, En finir avec l'impunité des violences faites aux femmes en ligne : une urgence pour les victimes , 16 novembre 2017

* 100 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 101 Article 222-33 du code pénal.

* 102 Voir supra, II B.

* 103 Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires , rapport d'information fait par Annick Billon, Corinne Bouchoux, Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Didier Mandelli et Marie-Pierre Monier au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 615 (2016-2017).

* 104 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 105 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 106 Mutilations sexuelles féminines : une menace toujours présente, une mobilisation à renforcer , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, n° 479 (2017-2018).

* 107 Voir le compte rendu de cette audition en annexe au rapport d'infirmation Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société (n° 564, 2017-2018).

* 108 Rapport d'information de M. Erwan Balanant et Mme Marie-Pierre Rixain, op. cit., p. 23.

* 109 Les rapporteurs de l'Assemblée nationale citent notamment une psychologue exerçant à l'UMJ de l'Hôtel-Dieu, qui a attiré leur attention sur le fait que les enfants de moins de 1trois ans n'ont pas conscience de la réalité ni de ce qu'implique l'acte sexuel, même ceux qui connaissent de nombreux mots désignant des pratiques sexuelles ou ont été en contact avec des images pornographiques (rapport précité, p. 24).

* 110 Voir le compte rendu de son audition, le 12 juin 2018, en annexe au présent rapport.

* 111 Les rapporteurs de l'Assemblée nationale citent notamment une psychologue exerçant à l'UMJ de l'Hôtel-Dieu, qui a attiré leur attention sur le fait que les enfants de moins de 1trois ans n'ont pas conscience de la réalité ni de ce qu'implique l'acte sexuel, même ceux qui connaissent de nombreux mots désignant des pratiques sexuelles ou ont été en contact avec des images pornographiques (rapport précité, p. 24).

* 112 https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/consentement-sexuel

* 113 Sexual Offence Act du 20 novembre 2003 (section 5-8).

* 114 Article 609 quater codice penale .

* 115 Mutilations sexuelles féminines : une menace toujours présente, une mobilisation à renforcer , n° 479 (2017-2018).

* 116 Il s'agit de la recommandation n° 3.

* 117 La délégation a également rendu hommage, dans son rapport sur les violences faites aux femmes, à La Maison des femmes de Saint-Denis, dont elle a entendu la fondatrice, le Docteur Ghada Hatem, le 14 décembre 2017. Cette structure propose également aux femmes victimes de violences, de tous les âges (y compris des fillettes) et quelle que soit la violence subie, un accueil pluridisciplinaire dont l'intérêt a été souligné.

* 118 Le compte rendu de cette audition est annexé au rapport précité sur les mutilations sexuelles féminines.

* 119 D'après les informations transmises à la délégation, Women safe - Institut en santé génésique conduit donc des actions de formation à destination de l'ASE en vue d'une meilleure prise en charge des mineures victimes ou menacées de mutilation sexuelle.

* 120 « Art. L. 221-2. - Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes :

1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ;

2° Organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles, notamment celles visées au 2° de l'article L. 121-2 ;

3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ;

4° Pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation, en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal ;

5° Mener, notamment à l'occasion de l'ensemble de ces interventions, des actions de prévention des situations de danger à l'égard des mineurs et, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire, organiser le recueil et la transmission, dans les conditions prévues à l'article L. 226-3, des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, et participer à leur protection ;

6° Veiller à ce que les liens d'attachement noués par l'enfant avec d'autres personnes que ses parents soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur.

Pour l'accomplissement de ses missions, et sans préjudice de ses responsabilités vis-à-vis des enfants qui lui sont confiés, le service de l'aide sociale à l'enfance peut faire appel à des organismes publics ou privés habilités dans les conditions prévues aux articles L. 313-8, L. 313-8-1 et L. 313-9 ou à des personnes physiques.

Le service contrôle les personnes physiques ou morales à qui il a confié des mineurs, en vue de s'assurer des conditions matérielles et morales de leur placement. »

* 121 Pour mémoire, depuis la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, l'article 9-3 du code de procédure pénale dispose que la prescription peut être suspendue en cas d'obstacle de fait insurmontable.

* 122 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles , rapport d'information de Marie Mercier fait au nom de la commission des lois, n° 289 (2017-2018), proposition n° 27.

* 123 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 124 Il s'agit de la recommandation n° 19.

* 125 Cet article a été introduit dans le code pénal par la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

* 126 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 127 Le compte-rendu de cette audition est annexé au rapport Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 128 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 129 La délégation a auditionné Marylin Baldeck le 31 janvier 2018 dans le cadre de la préparation de son rapport d'information précité, Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société .

* 130 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 131 La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ?, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Chantal Jouanno, n° 101 (2016-2017).

* 132 Proposition de loi tendant à réaffirmer le principe d'égalité entre femmes et hommes et à renforcer la laïcité, n° 460 (2016-2017).

* 133 La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ?, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Chantal Jouanno, n° 101 (2016-2017), p. 109.

* 134 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 135 Avis relatif au harcèlement sexiste et aux violences sexuelles dans les transports en commun , Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, 16 avril 2015.

* 136 « Les femmes, une espèce en voie de disparition ».

* 137 Violences faites aux femmes dans les espaces publics en Ile de France , https://www.centre-hubertine-auclert.fr/article/sortie-de-l-etude-virage-violences-faites-aux-femmes-dans-les-espaces-publics-en-ile-de

* 138 Note de synthèse - harcèlement de rue et agissement sexiste, Division de la législation comparée, novembre 2017. Voir en annexe le texte de ce document.

* 139 https://northyorkshire.police.uk/news/misogyny-recognised-hate-crime-wednesday-10-may-2017/

* 140 https://www.nottinghamshire.police.uk/hatecrime

* 141 https://www.nottinghamshire.police.uk/sites/default/files/documents/files/Equality_and_Diversity_Information%202017_FINAL.pdf , pp. 16-18.

* 142 http://www.cps.gov.uk/victims_witnesses/hate_crime/index.html

* 143 On peut également signaler que la commission des affaires intérieures ( Home Affairs Committee ) de la Chambre des Communes a mené une série d'auditions sur la question des crimes de haine, y compris la misogynie, mais le rapport final Hate Crime : Abuse, Hate and Extremism online est consacré au harcèlement sur les réseaux sociaux, notamment des jeunes filles https://publications.parliament.uk/pa/cm201617/cmselect/cmhaff/609/609.pdf ).

* 144 http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=2014052240

* 145 La version initiale de la loi précisait que la personne était, à cause de l'agissement sexiste, réduite « essentiellement » à sa dimension sexuelle. La Cour constitutionnelle belge dans son arrêt n° 72/2016 du 25 mai 2016 sur un recours en annulation contre la loi a supprimé cet adverbe, qui ne figurait que dans la version française et non dans la version néerlandaise ce qui était susceptible de créer des difficultés d'interprétation contraire au principe de légalité des délits et des peines.

* 146 Arrêt n° 72/2016 du 25 mai 2016 de la Cour constitutionnelle belge, § B.11.4.

* 147 Arrêt n° 72/2016 du 25 mai 2016 de la Cour constitutionnelle belge, § B.23.2.

* 148 https://dre.pt/application/file/a/69951045

* 149 On retrouve un mode de calcul des amendes en « jours-amendes » emprunté au droit allemand.

* 150 Autre emprunt conceptuel au droit allemand.

* 151 Ley n°30314, Ley para prevenir y sancionar el acoso sexual en espacios públicos, 26 de marzo de 2015 http://busquedas.elperuano.pe/normaslegales/ley-para-prevenir-y-sancionar-el-acoso-sexual-en-espacios-pu-ley-n-30314-1216945-2/

* 152 Ley 5.306, 2 de julio de 2015, «Día de Lucha contra el acoso Callejero», legislatura de la Ciudad de Buenos Aires ( http://www2.cedom.gob.ar/es/legislacion/normas/leyes/ley5306.html )

* 153 Artículo 129 de la Constitución Nacional ( http://servicios.infoleg.gob.ar/infolegInternet/anexos/0-4999/804/norma.htm l)

* 154 Acoso Callejero - Ciudad de Buenos Aires ( http://www.buenosaires.gob.ar/desarrollohumanoyhabitat/
mujer/acoso-callejero/deteccion-y-prevencion
)

* 155 Une loi en discussion au moment où a été élaborée l'étude de droit comparée du Sénat prévoyait d'ajouter le délit de harcèlement de rue au code pénal.

* 156 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, n° 564 (2017-2018).

* 157 Au cours de son audition conjointe par la commission des lois et la délégation, le 11 juin 2018, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, a fait valoir que la création d'une nouvelle peine relève de la compétence du législateur : or, a-t-elle précisé, la peine complémentaire de stage de lutte contre le sexisme constitue une nouvelle peine.

* 158 p. 182.

* 159 Note de positionnement du HCE sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, 16 avril 2018, p. 20.

* 160 Rapport de Chantal Jouanno fait au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 101 (2016-2017).

* 161 Article 23 de la loi de 1881 auquel renvoie l'article 33.

* 162 « Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

* 163 La même disposition a été insérée à l'article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (« Aucun fonctionnaire ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant »).

* 164 La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ?, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Chantal Jouanno, n°101 (2016-2017).

* 165 Voir la proposition n° 3 de ce rapport, (p. 63).

* 166 Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 167 Les dispositions de la loi de 2001 ont été précisées dans une circulaire de 2003.

* 168 Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

* 169 Le rapport d'information de la délégation sur les violences faites aux femmes renvoie à l'avis que le Haut conseil à l'égalité a consacré à ce sujet en 2016 ( Rapport relatif à l'éducation à la sexualité. Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d'égalité femmes/hommes , rapport n° 2016-06-13-SAN-021 du HCE publié le 13 juin 2016) regrettait notamment une application de la loi « parcellaire » et « inégale selon les territoires car dépendante des bonnes volontés individuelles », et mettait en évidence le fait que 25 % des écoles ayant répondu à l'enquête effectuée par le HCE entre septembre et novembre 2015 auprès de 3 000 établissements déclaraient n'avoir mis en place « aucune action ou séance en matière d'éducation à la sexualité ».

* 170 Page 36.

* 171 Section 9 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l'éducation.

* 172 La Laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ? , rapport d'information de Chantal Jouanno fait au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 101 (2016-2017).

* 173 Proposition de loi n°460, Sénat, session ordinaire de 2016-2017, enregistrée à la Présidence du Sénat le 9 mars 2017.

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