III. LE POSITIONNEMENT DE LA DELÉGATION AUX DROITS DES FEMMES

A. UN PROGRAMME DE TRAVAIL CENTRÉ SUR LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES DEPUIS LA RENTRÉE PARLEMENTAIRE DE 2017

1. Un rapport d'information envisageant les violences faites aux femmes dans leur globalité et porté par la majorité comme par l'opposition

Dès sa première réunion, le 9 novembre 2017, la délégation a souhaité apporter sa contribution au débat et à l'émotion suscités par deux décisions de justice, très médiatisées , concernant des violences sexuelles dont avaient été victimes deux petites filles de onze ans .

a) La méthodologie du rapport

La délégation a souhaité aborder les problématiques liées au débat causé par les deux décisions de justice précédemment évoquées, sans limiter son approche aux violences commises sur des mineures : dans le sillage de ce qui est devenu l'« affaire Weinstein », la délégation a décidé d'étendre son analyse à tout le spectre des violences faites aux femmes , quels que soient :

- leur âge ;

- les circonstances (violences subies au travail, dans l'espace public, au sein de la famille, etc.) ;

- le type de violence (harcèlement et autres agressions sexuelles, viol, violences au sein des couples, etc.).

La délégation a considéré que les violences sexuelles sur mineures ne pouvaient être appréhendées indépendamment des autres violences faites aux femmes.

Elle a pris le parti de créer, en vue de la publication de ce travail, une équipe de co-rapporteurs représentant la diversité politique du Sénat, afin que les conclusions de la délégation reflètent le consensus le plus large .

Au terme d'une session centrée sur le thème des violences faites aux femmes , et après les dix-huit auditions et réunions de travail ainsi que les trois déplacements auxquelles elle a procédé en vue de la publication de son rapport d'information 63 ( * ) , au cours desquelles elle a entendu 35 experts et spécialistes 64 ( * ) , la délégation a présenté dix constats et points de vigilance en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et a formulé 36 recommandations . Ce rapport a été adopté à l'unanimité le 12 juin 2018.

b) Les conclusions de la délégation

La délégation affirme la priorité absolue qui doit s'attacher à la protection des enfants , y compris de ceux qui, sans être des victimes directes de violences, en subissent néanmoins les conséquences, particulièrement dans le cadre de violences intrafamiliales . La délégation a été convaincue par ce propos d'Édouard Durand, magistrat, co-président de la commission Violences de genre du Haut conseil à l'égalité 65 ( * ) : « un enfant témoin est un enfant victime ».

Les autres constats et points de vigilance qu'elle formule en conclusion de ce précédent rapport :

- prennent acte du fait que les violences constituent la première des inégalités entre les femmes et les hommes ;

- soulignent que le combat contre ces violences exige la participation des hommes ;

- insistent sur la nécessité d'un effort accru de prévention , dès le plus jeune âge ;

- saluent l'engagement des associations dans la lutte contre les violences, qui suppose que des moyens leur soient attribués en cohérence avec des besoins croissants , en lien avec la libération de la parole des victimes ;

- rappellent la gravité des conséquences des violences sur la santé des victimes ainsi que le risque de précarité sociale qui résulte trop souvent des traumatismes qu'elles ont subis ;

- soulignent l'importance d'un accompagnement adapté pour les victimes , qui passe par une prise en charge pluridisciplinaire de celles-ci et par un effort de formation de tous les professionnels concernés ;

- et affirment l'attachement de la délégation à un traitement égal des violences sur l'ensemble du territoire , sans oublier les Outre-mer , ce qui implique un effort de continuité des politiques publiques entreprises depuis le premier plan de mobilisation et de lutte contre les violences, ainsi qu'un renforcement des moyens de la justice , de manière à éviter, entre autres défaillances, que la correctionnalisation des viols constitue une réponse à l'encombrement de certaines cours d'assises.

Quant aux 36 recommandations concluant ce travail , elles s'organisent autour de sept priorités :

- améliorer la connaissance statistique des violences faites aux femmes et évaluer leur coût pour la société ;

- renforcer la prévention des violences par l'organisation effective des séances d'éducation à la sexualité prévues par le code de l'éducation, y intégrer une sensibilisation de tous les élèves à l'égalité entre filles et garçons, entre femmes et hommes , étendre cette formation à toute la communauté éducative et à tous les personnels encadrant des dispositifs d'accueil pour jeunes mineurs, et envisager une nouvelle rédaction des articles du code de l'éducation qui traitent les différents modules relevant de l'éducation à la sexualité et à la santé ;

- améliorer l'accueil et la prise en charge des victimes de violences , notamment en autorisant le recueil des preuves de violences sexuelles indépendamment du dépôt de plainte, et par la mise en place d'un « mot de passe » ou code dédié aux victimes venant porter plainte pour violence , de manière à respecter leur dignité et leur besoin de discrétion à leur arrivée dans des locaux de police ou de gendarmerie parfois inadaptés aux attentes spécifiques de personnes particulièrement fragiles . Cet axe des recommandations de la délégation passe aussi par un accompagnement psychologique renforcé, qui suppose le déploiement d'unités spécialisées dans le psycho-trauma , et par la prise en charge intégrale des soins de psycho-trauma pour les victimes de violences sexuelles , comme c'est déjà le cas pour les mineurs et pour les victimes de terrorisme ;

- garantir une répression pénale efficace des violences, par la mise en place de chambres spécialisées dans les violences sexuelles , par l'extension des circonstances aggravantes , en cas de violences sexuelles , aux agressions ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours, par la création d'un délit autonome d'agissement sexiste et par le renforcement de la prévention du harcèlement sexuel en ligne ;

- assurer une meilleure protection des plus jeunes victimes , par l'allongement du délai de prescription de l'action publique de vingt à trente ans, par une définition pénale du viol qui, par l'instauration d'un seuil d'âge en dessous duquel toute relation sexuelle entre un mineur et une personne majeure serait interdite , laisse le moins de marge possible à la subjectivité du magistrat et qui, dans cette logique, s'abstraie de toute appréciation relative au consentement de la victime ou aux critères de « violence, menace, contrainte ou surprise », et par une prise en compte des violences au sein des couples dits « non cohabitant » sur lesquelles l'attention de la délégation a été alertée ;

- continuer le combat contre les violences intrafamiliales , par un effort sensible en matière de mise à l'abri et d' hébergement des victimes , y compris dans les Outre-mer, par la mise à l'étude de diverses évolutions susceptibles d'améliorer leur traitement judiciaire (exclure la médiation civile en cas de séparation dans un contexte de violences conjugales, permettre au procureur de la République d'intervenir dans le procès civil aux affaires familiales en cas de violences, privation de l'autorité parentale visant le parent condamné pour violences intrafamiliales), par un déploiement effectif, dans les Outre-mer, du téléphone grave danger (TGD) et par le lancement d'une campagne d'information et de sensibilisation sur le viol conjugal ;

- renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel au travail par une meilleure diffusion d'outils de sensibilisation tels que le kit Agir contre le sexisme , élaboré par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP), par l'augmentation de l' indemnité plancher , pour toute personne licenciée après avoir été victime de harcèlement, à douze mois de salaire, et par l'intégration de dispositions précises, dans le règlement intérieur des entreprises , en matière de prévention et de répression des comportements menaçant l'égalité femmes-hommes , le règlement devant être remis en mains propres à toute nouvelle personne recrutée, en échange d'une décharge qui engagerait le nouveau salarié à se conformer à ces exigences .

2. Des convergences avec le groupe de travail de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs

Le rapport d'information sur les mineurs victimes d'infractions sexuelles , publié en février 2018, a conclu les travaux que la commission des lois a ouverts en octobre 2017 pour réagir aux « trop nombreuses affaires de violences sexuelles commises à l'encontre de mineurs » et à des « décisions judiciaires médiatisées [qui] ont suscité une grande incompréhension et un émoi légitime dans la société » 66 ( * ) ( cf supra ). Il s'agit là d'un document de référence dont il faut saluer la qualité .

La délégation, au cours de la même période, a pris le parti, comme cela a été dit plus haut, d'aborder les violences faites aux femmes dans leur globalité , sans limiter son approche aux violences sexuelles dont les mineures sont victimes. Comme la commission des lois, elle a souhaité confier cette réflexion à une équipe de co-rapporteurs reflétant la diversité politique du Sénat .

Il faut se féliciter de points de convergence entre les objectifs, les constats et les recommandations de la commission des lois relatifs spécifiquement aux violences sexuelles faites aux mineurs et les orientations définies par la délégation s'agissant des violences subies par les femmes .

a) Des objectifs communs : protéger les enfants et entendre la parole des victimes

La délégation et la commission des lois partagent le même objectif : protéger les enfants des prédateurs sexuels et sanctionner de manière effective ces derniers , ce qui suppose d'empêcher que les précédents fâcheux de Pontoise et de Meaux se reproduisent.

Elles partagent aussi la conviction que l'écoute de la victime et la libération de sa parole sont des prérequis de la lutte contre ces violences et de leur prévention.

Notre collègue Marie Mercier, rapporteure de la commission des lois, a évoqué lors de son audition par la délégation, le 31 mai 2018, le « trésor » qu'est la parole de l'enfant . Elle a insisté sur l'importance de structures adaptées au recueil de son témoignage et sur la nécessité de favoriser l'expression des victimes , le plus tôt possible.

Dans le même esprit, la délégation a souhaité que la « libération de la parole », qui a été l'un des faits marquants de la fin de 2017, permette de mieux prendre en compte les violences faites aux femmes dans leur ensemble .

Par cohérence avec la libération de la parole de la victime, tant la commission des lois que la délégation se sont prononcées pour l'allongement du délai de prescription des crimes commis sur les mineurs, jusqu'à trente ans à compter de la majorité de la victime. En raison d'une prise de conscience parfois tardive des faits subis pendant l'enfance , en lien avec le phénomène d'amnésie post-traumatique, trop de victimes se heurtent en effet à des délais de prescription incompatibles avec une révélation qui survient parfois à l'âge adulte, souvent au moment de la naissance d'un enfant.

À cet égard, la délégation a été frappée par ces mots de Marie Mercier lors de son audition, le 31 mai 2018 : « Les victimes prennent perpétuité ». La délégation est convaincue que, face à ces souffrances perpétuelles , permettre aux victimes de porter plainte jusqu'à l'âge de 48 ans est bien le moins que puisse faire le législateur.

b) Des démarches symétriques : le continuum des violences et l'importance de l'amélioration des connaissances statistiques
(1) La notion de continuum des violences applicables aux enfants et aux femmes

De manière très éclairante, le rapport de la commission des lois insiste à juste titre sur un « spectre de maltraitance des enfants » dont relèvent l'ensemble des violences qui leur sont faites. Dans cette logique, ce rapport fait valoir que si « la maltraitance sexuelle des enfants est une forme de maltraitance spécifique », « elle s'inscrit néanmoins dans un continuum de situations de danger pour les enfants » 67 ( * ) .

Ce constat reflète celui du continuum des violences faites aux femmes , mis en évidence par de nombreux travaux de spécialistes et relayé par le rapport de la délégation Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société 68 ( * ) . Celui-ci insiste sur les points communs à toutes les violences faites aux femmes, depuis les violences au sein des couples jusqu'aux violences sexuelles.

Dans cet esprit, les violences subies par les femmes ont pour origine profonde la conviction de l'infériorité des femmes et du fait que leur corps est un enjeu de possession .

Peut-on considérer que la notion de continuum de situations de danger pour les enfants procède d'une logique similaire, dans laquelle le corps des enfants n'aurait pas à être protégé ?

(2) L'importance d'un recensement exhaustif des violences

Il est significatif que le rapport de la commission des lois consacre sa première recommandation à l'amélioration du recensement des violences sexuelles subies par les mineurs, « afin de les rendre visibles et de lever un tabou » 69 ( * ) .

Dans le même esprit, la délégation a souhaité mettre l'accent d'emblée sur la nécessité de disposer de statistiques précises , élaborées sur une base scientifique et régulièrement actualisées , sur les violences faites aux femmes dans leur spectre large (recommandation n° 1).

Il est probable que le besoin de statistiques solides et rigoureuses, dans ces deux domaines, tient à la longue invisibilité de ces violences , qu'il s'agisse de celles dont sont victimes des enfants ou de celles que subissent des femmes. Cette invisibilité tient à une parole longtemps réprimée par le tabou de comportements dont la révélation affecte parfois des loyautés familiales que la victime met souvent très longtemps à mettre à distance. Avec la difficulté de dénoncer des violences touchant à l'intime, il s'agit là d'un point commun révélateur entre les violences faites aux femmes et celles dont les mineurs sont victimes .

c) Des constats partagés
(1) Des menaces spécifiques aggravées par Internet

Le rapport de la commission des lois s'émeut de l'expansion de violences qui, facilitées par l'accès à Internet, menacent tout particulièrement les plus jeunes. Parmi les dangers affectant en ligne la sécurité de ces derniers, le rapport d'information de la commission des lois mentionne la cyber-prédation , qui consiste à « communiquer avec un mineur en se faisant passer pour un mineur dans le but de commettre ultérieurement un crime ou un délit ». Notre collègue Marie Mercier a commenté cette dérive très inquiétante lors de son audition par la délégation, le 31 mai 2018. Elle a également présenté les dangers imputables à l'émergence d'une nouvelle forme de criminalité absolument révoltante , liée à des achats en ligne de viols commis sur des enfants en bas âge par des prédateurs qui passent commande de crimes d'une violence inconcevable 70 ( * ) .

Le rapport de la commission des lois souligne également les dangers que constitue l'exposition des enfants et adolescents à des vidéos pornographiques . À cet égard, l'alerte exprimée par la commission des lois rejoint des constats effectués par la délégation.

Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel 71 ( * ) , la délégation s'était intéressée, il y a quatre ans, à la banalisation de la pornographie et à l'influence, à terme, sur les relations entre hommes et femmes, d'images valorisant des rapports sexuels centrés sur le plaisir masculin et la soumission féminine et sur une logique de performance aux dépens de l'émotion 72 ( * ) .

À une époque (mai 2014) où l'on parlait déjà de « tsunami porno » 73 ( * ) , la délégation s'était interrogée sur la nocivité de tels messages quand ils touchent un public insuffisamment mûr pour faire la différence entre la réalité et les fantasmes mis en scène par les films pornographiques.

Selon une enquête publiée en mai 2014 par le magazine L'Express , 75 % des consommateurs de sites pornographiques avaient alors moins de douze ans 74 ( * ) . Les membres de la communauté éducative rencontrées au cours d'un déplacement effectué par la délégation dans un collège de Villetaneuse, le 26 mars 2014, avaient estimé à 50 % la proportion des élèves de CM2 ayant déjà vu des images pornographiques . Ces interlocutrices de la délégation avaient attiré son attention sur l'expansion de la fellation parmi les jeunes, les garçons faisant valoir les avantages de cette pratique auprès des filles pour leur éviter toute grossesse et pour préserver leur virginité, et étant persuadés que les filles « aiment ça » 75 ( * ) .

Les choses n'ont pas évolué dans un sens rassurant en quatre ans . Le récent rapport d'information de la délégation sur les violences faites aux femmes 76 ( * ) cite une remarque de la présidente de l'association Stop au violences sexuelles qui, dans un article daté du 7 mai 2018 publié par le magazine L'Express , affirme qu'elle « [peut] donner les tarifs exacts des fellations pratiquées dans les toilettes de certains établissements » 77 ( * ) . Des faits semblables ont été mentionnés le 31 mai 2018 par notre collègue Marie Mercier, lors de son audition par la délégation, ce qui confirme l'influence inquiétante exercée sur de jeunes adolescents par les codes de la pornographie .

(2) Des procédures judiciaires « perfectibles » pour les victimes

Le rapport de la commission des lois pointe la lenteur des procédures judiciaires et policières , mentionnant un délai moyen de 79,6 mois constaté en 2015 pour viol (soit plus de six ans), et rappelant qu'en raison de ces délais la victime, mineure au moment des faits, est souvent majeure lors du procès, « ce qui n'est pas sans conséquence devant les cours d'assises » 78 ( * ) .

La délégation regrette, elle aussi, ces délais excessifs dans son récent rapport d'information : selon Maître Carine Durrieu-Diebolt, avocate de la jeune victime de ce qui est devenu l'« affaire de Pontoise », entendue le 14 décembre 2017, la procédure peut durer, entre le dépôt de la plainte et la décision judiciaire, de huit à dix années au pénal, auxquels s'ajoutent environ deux ans de procès civil.

Le rapport de la commission des lois qualifie également de « traumatisantes » les procédures judiciaires pour certaines victimes 79 ( * ) . Ce point rejoint un constat de la délégation, qui commente l'épreuve que constitue pour la victime son parcours judiciaire . Celle-ci y est en effet confrontée à son agresseur et contrainte à la nécessité de récits répétés, en public, de faits traumatisants et intimes. Comme l'a souligné le procureur de la République de Paris lors de son audition par la délégation, le 22 février 2018, « Toute parole, dans le cadre d'une procédure, a vocation à être contestée par la personne accusée ». Ce débat contradictoire, certes indispensable pour assurer les droits de la défense, est de nature à aggraver encore le traumatisme de la victime.

La commission des lois commente par ailleurs l'inégale utilisation de l'arsenal répressif contre les violences sexuelles qu'illustre plus particulièrement la tendance à la correctionnalisation des viols . Si elle note que cette procédure peut être adaptée au profil de certaines victimes et qu'elle conduit parfois à des peines plus lourdes que certains procès aux assises, la commission des lois relève cependant à juste titre que la correctionnalisation peut aussi résulter de pressions exercées sur la victime, en lien parfois avec l'argument de l'engorgement de certaines juridictions .

Dans cette logique, l'attention de la délégation a été attirée sur ce point par les associations de victimes, très opposées à la correctionnalisation du viol. Convaincue que le viol doit être jugé comme un crime , la délégation s'est prononcée contre la correctionnalisation des viols , plus particulièrement quand cette pratique est motivée par des considérations tenant à l'encombrement des cours d'assises (recommandation n° 11).

d) Des pistes d'évolution communes
(1) Faciliter les dépôts de plainte et mieux accompagner les victimes

Le rapport de la commission des lois plaide pour une meilleure information des victimes sur les procédures de dépôt de plainte (proposition n° 10) et pour la possibilité, pour les victimes, de se présenter dans les unités médico-judiciaires (UMJ) « sans réquisition, par exemple après indication des services médicaux d'urgence », l'objectif étant notamment de contribuer à une orientation plus satisfaisante et à une meilleure préservation des preuves.

Il souligne également :

- la nécessité de garantir aux victimes le droit de voir leur plainte enregistrée et d'accéder à des structures adaptées, telles que les salles dites Mélanie (proposition n° 11) ;

- l'importance de la formation des professionnels à l'accueil des plaignants (proposition n° 12).

Ces orientations rejoignent :

- le souhait de la délégation de garantir à toutes les victimes un accueil adapté sur tout le territoire , par l'aménagement de salles dédiées (inspirées des salles Mélanie ) et la formation des professionnels à l'écoute de leur parole (recommandation n° 5) ;

- sa préoccupation concernant les difficultés relatives au recueil des preuves de violences sexuelles (recommandation n° 6).

Le rapport de la commission des lois encourage les actions en réparation civile , il suggère à cet égard une meilleure information des victimes et un allongement du délai de saisine des commissions d'indemnisation. Les propositions n os 30 et 31 vont ainsi dans le sens de la recommandation n° 10 de la délégation, qui plaide pour un renforcement de l'information des victimes sur les procédures de réparation financière .

Soucieux d'améliorer l' accompagnement médical des victimes , le rapport de la commission des lois constate une offre insuffisante en France de soins dans le domaine du psycho-trauma 80 ( * ) . La délégation a pour sa part, dans le même esprit, plaidé en faveur :

- de la diffusion d'un ensemble de bonnes pratiques en matière d'accueil et d'accompagnement des femmes victimes de violences à destination de tous les professionnels de santé (recommandation n° 6) ;

- de la prise en charge des soins psycho-traumatiques des victimes ainsi que du déploiement d'unités spécialisées, y compris dans les Outre-mer (recommandation n° 8).

(2) Prévenir les violences par l'éducation, dès le plus jeune âge

Le rapport d'information de la commission des lois souligne l'importance de la prévention des violences par l'éducation et « l'évolution des mentalités » 81 ( * ) , préconisant l'application effective de l'article L. 312-16 du code de l'éducation qui prévoit au moins trois séances par an , dans toutes les classes, d'éducation à la sexualité .

Comme le Haut conseil à l'égalité (HCE) et la délégation, la commission des lois insiste sur l'importance de ces séances et recommande que les moyens nécessaires soient consacrés à l'organisation, sur tout le territoire, de ces séances d'éducation à la sexualité (proposition n° 3).

La délégation est très attachée à la diffusion d'une culture d'égalité entre filles et garçons, dès le plus jeune âge . Elle appelle régulièrement au respect de l'article L. 312-16 du code de l'éducation : cette recommandation faisait déjà partie des conclusions du rapport d'information précité qu'elle avait consacré en 2014 à la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel 82 ( * ) . Elle ne peut donc que se féliciter de cette convergence avec la commission des lois.

La délégation a été renforcée dans ses convictions par les conclusions du dernier rapport de l'Observatoire européen de la violence à l'école , publié le 31 mai 2018 et intitulé de manière éclairante Les violences sexistes à l'école. Une oppression viriliste : ce document met en évidence une construction de l'inégalité des sexes à l'école qui tiendrait à la responsabilité du « refus du féminin ». La violence des injonctions qui en résultent constitue selon les auteurs un « piège pour les deux sexes ». Ce « refus du féminin » menace en effet les filles, mais aussi les garçons qui ne se conforment pas pleinement à ce que les jeunes considèrent comme les standards de la virilité.

Dans son récent rapport d'information de la délégation sur les violences faites aux femmes 83 ( * ) , la délégation a donc recommandé l'organisation effective des trois séances d'éducation à la sexualité prévues par la loi dans toutes les classes. Elle a aussi souhaité que ces modules soient conçus de manière à contribuer à la diffusion d'un modèle de société respectueux de l'égalité femmes-hommes . Elle a jugé regrettable que ces séances, quand elles ont lieu, se limitent trop souvent à des informations telles que la prévention des grossesses non désirées et des maladies sexuellement transmissibles (MST), certes importantes, mais qui doivent s'étendre aux notions de respect et d'égalité (recommandation n° 3).

e) Des propositions du groupe de travail de la commission des lois du Sénat soutenues par la délégation

D'autres conclusions du groupe de travail n'ont pas fait l'objet de recommandations similaires de la part de la délégation, mais rejoignent des préoccupations de la délégation, qui souhaite les appuyer.

Ainsi la préconisation (n° 14), consistant à élargir la surqualification d'inceste , qui ne s'applique actuellement qu'aux agressions et atteintes sexuelles commises par une personne majeure sur un mineur, aux faits commis entre personnes majeures , paraît-elle devoir être soutenue par la délégation.

La délégation note avec intérêt que le rapport d'information de la commission des lois soulignait la nécessité de revoir le régime des circonstances aggravantes des agressions sexuelles (proposition n° 15).

Enfin, le rapport d'information de la commission des lois souligne (proposition n° 18) l'importance des moyens de la justice et de la police : la délégation, convaincue que l'argument de la contrainte budgétaire ne saurait être recevable en matière de lutte contre les violences, ne peut que saluer cette orientation 84 ( * ) .


* 63 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 564 (2017-2018).

* 64 Ces chiffres ne comprennent pas les auditions et déplacements organisés spécifiquement dans le cadre du rapport d'information de Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac, Mutilations sexuelles féminines : une menace toujours présente, une mobilisation à renforcer , n° 479 (2017-2018).

* 65 Voir le compte rendu de son audition (le 16 novembre 2017) dans le rapport d'information précité.

* 66 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles , rapport d'information fait au nom de la commission des lois par Marie Mercier, n° 289 (2017-2018).

* 67 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles , rapport d'information fait au nom de la commission des lois par Marie Mercier, n° 289 (2017-2018), p. 61.

* 68 N° 564, 2017-2018.

* 69 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles , rapport d'information fait au nom de la commission des lois par Marie Mercier, n° 289 (2017-2018) p 7.

* 70 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles , rapport d'information fait au nom de la commission des lois par Marie Mercier, n° 289 (2017-2018), p. 26.

* 71 Devenue la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

* 72 Prostitution : la plus vieille violence du monde faite aux femmes , rapport d'information fait par Brigitte Gonthier-Maurin au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 590 (2013-2014).

* 73 Prostitution : la plus vieille violence du monde faite aux femmes , rapport d'information fait par Brigitte Gonthier-Maurin au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 590 (2013-2014), p. 36.

* 74 L'Express, « Sexe - Ce que vous cachent les jeunes », 14 mai 2014.

* 75 Voir le compte rendu de ce déplacement dans le rapport d'information précité Prostitution : la plus vieille violence du monde faite aux femmes , rapport d'information fait par Brigitte Gonthier-Maurin au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 590 (2013-2014), pp. 249-252.

* 76 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol au nom de la délégation aux droits des femmes, n°  564 (2017-2018).

* 77 L'Express, « Sexisme à l'école, silence dans les rangs », 7 mai 2018.

* 78 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles , rapport d'information fait au nom de la commission des lois par Marie Mercier, n° 289 (2017-2018), p. 56.

* 79 Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles , rapport d'information fait au nom de la commission des lois par Marie Mercier, n° 289 (2017-2018), p. 51.

* 80 Ces constats renvoient aux propositions n os 32 à 34.

* 81 Page 61.

* 82 Prostitution : la plus vieille violence du monde faite aux femmes , rapport d'information fait par Brigitte Gonthier-Maurin au nom de la délégation aux droits des femmes, n° 590 (2013-2014).

* 83 Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société , rapport d'information fait par Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol au nom de la délégation aux droits des femmes, n°  564 (2017-2018).

* 84 Il s'agit de la proposition n° 18.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page