B. LE TEXTE TRANSMIS AU SÉNAT

1. Le positionnement de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale : des préoccupations qui rejoignent celles de la délégation

Dans son rapport d'information sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes 39 ( * ) , la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale présente des recommandations pour renforcer la protection des mineurs contre les violences sexuelles :

- améliorer la connaissance statistique de ces violences ;

- généraliser le programme Nénuphar développé dans le Centre de victimologie pour mineurs (qui consiste en l'élaboration de supports de communication - films, fascicules, etc. - s'adressant aux victimes et à leurs proches afin de les informer des troubles susceptibles de survenir après des violences sexuelles) et diffuser ces supports de communication ;

- garantir une prise en charge spécialisée , à toutes les étapes de la procédure judiciaire, en particulier en cas de viols sur mineurs.

Par ailleurs, la délégation de l'Assemblée nationale plaide pour le développement effectif de l'éducation à la sexualité dans le cadre scolaire , dans un esprit de prévention largement partagé.

S'agissant plus précisément du contenu du projet de loi , la délégation s'est prononcée en faveur :

- de l' allongement du délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs ;

- de l'extension de la définition de la « contrainte morale » définie par l'article 222-22-1 du code pénal à « l'abus de l'ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes » ;

- de l' aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle avec pénétration , qui « garantit une répression plus sévère des faits » « si la violence, la contrainte, la menace ou la surprise lors d'un acte sexuel avec pénétration d'un majeur sur un mineur de quinze ans n'a pu être démontrée au cours d'une procédure judiciaire » 40 ( * ) ;

- de la disposition permettant de poser la question subsidiaire de l'atteinte sexuelle si la cour d'assises estime que le viol n'est pas caractérisé.

Soucieuse, à juste titre, de « sanctuariser l'enfant contre les violences sexuelles imposées par un adulte », la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale appelle à « inscrire dans la loi l'interdiction absolue d'un rapport sexuel entre un adulte et un enfant, la violation de l'interdit constituant un crime » 41 ( * ) . Elle se prononce à cet égard pour la définition d'un seuil d'âge de treize ans, comme le proposait d'ailleurs le Haut conseil à l'égalité (HCE) dans son avis sur le viol de 2016 42 ( * ) et conformément à l'une des conclusions du récent rapport d'information e la délégation sur les violences faites aux femmes.

De plus, dans la logique consistant à faire de tout rapport sexuel avec un enfant de moins de treize ans un crime , la délégation de l'Assemblée nationale se déclare également favorable à la création d'une nouvelle infraction qui punirait de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende tout acte sexuel sans pénétration imposé par une personne majeure à un mineur de moins de treize ans .

Qu'il s'agisse d'un acte sexuel avec pénétration ou d'un acte sexuel sans pénétration, la question de la « contrainte, de la surprise, de la menace ou de la violence » ne se poserait pas.

S'agissant de la répression des cyber-violences , la délégation de l'Assemblée nationale recommande la création d'une plateforme de signalement dédiée ainsi que la formation des acteurs de la lutte contre les violences faites aux femmes à cette dimension spécifique ; elle suggère une campagne d'information destinée au grand public sur les violences faites en ligne aux femmes .

S'agissant du contenu du projet de loi , la délégation soutient l'extension de la définition du harcèlement aux « raids numériques ».

Enfin, le délit d'« outrage sexiste » créé par le projet de loi est soutenu par la délégation de l'Assemblée nationale, dont les rapporteurs :

- estiment qu'il permet une verbalisation « immédiate » des comportements visés, dans le cadre de la « procédure de forfaitisation contraventionnelle qui est pleinement opérationnelle pour les contraventions de 4 ème classe » 43 ( * ) ;

- soutiennent qu'il « [combine] vitesse, efficacité et visibilité de la réponse pénale ».

Le rapport de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale juge par ailleurs souhaitable :

- que l'ensemble des agents des forces de sécurité aient connaissance au plus vite de cette nouvelle infraction ;

- et que les agents de police judiciaire adjoints ainsi que les « agents assermentés agissant dans les transports » soient habilités à relever cette contravention .

En ce qui concerne la compétence réglementaire soulignée par le Conseil d'État dans son avis pour suggérer au Gouvernement de créer par décret la nouvelle contravention prévue par l'article 4 du projet de loi, le rapport de la délégation de l'Assemblée nationale :

- rappelle qu'une intrusion du législateur dans le domaine règlementaire n'est pas de ce fait inconstitutionnelle 44 ( * ) ;

- et considère que le « phénomène massif » caractérisant les outrages sexistes justifie ce choix juridique.

2. Le projet de loi issu des débats de l'Assemblée nationale : un texte qui s'inspire de certaines initiatives du Sénat

L'Assemblée nationale a adopté une cinquantaine d'amendements au projet de loi initial , dont une forte proportion l'ont été à l'initiative de la commission des lois.

La plupart des amendements adoptés concernent l'article 2, aussi bien en commission qu'en séance.

On relève également l' introduction de nombreux articles additionnels , notamment en séance publique.

a) L'allongement de la prescription de l'action publique étendu au crime d'eugénisme et aux meurtres et assassinats commis sur des mineurs

Un amendement technique de cohérence adopté en commission sur proposition de la rapporteure, Alexandra Louis(LaRem), a transféré à l'article 7 du code de procédure pénale l'actuel deuxième alinéa de l'article 9-1, relatif au point de départ du délai de prescription de crime d'eugénisme . Selon l'exposé des motifs, de la sorte, « les reports de points de départ des délais de prescription en matière criminelle et délictuelle figureront respectivement aux articles 7 et 8 du code de procédure pénale, tandis que l'article 9-1 de ce code portera exclusivement sur les modalités de prescription des infractions occultes et dissimulées » 45 ( * ) .

En séance, un amendement de la rapporteure a appliqué l'allongement du délai de prescription à trente ans aux crimes de meurtres et d'assassinat commis sur des mineurs , y compris lorsqu'ils ne sont pas précédés ou accompagnés d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou lorsqu'ils ne sont pas commis en état de récidive légale 46 ( * ) .

b) Des amendements adoptés à l'article 2 pour préciser la définition du viol et des violences sexuelles

La commission a adopté, à l'initiative du député Dimitri Houbron (LaRem), un amendement remplaçant la référence aux « abus sexuels » par celles aux « infractions sexuelles » dans l'intitulé du chapitre II du projet de loi. Cet intitulé est donc désormais formulé ainsi : « Dispositions relatives à la répression des infractions sexuelles sur les mineurs » 47 ( * ) . Selon l'exposé des motifs, l'amendement vise à « uniformiser les termes employés dans le projet de loi ». En outre, il fait valoir que « même si les termes d'abus sexuels sont consacrés depuis de nombreuses années pour définir de manière générique l'ensemble des infractions à caractère sexuel, ils pourraient laisser sous-entendre qu'il s'agit d'abuser, d'utiliser de manière exagérée ou de violer un droit dont on dispose ». Cet amendement rejoint une préoccupation exprimée par le Haut conseil à l'égalité (HCE) dans sa note de positionnement sur le projet de loi 48 ( * ) .

Deux amendements identiques de la rapporteure et du député Dimitri Houbron (LaREM) ont précisé la rédaction proposée par le Gouvernement en ce qui concerne la prise en compte de la vulnérabilité des victimes . Il s'agit de simplifier les circonstances susceptibles d'être prises en compte par les magistrats pour apprécier l'existence d'une contrainte ou d'une surprise dans le cas d'atteintes sexuelles commises par une personne majeure sur celle d'un mineur de moins de quinze ans. Pour ce faire, l'amendement a remplacé « l'abus d'ignorance » de la victime par « l'abus de vulnérabilité » et a supprimé la référence à la notion de « maturité » , pour ne conserver que celle au « discernement » de la victime.

Un autre amendement de la rapporteure a modifié l'infraction de viol, pour permettre de réprimer des actes dans lesquels la pénétration est commise sur la personne de l'auteur et non sur celle de la victime (on pense notamment aux fellations subies par des jeunes garçons). La rédaction de cette disposition a évolué par la suite en séance publique.

Un amendement de la députée Annie Chapelier (LaRem) a élargi la surqualification pénale d'inceste aux viols et agressions sexuelles commises par la nièce , le cousin germain ou la cousine germaine de la victime.

De surcroît, deux amendements identiques de Xavier Breton (LR) et Dimitri Houbron (LaRem), députés, ont étendu la surqualification pénale d'inceste aux viols et agressions sexuelles commis sur des majeurs, ce qui reprend, sans l'indiquer, l'article 4 de la proposition de loi Bas-Mercier du Sénat .

Un amendement d'Erwan Balanant (LaRem), député, co-rapporteur de la délégation aux droits des femmes, a créé une circonstance aggravante supplémentaire lorsque le viol est commis dans les transports en commun . Dans le même esprit, un amendement d'Aude Luquet, députée (Modem) a introduit une nouvelle circonstance aggravante pour les agressions sexuelles commises dans les transports en commun . Par la suite, ces deux nouvelles dispositions ont été supprimées en séance publique, à l'initiative du groupe La France Insoumise (LFI) et d'une députée non inscrite.

Un amendement de Xavier Breton (LR) a aggravé les peines encourues pour le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans. Il reprend en tout point l'article 5 de la proposition de loi Bas-Mercier adoptée par le Sénat .

Enfin, on note l'adoption de deux amendements rédactionnels à l'article 2 et d' un amendement de précision avant l'article 3 49 ( * ) .

En séance, huit amendements ont modifié l'article 2, dont trois amendements de précision .

Un amendement du député Erwan Balanant a modifié la rédaction de l'infraction de viol pour prendre en compte le cas de fellations subies par de jeunes garçons par exemple ( cf. supra ). Il s'agit d'élargir la définition juridique du viol à tous les actes de pénétration, quel qu'en soit l'auteur .

Un sous-amendement de conséquence de la rapporteure a également prévu, dans la définition de l'infraction d'atteinte sexuelle avec acte de pénétration, que celui-ci peut s'exercer sur la personne de l'auteur ou celle de la victime, comme pour le crime de viol.

Enfin, un amendement d'Annie Chapelier (LaRem) a limité l'extension de la surqualification pénale d'inceste aux auteurs cousins germains et cousines germaines de la victime, introduite en commission des lois, aux actes commis par les personnes précitées, lorsqu'elles disposent d'une autorité de droit ou de fait sur la victime .

Un amendement du même auteur a, par cohérence , prévu la surqualification pénale d'inceste aux atteintes sexuelles commises par une nièce ou, s'ils ont une autorité de droit ou de fait sur la victime, un cousin germain ou une cousine germaine.

c) Les amendements adoptés à l'article 3 sur le « raid numérique »

La commission des lois a adopté deux amendements identiques de la rapporteure et de Dimitri Houbron (LaRem) relatifs à la répression des « raids » numériques .

Ces amendements assouplissent les critères de concertation prévus par le projet de loi. Ils proposent que, outre les cas dans lesquels le harcèlement sera constitué en présence d'une concertation « expresse », lorsque les propos ou comportements sont imposés à une même victime de manière concertée par plusieurs personnes, l'infraction pourra également être reconnue en cas de concertation « tacite », laquelle recouvre deux hypothèses :

- que le « raid » se soit produit à l'instigation de l'une des personnes impliquée dans les faits ;

- que les propos ou comportements aient été commis par plusieurs personnes, alors qu'elles savaient qu'une telle succession caractérisait une répétition pour la victime.

En séance, outre un amendement de précision et un amendement de coordination , deux amendements ont été adoptés.

Un amendement de cohérence présenté par la rapporteure a aligné, hors la répétition, la définition du harcèlement sexuel telle qu'elle figure à l'article 222-33 du code pénal et la définition de l'outrage sexiste créé par l'article 4, en ajoutant le caractère sexiste des propos et comportements susceptibles de constituer le harcèlement sexuel.

Un amendement de Dimitri Houbron (LaRem) a introduit dans les articles 222-33 et 222-33-2-2 du code pénal des circonstances aggravantes lorsque les faits de harcèlement passent par un support numérique ou électronique , en vue de sanctionner avec plus d'efficacité le cyber-harcèlement. L'exposé des motifs relève ainsi que ce type de comportements malveillants est particulièrement présent dans le contexte de harcèlement scolaire, dont l'effet peut être « démultiplié par l'utilisation de moyens numériques : plateformes, réseaux sociaux, blogs, messageries instantanées, courriers électroniques... ».

d) Les amendements adoptés à l'article 4 relatif à l'outrage sexiste

En commission, un amendement de la rapporteure a distingué , au sein du code pénal, la contravention qui punit le recours à la prostitution de celle qui réprime l'outrage sexiste , en créant un titre dédié à l'outrage sexiste au sein du livre VI du code pénal consacré aux contraventions.

En outre, un amendement de la députée Laetitia Avia (LaRem) a élargi l'infraction d'outrage sexiste aux personnes LGBTQ , faisant valoir que celles-ci sont également victimes de ce type de harcèlement. L'amendement intègre à la nouvelle infraction des propos non explicitement sexistes mais produisant des effets similaires.

De plus, un amendement de la rapporteure a ajouté le stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes , créé par l'article 4 50 ( * ) , à la liste des peines complémentaires en matière contraventionnelle 51 ( * ) ainsi qu'aux mesures susceptibles d'être prononcées par le procureur de la République dans le cadre d'une procédure d'alternative aux poursuites 52 ( * ) ou d'une composition pénale 53 ( * ) .

Enfin, deux amendements identiques de la rapporteure et de Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, ont ouvert le champ des personnes habilitées à constater par procès-verbal la contravention , au-delà des officiers et agents de police judiciaire, aux agents de police judiciaire adjoints (agents de police municipale, réservistes de la gendarmerie, agents de surveillance de Paris, adjoints de sécurité...) ainsi qu'aux agents et fonctionnaires autorisés à constater les infractions à la police des transports ferroviaires ou guidés 54 ( * ) . Cet amendement est issu de la recommandation n° 16 du rapport de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes 55 ( * ) .

En séance, deux amendements identiques adoptés à l'article 4, à l'initiative de députés du groupe LFI et de députés du groupe LaRem, ont intégré l'identité de genre dans la définition des personnes pouvant faire l'objet d'un outrage sexiste . L'exposé des motifs relève que l'identité de genre est visée par l'article 225-1 du code pénal relatif aux discriminations. Les auteurs de l'amendement estiment donc que, en tant que « source autonome de discrimination », l'identité de genre doit être « explicitement visée par cet article pour protéger ces personnes pouvant être victimes de comportements de harcèlement de rue ».

e) Le dépôt de rapports du Gouvernement sur les dispositifs locaux d'aide à la mobilité des victimes de violences sexuelles

Deux articles additionnels prévoient le dépôt, par le Gouvernement, de rapports relatifs aux dispositifs locaux d'aide à la mobilité des victimes de violences sexuelles.

L 'article 2 bis , introduit en commission sur proposition du député Damien Pichereau (LaRem), prévoit la remise au Parlement, par le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d'un « rapport sur les dispositifs locaux d'aide à la mobilité des victimes de violences sexuelles destinés à leur permettre de se déplacer, notamment pour un examen auprès d'un médecin légiste ou une audience, et de poursuivre leurs démarches de judiciarisation ». Selon l'exposé des motifs de l'amendement ayant introduit l'article 2 bis , il s'agit de « valoriser les initiatives locales d'aide à la mobilité des violences sexuelles ». Le rapport « aura pour objet de compiler les bonnes pratiques d'aides à la mobilité des victimes (...) afin de les généraliser ». L'exposé des motifs fait également valoir que de nombreuses victimes se heurtent dans leurs démarches aux manques de solutions de transport pour se rendre par exemple chez le médecin légiste ou au tribunal, et estime que « ce sujet est essentiel dans le suivi et l'accompagnement des plaintes pour violences sexuelles, notamment en milieu rural où l'offre de transports publics est moins développée et où il est donc plus onéreux de se déplacer ».

L'article 2 bis E , adopté en séance à l'initiative de Bérengère Couillard , députée (LaRem), prévoit la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, d'un rapport du Gouvernement sur les dispositifs locaux d'aide aux victimes d'agressions sexuelles , leur permettant d'être accompagnées et de réaliser les démarches judiciaires au sein même des Centres Hospitaliers Universitaires (CHU). Le rapport aurait notamment pour objet d'analyser la pertinence d'une généralisation du système de convention conclue entre Parquet et Centre Hospitalier Universitaire (CHU), sur le modèle du dispositif CAUVA (Cellule d'Accueil d'Urgences des Victimes d'Agressions) mis en place à Bordeaux. Comme le fait valoir l'exposé des motifs de l'amendement ayant introduit l'article 2 bis E, « le CAUVA, structure unique en France (...), permet, dans un même lieu, d'offrir aux victimes d'agression une aide médicale, psychologique, sociale et juridique », ce qui offre à la victime la possibilité « d'amorcer une procédure judiciaire avant même que la victime ne porte plainte ».

f) L'extension des circonstances aggravantes dans certains cas de violences

L' article 3 bis , adopté en commission à l'initiative de la rapporteure Alexandra Louis (LaRem) et du député Dimitri Houbron (LaRem), étend la liste des circonstances aggravantes susceptibles de renforcer les peines encourues pour un certain nombre de violences sexuelles et sexistes en application du code pénal 56 ( * ) :

- la circonstance aggravante prévue pour les infractions commises au sein du couple s'applique, y compris dans les cas de couples dits non cohabitants ;

- la liste des circonstances aggravantes prévues pour le harcèlement sexuel s'étend aux cas dans lesquels les faits sont commis par un ascendant ou une personne ayant sur la victime autorité de droit ou de fait d'une part, et par le conjoint, concubin ou partenaire de la victime d'autre part ;

- enfin, les faits de violences, de viol et d'agression sexuelle autre que le viol, de harcèlement conjugal, sexuel ou moral seront aggravés dès lors qu'ils seront commis en présence d'enfant . L'exposé des motifs rappelle que « l'impact des violences conjugales sur les mineurs qui y assistent doit être davantage pris en compte, comme y invite l'article 46 de la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, ratifiée en 2014 par la France ».

g) La possibilité pour les associations de se porter parties civiles en cas d'outrage sexiste

L'article 4 bis , introduit à l'initiative de la députée Danièle Obono (LFI) ouvre la possibilité , pour les associations , de se porter partie civile en cas d'outrage sexiste . En séance, un amendement de coordination de la rapporteure a ajouté l'outrage sexiste parmi les infractions visées à l'article 2-2 du code de procédure pénale , pour rendre effective la disposition adoptée en commission des lois. L'exposé des motifs note ainsi que « le seul ajout de la référence à cette infraction ne suffit pas à permettre aux associations de se constituer partie civile dans les procédures d'outrage sexiste ».

h) La prévention des violences faites aux femmes en situation de handicap

L' article 2 bis A , introduit en séance par un amendement du député Adrien Taquet (LaRem), modifie l' article L. 114-3 du code de l'action sociale et des familles , qui détaille les différents aspects des politiques de prévention du handicap . Il s'agit de mentionner explicitement à cet article , dans la liste de ces politiques de prévention, l'objectif de lutte contre les violences sexuelles que subissent les personnes handicapées . En outre, l'article 2 bis A mentionne la formation et la sensibilisation des professionnels de santé à ces violences . L'exposé des motifs rappelle « l'ampleur du phénomène des agressions sexuelles envers les personnes en situation de handicap 57 ( * ) », soulignant la nécessité que « les pouvoirs publics réagissent afin de combattre efficacement ce fléau ».

L' article 2 bis B , adopté à l'initiative d' Adrien Taquet (LaRem), vise à créer un « référent intégrité physique » dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux 58 ( * ) et à rendre obligatoire l'information des personnes accueillies en établissements spécialisés sur l'existence de ce référent. Selon le dispositif de l'amendement, le référent serait « compétent pour recueillir le témoignage, orienter et soutenir toute personne accueillie reportant avoir été victime d'atteinte à son intégrité physique par des violences ou agressions. Il prête une attention particulière aux atteintes sexuelles dont peuvent être victimes les personnes vulnérables accueillies dans l'établissement ».

i) Des dispositions renforçant la protection des mineurs contre les agressions sexuelles

L' article 2 bis C , introduit en séance à l'initiative du député Dimitri Houbron (LaRem) 59 ( * ) , reprend en tout point l'article 6 bis de la proposition de loi Bas-Mercier introduit à l'initiative de notre collègue Laure Darcos, co-rapporteure, créant des circonstances aggravantes aux peines encourues pour les délits prévus aux articles 223-6 et 434-3 du code pénal ( non-assistance à personne en danger et non dénonciation des agressions sexuelles sur les mineurs ), si la victime est un mineur de quinze ans .

L' article 2 bis D , qui résulte d'un amendement de Sébastien Huyghe , député (LR), modifie l'article 706-53-7 du code de procédure pénale de façon à permettre aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de disposer des informations contenues dans le Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (FIJAISV). Actuellement, cette possibilité est prévue pour les maires, les présidents de conseil départemental et les présidents de conseil régional, mais pas pour les présidents d'EPCI. L'exposé des motifs de l'amendement fait valoir que « des personnels de l'organisme communautaire peuvent être amenés à entrer en contact avec des mineurs dans le cadre de leurs activités professionnelles » 60 ( * ) .

j) La suppression d'une référence obsolète à l'incapacité civile des femmes mariées

L' article 4 ter , qui résulte de deux amendements identiques des députées Clémentine Autain (LFI) et Ericka Bareigts (Nouvelle Gauche), adoptés en séance, vise à supprimer de l'article 1676 du code civil une référence obsolète aux « femmes mariées ». En effet, l'article 1676 du code civil prévoit un délai spécifique de prescription pour l'action de rescision pour lésion 61 ( * ) en droits des obligations, au profit de certaines personnes considérées comme vulnérables. Ce délai spécifique est réservé aux femmes mariées, aux majeurs sous tutelles, aux mineurs ou aux absents . Comme le fait valoir l'exposé des motifs de l'amendement de Mme Bareigts, « le statut conjugal et le sexe des femmes sont ainsi considérées comme des facteurs de vulnérabilité dans cet article en vigueur depuis le 16 mars 1804 et jamais modifié depuis ». Les auteurs de l'amendement estiment donc qu'il est « temps de mettre fin à cette marque indigne de sexisme dans notre droit actuel », car « ce sont ces représentations culturelles de la femme comme objet ou comme être de faiblesse qui participent à la perpétuation de violences sexuelles et sexistes ».

k) Un rapport au Parlement sur l'évaluation de la future loi

Enfin, l' article 4 quater , introduit en séance par un amendement de Valérie Petit , députée (LaRem), prévoit la mise en place d'un « dispositif d'évaluation rigoureux de la présente loi en proposant une évaluation d'impact des mesures prises sur son fondement ». Dans ce cadre, le Gouvernement est invité à remettre au Parlement un rapport d'évaluation de la loi , dans la deuxième année suivant sa date d'entrée en vigueur.

L'article 4 quater va dans le sens d'une proposition formulée par le Haut conseil à l'égalité dans sa note de positionnement sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes 62 ( * ) .


* 39 Assemblée nationale, Rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes par M. Erwan Balanant et Mme Marie-Pierre Rixain, n° 895, XV ème législature, avril 2018.

* 40 Rapport d'information de M. Erwan Balanant et Mme Marie-Pierre Rixain, op. cit., p. 22.

* 41 Rapport d'information de M. Erwan Balanant et Mme Marie-Pierre Rixain, op. cit., p. 23.

* 42 HCE, Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles , 5 octobre 2016.

* 43 Rapport d'information de M. Erwan Balanant et Mme Marie-Pierre Rixain, op. cit., p. 48.

* 44 Décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012 du Conseil constitutionnel : loi relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives : « Considérant que, si l'article 34 et le premier alinéa de l'article 37 de la Constitution établissent une séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement, et si l'article 41 et le deuxième alinéa de l'article 37 organisent les procédures spécifiques permettant au Gouvernement d'assurer la protection du domaine réglementaire contre d'éventuels empiètements de la loi, la Constitution n'a pas pour autant entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi ; que, par suite, les requérants ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la Constitution ou pour demander que soit déclaré son caractère réglementaire ; qu'il s'ensuit que le grief doit être rejeté ; ».

* 45 Pour mémoire, l'article 1 er du projet de loi a pour effet d'inscrire à l'article 7 du code de procédure pénale la mention du report du point de départ du délai de prescription des crimes commis sur des mineurs et de supprimer cette mention de l'article 9-1 du même code.

* 46 Dans sa rédaction actuelle, cette disposition ne concerne que les meurtres ou assassinats aggravés.

* 47 Dans le projet de loi initial, l'intitulé du chapitre II était : « Dispositions relatives à la répression des abus sexuels sur les mineurs ».

* 48 Haut conseil à l'égalité , Note de positionnement sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes , publiée le 16 avril 2018.

* 49 Cet amendement substitue aux mots « au délit » les mots « aux délits » à l'intitulé du titre II du projet de loi.

* 50 Ce stage est une nouvelle peine complémentaire qui pourra être prononcée en cas d'outrage sexiste.

* 51 Cette liste est fixée à l'article 131-16 du code pénal.

* 52 Conformément à l'article 41-1 du code de procédure pénale.

* 53 En application de l'article 41-2 du code pénal.

* 54 Cela concerne essentiellement les agents des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP.

* 55 Assemblée nationale, rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes par Erwan Balanant et Marie-Pierre Rixain, n° 895, 15 ème législature, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 avril 2018.

* 56 Cet article a été complété par un amendement de coordination en séance publique.

* 57 À cet égard, l'exposé des motifs de l'amendement ayant introduit l'article 2 bis A précise que « dans son rapport final d'évaluation du 4 ème plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes de 2016, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes indiquait que 72 % des femmes handicapées seraient victimes de violences ».

* 58 L'article 2 bis B crée un nouvel article L. 311-4-2 au sein du code de l'action sociale et des familles.

* 59 Cet amendement a été sous-amendé par la rapporteure pour corriger une erreur de rédaction dans l'amendement initial, qui tendait à exclure de cette circonstance aggravante les non-dénonciations de mauvais traitements à l'égard des mineurs de 15 à 1huit ans.

* 60 L'article 2 bis D réalise également une actualisation de l'article 706-53-7 du code de procédure pénale en remplaçant conseil « général » par conseil « départemental », puisque le conseil général est désormais appelé conseil départemental.

* 61 La rescision signifie qu'un contrat est annulé par jugement en raison du fait que l'une des parties était en situation d' incapacité au moment de sa conclusion. La rescision implique nécessairement l'intervention d'un jugement. La rescision peut également être appliquée dans les contrats frappés de lésion . Cette disposition concerne les vendeurs d'immeubles qui estiment être lésés de plus de sept douzièmes sur la valeur du bien immobilier.

* 62 La recommandation du HCE est ainsi formulée (amendement 22) : «  Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'application de la présente loi deux ans après sa promulgation, après consultation du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce rapport dresse le bilan sexué de l'ensemble des dispositions prévues par la présente loi, ainsi que les financements alloués à sa mise en oeuvre ».

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