CADRE JURIDIQUE

Comme indiqué précédemment, les fonctions électives locales sont soumises à un principe de gratuité .

En ce qui concerne les communes 2 ( * ) , ce principe est inscrit à l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui dispose que « les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites » .

Il implique que toute indemnité de fonction est prévue par la loi, et sert de fondement au juge administratif pour annuler les délibérations qui tendraient à créer des indemnités en dehors de ce cadre.

Ce principe correspond, en outre, à une réalité forte : près des deux tiers des élus locaux - 360 000 sur 550 000 environ - ne disposent d'aucune indemnité de fonction, selon les chiffres communiqués à vos rapporteurs par la Direction générale des collectivités locales (DGCL).

Cependant, certains élus locaux, à commencer par ceux exerçant des fonctions exécutives, peuvent bénéficier d'une indemnité de fonction.

Les fonctions électives locales ne constituant pas une activité professionnelle, cette indemnité ne saurait être assimilée à un salaire.

C'est pourquoi la circulaire du ministre de l'Intérieur du 15 avril 1992 prise pour l'application de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, indique qu'elle ne présente le caractère ni d'un salaire, ni d'un traitement, ni d'une rémunération quelconque.

Aussi l'indemnité est-elle, en France, davantage considérée comme un « mécanisme de compensation d'une perte » , selon le constat fait devant vos rapporteurs par Élodie Lavignotte, chercheuse associée au Centre d'expertise et de recherche administrative (CERA) à l'École nationale d'administration (ENA).

Cette analyse est corroborée en filigrane par les réponses apportées par le Gouvernement aux questions écrites posées par plusieurs Sénateurs, où il a précisé que les élus locaux peuvent percevoir des « indemnités de fonction qui viennent compenser les dépenses et les sujétions qui résultent de l'exercice de leur charge publique » 3 ( * ) .

Outre l'indemnité de fonction, les élus locaux peuvent disposer de remboursements de frais , qui permettent la prise en charge par leur collectivité ou leur établissement de dépenses limitativement énumérées par la loi (frais d'exécution d'un mandat spécial, frais de déplacement, frais de garde d'enfants ou d'assistance à certaines personnes à charge, frais exceptionnels d'aide et de secours engagés en cas d'urgence par le maire ou un adjoint au maire, frais de représentation du maire ou du président d'un établissement intercommunal).

Enfin, si les remboursements de frais ne sont pas imposables, il en va différemment de l'indemnité de fonction, soumise aux prélèvements fiscaux et sociaux dans des conditions de droit commun, sous réserve de la fraction représentative des frais d'emploi.

Il est intéressant de constater la relative continuité des principes régissant le régime indemnitaire des élus locaux depuis la loi municipale du 5 avril 1884 (article 74) : en effet, ce texte a, dans le même temps, consolidé le principe de gratuité des fonctions électives communales 4 ( * ) , et autorisé l'octroi d'indemnités pour frais de représentation aux maires et de remboursements de frais aux titulaires de mandats spéciaux 5 ( * ) .

Pour autant, les modalités d'application de ce régime indemnitaire ont profondément évolué ces trente dernières années, au fur et à mesure des progrès de la décentralisation (voir encadré ci-dessous).

À l'issue de ces évolutions, le régime indemnitaire des élus locaux apparaît comme une construction empirique qui, bien que graduellement étendue, demeure à bien des égards lacunaire et complexe.

Les évolutions récentes du régime indemnitaire

Ces trente dernières années, le régime indemnitaire des élus locaux a connu plusieurs évolutions majeures.

La première évolution a été celle d'une clarification et d'une codification du droit , engagées au début des années 1990. Pour preuve, la loi n°92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux et la loi n°196-142 du 21 février 1996 relative à la partie Législative du code général des collectivités territoriales ont inscrit dans le code précité les taux plafonds et les règles de cumul qui régissent encore aujourd'hui les modalités de calcul des indemnités de fonction.

Au tournant des années 2000, la deuxième évolution a consisté en une extension du droit aux structures intercommunales . C'est ainsi que la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au remboursement et à la simplification de la coopération intercommunale a posé les bases du régime indemnitaire des élus intercommunaux, étendues par la suite aux élus métropolitains par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles .

Une troisième évolution a permis, au cours des années 2000, une diversification du droit : les dispositifs indemnitaires ne visent plus seulement à compenser, de manière uniforme, les frais engagés par les élus locaux, mais tendent aussi à accompagner leur renouvellement sociologique, en prenant en compte certaines charges spécifiques. À titre d'illustration, dans le contexte des lois dites « de parité » 6 ( * ) et de la refondation de la politique du handicap 7 ( * ) , une possibilité de remboursement des frais de garde d'enfants ou des frais d'assistance à certaines personnes à charge a été reconnue aux jeunes parents ou aux proches de personnes dépendantes exerçant un mandat local, d'abord au sein du bloc communal, par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité , puis dans tous les échelons locaux, par la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leurs mandats .

Enfin, les années 2010 sont peut-être celles d'un double mouvement :

- une différenciation du droit , avec la reconnaissance, pour quelques collectivités ou établissements, de la faculté de moduler les indemnités de fonction de leurs membres en fonction de leur participation à certaines réunions, ou de majorer de 40% celles de leurs exécutifs. La première possibilité a été ouverte par la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 précitée et la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain , et la seconde par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 .

- une banalisation du droit , avec l'application aux indemnités de fonction de règles fiscales et sociales de plus en plus inscrites dans le droit commun. Ainsi, la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a assujetti certaines indemnités de fonction aux cotisations sociales, tandis que la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 a supprimé le prélèvement libératoire qui leur était applicable.

I. LES INDEMNITÉS DE FONCTION

Les élus locaux peuvent bénéficier d'une indemnité de fonction dans les conditions exposées ci-après.

A. LES PRINCIPES

1. Les règles de droit commun

Les fonctions électives locales donnant lieu à indemnisation sont les suivantes :

- les maires, leurs adjoints et les conseillers municipaux des communes de plus de 100 000 habitants ;

- les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), leurs vice-présidents, et les conseillers communautaires des communautés urbaines et d'agglomération 8 ( * ) de plus de 100 000 habitants ;

- les présidents de conseils départementaux, leurs vice-présidents et les conseillers départementaux 9 ( * ) ;

- les présidents de conseils régionaux, leurs vice-présidents et les conseillers régionaux.

Peuvent bénéficier d'une indemnité de fonction, dans la limite d'une « enveloppe indemnitaire globale » qui correspond au montant total des indemnités susceptibles d'être allouées au maire (ou au président) et à ses adjoints (ou à ses vice-présidents) :

- les conseillers municipaux ayant reçu une délégation de fonction de la part du maire, et des communes de moins de 100 000 habitants ;

- les conseillers communautaires des communautés de communes de moins de 100 000 habitants ;

- les conseillers communautaires des communautés urbaines et d'agglomération ayant reçu délégation de fonction de la part du président, et des communautés de moins de 100 000 habitants.

Enfin, lorsqu'il supplée le maire, un adjoint au maire peut bénéficier, par délibération du conseil municipal, de l'indemnité de fonction perçue par ce dernier durant la période de la suppléance.

2. Les règles dérogatoires

Outre ces éléments de droit commun, il faut préciser que certaines collectivités ou certains établissements sont assujettis à un régime indemnitaire présentant des spécificités :

- les communes de Paris, Lyon, Marseille (Articles L. 2511-34 et L. 2511-35 du CGCT), compte tenu notamment de l'existence de maires d'arrondissement ;

- les métropoles dont le régime indemnitaire est calqué sur celui des communautés urbaines pour celles de droit commun (Article L. 5217-7 du CGCT), présente des spécificités pour celles d'Aix-Marseille-Provence et du Grand Paris (Articles L. 5218-6 et L. 5219-2-1 du CGCT) ou reprend celui des conseillers départementaux pour la collectivité à statut particulier de la Métropole de Lyon (Articles L. 3632-1 à L. 3632-4 du CGCT) ;

- l'assemblée de Corse (Article L. 4422-46 du CGCT), qui exerce les compétences du département et de la région ;

- les régions d'outre-mer dont le régime indemnitaire est issu de celui des conseils départementaux (Article L. 4432-6 du CGCT), les Assemblées de Guyane et de la Martinique qui concentrent les compétences du département et de la région (Articles L. 7125-17 à L. 7125-21 et L. 7227-17 à L. 7227-22 du CGCT), les conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon (Articles LO. 6224-2 et LO. 6224-3, LO. 6325-2 et LO. 6325-3 et LO. 6434-2 à LO. 6434-4 du CGCT), ou en Nouvelle-Calédonie, dans les conditions fixées par le code des communes.

3. D'autres fonctions indemnisées

De même, il faut noter que des dispositifs indemnitaires particuliers existent pour les fonctions exercées par les élus locaux au sein de certains organismes , comme :

- les présidents et vice-présidents des services départementaux d'incendie et de secours (Articles L. 1424-27, L. 1424-74 et L. 1424-81 du CGCT) ;

- les mandataires des collectivités ou de leurs groupements au sein des sociétés d'économie mixte locales et des sociétés publiques locales (Articles L. 1524-5, L. 1531-1 et L. 1862-1 du CGCT et article 17 de la loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales) ;

- les présidents et vice-présidents des centres de gestion de la fonction publique territoriale (Article 32 du décret n° 85-643 du 26 juin 1985 relatif aux centres de gestion institués par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale et arrêté du 28 septembre 2001 relatif aux indemnités de fonctions des présidents et des vice-présidents des centres de gestion de la fonction publique territoriale) ;

- le président du Conseil national de la fonction publique territoriale (Article 19 du décret n° 87-811 du 5 octobre 1987 relatif au Centre national de la fonction publique territoriale).

4. Quelques évolutions récentes

Les hypothèses selon lesquelles les fonctions électives locales peuvent donner lieu à une indemnisation ont connu récemment deux évolutions notables :

- d'une part, la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015 visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat (VI de l'article 3) a ouvert la possibilité, dans les communautés de communes de moins de 100 000 habitants, d'attribuer une indemnité de fonction pour les « simples » conseillers communautaires , dans la limite de 6% de l'indice brut terminal de la fonction publique et de l'« enveloppe indemnitaire globale » (II de l'article L. 2123-24-1 et article L. 5214-8 du CGCT) ;

- d'autre part, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) (Article 42) avait prévu la suppression de l'attribution d'indemnités de fonction aux présidents et vice-présidents de syndicats de communes, de syndicats mixtes fermés 10 ( * ) , et de syndicats mixtes ouverts « restreints » 11 ( * ) dont le périmètre est inférieur à celui d'un EPCI (Article L. 5211-12 du CGCT).

Toutefois, ce cas d'indemnisation a été rétabli à titre rétroactif et jusqu'au 31 décembre 2019 par la loi n° 2016-341 du 23 mars 2016 visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation et relative aux conditions d'exercice des mandats des membres des syndicats de communes et des syndicats mixtes (article 2).


* 2 Le principe de gratuité a été appliqué aux autres échelons par la jurisprudence du Conseil d'État.

* 3 14 e législature : Réponses aux questions écrites n° 17697, 18709, 19050 et 20046 de M. Jean Louis Masson (14 e législature) ; 15 e législature : Réponses aux questions écrites n°03001 de M. Alain Dufaut, n° 00178 de M. François Marc, n°01137 et 19050 de M. Jean Louis Masson, n° 01571 de M. Philippe Bas, et n° 04938 de M. Hervé Maurey.

* 4 Ce principe était lui-même issu de la loi du 21 mars 1831 sur l'organisation municipale.

* 5 « Les fonctions de maires, adjoints, conseillers municipaux sont gratuites. Elles donnent seulement droit au remboursement des frais que nécessite l'exécution des mandats spéciaux. Les conseils municipaux peuvent voter, sur les ressources ordinaires de la commune, des indemnités aux maires pour frais de représentation. »

* 6 Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes et loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

* 7 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 8 Dans les communautés d'agglomération où existe un accord local sur la répartition des sièges, le montant total de ces indemnités est limité par un plafond spécifique.

* 9 Dans les conseils départementaux et régionaux, l'indemnité de fonction allouée aux conseillers varie selon qu'ils appartiennent ou non à la commission permanente.

* 10 Syndicats mixtes dont la composition est limitée aux communes ou à leurs groupements.

* 11 Syndicats mixtes dont la composition est limitée aux communes, à leurs groupements, aux départements ou aux régions.

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