B. ...IMPOSENT UNE CHAÎNE DE CONTRÔLES INTERNES TROP LOURDE

1. Une multiplicité de contrôles et de points de contrôles

S'agissant de la gestion de l'aide alimentaire en général, deux types de contrôle existent :

• Le contrôle de la bonne utilisation des fonds publics

• Le contrôle de la qualité des produits qui comprend plusieurs strates de contrôle :

o le contrôle aléatoire des services vétérinaires des directions départementales de la protection des populations (DDPP) ;

o le contrôle dans le cadre des habilitations par la Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF) et les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) ;

o le contrôle par FranceAgriMer dans le cadre du FEAD ;

o le contrôle « matière » » de second niveau par la mission « Contrôle des opérations dans le secteur agricole » (COSA), supervisée par la CICC.

Concernant la gestion du FEAD, ces deux types de contrôle coexistent et constituent une chaine de contrôles assez lourde tant pour les autorités de gestion françaises et que pour les associations.

Synthèse des contrôles existants pour la gestion du FEAD en France

ORGANE DE CONTRÔLE

NATURE DU CONTRÔLE

Commission européenne

Contrôle de système

(Audit de la Commission en mars 2016, rapport final en mai 2017)

CICC - Autorité d'audit

Audits de système et audits annuels d'opérations

Audit du système de gestion et de contrôle en novembre 2016, rapport définitif en août 2017; contrôles d'opérations en septembre 2016 (exercice comptable 2015/2016) et septembre 2017 (exercice comptable 2016/2017 )

FranceAgriMer - Organisme intermédiaire

Service « délégation certificats de service fait »

Ø Contrôle de service fait communautaire (CSF) : vérification (administratif, physique et comptable) de l'éligibilité des dépenses au financement européen et si peuvent être présentes dans l'assiette de la demande de remboursement à la CE. Ce contrôle comprend :

o les vérifications relatives aux achats de denrées : chaque opération est contrôlée de façon exhaustive, sur la base des rapports de la CICC, essentiellement sur deux points : les conditions de passation des marchés publics et les conditions d'exécution du marché (conformité des produits livrés, livraisons,...).

o les vérifications relatives au forfait logistique dont sont bénéficiaires les associations

Service en charge du suivi de l'exécution du marché

Ø Contrôle annuel des produits FEAD auprès des fournisseurs (entreprises agroalimentaires) : fabrication, étiquetage et conditionnement, composition des produits = contrôle de la bonne exécution des marchés par les fournisseurs (sur la base des bons de livraison attestés par les organisations partenaires et de contrôle par sondage)

Contrôles en laboratoire pour le marché FEAD 2014 ; contrôle des produits FEAD 2017 (en cours) : mise en oeuvre d'un plan de contrôle des produits FEAD et d'une analyse de risques

Ø Contrôle sur place des associations : vérification de l'application des lignes directrices FEAD et du bilan d'exécution fourni par les associations.

Contrôles menés de décembre 2014 à juin 2015 pour la campagne FEAD 2014, et au 1er semestre 2016 pour la campagne FEAD 2015 ; à partir de la campagne FEAD 2016, choix d'un contrôle sur place externalisé auprès de trois prestataires (Scoop Conseil, Lemo Conseil, Cinapse) et mené depuis décembre 2017 (en cours)

DGCS - Autorité de gestion

Ø Contrôle de « qualité gestion » (CQG) exercé sur FAM

- Contrôle qualité gestion de FranceAgriMer externalisé en 2015 (KPMG) : manque de respect des obligations liées à la publicité (absence d'étiquetage) et un manque de justification des ressources sur certains dossiers, séparation fonctionnelle)

- contrôle externalisé pour 2018 : procédure en cours (offres attendues fin mars)

Ø Revue annuelle des procédures (procédures internes) des associations

Contrôle des associations réalisé au 1 er semestre 2017 (présence de Dictys Conseil, mission d'appui au service gestionnaire) ; prochaine revue annuelle des procédures : été 2018

Ø Contrôle de supervision des contrôles de service fait

Premiers contrôles de supervision menés en juin 2017 et en décembre 2017

DGFIP - Autorité de certification

Ø Contrôle de certification : contrôle de conformité exhaustif sur les certificats de service fait (CSF) transmis à la Commission européenne

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la DGCS et FranceAgriMer

La lourdeur des contrôles provient surtout des contrôles liés à la bonne utilisation des fonds publics. Les autorités nationales se retrouvent bloquées, dans leur fonctionnement, à cause de la lourdeur de cette chaine de contrôle. Le renforcement des exigences européennes et la multiplication des autorités de gestion ont conduit à passer à une moyenne de 500 contrôles par an pour le PEAD, à 1 000 à 3 000 contrôles par an avec le FEAD .

FranceAgriMer doit ainsi pour chaque campagne d'achat de denrées vérifier 22 points de contrôle sur les 22 000 pièces justificatives générées chaque année par les livraisons (plus d'une trentaine de produits, livrés en plusieurs fois, à une centaine d'entrepôts), soit un chiffre d'1 million de points à contrôler . La lourdeur de ces procédures contraint FAM à prendre du retard dans le contrôle des certificats de service faits.

L'existence d'une telle chaine de contrôles conduit vos rapporteurs à formuler des observations de deux ordres, tenant :

- au manque de lisibilité de ces contrôles : la multiplicité de cette chaine de contrôles est d'une extrême complexité pour les associations.

- au coût de ces contrôles en termes de moyens humains : non seulement ils ralentissent les déclarations en paiement à la Commission européenne, mais ont également un coût en ETPT. Les autorités de gestion nationales n'ont, cependant, pas été en mesure de transmettre de données quant au coût humain généré par ces contrôles.

Vos rapporteurs considèrent qu'il est nécessaire - sans pour autant faire peser de risques financiers sur la France - de rationnaliser ces contrôles liés à la bonne utilisation des deniers publics.

En dehors de la gestion du FEAD : des contrôles des conditions d'habilitation

Au-delà des contrôles propres au FEAD, des campagnes annuelles de contrôles de l'habilitation nationale et régionale ont été mises en place en 2017, et sont menées par les DR(D)JSCS et la DRIHL. Il s'agit de vérifier le respect des conditions de l'habilitation fixées par décret.

Ces contrôles doivent permettre, par des visites sur place, d'identifier et de remédier aux points de non-conformité ou de vigilance vis-à-vis des conditions de l'habilitation. Ils doivent viser à accompagner les structures distributrices vers une amélioration de leur fonctionnement et les encourager dans leur démarche d'inclusion sociale des bénéficiaires de l'aide alimentaire. Ces contrôles sont également l'occasion d'identifier les associations dans lesquelles il existe un risque de porter préjudice aux personnes (dérive sectaire, discriminations...). Il est à noter qu'une procédure de signalement à la DDPP -service compétent pour les questions sanitaires- est prévue en cas d'anomalies graves constatées sur les questions d'hygiène des aliments.

Source : DGCS

2. La CICC, autorité d'audit française, garante des fonds publics français se conformant aux obligations européennes, mais pouvant parfois faire preuve de « sur-transposition »

La Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) est l'autorité d'audit national, chargée de contrôles annuels d'opération, qu'elle transmet à la Commission européenne .

Vos rapporteurs reconnaissent le rôle important de la CICC et sa délicate mission , consistant à faire le lien entre les autorités de gestion nationales et la Commission européenne. Ils comprennent que le but de cette institution est de faire en sorte que les demandes déclarées en remboursement auprès de la Commission européenne soient acceptées, et savent que cette dernière est soumise elle-même au contrôle de la Cour des comptes européenne 50 ( * ) . Toutefois ils considèrent qu'il faut se prémunir de tout risque de « sur-transposition » (sur-interprétation) des règles européennes.

Vos rapporteurs ont constaté, au cours de leurs auditions et à la lecture des rapports d'audit, que l'instance d'audit nationale va parfois au-delà des recommandations de la Commission européenne . À titre d'exemple, la CICC s'était opposée dans un premier temps à la méthode d'échantillonnage des pièces à contrôler demandée par FranceAgriMer alors qu'aucune disposition dans le règlement du FEAD n'imposait un contrôle exhaustif. De même, sur la question des pénalités détaillée supra , la CICC a développé une interprétation assez restrictive.

À cette rigueur imposée par la Commission européenne, s'ajoute la complexité du système d'aide alimentaire français , qui constitue une difficulté supplémentaire de gestion, mais qui est aussi source de richesse.


* 50 La Cour des comptes européenne contrôle les autorités d'audit directement et non plus par échantillonnages.

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