DEUXIÈME PARTIE :
LA GESTION DU FEAD OCCASIONNE DES RISQUES DE PERTES BUDGÉTAIRES CONSÉQUENTES POUR LA FRANCE

Les efforts entrepris par la France étaient nécessaires mais semblent insuffisants , pour vos rapporteurs, en raison de la complexité des règles européennes qui s'avère trop élevée au vu du montant du fonds et des acteurs concernés. Il convient néanmoins de poursuivre ces efforts afin d'éviter des pertes budgétaires conséquentes pour la France .

I. LES ENJEUX BUDGÉTAIRES : PRÈS DE 200 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS EUROPÉENS NON REMBOURSÉS43 ( * ) À CE JOUR PAR RAPPORT À LA PRÉVISION INITIALE...

A. UN TAUX D'EXÉCUTION DES CRÉDITS FEAD FAIBLE : 18 % DÛ EN PARTIE À DES « CORRECTIONS FINANCIÈRES » IMPOSÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE...

1. Une sous-consommation inquiétante des crédits européens...

En mai 2018, les contrôles en cours effectués par FranceAgriMer étaient encore consacrés à la campagne 2015 , dont il restait 50 % des dépenses à traiter, soit un décalage conséquent entre l'exécution des marchés et la déclaration des demandes de remboursement à la Commission européenne.

a) Un montant liquidé, en juillet 2018, de 90,8 millions d'euros sur 330,6 millions d'euros prévus sur toute la programmation

Le montant réellement liquidé (cumul 2014-2018) en juillet 2018, par la France, est de 90 840 176 euros , soit un taux d'exécution du budget de 18 % en 2018 (en crédits UE) 44 ( * ) alors que le taux de programmation du FEAD était de 84,16% 45 ( * ) .

Le budget total du plan de financement du FEAD en 2018 (cumulé depuis 2014) en crédits UE est de 349 799 328 euros. La DGCS avait indiqué à la CE une prévision de paiement cumulée de crédits UE (2014-2018) de 330 609 326 euros.

En tenant compte des appels de fonds prévus d'ici fin 2018, on peut estimer à près de 200 millions d'euros le montant des sommes non remboursées par la Commission européenne, par rapport à la prévision initiale.

b) Une sous-consommation à relativiser au vu de la moyenne européenne

Cette sous-consommation des crédits européens de la part de la France peut toutefois être quelque peu relativisée au vu du taux d'exécution moyen, dans les autres pays de l'Union européenne, des dépenses relatives au FEAD (en crédits UE) qui s'élève en juillet 2018 à 23%.

Par ailleurs, si l'on compare le FEAD avec d'autres fonds structurels, le taux d'avancement des programmes opérationnels nationaux calculés sur les montants de dépenses totales 46 ( * ) (crédits nationaux et européens) est très inférieur aux autres fonds :

Taux d'avancement des programmes opérationnels par fonds européen

(en millions d'euros)

Fonds européen

Montant

FEAD

38,12

FSE

84,72

IEJ

65,78

Source : DGFiP

La France a fait le choix de démarrer rapidement la programmation et a fait partie des 3 premiers États à soumettre une demande de paiement en 2015 (avec l'Estonie et la Lettonie). Mais les pays ont tous rencontré des difficultés liées à l'application des nouvelles exigences réglementaires . La Commission européenne notait, dans son rapport sur la mise en oeuvre du FEAD, qu'en 2015, « plusieurs programmes du FEAD n'étaient pas encore pleinement opérationnels au cours de l'année. Dans la plupart des cas, la raison de ce retard s'explique par le fait que la transition entre les dispositions de l'ancien instrument AGRI et les règles de gestion du FEAD a pris plus longtemps que prévu ». 47 ( * )

2. ... en raison des corrections financières et de la suspension des appels de fonds décidée par la France en 2016

Cette sous-consommation résulte de la suspension des appels de fonds décidé par la France en mars 2016 - à la suite de l'audit de la Commission européenne - mais également des corrections financières imposées par la Commission et l'autorité d'audit française, la CICC, et de la lenteur des appels de fonds lancés par la France.

À la fin de chaque campagne, les dépenses encourues sont validées par l'autorité de gestion, puis déclarées en demande de remboursement à la Commission européenne sous le contrôle de la DGFIP (autorité de certification) et de la CICC (autorité d'audit). Depuis 2014, des contrôles de la Commission, de la CICC et de la DGFIP ont fait apparaitre des « dépenses inéligibles » qui, bien qu'ayant été acquittées par FranceAgriMer, n'ont pas pu être déclarées en remboursement à la Commission. Ces « dépenses inéligibles » se sont traduites en « corrections financières », correspondant à des montants de crédits FEAD non déclarés par les autorités françaises . Ces corrections financières, imposées par les autorités de contrôle, sont donc déduites des appels de fonds par l'autorité de gestion elle-même, et ne font donc pas l'objet de « refus d'apurement », au sens strict, par la Commission.

Certaines dépenses n'ont pu faire l'objet d'un remboursement par la Commission européenne, en raison d'irrégularités pointées notamment par l'audit de la Commission européenne en mars 2016 ; il s'agissait d'erreurs de gestion (comme le paiement d'un forfait « 1% transport »), de mauvaise organisation (comme l'absence de séparation fonctionnelle entre services de gestion et de contrôle) ou d'irrégularités dans les procédures de passation et d'exécution du marché.

Au 31 juillet 2018, les corrections exclues des appels de fonds s'élèvent à 19,3 millions d'euros et se répartissent comme suit :

Montant des corrections financières des campagnes 2014 et 2015 du FEAD

(en euros)

Source : DGCS

Ces corrections financières expliquent ainsi, avec la suspension des appels de fonds, le taux de sous-consommation des crédits européens . Mais la lourdeur des procédures - voir infra - pour réaliser les appels de fonds ralentit également considérablement le rythme des demandes de paiements à la Commission.

Il en résulte ainsi un décalage très important entre l'exécution des marchés et l'arrivée des remboursements européens, ce qui contraint l'État à compenser par des crédits budgétaires nationaux.


* 43 Au 31 décembre 2018.

* 44 Chiffres transmis par la Commission européenne à la date du 15 juillet 2018.

* 45 Chiffres SGAE à la date du 3 juillet 2018 transmis par la DGFiP.

* 46 *[dépense certifiée déclarée traitée par l'AC et la CE / dépenses totales des bénéficiaires enregistrées dans le SI -le stock disponible- (traitée ou à traiter par l'AG)] afin de permettre la comparaison entre les trois fonds.

* 47 Rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen, « Synthèse des rapports annuels d'exécution des programmes opérationnels cofinancés par le Fonds européen d'aide aux plus démunis en 2015 », 28 juillet 2017, p 8.

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