II. APRÈS L'ATTEINTE DE « SMA 6000 », LA NÉCESSITÉ DE CONSOLIDER LE DISPOSITIF

1. Un plan « SMA 2025 » centré sur l' « employabilité durable » bienvenu, mais supposant un allongement des formations et un meilleur suivi des bénéficiaires

L'objectif SMA 6000 atteint, un nouvel horizon a été défini par la ministre des Outre-mer en février 2018, dénommé « SMA 2025 », lequel « vise à investir pour une employabilité durable au service des jeunes et des entreprises des outre-mer. En effet, le modèle actuel du SMA nécessite d'être aménagé et renforcé, parce que l'employabilité n'est plus un état mais est devenu un processus permanent 25 ( * ) , mais aussi parce que les dynamiques de mise en partage de compétences et la révolution numérique l'appellent » 26 ( * ) .

Pour atteindre cet objectif, le ministère des outre-mer indique prévoir :

- un investissement 27 ( * ) au profit de chaque volontaire du SMA , pour l'insérer durablement dans l'emploi et lui ouvrir des perspectives professionnelles ;

- une inclusion numérique 28 ( * ) par la formation et l'éducation aux services et outils digitaux , en partenariat avec les associations et les collectivités locales ;

- une affirmation d'une spécificité de l'action dans les outre-mer , soulignée plus spécifiquement dans le domaine de l'insertion, par le Conseil économique, social et environnemental dans son rapport sur « le défi de l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins » 29 ( * ) .

« SMA 2025 » consiste pour l'heure en dix projets, dont la mise en oeuvre dépendra fortement de la volonté politique du gouvernement et du financement du SMA.

Les 10 projets de « SMA 2025 »

« SMA 2025 » vise la mise en oeuvre des 10 projets suivants :

- développer le rôle de « sas » de préparation à l'alternance 30 ( * ) du SMA et favoriser l'intégration directement en deuxième année des jeunes ayant acquis le niveau de compétences nécessaire ;

- renforcer l'accompagnement médico--social et psychologique individualisé des jeunes du SMA afin de lever les freins à leur insertion socioprofessionnelle ;

- lancer le programme « SMA inter Outre-mer » 31 ( * ) visant à développer la mobilité inter-outre-mer des volontaires ;

- expérimenter un dispositif de « cadets citoyens» à Mayotte et en Guyane au profit d'un public mineur français ou étrangers en cours d'acquisition de la nationalité française ;

- valoriser l'impact social et économique du SMA en mesurant le devenir des jeunes jusqu'à deux ans après leur sortie ;

- inscrire le SMA dans une dynamique de formation qualifiante (certification et titre professionnels) susceptible d'améliorer durablement l'accès des jeunes à l'emploi ;

- inclure le SMA dans la révolution numérique en cours : métiers, pédagogie, environnement ;

- faire acquérir le réflexe « Plate-forme SMA » dans les territoires afin de renforcer la coordination et la collaboration des acteurs de l'orientation, de la formation et de l'emploi ;

- renforcer l'employabilité durable des jeunes en inscrivant la formation au SMA dans une approche par compétences (APC) ;

- accroître les capacités d'accueil et de formation du RSMA de Nouvelle-Calédonie pour 80 jeunes supplémentaires.

Source : réponse au questionnaire de la commission des finances du Sénat

La volonté de favoriser l'employabilité durable des volontaires plutôt que celle à court-terme constitue une évolution particulièrement bienvenue, et conforme à l'objectif du SMA et de la politique de l'État en outre-mer, visant à favoriser le développement endogène de ces territoires. Vos rapporteurs spéciaux tiennent toutefois à signaler plusieurs points de vigilance.

Tout d'abord, le caractère coûteux et encore imprécis des projets présentés par le ministère des outre-mer laisse craindre un retard de mise en oeuvre, comme ce fut le cas pour « SMA 6 000 », faute de financement suffisant.

En outre, la volonté de privilégier une employabilité durable apparait difficilement compatible avec la réduction de la durée des formations. En 2009, le SMA disposait de 3 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT) volontaires pour 3 000 bénéficiaires. Il ne dispose aujourd'hui plus que de 4 400 ETPT pour 6 000 bénéficiaires. Pour résoudre cette équation le SMA a dû profondément modifier son ingénierie de formation et créer des parcours de formation de 6, 8, 10 et 12 mois.

Cette adaptation des parcours a donné lieu à deux types de contrat pour les volontaires stagiaires (VS) :

- les contrats « volontaire service long » (VSL), avec des durées de formation initialement de 8, 10 et 12 mois, puis uniquement de 10 et 12 mois ;

- les contrats « volontaire service court » (VSC) avec des durées de 6 ou 8 mois.

Les différents entretiens menés par vos rapporteurs spéciaux ont toutefois permis de démontrer une préférence des encadrants et des volontaires pour les formations longues . Les taux d'insertion, s'ils ne sont pas consolidés par type de formation, semblent également meilleurs s'agissant des formations longues. De même, la logique d'employabilité à long-terme suppose des réflexes et des « savoirs-êtres » qui nécessitent du temps pour être acquis, parallèlement aux compétences purement techniques et professionnelles.

La volonté de promouvoir l'employabilité durable des stagiaires doit également s'accompagner d'un meilleur suivi de leur insertion. Ce dernier n'est aujourd'hui effectué que dans les six mois suivant leur sortie du dispositif, et ne distingue qu'en fonction de l'obtention d'un contrat court ou long. Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre un suivi plus précis (type de débouchés 32 ( * ) , en distinguant par exemple le secteur marchand et non marchand) et surtout sur une plus longue durée des volontaires.

Recommandation n°3 : afin de garantir l'« employabilité durable » des stagiaires du SMA, revenir sur le raccourcissement des formations.

Recommandation n°4 : dans le cadre de « SMA 2025 », renforcer prioritairement le suivi des volontaires du SMA au-delà des 6 mois, et le différencier par type de formation et de débouché dans les secteurs marchand et non-marchand, afin de veiller à l'amélioration réelle de l'employabilité des stagiaires sur le long-terme.

2. Un SMA distinct du futur service national universel, mais devant mettre en oeuvre le maximum de synergie possible entre les deux dispositifs

Des différences importantes caractérisent le futur service national universel (SNU) du SMA, tant dans son objet que dans ses modalités, même si des synergies pourront utilement être trouvées.

Selon le gouvernement, les trois principaux objectifs assignés au nouveau service national universel (SNU) sont « la cohésion sociale et nationale, la prise de conscience des enjeux de la défense et de la sécurité nationale et l'affirmation des valeurs de solidarité » 33 ( * ) .

Le SNU serait articulé en deux phases majeures : la phase I, obligatoire, après la classe de troisième, entre 15 et 18 ans, comprendrait un temps de cohésion (15 jours en hébergement, centrés sur les valeurs, les savoir-faire et savoir-être) et un temps de projet collectif (15 jours). La phase II, se tenant dès la première phase achevée, est celle de l'engagement, de nature militaire ou civile, volontaire, pour une durée de trois à six mois, avant 25 ans.

Le SMA est un dispositif militaire d'insertion socioprofessionnelle, pour les jeunes éloignés de l'emploi. Compte tenu de sa mission, de son faible taux d'encadrement et du tout juste dimensionnement de ses infrastructures, en matière d'hébergement, notamment (cf. supra ) le SMA estime, à juste titre, qu'il ne sera pas en mesure de remplir un rôle spécifique dans la phase I .

En revanche, ses modes d'action correspondent parfaitement aux objectifs et conditions définis par la phase 2 du SNU . Par nature, le SMA répond de façon concrète aux trois critères essentiels à la construction du parcours citoyen :

- il permet un brassage territorial . Le SMA est un dispositif dont les régiments sont répartis sur sept départements et territoires d'outre-mer. Par sa disposition géographique, il permet d'envisager une mobilité pour les jeunes qui souhaiteraient s'engager pour un service universel facultatif de trois à six mois.

- grâce à l'unicité de lieux , le SMA offre à ses jeunes volontaires un cadre permanent de vie en collectivité, au coeur même du régiment. La vie en internat y est systématique pour l'ensemble des volontaires. La volonté affirmée de créer un « brassage social » au sein d'une même entité est un défi auquel répond le SMA.

- il permet également un brassage social , puisqu'il s'adresse à des jeunes en difficulté. Dans le cadre du SNU, l'accueil au SMA de jeunes volontaires pour effectuer un service national universel pourrait permettre le brassage social constitutif du SNU.

Dans ce cadre, les actions potentielles du SMA pourraient être, en phase 1, de :

- contribuer à faire découvrir le SMA afin de préparer l'engagement volontaire. Cette action pourrait intervenir lors du « temps de projet collectif ».

- participer au recrutement de l'encadrement du SNU en proposant aux volontaires techniciens du SMA, chargés de l'encadrement des volontaires stagiaires du SMA durant plusieurs années, de devenir encadrants du SNU (phase 1) sous statut de réserviste, voire de contractuel civil.

En phase 2, il pourrait permettre de :

- contribuer à identifier les personnalités remarquées pour leur engagement et leur caractère, ou leurs talents. Par le volume de volontaires engagés au sein des unités, le SMA détient la capacité de détection des encadrants potentiels ;

- intégrer des jeunes étudiants engagés dans des cursus d'études supérieures en faisant un effort sur le brassage social ;

- favoriser le brassage social en renforçant la mobilité entre l'hexagone et les outre-mer, ainsi qu'entre les outre-mer.

Au total, si vos rapporteurs spéciaux tiennent à rappeler la spécificité du SMA par rapport au SNU, qui doit en rester distinct, d'importantes synergies doivent pouvoir être mises en oeuvre, principalement au cours de la phase 2.

Proposition n° 5 : parallèlement à la montée en puissance du service national universel, conforter la singularité et l'indépendance du SMA, dispositif d'insertion professionnelle, tout en mettant en oeuvre une importante coordination et des actions conjointes entre les deux.


* 25 L'employabilité englobe les capacités à obtenir un premier emploi à la sortie du système éducatif ou dispositif d'insertion (employabilité initiale), à conserver un emploi au sein d'une organisation (employabilité interne) et à trouver un autre emploi (employabilité externe, Hillage et al., 1999).

* 26 Réponse au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 27 Le grand plan d'investissement 2018-2022, Premier ministre, septembre 2017.

* 28 Plan pour l'inclusion numérique, Président de la République, juillet 2017.

* 29 Avis du Conseil économique, social et environnemental, février 2015.

* 30 2 e axe : Édifier une société de compétence, Le grand plan d'investissement 2018-2022, Premier ministre, septembre 2017.

* 31 Annoncé comme le « ERASMUS SMA ». L'appellation ERASMUS est propriété de la Commission européenne et ne peut donc être reprise.

* 32 Les statistiques faites par le SMA ne prennent en compte que la part de l'insertion au ministère des Armées.

* 33 Compte rendu du Conseil des ministres du 27 juin 2018, Les grands principes du service national universel.

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