II. DÉPLACEMENT À LYON
(Mardi 19 Mars 2019)

Composition de la délégation : Mme Catherine Deroche, présidente, Mmes Marie Mercier, Michèle Meunier et Dominique Vérien, rapporteures, Mme Brigitte Micouleau, M. François-Noël Buffet.

? Présentation du Centre Ressources pour les Intervenants auprès d'Auteurs de Violences Sexuelles (CRIAVS) et rencontre avec des professionnels du Centre hospitalier Le Vinatier intervenant à la Consultation de psychiatrie légale.

Personnes rencontrées : Docteur Sabine Mouchet-Mages, responsable médical régional du CRIAVS, responsable de la consultation de psychiatrie (CPL) et médecin expert ; docteur Dominique Straub, responsable du CRIAVS de Saint-Etienne, intervenant au centre de détention de Roanne, médecin coordonnateur ; Docteur Frédéric Meunier, chef de Pôle Santé Mentale des Détenus, Psychiatrie Légale (SMD-PL), médecin expert ; Mme Fiona Girin, assistante sociale à mi-temps sur la Consultation de psychiatrie légale ; M. Jacob Hounkpe, gestionnaire administratif et financier du CRIAVS ; Mme Gisèle Delaye, cadre supérieur de santé du Pôle SMD-PL ; M. Nordine Abderrahmane, infirmier ; Mme Brigitte Pariat ; Mme Blandine Gallo, cadre de santé ; M.  Olivier Plancade, psychologue ; Mme Marie-Noémie Plat, psychiatre à la CPL et sur le service médico-psychologique régional (SMPR) femmes ; Mme Audrey Damilleville, psychiatre à la CPL et responsable de l'établissement pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier ; Mme Marie Sautereau, psychiatre à la CPL et sur Corbas ; M. Pascal Mariotti, directeur de l'hôpital du Vinatier ; M. Nicolas Wittmann, administrateur du CRIAVS et DRH ; Mlle Laure Vivier, assistante médico-administrative au CRIAVS.

Dans un premier temps, le docteur Mouchet-Mages a précisé les missions des CRIAVS, en insistant sur les spécificités de celui de Rhône-Alpes .

Le docteur Mouchet-Mages a présenté les principes de la prise en charge et les dispositifs spécifiques aux auteurs de violences sexuelles (AVS). La prise en charge de niveau 1 est assurée par le secteur de la psychiatrie (ambulatoire) et des intersecteurs pénitentiaires, dans 28 services médico-psychologiques régionaux (SMPR). La prise en charge de niveau 2 (soins de recours) peut avoir lieu en milieu pénitentiaire ou en ambulatoire.

En milieu pénitentiaire, vingt-deux établissements spécialisés proposent des dispositifs spécifiques aux AVS, à l'image des établissements de Caen, Roanne et de Saint-Quentin-Fallavier. La population de ces centres de détention est composée d'environ une moitié d'AVS. Il existe aussi un centre à Casabianda en Corse, qui a la particularité d'être un centre ouvert. Par ailleurs, le docteur Mouchet-Mages a regretté l'absence de prise en charge spécifique des mineurs auteurs de violences sexuelles.

En milieu ambulatoire, la prise en charge peut être assurée par les plateformes référentielles (PFR) existant depuis 2015. Les PFR sont des structures transversales intégrées à des Centres Médico-Psychologiques (CMP), qui bénéficient de moyens en personnel spécifiques fléchés par l'ARS et d'une dotation départementale. Elles s'adressent notamment aux AVS en sortie de détention, qui peuvent bénéficier dans ces structures d'une évaluation pluri-professionnelle spécifique et de la mise en place d'un projet de soins individualisé ( cf.infra ).

La prise en charge de niveau 3 relève des CRIAVS . Le docteur Mouchet-Mages a rappelé à cette occasion le dispositif mis en place par la loi du 17 juin 1998 (injonction de soin et suivi socio-judiciaire), décliné par la circulaire du 13 octobre 2006, relative à la prise en charge des AVS et à la création des centres ressources. Les CRIAVS sont donc des structures relativement récentes. Elles s'adressent à l'ensemble des professionnels du secteur juridico-socio-sanitaire intervenant auprès des populations masculines ou féminines auteurs de violences sexuelles, qu'ils soient mineurs ou majeurs.

Le réseau des CRIAVS est fédératif . On en compte aujourd'hui vingt-quatre répartis sur l'ensemble du territoire, y compris dans les DOM-TOM. La fédération française des CRIAVS (FFCRIAVS) coordonne les projets de mise en place des nouveaux CRIAVS. Elle a constitué un groupe de travail sur la création d'un numéro unique qui permettrait d'accueillir et d'orienter les personnes ressentant une attirance pour les enfants . Le docteur Mouchet-Mages a indiqué que le monde francophone (Suisse, Belgique, Canada) était très dynamique dans le champ de la prise en charge des AVS. Un colloque international aura lieu à Montpellier en juin 2019. Des centaines de participants sont attendus pour discuter des évolutions législatives récentes.

Le docteur Mouchet-Mages a ensuite présenté plus en détail le fonctionnement du CRIAVS Rhône-Alpes. Il s'appuie sur trois établissements fondateurs : le centre hospitalier de Grenoble, le centre hospitalier Le Vinatier de Lyon et le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne.

Ces trois structures sont associées dans le cadre d'un groupement de coopération sanitaire , composé de trois délégations régionales . La délégation de Grenoble est compétente pour la Drôme, l'Isère, la Savoie, la Haute-Savoie et l'Ardèche ; celle de Lyon pour le Rhône et l'Ain ; enfin, la délégation de Saint-Etienne couvre la Loire. Les délégations régionales se réunissent tous les deux mois. Ces trois délégations mènent des actions différenciées en fonction de l'offre de soins, inégale selon les départements .

Les CRIAVS assument sept missions : la formation, la recherche, la prévention, l'animation d'un réseau, l'espace expert, le centre documentaire et la prise en charge des mineurs (seulement en Rhône-Alpes).

S'agissant de la mission de formation , l'objectif est d'impulser la formation initiale des futurs professionnels de santé (médecins, psychologues, infirmiers) et du champ social (travailleurs sociaux, éducateurs) pour constituer un vivier de professionnels locaux spécialisés , mais aussi de développer la formation continue des professionnels déjà en activité . La formation est dispensée gratuitement par le CRIAVS Rhône-Alpes. Le catalogue est varié et le CRIAVS peut aussi développer des formations spécifiques à la demande des professionnels (par exemple, une formation sur les violences en milieu universitaire).

L'offre de formation s'articule autour d'un socle de base (modules 1 à 5) et de modules plus techniques (modules 6 à 9).

Exemples de formations proposées par le CRIAVS

Module 1 : Initiation à la clinique des auteurs de violences sexuelles adultes et de l'agir sexuel violent

Module 2 : Les soins pénalement ordonnés : obligation et injonction de soins

Module 3 : Les principes des soins aux auteurs de violences sexuelles

Module 4 : Traitements médicamenteux des auteurs de violences sexuelles

Module 5 : Approfondissement à la clinique des auteurs de violences sexuelles et de l'agir sexuel violent

Module 6 : Le Qu'en dit-on ? /8 ème dimension

Module 7 : Pédophilie

Module 8 : Les adolescents auteurs de violences sexuelles

Module 9 : Clinique du traumatisme

Les CRIAVS ont également pour mission de favoriser et d'initier le développement de travaux de recherches et de réflexions sur l'amélioration des traitements et l'accompagnement des AVS . Le CRIAVS de Rhône-Alpes dispose d'une enveloppe annuelle de recherche pour nouer des partenariats. Des études sont par exemple menées pour étudier les liens pouvant exister entre le fait d'avoir été victime de violences sexuelles et le fait de devenir ensuite auteur de ce type de violences.

Exemples de projets de recherche actuellement menés au CRIAVS Rhône-Alpes

- Dissociation au cours du passage à l'acte chez les AVS (promoteur : CH le Vinatier, recherche en cours à la PFR du Rhône, en lien avec l'équipe du Pr Th. Tham).

- Diminuer le risque de récidive : peut-on se baser sur les personnalités des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) pour développer un dispositif cognitif adapté ? En lien avec le Laboratoire d'Étude des Mécanismes Cognitifs (EA3082), Université Lumière Lyon 2, Pr. G. Michael.

- Parcours des auteurs de violences sexuelles au sein de la plateforme référentielle de Roanne, en lien avec le Laboratoire Parcours Santé Systémique, EA4129, Université Lyon 1.

- Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) multicentrique ESPARA « Étude de maintien de l'efficacité et des effets indésirables des traitements pharmacologiques chez les délinquants sexuels atteints de paraphilie », investigateur principal Pr. F. Thibaut, promoteur AP-HP.

Selon le docteur Mouchet-Mages, la mission de prévention des CRIAVS est également très importante car ce champ est encore largement perfectible dans notre pays . Il s'agit de développer la prévention des violences sexuelles des auteurs par des initiatives auprès des professionnels et des associations en contact avec les enfants, les adolescents et les familles. Cette mission concerne aussi bien la prévention primaire (prévenir les conduites individuelles à risque) que la prévention secondaire (dépistage précoce des conduites à risque) et tertiaire (prévention de la récidive). Dans ce cadre, le CRIAVS noue des partenariats avec les acteurs de la prévention primaire, fondés sur des actions de sensibilisation et de soutien à leurs interventions. Il propose également des espaces d'écoute, d'accompagnement, d'orientation des professionnels ou des personnes concernées. Il soutient les plateformes référentielles (PFR) de soins pour éviter la récidive, sensibilise et forme les professionnels sur la thématique des AVS à travers une réflexion pluridisciplinaire et organise des manifestations et des événements (journées d'étude, conférences...).

Une autre mission des CRIAVS est de constituer un maillage santé-justice et de favoriser les rencontres entre partenaires intervenant dans la prise en charge des AVS . Dans ce cadre, ils animent et actualisent le réseau des professionnels des champs sanitaire, judiciaire, social et pénitentiaire. Ils structurent aussi les liens institutionnels entre ces différents acteurs. L'enjeu est de définir une meilleure articulation de chaque intervenant dans la prise en charge des AVS .

Les interlocuteurs rencontrés au CRIAVS de Lyon ont souligné que la problématique du secret professionnel était un sujet récurrent dans les demandes adressées aux CRIAVS . Le docteur Meunier a précisé que la loi autorise les professionnels de santé qui travaillent en prison à informer l'administration pénitentiaire des situations de danger. Mais ce qui pose problème est de savoir quelles sont les informations qu'un praticien peut partager dans la continuité d'une prise en charge avec des acteurs sociaux, médicaux et judiciaires.

Les médecins présents ont mis en avant un manque de références opposables et une absence de consensus sur cette question . Ils se sont montrés désireux de parvenir à trouver une solution - législative ou non - permettant de surmonter cette difficulté.

Dans certains pays, le patient peut délier les professionnels de santé du secret professionnel, mais se pose alors la question de son consentement éclairé, par exemple si on le menace d'être incarcéré en l'absence de soins. Il semble donc indispensable de clarifier les exceptions qui peuvent être envisagées au secret professionnel, tout en prévoyant des garanties suffisantes .

En ce qui concerne la mission de documentation , le rôle du CRIAVS est de référencer les documents spécialisés sur la thématique des violences sexuelles et de permettre l'accès aux ressources spécifiques , via la base de données documentaires nationale ThèséAs.

L'espace experts des CRIAVS fournit quant à lui aux différents professionnels concernés un appui pour identifier des solutions aux difficultés identifiées dans la prise en charge clinique des patients AVS (supervision, aide à la résolution des problèmes, évaluation des stratégies de soins, formalisation et diffusion de bonnes pratiques communément partageables).

Enfin, le CRIAVS Rhône-Alpes organise de façon subsidiaire l'accompagnement des soins des adolescents auteurs de violences sexuelles dans leurs particularités, grâce à une compétence spécifique. Cette mission « mineurs » est transversale à toutes les autres ; elle propose des formations spécialisées et représente la plus grande part des demandes adressées aux espaces experts .

En ce qui concerne la prise en charge des auteurs de violences sexuelles , le docteur Mouchet-Mages a indiqué que les CRIAVS intervenaient essentiellement auprès d'auteurs de violences sexuelles sur des mineurs . Les auteurs de violences sexuelles sur des adultes ont des profils différents , qui renvoient à des problématiques d'humiliation et à des traumatismes vécus dans l'enfance. En outre, le docteur Mouchet-Mages a précisé que les violences sexuelles en institution étaient marginales au regard des violences sexuelles commises dans un cadre intrafamilial et qu'elles survenaient généralement dans un contexte très particulier par rapport à la globalité des passages à l'acte, où les circonstances jouent un rôle parfois plus important que le statut de la personne.

Par ailleurs, les violences commises en institution ne recoupent pas toujours les catégories cliniques existantes sur les AVS . Selon le docteur Meunier, la paraphilie peut exister chez tous les AVS mais n'est pas systématique. La pédophilie concernerait environ 10 % des AVS sur enfants . Ce qui compte le plus est le mécanisme qui se met en place entre l'enfant et l'adulte.

Le docteur Meunier a par ailleurs précisé que le pourcentage de femmes parmi les AVS était évalué à 2 % , même s'il est peut-être sous-estimé, compte tenu du tabou associé à ces violences. La représentation traditionnelle des femmes dans la société peut aussi induire des phénomènes de sous-déclaration de violences commises par des femmes, ainsi qu'une réponse pénale moins lourde .

De rares travaux de recherche montrent que les femmes auteurs ont un profil différent de celui des hommes et que le risque de récidive est moins élevé . Cependant, si les femmes pédophiles existent, il n'y a pas de cohorte suffisamment importante à ce jour pour en dresser un portrait plus précis.

Les personnels du CRIAVS ont mis en exergue le fait que les AVS constituaient un groupe très hétérogène et que le champ clinique de cette population était complexe . Il semble que beaucoup d'auteurs de violences sexuelles aient été victimes de femmes dans leur enfance, ce qui a provoqué chez eux des troubles de l'attachement. Certains pédophiles découvrent au cours de leur prise en charge une homosexualité latente ; d'autres évoluent vers une éphébophilie (attirance vers des jeunes majeurs).

Le docteur Mouchet-Mages a rappelé que, pour les professionnels intervenant dans la prise en charge des AVS, il y a un être humain derrière chaque auteur. Selon elle, il est fondamental de garder à l'esprit que certains pédophiles ne sont jamais passés à l'acte ou ne passeront jamais à l'acte (on parle alors de pédophiles abstinents). Par ailleurs, tous ceux qui agressent des enfants ne sont pas forcément des pédophiles.

Plusieurs intervenants ont estimé que la répression seule ne pouvait être une solution suffisante pour enrayer les violences sexuelles . Le docteur Mouches-Mages a souligné l'intérêt du projet « Dunkelfeld » (zone d'ombre) en Allemagne, qui propose une assistance thérapeutique anonyme et gratuite aux personnes pédophiles , dans le but de prévenir les passages à l'acte . Elle a appelé de ses voeux la mise en place d'un tel outil dans notre pays, ce qui nécessite des moyens. La FFCRIAVS travaille dans un premier temps sur la mise en place d'un numéro unique au niveau national.

De façon plus générale, le docteur Mouchet-Mages considère que les politiques publiques françaises ne sont pas suffisamment engagées dans la prévention et qu'il manque une vision globale de cet enjeu de santé publique.

Selon Pascal Mariotti, le modèle français de santé publique est fondé sur une logique curative , caractéristique commune à toutes nos politiques de santé. Pourtant, compte tenu du coût associé aux conséquences des violences, la prévention constituerait un réel investissement pour l'avenir . Sans doute une évaluation économique à long terme de ces violences serait-elle nécessaire car les soins coûtent extrêmement cher à la société.

Sur la question des prêtres pédophiles , plusieurs intervenants ont considéré que le célibat n'est pas un facteur susceptible d'expliquer la prévalence des violences sexuelles commises par des clercs sur des enfants. Selon eux, c'est plutôt une certaine immaturité affective qui pourrait expliquer une attirance de certains prêtres vers les enfants . Les CRIAVS interviennent dans plusieurs diocèses (Bordeaux, Montpellier, Saint-Etienne). Un intervenant a observé à cet égard un changement radical d'attitude en ce qui concerne la dénonciation de ces actes au sein de l'Église et a estimé que l'institution catholique avait réalisé un travail en profondeur pour prendre en compte les difficultés des prêtres . Par exemple, plusieurs diocèses travaillent sur la création de relais pour les prêtres qui traversent des périodes de doute.

Dans un second temps, le docteur Mouchet-Mages a présenté la consultation de psychiatrie légale « Louis Roche » du Centre hospitalier Le Vinatier, dont elle est responsable .

La consultation de psychiatrie légale (CPL) du service de psychiatrie légale est rattachée au pôle Santé mentale des Détenus - Psychiatrie légale (SMD-PL) du centre hospitalier. Elle se décline autour de cinq axes principaux :

- la plateforme référentielle (PFR) AVS du Rhône ;

- la consultation dysphorie de genre dans le cadre du groupe de Recherche, d'Étude et de Traitement des Troubles de l'Identité Sexuelle (GRETTIS) ;

- la contrainte pénale justice thérapeutique ;

- l'orientation et le relais en sortie de détention ;

- le soutien aux prises en charge de patients sous main de justice.

Le docteur Mouchet-Mages a présenté le rôle des PFR, qui jouent un rôle important dans la prise en charge des auteurs de violences sexuelles .

Structures transversales, elles se doivent de répondre aux demandes de la population cible d'un territoire donné. Elles s'adressent prioritairement à des patients :

- en injonction de soins pour une infraction à caractère sexuel (ICS) ;

- en attente de prononcé de la peine pour une ICS ;

- qui rentrent dans la cadre d'une alternative à l'incarcération relative à une ICS ;

- en cours de procédure pour une ICS.

Elles accueillent aussi, dans la mesure du possible, des patients en obligation de soins pour une ICS (hors cadre judiciaire et sur demande des patients).

Les PFR sont des structures ouvertes sur l'extérieur , recevant aussi des patients non suivis par l'établissement de santé auquel ils sont rattachés. L'orientation peut se faire par :

- un médecin coordonnateur dans le cadre d'une injonction de soins ;

- un CMP ou une Unité sanitaire de niveau 1 ;

- un professionnel de santé libéral, y compris un généraliste ;

- un CRIAVS.

Les PFR exercent quatre missions principales :

- accueillir les patients auteurs de violences sexuelles ;

- leur offrir une évaluation pluri-professionnelle et construire un projet de soins individualisé adapté à leur situation ;

- orienter les patients dans la filière de prise en charge ;

- proposer à certains de ces patients des prises en charge spécialisées : médiation, thérapies psychocorporelles visant à la régulation émotionnelle pour prévenir le passage à l'acte, ou encore thérapie familiale systémique.

Selon le docteur Mouchet-Mages, on retrouve souvent chez les AVS des antécédents de carences affectives et des troubles de l'attachement . Le but de ces prises en charge spécifiques est de les aider à surmonter ces fragilités et de les sécuriser.

Enfin, elle a relevé que l'infirmier pouvait constituer un fil rouge dans le parcours de soins du patient , puisqu'il est présent au moment de l'évaluation, de la participation aux réunions de concertation pluridisciplinaire et dans la phase de suivi.

Au cours de la discussion qui a suivi la présentation du docteur Mouchet-Mages, ont été évoquées les difficultés liées à la poursuite de la prise en charge à la libération des AVS. À cet égard, les représentants du CRIAVS ont mis en exergue le caractère fondamental de la continuité des soins dans la prise en charge des auteurs et la prévention de la récidive .

Or, la continuité de la prise en charge à la libération du détenu n'est pas toujours garantie en raison de l'hétérogénéité de l'offre de soins dans les territoires. Les intervenants ont regretté la pénurie de psychiatres en secteur public, hors des grandes villes comme Paris, Lyon et Marseille, ce qui entraîne une saturation des centres médico-psychologiques .

La qualité des soins prodigués en centre de détention est également variable. La pénurie de psychiatres en milieu pénitentiaire est encore plus marquée dans les établissements récents qui, pour des raisons de faible prix du foncier, ont été implantés dans des régions disposant d'une offre de soins réduite, voire dans de véritables « déserts médicaux ».

Des difficultés peuvent survenir en cas de transfert d'un détenu d'une prison à une autre. Le CRIAVS souhaite donc travailler sur le parcours de soin des détenus AVS pour éviter les ruptures en cas de transfert ou de libération . Un guide à l'attention des auteurs de violences sexuelles qui sortent de prison est en cours d'élaboration.

Les intervenants ont ensuite donné des précisions sur le cadre de la prise en charge des détenus AVS . Ces personnes ont besoin d'être rassurées. Dans ce contexte, l'injonction de soins a quelque chose de sécurisant pour elles, car elle leur fixe un cadre . Les AVS sont souvent condamnés à de longues peines qui tendent à les désocialiser. L'enjeu est de les préparer à la sortie . Beaucoup se retrouvent sans logement ni ressources à leur libération.

En outre, plusieurs intervenants ont mis en exergue l'importance du contexte social , car il est difficile pour une personne en grande précarité d'envisager des soins. Dès lors, avoir un logement, bénéficier d'un accompagnement social, disposer d'un soutien familial et d'un suivi régulier sont des facteurs clé pour la prévention de la récidive . Limiter l'usage de stupéfiants est un autre facteur important à cet égard.

Le cadre thérapeutique se construit donc en interaction avec le cadre judiciaire et social . Il s'agit de faire vivre à l'AVS, dans la durée, une relation empathique. La grande majorité des AVS souffre de troubles de la personnalité, mais ne sont pas des malades mentaux. Le but de la prise en charge est de parvenir à infléchir les modes de personnalité. Pour la plupart, ces personnes ont été traumatisées dans leur enfance ou leur adolescence et souffrent d'un trouble de l'attachement . La relation du soignant au soigné peut faire vivre une relation d'attachement et leur procurer la sécurité qu'ils recherchent. Les soins redonnent confiance aux auteurs de violences sexuelles et les aident à se projeter, alors que beaucoup ressentent une grande culpabilité.

Pour toutes ces raisons, les représentants du CRIAVS considèrent qu'il est important de privilégier, dans la mesure du possible, le suivi du détenu hors de la prison par le même soignant qu'en détention, quand une relation de confiance s'est instaurée.

Enfin, tous estiment que la personnalisation de la prise en charge judiciaire et médicale est fondamentale et qu'il conviendrait de dissocier la durée du suivi socio-judiciaire de la durée de l'injonction de soins.

? Visite des services du rectorat de l'académie de Lyon

Personnes rencontrées : M. Thierry Dosch, directeur de cabinet de la rectrice de l'académie de Lyon ; M. Laurent Bessueille, proviseur vie scolaire ; M. Christophe Franceschi, responsable syndical ; Mme Véronique Minday, principale de collège ; Mme Marie-France de la Salle, enseignante, spécialiste de l'éducation à la sexualité ; Mme Stéphanie de Saint-Jean, directrice des ressources humaines ; et Mme Agnès Moraux, directrice des affaires juridiques.

M. Dosch, directeur de cabinet de la rectrice de l'académie de Lyon, et M. Laurent Bessueille, proviseur vie scolaire , ont tout d'abord présenté les actions menées au niveau de l'académie de Lyon pour lutter contre les violences sexuelles commises contre les mineurs.

S'il est relativement aisé de réprimer un comportement inapproprié du point de vue de l'éthique, il est parfois beaucoup plus difficile de parvenir à caractériser une infraction sexuelle au niveau judiciaire. Thierry Dosch a ainsi relevé l'écart qui peut exister dans certaines affaire où la sanction disciplinaire peut aller jusqu'à la révocation, alors que la personne mise en cause ne sera pas condamnée au niveau pénal . De plus, certaines affaires émergent aujourd'hui et font scandale, ce qui n'aurait sans doute pas été le cas il y a une vingtaine d'années. Des conduites autrefois tolérées ne sont plus admises.

Laurent Bessueille a ensuite présenté les statistiques de l'académie concernant les affaires d'infractions sexuelles commises contre des mineurs . Actuellement, aucune affaire n'implique de très jeunes mineurs. La plupart des victimes sont des lycéennes, même si quelques cas concernent des collégiens. Quant aux situations impliquant le niveau élémentaire, elles sont exceptionnelles.

Le rectorat doit faire face à plusieurs affaires de moeurs impliquant des lycéennes, que l'agresseur présumé soit un professeur ou un autre membre du personnel éducatif. Selon Laurent Bessueille, l'utilisation des réseaux sociaux constitue un facteur de risque supplémentaire .

Le proviseur vie scolaire conseille et accompagne les équipes dirigeantes des établissements en cas de situations de violences sexuelles commises sur des élèves. Les personnels de direction des établissements sont rarement confrontés à ce type de situation au cours de leur carrière. Ils ont donc besoin d'un référent vers qui se tourner.

Les signalements passent généralement par une révélation de l'enfant ou de sa famille à un membre de l'établissement (professeur, conseiller principal d'éducation, infirmière scolaire, psychologue), oralement ou plus rarement par courrier. Les élèves ont en effet tendance à se tourner vers une personne en qui ils ont confiance. Parmi les cas rapportés, on ne déplore aucun viol. Il s'agit souvent d'agressions sexuelles ou de propositions à caractère sexuel. La personne à qui l'élève se confie se tourne ensuite vers le chef d'établissement.

Les faits rapportés peuvent concerner des regards appuyés, une certaine proximité physique, une situation embarrassante difficile à caractériser. Dans ce cas, le rectorat s'efforce de recouper les informations avec d'autres témoignages et d'en parler à la personne mise en cause, en la mettant en garde et en l'appelant à faire preuve de vigilance dans son comportement. Il ne s'agit pas de condamner sans preuve une personne soupçonnée, mais de la mettre en garde sur une attitude qui manquerait de professionnalisme.

Lorsque plusieurs témoignages concordent, les services du rectorat demandent aux équipes éducatives concernées de rédiger un rapport pour la rectrice, en respectant le principe du contradictoire . En fonction des éléments recueillis, se pose la question du signalement au procureur . Il existe désormais un correspondant justice dans chaque rectorat. Une procédure disciplinaire est ouverte parallèlement à la procédure judicaire , même si le rectorat attend le feu vert de la justice pour aller plus loin et entendre à son tour les personnes impliquées. Le rectorat coopère avec la justice pour les besoins de l'enquête.

Ces situations restent rares et sensibles pour les chefs d'établissement . Le rectorat s'efforce de s'adapter à chaque cas pour gérer au mieux les dossiers. Par ailleurs, les cas de dénonciation calomnieuse, bien que rares, existent aussi . À cet égard, les professeurs d'éducation physique et sportive (EPS) sont plus exposés que d'autres, en raison des contacts physiques qui peuvent survenir dans le cadre des activités sportives (par exemple les parades en gymnastique).

Sur ce point, Thierry Dosch a indiqué que le message actuel adressé au corps enseignant était d'éviter tout contact physique avec un enfant, hors situation d'urgence (malaise, bagarre entre deux élèves...). En EPS, un professeur doit expliquer à l'élève pourquoi et comment il peut y avoir un contact physique. De surcroît, les élèves sont de plus en plus sensibilisés au respect du corps, dès l'école primaire.

Laurent Bessueille a par ailleurs précisé que le rectorat se montrait vigilant dans les internats et dans les sections sport, où l'on constate une banalisation des agressions sexuelles , considérées à tort comme des pratiques traditionnelles (bizutage...). Il promeut une politique de tolérance zéro sur ce sujet .

En cas de signalement, lorsqu'il y a suffisamment d'éléments à charge, la rectrice suspend la personne incriminée, à titre conservatoire , pour une durée de quatre mois . Il est rare que l'affaire soit résolue à l'issue de cette période de suspension. L'enseignant peut alors être affecté en zone de remplacement. Lorsque les faits sont graves, le rectorat lui interdit tout contact avec des enfants.

Aujourd'hui, le réflexe du signalement est bien ancré . Il est rare qu'un adulte recueillant la parole d'un enfant la garde pour lui. Le personnel d'encadrement bénéficie d'une formation sur le sujet. Cependant, les réticences à signaler peuvent exister quand les faits ne sont pas suffisamment caractérisés.

Une application informatique permet de signaler tout fait grave survenant dans un établissement, ce qui permet de faire remonter l'information au rectorat et au ministère . Les situations mentionnées dans cette application ne relèvent pas que des agressions sexuelles. Cela peut concerner des faits de racisme ou encore des atteintes à la laïcité.

Les données contenues dans cette application sont conservées trois mois par le ministère, un an par le rectorat et cinq ans par l'établissement. Il n'est pas possible d'effectuer des comparaisons entre établissements selon le nombre d'incidents signalés, ce qui est un garde-fou important car la crainte d'être stigmatisé pourrait limiter les déclarations d'incidents .

Thierry Dosch a souligné que le rôle du rectorat était aussi d'accompagner les jeunes victimes et d'orienter les familles. De ce point de vue, si le personnel éducatif n'est pas toujours suffisamment formé à la détection, il est en mesure d'écouter et d'accompagner les jeunes victimes , notamment dans le secondaire (infirmières scolaires, psychologues). Selon lui, les professeurs des écoles sont très sensibles à ces questions en maternelle, en lien avec les inspecteurs de l'Éducation nationale.

En outre, la loi prévoit un examen de tous les enfants de six ans par le médecin scolaire. Dans les faits, cette visite n'est pas garantie dans tous les établissements . Confronté à une pénurie de médecins scolaires, le rectorat privilégie les quartiers prioritaires REP +.

Dans le secondaire, un comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) doit être mis en place dans chaque établissement. Il peut constituer un lieu adéquat pour discuter de ces sujets. Il s'agit de recouper différentes informations pour les croiser. La détection des situations à risque peut aussi passer par le professeur principal.

De façon plus générale, Laurent Bessueille a indiqué que le rectorat n'hésitait pas à faire remonter des informations préoccupantes sur des suspicions de maltraitance d'enfants . En effet, les situations de violences intrafamiliales sont bien souvent révélées à l'école car les enfants s'y sentent en confiance.

Il a souligné que la communication entre le rectorat et l'autorité judiciaire s'était beaucoup améliorée alors que par le passé, les échanges étaient plus rares.

Enfin, il a précisé que le rectorat souhaitait rédiger un livret de sensibilisation à l'attention des assistants d'éducation.

Dans un second temps, les membres de la délégation ont rencontré trois représentants de la communauté enseignante : M. Christophe Franceschi , responsable syndical ; Mme Véronique Minday, principale de collège ; Mme Marie-France de la Salle, enseignante, spécialiste de l'éducation à la sexualité.

Selon Christophe Franceschi, il est important de disposer de toutes les informations sur une situation et de prendre la mesure des événements avant de procéder à un signalement.

Du point de vue de la prévention, les moyens de détection doivent être adaptés à chaque âge . La récurrence de l'information et de la formation est importante : une sensibilisation des enfants par imprégnation est sans doute plus efficace qu'une intervention ponctuelle.

En outre, l'une des difficultés à laquelle on peut se heurter dans le traitement de ces situations tient au fait que les personnes qui doivent statuer sont bien souvent aussi celles qui ont contribué à les mettre en place. Prendre une sanction implique donc en quelque sorte de se déjuger. C'est pourquoi Christophe Franceschi juge préférable que les gens qui mènent l'enquête et décident de la sanction soient distincts de ceux qui gèrent les personnels au quotidien.

Selon lui, les violences sexuelles restent un sujet tabou dans l'Éducation nationale . Celui qui dénonce la maltraitance des enfants peut être victime de freins dans sa carrière. Pour autant, il a reconnu que l'académie de Lyon était motrice dans les actions menées à ce niveau. Elle a mis en place de bonnes pratiques qui mériteraient d'être diffusées.

Selon Marie-France de la Salle, les enseignants sont bien souvent démunis pour traiter ce genre de situations . Elle préconise un renforcement de la formation initiale sur le volet « éducation à la sexualité et développement psychosexuel de l'enfant ». Elle considère que l'éducation à la sexualité a aussi pour objet la prévention des agressions sexuelles. Bien souvent, les enseignants ne connaissent pas les procédures et sont amenés à discuter de tel ou tel cas en salle des professeurs. Ils manquent de référents et ignorent leurs obligations au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Pourtant, le code de l'éducation dispose que toute personne au contact des jeunes doit suivre une formation à ces notions de violences sexuelles mais les séances prévues seraient rarement mises en place ou de façon incomplète. Selon Marie-France de la Salle, il faut former les adultes pour qu'ils travaillent, de façon adaptée à l'âge des enfants, sur ces sujets. Pour les plus jeunes, ces notions peuvent être abordées sous forme de jeux ou d'albums. Si les outils ne manquent pas, c'est la formation initiale et continue des enseignants qui est insuffisante sur ces sujets . Dans la formation actuelle, il n'existe qu'un seul module, facultatif, sur l'éducation à la sexualité, dont trois heures concernent le développement psycho-sexuel de l'enfant. De surcroît, Marie-France de la Salle a regretté la disparition annoncée de l'éducation à la santé dans la formation proposée par les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Elle a rappelé que plusieurs guides étaient accessibles sur l'intranet de l'Éducation nationale. Dans certains établissements, les personnels médico-sociaux jouent un rôle de sensibilisation. Elle a suggéré qu'il puisse y avoir un rappel à toute l'équipe enseignante sur ces sujets, à chaque début d'année scolaire .

Selon Christophe Franceschi, les enseignants seront rarement confrontés à une situation de violences sexuelles commises sur un mineur au cours de leur carrière. Des modules de formation initiale et continue qui aborderaient notamment la détection seraient donc utiles, en permettant une vigilance accrue des personnels sur ces questions. Il estime qu'il faudrait travailler plus particulièrement sur la détection des signes précurseurs.

Par ailleurs, il lui semble nécessaire de former l'ensemble du personnel éducatif , c'est-à-dire les enseignants, mais aussi les personnels d'encadrement et de direction et les surveillants. Il a relevé à cet égard que les personnels TOS étaient particulièrement peu formés et sensibilisés à la question des violences sexuelles.

Pour sa part, Véronique Minday a indiqué que les surveillants devront suivre une formation obligatoire à partir de novembre, laquelle pourra aborder ses sujets en insistant sur la nécessité de ne créer aucune familiarité ou intimité avec les élèves.

En outre, Christophe Franceschi a souhaité que l'administration sanctionne tout comportement ambigu de la part d'un enseignant, car c'est une source de dérives possibles, et donc de danger pour les enfants. Il a par ailleurs observé que les agressions sexuelles commises par des femmes sont très rarement révélées.

Véronique Minday a estimé que la présence d'une infirmière et d'une assistante sociale au sein des établissements était utile pour le recueil de la parole . Dans son collège qui compte 870 élèves, elle dispose d'une infirmière à 80 % et une assistante sociale est présente trois jours par semaine.

Elle a évoqué le cas d'une plainte de parents contre un professeur du collège, qu'elle a dû gérer en tant que chef d'établissement. Elle a été informée par le commissariat de police. Elle a souhaité canaliser la rumeur pour protéger l'adolescente et le professeur impliqués. Au bout du compte, l'enquête a abouti à un non-lieu. Elle a fait part des difficultés qu'elle a rencontrées pour traiter cette situation.

Véronique Minday a précisé qu'elle effectuait régulièrement des signalements sur des informations préoccupantes, en lien avec le médecin scolaire . Les révélations sur des violences sexuelles concernent très majoritairement le milieu familial.

Concernant les séances d'éducation à la sexualité, Véronique Minday a indiqué que la présence du CSEC dans chaque établissement permettait de discuter du programme des quatre niveaux du collège pour couvrir les besoins des enfants sur ces questions. Les séances sont dispensées par des professeurs formés à ces questions ou par des intervenants extérieurs . Par exemple, le Planning familial intervient dans les classes de troisième. Elle a souligné que les interventions extérieures étaient rémunérées, ce qui demande des moyens. En outre, cela pose la question de la qualification des associations qui effectuent les séances d'éducation à la sexualité . Les interventions extérieures nécessitent un agrément. Certaines associations ont une convention avec le ministère, ce qui garantit leur expertise sur le sujet. Mais ce n'est pas toujours le cas. Or il est important que les personnes intervenant dans les écoles soient suffisamment formées.

Marie-France de la Salle a fait observer que davantage de moyens étaient déployés dans les collèges et lycées que dans les écoles du premier degré pour mettre en place l'éducation à la sexualité. Or, les premières années sont fondamentales : plus on sensibilise tôt les jeunes, plus le discours sera intégré et susceptible de les rendre vigilants à toute forme de violence.

Marie-France de la Salle a alerté sur un phénomène inquiétant : 90 % des élèves de troisième ont déjà regardé des vidéos pornographiques sur Internet. Elle a expliqué qu'elle faisait travailler les élèves sur les images véhiculées par la publicité, imprégnées de standards pornographiques, ainsi que sur les stéréotypes de genre concernant les rôles respectifs des hommes et des femmes et les métiers. Selon elle, il est important de ne pas cloisonner les domaines mais au contraire, de donner du sens en attachant les thèmes à la vie quotidienne des enfants. En outre, il lui paraît nécessaire de faire davantage de pédagogie auprès des parents sur l'éducation à la sexualité. Elle a regretté à cet égard que certains parents ne mettent pas leur enfant à l'école pour des raisons religieuses, quand ces séances sont annoncées à l'avance.

Au cours d'une troisième séquence, les membres de la délégation ont échangé avec la directrice des affaires juridiques et avec la directrice des ressources humaines de l'académie de Lyon .

L'académie de Lyon, qui emploie plus de 50 000 personnes, s'est dotée de procédures pour gérer les situations de violences sexuelles commises par des majeurs sur des mineurs . De ce point de vue, l'affaire de Villefontaine de 2015 a constitué un tournant majeur. L'année 2015 a en effet marqué le début de la sensibilisation et on en ressent aujourd'hui tous les effets.

Des correspondants justice ont été mis en place en 2015 et 2016 et le ministère de l'Éducation nationale a lancé une vaste consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du FIJAIVS pour vérifier l'intégrité de ses personnels.

Agnès Moraux a souligné que les relations avec la justice étaient plus fluides que par le passé et que la communication pouvait se faire sans formalisme, garantissant ainsi une bonne réactivité.

Le rectorat a observé beaucoup de signalements depuis la rentrée 2018-2019, ce qui pourrait témoigner d'une plus grande vigilance des familles et des personnels éducatifs et médicaux sur ces questions.

Stéphanie de la Salle a souligné que l'académie était particulièrement mobilisée sur la question des violences sexuelles. À la moindre alerte, le rectorat déclenche sans tarder des procédures formalisées . Agnès Moraux a indiqué qu'il n'y avait pas de suspension systématique en cas de plainte , même si c'était le cas dans la majorité des affaires. Avant toute décision de suspension, les services recueillent des éléments pour disposer d'une vision plus précise des faits qui sont reprochés.

La personne soupçonnée est suspendue à titre conservatoire pendant quatre mois , afin d'avoir le temps de recueillir des éléments et des témoignages, tout en assurant la sécurité des enfants . Il est fréquent que les enseignants suspendus se mettent en congé maladie, ce qui allonge de fait la durée de la période de suspension.

Indépendamment de la procédure judiciaire, le rectorat peut lancer une procédure disciplinaire s'il estime que la personne incriminée a commis une faute professionnelle . Les sanctions sont plus lourdes que par le passé pour ce type de comportement.

Stéphanie de Saint Jean et Agnès Moraux ont estimé qu'un allongement du délai de quatre mois prévu pour la suspension pourrait présenter un intérêt . En effet, il est rare que les procédures judiciaires et disciplinaires aient pu aboutir dans ce délai.

Stéphanie de Saint Jean a rappelé que le statut des fonctionnaires avait été modifié en 2016 pour renforcer l'exigence déontologique de probité et d'irréprochabilité et qu'un arrêt du Conseil d'État de 2018 avait consacré ce principe de probité, en disposant que les enseignants, dans leurs relations avec les mineurs, sont tenus à une obligation d'exemplarité et d'irréprochabilité.

Tous niveaux confondus, secteur public et privé compris, le nombre de conseils de discipline annuels sur des faits de violences sexuelles a varié entre sept et neuf au cours des trois dernières années . La rectrice préside en personne tout conseil de discipline portant sur une affaire de moeurs, ce qui témoigne de l'implication du rectorat au plus haut niveau sur ces questions.

Agnès Moraux a précisé que le volet disciplinaire relevait de l'académie pour ce qui concerne le personnel enseignant ; en revanche, c'est le ministère qui instruit les dossiers relatifs à des proviseurs ou des principaux. En raison de cette distinction, les statistiques de l'académie sur les affaires de moeurs ne font pas état des éventuelles situations qui impliqueraient des personnels de direction . De la même façon, certains agents techniques relèvent de l'académie, d'autres des collectivités territoriales. S'il arrive que les personnes sanctionnées exercent un recours contre le rectorat, il est rare qu'elles obtiennent gain de cause.

Enfin, Stéphanie de Saint Jean a souligné que la gestion des situations pouvait varier selon le niveau considéré (école élémentaire ou second degré) : il est peut-être plus facile de faire remonter les informations dans les collèges et les lycées, car les proviseurs, membres du personnel de direction, sont dans l'ensemble mieux formés que les directeurs d'école, qui ont le même statut que leurs collègues enseignants.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page